A propos du "A"

 

"A" (ou "an" devant une voyelle ou un "h") est un préfixe d'origine grecque entrant dans la composition de nombreux mots pour exprimer l'idée d'absence, de privation ("a" dit privatif) : amoral, analgésique, apolitique…, anarchie, anarchiste, athée, athéisme…

L'idée d'absence renvoie à un état de manque, d'incomplétude, d'inachèvement, de perte… Celle de privation – au sens de priver de – en fait de même, mais rajoute une autre idée, celle du manque ou de la perte de la possession, de la jouissance de quelque chose.

Dans le langage scientifique, un tel préfixe "privatif" n'emporte aucun jugement ; il permet de caractériser un état, une qualité, un phénomène, un évènement… par rapport à un autre. Ainsi, "anhydre", en chimie, caractérise l'absence d'eau sans pour autant "juger" cette absence d'eau et, ainsi, considérer qu'il s'agit là d'un état… "anormal", "négatif", "régressif", "dégénératif"…, en somme l'état… contraire de l'état… normal qui, lui, serait hydrique.

En revanche, dans le langage courant mais également dans les discours politique, philosophique, moral, médiatique, éducatif…, ce préfixe caractérise la plupart du temps un état d'…"anormalité" parce que de manque, d'incomplétude, d'inachèvement, de perte, de privation, de régression, de récession… Ainsi, par exemple, la "norme" serait le théisme et l'anormalité serait l'athéisme !

L'anormalité ainsi posée est celle de la monstruosité qui est la caractéristique, d'abord, de ce qui est "hors du commun, de l'ordinaire" (extraordinaire) et donc de ce qui dépasse les limites de ce que l'on peut imaginer, concevoir, admettre, tolérer… et, enfin, de ce qui est laid, horrible, insupportable. Cette anormalité n'est pas celle de l'objectivité dans l'acception scientifique du terme, mais celle de la subjectivité, de la re-présentation, de la conception, de la conviction, de l'"idée"…, autrement dit de… l'idéologie dont la forme la plus achevée est la religion, que celle-ci soit "sacrée" (au sens strict de religieux) ou profane (et, notamment, politique).

Cette anormalité, on le voit, n'est pas celle de la science qui, lorsqu'elle fait usage du "a", n'émet aucun jugement et ne pose donc aucune normalité même si, en vertu de telle ou telle loi (au sens scientifique, bien entendu), elle peut faire référence, ce faisant, à une… norme.

Dans le discours idéologique, le préfixe "a" est réellement… privatif. Ainsi, l'athéisme est tout à la fois le fait de nier l'existence de dieu ou des dieux [Rappelons qu'il y avait déjà des athées dans l'Antiquité et que, déjà, bien souvent, ils-elles étaient voué(e)s à la mort ou, pour le moins, au bannissement] et l'état d'incomplétude (d'impureté, de péché…) dans lequel vit l'athée. De même, l'anarchie est, en même temps, le refus, la négation de toute autorité (primitivement, du chef) et l'état de désordre, de chaos, d'incohérence… résultant de l'absence d'autorité, d'ordre.

Une telle acception est bel et bien une signification au sens où elle pointe du doigt, accuse, condamne, réprouve, voue à la vindicte… et, in fine, signifie, au sens juridique et, plus précisément, judiciaire, du terme, un… jugement. Lourdement chargée de sens venant en déduction d'une normativité, laquelle résulte elle-même, d'une normalisation ex ante, cette acception, en somme, trace la "frontière" entre l'autorisé et l'interdit qui sont l'image ordonnée (et, singulièrement… légale, policière, administrative…) du sacré et du tabou, du divin et du démonique, du beau et du laid, du vrai et du faux…

La qualification d'athée ou d'anarchique (ou anarchiste) d'une personne ou d'un groupe de personnes, de tous temps, a été et continue d'être lourde de conséquences puisque, en toute logique, pour préserver la norme et, partant la normalité, autrement dit l'ordre, elle autorise la "suppression" du facteur "troublant", la suppression, en matière humaine, étant souvent la mise à mort du… monstre.

L'athée et l'anarchiste revendiquent fièrement cette "monstruosité" puisqu'il-elle ne se reconnaissent dans la normalité que les "normant(e)s"  veulent (leur) imposer, considérant au contraire que cette anormalité n'est pas dans… l'ordre naturel des choses et, plus exactement, n'est pas conforme à l'"essence" humaine de l'individu comme du groupe, ladite essence, pour être réalisée – incarnée – présupposant et impliquant la liberté, l'égalité et la fraternité de l'Un ET de l'Autre. Ce faisant, l'athée et l'anarchiste, s'il-elle opposent bien un refus, une négation, une révolte, une opposition… à un ordre qui n'est pas humain pour, le privant (lui retirant, en supprimant) de ce qui le rend inhumain, a-humain, non tant l'anéantir, que lui substituer un ordre [au sens d'état, sans aucune référence à une autorité, humaine ou pas] véritablement humain. Ainsi, s'ils portent bien un sens (signification et orientation) privatif, leur stature, leur attitude, leur action, leur comportement, leur projet… leur être proposent aussi une… alternative, un "modèle" (au sens scientifique) différent, un autre… possible.

Autrement dit, l'athéisme et l'anarchisme peuvent et, bien sûr, doivent, se comprendre autrement que comme l'opposition à un ordre divin et profane donné et, plus encore, que l'incomplétude, l'abjection, l'exclusion, la déchéance, la perte… qui caractériseraient l'inverse – le… renversement – de la normalité que serait cet ordre. Ils doivent s'entendre et se vivre comme l'affirmation d'une humanité revendiquée et pleinement assumée tant pour soi que pour l'Autre !

En rappelant au passage que "a" est aussi l'élément sémantique qui, venant du latin "ad" (vers) marque la destination, la direction, le but à atteindre, le passage d'un état à un autre et se décline en "ad", "ac", "af", "ag", "al", "an", "ar", "as" et "at" (amener, alunir, adoucir…, on peut et doit considérer que le préfixe "a" est le signe d'une… altérité qui ne se construit pas par déduction de et opposition à une soi-disant normalité mais par le choix que l'on fait de naître à son humanité et d'œuvrer à la naissance de celle des autres; de tou(te)s les autres.

Loin de moins l'idée de vouloir, par peur, "timidité", honte, scrupule, esprit de marketing… me débarrasser de ce préfixe et ne plus m'affirmer et me revendiquer athée et anarchiste, dès lors que sous le drapeau de cette révolte humaine par excellence que sont l'athéisme et l'anarchisme ont été menés les plus beaux combats pour le triomphe de l'anarchie et donc de… l'humanité et que c'est bien sous la couleur noire de ce drapeau que continuera de s'inscrire ma vie mais, tout simplement, cette proposition : admettre désormais pour nous, athées et anarchistes et faire admettre par nos "opposant(e)s, "négateurs-trices", que , relativement aux dieux et aux ordres, on peut vivre… sans dieu et sans maître et que, d'ailleurs, il n'y a d'humain que sans dieu et sans maître.

Juste une petite chose sous la forme d' un… clin d'œil : le "A", lettre initiale de l'athéisme et de l'anarchisme, peut géométriquement naître de la rencontre fortuite d'une règle et d'un compas !

 


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