Anarchisme et individualisme

 

Il est pour ainsi dire de tradition d'opposer individualisme à collectivisme (ou communisme) comme deux frères ennemis de la famille anarchiste.

C'est là, à mon sens, un faux débat, une fausse opposition.

En effet, pour reprendre une image, l'anarchisme a deux jambes : l'anti-autoritarisme et le communisme.

L'anti-autoritarisme, c'est, comme son nom l'indique, le refus de toute autorité, de tout pouvoir de contrainte. C'est considérer qu'il n'y a d'humanité que dans la liberté et qu'il n'y a donc d'être humain que libre, qu'aucun être humain ne sera véritablement libre tant qu'un seul autre être humain ne le sera pas puisque la liberté est absolue ou… n'est pas. C'est au nom de cet anti-autoritarisme que l'anarchisme a pour projet d'anéantir l'État en vue de l'instauration d'une société enfin véritablement humaine parce que fondée sur la liberté de l'Un(e) et de tou(te)s.

Cet anti-autoritarisme ne doit pas faire accroire que le refus de toute autorité débouche inévitablement, mécaniquement sur… l'"anarchie", au sens péjoratif du terme, c'est-à-dire le bordel, le chaos… dans la mesure, au contraire, comme le disait Élisée reclus, "l'anarchie est la plus haute idée de l'ordre, puisqu'elle est l'ordre sans le pouvoir".

En mettant l'accent sur la liberté comme essence de l'humanité, l'anarchisme n'instaure pas pour autant un quelconque "culte" de l'individu. En particulier, il n'édicte pas l'égoïsme, au sens bourgeois et donc capitaliste du terme, comme "règle de conduite", comme "norme comportementale". Il faut relire Max Stirner et cesser de lui faire dire ce qu'il n'a pas dit. Son livre ""L'Unique et sa propriété" n'est pas le chant exacerbé de l'égoïsme ; il est la critique, sans doute la plus radicale, de l'État et donc de l'Autorité !

Toutefois, à ne considérer que la seule liberté de l'individu, laquelle n'est pas limitée, mais, au contraire, prolongée  par celle de l'Autre – une liberté limité n'est pas la liberté ; elle est une franchise, une tolérance, une permissivité… une liberté surveillée, contrôlée, mesurée, amputée… - , le risque est de tomber dans un certain travers, un certain "déviationnisme : le "libertarianisme", l'anarcho-syndicalisme qui n'est jamais que la loi de la jungle, d'une jungle particulière, celle du capital.

C'est pourquoi, même s'il admet que rien ne peut limiter la liberté de l'individu et, a fortiori, le contraindre à quoi que ce soit, l'anarchisme "tempère", "modère" l'usage abusif que l'on pourrait être tenté de faire de sa liberté en associant l'Égalité et la Fraternité à la Liberté.

L'Égalité, c'est, d'un point de vue anarchiste, le… communisme, c'est-à-dire la propriété collective des moyens de production, des ressources naturelles et des services au public et, faut-il le rappeler, aucunement la collectivisation des biens d'usage et, a fortiori, des… personnes (!!!). Cette égalité économique est la (seule) condition d'une égalité sociale au sens, par exemple, où l'Égalité est entendue par la Déclaration Universelle des droits de l'Homme. Elle ne suppose pas pour autant une quelconque uniformisation des gens au niveau de l'habillement, de l'alimentation, de la pensée, des loisirs… puisque, faut-il aussi le rappeler, pour l'anarchisme la différence de l'Autre m'enrichit et que, à bien réfléchir, ce que les gens ont de commun ce sont… leurs différences :!

L'expérience historique montre que ce n'est ni la Loi , ni le Gendarme, autrement dit que ce n'est pas l'Autorité, sous quelque forme que ce soit, qui permettent de garantir la Liberté et l'Égalité de tout un(e) chacun(e), sans la moindre exclusive, partielle ou totale. Il n'y a de garantie de la liberté et de l'égalité de l'Autre par l'Un(e) – et, réciproquement – que s'il y a respect de l'Autre – idem -. Et ce respect de l'Autre, lorsqu'il est premier, a priori, sans réserve, absolu…, c'est… la Fraternité.

Être anarchiste, c'est donc être individualiste, relativement à l'essence de l'humanité qu'est la Liberté mais c'est aussi être communiste, relativement à la propriété, pour faire simple, de l'infrastructure économique de la société et, enfin, être humaniste pour garantir la première Et la seconde :

 

"La liberté comme base, l’égalité comme moyen, la fraternité comme but".

Ricardo Mella in "El idéal anarquista"

 

Anar JC le mécréant


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