Apologie du vice

La croyance religieuse implique un acte de foi – que l'on fait ou que l'on subi du fait d'un tiers – qui est d'autant moins un acte de raison qu'il emporte renoncement à su humanité. C'est donc un acte qui relève de l'irrationnel en raison même de ce qu'il est… contre nature, nature autant naturelle qu'humaine.

Toute religion prône, prescrit et, si besoin est, impose des vertus qui sont les traits de caractère et de comportement que le fidèle doit pratiquer pour pouvoir rester dans le troupeau, ces vertus étant, en quelque sorte, les propriétés du troupeau : propriétés de reconnaissance des fidèles qui, dans la reconnaissance  qu'ils ont chez les autres, s'identifient mutuellement comme fidèles, c'est-à-dire comme membre du même troupeau ; mais aussi propriétés d'exclusion car ceux/celles dans les lesquels/les les fidèles ne retrouvent pas ces signes d'appartenance identitaire sont, nécessairement, étrangers au troupeau, voire même en sont ses ennemis.

Mon humanisme, humain[1], athée et libertaire, n'a aucune vertu mais des vices. Des vices que je revendique et que j'assume pleinement. Des vices que je cherche même à encourager chez les autres car la sagesse humaniste consiste justement à entretenir et à développer ces vices, sachant qu'une vie, d'un point de vue humaniste, aura été d'autant plus et mieux remplie qu'elle aura été vicieuse.

Ainsi, aux vertus religieuses j'oppose les vices humanistes.

Je vais m'efforcer de dresser le tableau de cette opposition, étant précisé que pour éviter d'inutiles – et peut-être vaines complications stylistiques – je vais faire cela d'une manière aussi simple que possible, c'est-à-dire sous la forme d'un tableau, non ordonnancé, à deux colonnes.

Les vertus religieuses

Les vices humanistes

Une des premières vertus religieuses est la piété qui est l'attachement respectueux au troupeau et à ses bergers. C'est donc le renoncement à son individualité, à son unicité. La personne pieuse par excellence est celle qui se fond dans le troupeau, qui ne s'en distingue pas. Mon vice est l'impiété : je ne suis attaché à rien ni personne. Je ne suis respectueux de rien ni de personne car je n'estime rien ni personne puisque je reconnais toute chose et chacun. Je ne renonce ni à mon individualité, ni à mon unicité ; au contraire, je les affirme. Je ne me fonds dans aucune troupeau car je n'appartiens à aucun troupeau. Je n'appartiens même pas à l'humanité qui serait une sorte de tout qui me transcenderait et me nierait dans mon individualité et mon humanité. En moi, se reconnaît toute l'humanité dés lors que j'affirme et assume mon humanité et que je reconnais tous les humains pour ce qu'ils sont. Réciproquement, je reconnais l'humanité en chacun puisqu'en chacun je reconnais son humanité et en même temps la mienne. Bien entendu, je m'attache à me distinguer de toute chose et de chacun puisque je ne saurais me confondre avec quoi ou qui que ce soit, sauf à renoncer à être moi-même.
La bonté est cette vertu qui consiste à tendre l'autre joue quand la première a été giflée, à aimer son bourreau. A accepter le mal que l'on reçoit comme un don de dieu, don de récompense au sens où la douleur subie par le corps serait une élévation de l'âme (!?!), don du châtiment pour la faute – le péché – commise contre dieu. J'ai le vice de la méchanceté puisque je ne reconnais à personne le droit de me faire quelque mal que ce soit, physique ou moral, tout comme je ne me reconnais aucun droit à faire du mal à qui que ce soit. J'ai cette méchanceté particulière de me reconnaître le droit de m'opposer, au besoin par la force, à l'oppression. Ma méchanceté est celle du droit à la rébellion, à l'insoumission, à la résistance, à la désobéissance. J'ai encore cette méchanceté de dire que je n'ai qu'un seul juge : ma conscience. Le mal n'est pas un don : il est une souffrance infligée. Ma méchanceté est celle du bien, pas du mal parce qu'elle est le refus de la souffrance.
Le fidèle est celui qui, avec constance, fait acte de soumission à son dieu et à l'église de son dieu. L'insoumission est une autre forme du renoncement à soi-même. La soumission, c'est vivre couché quand d'autres préfèrent mourir debout. La soumission, c'est l'art de se mettre en-dessous, là où l'on n'est pas mais où l'on subit tout. Je prône l'insoumission à quelque ordre que ce soit dès lors qu'il se fonde sur l'Autorité, l'oppression, la répression, la violence, la force. Je suis, par nature, insoumis à toutes choses que je ne reconnais pas comme acceptables. Je ne me soumets qu'à ma seule liberté, qui est celle de ma dignité humaine. Je récuse toute soumission, même sous la forme d'un compromis, qui emporterait renoncement à moi-même. Je suis insoumis parce que… je suis.
L'obéissance est cette particularité qu'ont les fidèles de ne rien faire, dire, entendre, penser… sans ordre et cette particularité qu'ont les gardiens de l'ordre religieux de ne savoir qu'aboyer des ordres, leurs ordres. L'obéissance, c'est l'allégeance de l'obéissant et, en même temps, c'est la dépendance du donneur d'ordres qui ne sait pas/plus rien faire de lui-même. Je n'ai pas d'ordre à recevoir de qui que ce soit car je ne reconnais aucun d'ordre. Il s'ensuit que j'ai ce vice de la désobéissance poussé jusqu'à l'extrême : le refus et, tout simplement, l'impossibilité de donner quelque ordre que ce soit à qui que ce soit. La désobéissance, cette sagesse subtile et raffinée du… désordre. La désobéissance est cette forme de ma dignité humaine qui ne me fait reconnaître d'autre autorité que ma conscience et qui, ainsi, à la morale, qui est toujours celle des autres et qui se fonde toujours en autorité et non en raison, substitue l'éthique. Mon éthique.
Le croyant est docile : il va là où le berger le conduit, au pâturage, comme à l'abattoir. Le croyant est grégaire : il n'est que par le troupeau puisqu'il a renoncé à son unicité alors même que le troupeau n'est pas autre chose que sa mort à lui-même. L'humaniste est rebelle : il ne suit que son instinct, son plaisir, ses désirs, ses envies, ses besoins… Libre, il ne fait que des choix. L'humaniste est solidaire car il sait que sa liberté n'est effective que pour autant que les autres sont également libres.
La croyance religieuse implique le renoncement à/de soi et l'effacement devant le sur-moi : le maître. L'humanisme naît avec l'affirmation de soi. Il n'a pas de prédicat, seulement un sujet : Moi. Moi, l'unique et pourtant l'universel puisque je me reconnais dans chacun. Moi, l'infidèle. Moi qui ne suis et ne serai d'aucun troupeau.
Une pratique courante et constante chez le croyant et, plus particulièrement, chez les gardiens du troupeau est de lancer des anathèmes contre les fidèles qui auraient tendance, par négligence ou, plus grave encore, par intention, de se distinguer du troupeau, de sortir de ces rangs serrés, de douter des ordres reçus avant de les exécuter… Des anathèmes sont également lancés contre celles et ceux qui, à raison de leur seule différence, sont une menace pour le troupeau et l'ordre qui prétendent incarner la norme universelle de ce qui doit être. Plus qu'un avertissement, l'anathème est une menace. Une menace de châtiment, de mort. Certains spécialistes de l'anathème – les membres de l'Inquisition, les gardiens de l'Index, les fous de dieu, les gardiens de la foi… - sont des véritables escadrons de la mort : ils anathémisent plus vite que leur ombre et assassinent leurs victimes avant même que celle-ci ait pu se rendre compte qu'elle était… anathémisée. L'humaniste mécréant que je suis a ce vice particulièrement jubilatoire d'aimer proférer des blasphèmes. En effet, considérant que le respect de la personne n'emporte pas obligation de respect de convictions qui ne son pas les miennes et qui sont même contraires non seulement à mes propres convictions mais, plus généralement, à la dignité humaine elle-même, je me reconnais le droit d'exercer pleinement ma liberté de conscience, de pensée et d'expression et, par conséquent, de blasphémer. Je reconnais même que le blasphème m'est un devoir puisqu'il a pour objet d'interpeller l'autre, dans une forme de violence nullement dolosive, de l'éveiller au doute et, si possible, de l'amener à faire ce premier pas vers la liberté et le recouvrement de sa dignité humaine : la libération de son aliénation. Le blasphème est une arme/méthode de la critique de la raison pure. Il est l'art du discours et de l'action d'un militantisme assumé. A la différence de l'anathème, le blasphème n'a jamais été entaché du sang de quelque victime que ce soit. Le blasphème est une invitation à la fête et à la vie, pas au deuil et à la mort.
Le finalisme religieux, qui se déduit de la création divine, conduit nécessairement au fatalisme : la vie n'est pas un devenir mais un destin auquel on ne peut échapper et dont on peut, tout au plus, sortir pour accéder à la vraie vie qui n'est ni naturelle ni réelle, mais surnaturelle et idéelle : le néant. Pour l'humanisme, il n'y a de vie et d'humanité que dans la liberté. C'est pourquoi, l'humaniste n'est jamais résigné mais toujours indigné, révolté. Il n'est pas de l'acceptation mais de la contestation. Il ne subit pas et ne fait pas subir mais agit et appelle à agir.  Sa raison lui permet de jouer de la nécessité et du hasard.
Pour la religion, l'inégalité, la pauvreté, la misère, la nécessité… sont une fatalité puisqu'elles résulte de la volonté de dieu. Elles sont, en quelque sorte, la récompense d'un démérite. Au regard de ce qui, pour d'autres constituent une injustice, la religion fait dans l'atténuation, qui n'est ni une véritable réparation/remédiation, ni, bien sûr, une action sur les causes de ces états. Cette pieuse action s'appelle : la charité. L'humanisme considère que la charité est une offense faite à la dignité humaine de celui qui la reçoit. Elle est humiliation de celui à qui on donne parce qu'on lui dénie sa capacité de donner et qu'on ne lui reconnaît aucune richesse. Or, même le plus pauvre des plus pauvres, est riche de ses différences, de son unicité et, in fine, de cette ultime et sublime richesse : son humanité. C'est pourquoi, à la charité, l'humanisme préfère le vice de la générosité qui est le partage des différences et qui reconnaît à chacun la capacité d'apporter – de donner – quelque chose aux autres. C'est au nom de cette générosité que j'apprendrai à pêcher à celui qui a faim au lieu de lui donner un poisson à manger chaque jour sans rien recevoir en échange et que lui, de son côté, aura sûrement quelque chose à m'apprendre comme, par exemple, ré-apprendre à sourire du plaisir de l'autre.
Le croyant se vautre dans l'humilité qui est cette fierté pathologique à se complaire dans l'indignité. L'humaniste assume pleinement et superbement sa fierté de bien être dans sa dignité quand il sait qu'y renoncer, s'en déchoir ou accepter d'en être déchu, c'est se résigner à cette maladie mortelle qu'est l'indignité.
La fidélité est l'allégeance que doit un/e dominé/e à un/e dominant/e : l'esclave ou le domestique au maître, la femme au mari (l'inverse peut se trouver mais rarement), l'employé à l'employeur… La relation entre les deux parties est inégale ; elle se fonde sur une autorité, une force, une puissance (économique), une violence, une menace, une promesse (qui n'est jamais tenue), un contrat, une humiliation… Lorsque le dominé la rompt, c'est une trahison qui justifie une punition, un châtiment. Lorsque c'est le dominant qui la rompt, c'est un abandon. La loyauté, au contraire, est une relation réciproque de confiance fondé sur marque mutuelle de respect et résultant de la rencontre, nécessaire ou hasardeuse, peu importe, de deux libertés. Aucune de ces deux libertés ne renonce à elle. Et les deux membres de cette relation ne sont pas des parties mais des êtres humains qui, restant ce qu'ils sont, trouvent dans les différences de l'autre un enrichissement personnel. La loyauté est le partage de différences, non l'assemblage de ressemblances. La loyauté ne se rompt pas et donc ne se trahit pas : elle cesse, au besoin, du fait du retrait d'une des deux libres volontés ou des deux.
L'ordre est une vertu religieuse par excellence. Une place pour chaque chose et une seule place. Cet amour démesuré de l'ordre se traduit par la ritualisation, la réglementation, la routinisation… de tout et de rien. Rien de plus naturel en somme puisque l'aliénation religieuse implique nécessairement sa réification en un ordre totalitaire. L'humaniste, surtout s'il est libertaire, se s'assume dans le désordre qui, en fait, est l'anti-ordre, le refus de l'ordre. L'ordre à tous les sens du terme : commandement, interdiction, organisation de répression et de domination, place fixe et définitive, rang, rangement, immobilisme, ordonnancement… l'ordre est la négation de la liberté. Une liberté ne saurait s'ordonner – se décréter et s'organiser -. Une liberté se prend et s'assume. Et cela ne peut se faire que dans le désordre –non-ordre – sans pour autant que cela fasse désordre pour qui que ce soit !
L'aliénation religieuse est l'anéantissement de l'humain. Sa vertu est donc celle du néant, du vide. A commencer par le néant de la vie puisque la vraie vie n'est pas ici et maintenant mais ailleurs et plus tard. Le néant est l'autel de la mort. A l'opposé, le vice humaniste est celui du chaos car, de même que c'est du choc des atomes que le réel est é, c'est du choc de libertés humaines qu'est née, que se construit et que se développe l'humanité. Le chaos est la matrice de la vie.
La plupart des cosmogonies dites primitives expliquent l'apparition comme un jaillissement du chaos et sont, dans une certaine mesure, de véritables hymnes à la Vie. La cosmogonie monothéiste tire la vie du vide, du néant et, s'agissant de la création humaine, la place immédiatement sous le sceau de la mort puisque, à peine créé, l'être humain, pour cause de péché originel, est déchu de son humanité. Pour l'humanisme, la Vie a jailli du chaos et l'humanité n'a pas été créée mais conquise sur l'animalité, puis construite par les êtres humains eux-mêmes. La mort n'est ni une fin, ni un début mais un état  da la continuité de la vie. Elle est la forme que prend parfois l'énergie vitale. La vie n'est scellée d'aucune marque et, a fortiori, d'aucun stigmate. La vie ne se définit et ne se (re)connaît pas a contrario, mais en-soi, pour ce qu'elle est… la vie.
La religion considère que la souffrance est une vertu soit parce qu'elle est la récompense de dieu qui, du seul fait qu'il l'accorde, témoigne de ce qu'il a distingué, élu, choisi… celle/celui qu'il fait souffrir, soit parce qu'elle est un châtiment de dieu et que sa pleine et sincère acceptation est le premier pas fait vers son salut, soit, enfin, lorsqu'elle est auto-infligée, parce qu'elle est un abaissement, un avilissement du corps et l'élévation de l'âme vers dieu. La souffrance est la vertu – au sens de propriété, de caractéristique… - de l'essence religieuse : la morbidité. L'humaniste, parce qu'il aime la Vie, aime le plaisir. Il considère donc que la jouissance est le meilleure et seule culte qu'il puisse rendre à la vie en général et à la sienne en particulier. La souffrance n'est pas un état normal puisque, du point de vue de la médecine, elle est une pathologie ou,, du moins, le symptôme d'une pathologie. En revanche, la médecine considère que le bien-être est la normalité – au sens de normal et non de normatif – d'un état naturel. Un humaniste, soucieux de son bien-être, aussi bien physique que moral, est donc nécessairement vicieux au point de rechercher systématiquement la jouissance et, lorsqu'il l'a acquise, de l'entretenir, la développer, l'affiner, l'aiguiser…
L'ordre religieux a un goût prononcé pour le bûcher et, plus généralement, pour toutes les formes possibles de mise à mort dans l'arène de ce cirque qu'est le deuil de la vie. L'humanisme est dans la constante improvisation, dans la constante recherche du plaisir et de la jouissance. Il se réjouit de la vie, de sa vie et de celle des autres ; c'est pourquoi, il en fait une fête.
Le croyant ne connaît que des impossibles parce qu'il est constamment soumis à des interdictions, des commandements, des limitations, des prescriptions… Dans le troupeau, sous le poids de l'ordre, à l'impossible, tous sont tenus. L'impossible est la détention carcérale de la croyance religieuse. L'humaniste ne se reconnaît que des possibles parce que sa liberté est celle du choix.  Si besoin, il sait ruser pour s'ouvrir de nouveaux possibles. L'humanisme est une ouverture qui rend impossible toute assignation à quelque résidence – être – que ce soit. Il est un devoir de libération lorsque la liberté est menacée ou que, tout simplement, elle se laisse aller à l'assoupissement. Il ne connaît d'autres chaînes que celle qu'il brise.
L'amour religieux est anthropophage puisqu'il se nourrit de cette viande qu'est l'humain. Cet amour, qui se veut amour du prochain, est, en fait, haine de soi-même et haine des autres puisque le seul vrai amour est celui qui est porté à dieu. Dieu qui n'aime les humains que pour les détruire, les anéantire, les déshumaniser. L'amour religieux est la haine de l'humain qui s'avance masquée. L'humanisme n'est pas amour mais reconnaissance. Il est empathie. Il est reconnaissance de l'autre pour ce qu'il est et non pour ce qu'il n'est pas ou que l'on voudrait qu'il soit. Et il ne reconnaît d'amour que librement partagé. Il n'a pas besoin de masque pour se travestir car il est de l'être et non du paraître. L'humanisme ne se nourrit pas des hommes mais il les nourrit d'une faim et d'une soif de vie sans limite.
Le croyant obéit à une morale qui est un code lui imposant certaines choses et lui en interdisant d'autres. La morale est toujours celle des autres car elle le fait d'un ordre. Une morale ne se discute pas, ne se critique pas, ne se réforme pas… Elle est universelle et éternelle. Souvent immuable aussi. La morale relève de l'obligation et donc de la seule contrainte. L'éthique est constituée des valeurs auxquelles un individu a librement décidé d'adhérer. Même si de nombreuses éthiques se ressemblent, une éthique est toujours personnelle car elle a été construite et continue de se construire par les choix que l'individu a faits et continue de faire. Si elle est universelle dans ses principes, une éthique est toujours particulière, relative en ce sens qu'elle s'adapte toujours au temps et à l'espace puisqu'elle reconnaît nécessairement les autres comme partenaires de l'Un. Une éthique n'est pas immuable car, même si, par les choix que l'on fait, en définitive, elle ne change pas, elle est évolutive.
Toute religion se fonde sur l'inégalité. L'inégalité des humains face à leur dieu, sachant que, en fait, les humains ne sont plus des humains mais des fidèles, les membres d'un troupeau. Inégalité ensuite entre le troupeau et les gardiens de l'ordre religieux auquel il appartient. Inégalité enfin au sein même du troupeau puisque chacun est récompensé (ou puni) à raison de ses mérites et non de ses besoins. L'humanisme pose l'égalité comme principe de base. Tous les êtres humains, femmes et hommes, sont égaux à raison de leur seule humanité. Cette égalité est universelle et inaliénable : aucun humain – et, a fortiori, aucun ordre – ne peut la contredire, la nier. Aucun humain ne peut y renoncer, sauf à renoncer à son humanité. Cette égalité n'est pas pour autant un égalitarisme qui, lui, consiste à nier les différences, les particularités des êtres humains alors que ceux-ci sont individuellement uniques.
Le croyance n'a aucune identité personnelle. Son identité est le sceau de la propriété dont il est marqué. Le croyant est multiple car, n'étant ni lui-même, ni les autres, il est… le troupeau. Il est anonyme, transparent, inodore, insipide… Il n'est que le reflet d'une absence : sa dignité humaine. L'humanisme considère que la particularité essencielle de chaque être humain est son unicité. Unique il n'est pas remplaçable, interchangeable… Tout être humain qui meurt, quelle que soit la manière dont il meurt, est un peu d'humanité qui se meurt à elle-même. Un être humain qui s'en va ne laisse pas derrière lui une absence, mais un manque, une perte.
Le croyant est appelé à cultiver la vertu de l'altruisme. "Aime ton prochain, c'est à dire l'idée de l'Homme – ce qui est différent des autres, bien réels ceux-là – pour ne pas t'aimer toi-même". L'altruisme est un double renoncement : à soi et aux autres. Il n'est ni naturel, ni humain.

L'humaniste est égoïste car il ne peut reconnaître les autres et avoir pour eux de l'empathie que pour autant qu'il s'aime, c'est à dire qu'il se reconnaît et s'admet pour ce qu'il est, lui, l'être humain unique. Cet égoïsme, en toute rationalité économique, le conduit à ne pas faire aux autres ce qu'il ne voudrait pas que les autres lui fassent. Les chrétiens disent "qui aiment bien, châtie bien". L'humaniste dit : "Qui s'aime, aime bien".

Le croyant a des certitudes qui, en fait, sont les certitudes du troupeau et de l'ordre religieux. Aucune de ces certitudes n'est personnelle. Elle constitue un corpus d'explication qui apporte forcément réponse à tout puisque les questions sans réponse sont… interdites. Ces certitudes, parce qu'elles sont universelles et données, sont constitutives d'une pensée unique.

Certes, l'humaniste admet un certain nombre de choses – des connaissances, des valeurs… -. Mais, outre que ce qui est admis est particulier au sens où il est le propre d'individus, l'humanisme pose le doute comme principe de connaissance. N'a de valeur réelle que ce qui, naturellement,  peut être mise en doute. Rien n'est donné a priori, tout est acquis a posteriori par la réflexion, l'analyse, l'observation, l'expérimentation… et le constant questionnement du doute. Le doute n'est pas tant une méthode – scientifique – de raisonnement qu'un art particulier, celui de l'exercice de sa liberté.

Le croyant déduit toutes ces certitudes de vérités a priori, qui, soit-disant révélées par dieu à travers des écrits, dits vraies écritures, ou inspirés à celles/ceux qu'il a élus – et qui, en fait, se sont auto-proclamés tels/les -,   sont érigées en dogmes infaillibles puisque nul n'a le droit de les soumettre au questionnement du doute -. Ainsi dogmatisées, ces vérités sont transmises au troupeau, aux fins d'exécution et de soumission, sous la forme d'ordres donnés par les gardiens de l'ordre religieux. Ces vérités sont constitutives d'un système explicatif universel soumettant toutes choses et tous êtres vivants à une cause ultime – dieu – et à une finalité particulière qui est celle de dieu. Ce système est fini puisqu'il est le chef d'œuvre de dieu et que dieu ne saurait se remettre en question. Il ne connaît en fait ni nécessité ni hasard mais, seulement, le déterminisme. Un déterministe absolu et immuable. Autrement dit… le totalitarisme.

L'humaniste, relativement au réel et à lui-même, n'a que des connaissances et des savoirs. Ces connaissances et ses savoirs sont relatifs dans le temps et dans l'espace. Ils sont toujours provisoires et ne son admis que pour autant que d'autres connaissances ou d'autres savoirs ne les remplacent. Continuellement soumis au questionnement du doute, ces constructions et savoirs sont donc une construction permanente. Connaissances et savoirs peuvent devenir obsolètes, insuffisants, inadaptés, infondés… ils sont alors abandonnés, modifiés, complétés… Ils admettent la nécessité et le hasard et refusent le déterminisme absolu. Ils sont donc ouverts. Ils ne reconnaissent pas non plus le finalisme car ce serait la négation même de la liberté et n'ont aucunement besoin de se déduire d'une causalité ultime. Ils ne sont pas constitutifs d'un système mais d'un système de systèmes. C'est pourquoi aucun humaniste n'a la sotte prétention de tout connaître et de tout savoir. Un humanisme sait qu'il ne connaît et ne sait pas tout mais il sait aussi qu'il n'a pas besoin de tout connaître et de tout savoir pour vivre et, surtout, pour être lui-même et assumer son humanité.

La religion assigne une finalité à toutes choses. Elle ignore donc la gratuité. Tout se déduisant de dieu, tout est nécessairement volontaire et, in fine, tout résulte de la volonté de dieu.

L'humaniste ne connaît d'autre finalité que les effets de ses choix. Considérant qu'il n'y a pas d'humanité en dehors de la liberté,  il libère le réel de quelque finalité que ce soit et ne lui reconnaît d'autre moteur que l'indéterminisme. Relativement aux humains, le réel est une construction, un devenir qui, dans le cadre forcément limité que laissent la nécessité et le hasard,  résulte de choix librement consentis et effectués et pleinement assumés quant à leurs conséquences.

Dans l'immobilité de son éternité, la religion ne peut être que dans la reproduction.

Parce qu'il est dans le questionnement du doute et la constante recherche, l'humanisme est dans l'invention.

Toutes les religions ont la même déesse : l'ignorance. L'ignorance est cet opium dont se sert la religion pour annihiler la volonté e, ainsi, l'anesthésier quand elle procède à l'amputation de la dignité et à l'assassinat de la liberté humaines.

L'humanisme ne se donne aucune déesse mais se réalise dans un temple qui est partout et nulle part à la fois dans chaque humain et dans le patrimoine intellectif et cognitif comme des humains : la raison. La raison qui n'est ni une idée, ni un être suprême mais cette faculté de connaître, soit directement – empirisme -, soit discursivement l’enchaînement des choses – entendement – et qui met en jeu l’activité cognitive, le langage et la fonction symbolique.

Le monde religieux est celui de la finitude : la finitude humaine puisque, créés par dieu, les humains ne peuvent se dépasser ; la finitude réelle dans la mesure où le réel n'est pas un devenir en expansion mais une création achevée qui se reproduit à l'identique.

Pour l'humanisme, l'humain est un être vivant incréé qui a cette particularité de naître à lui même, c'est-à-dire d'être le maître de son devenir. Selon lui, c'est-à-dire sur la base de ce la raison lui a permis de connaître scientifiquement, le réel s'inscrit dans l'infinitude dont humain ne saurait être le centre puisque, par définition, le centre de l'infinitude est partout et nulle part. Infinitude de mondes et de formes de vie en constante expansion même s'il est possible qu'en définitive cette expansion conduise à nouveau au chaos. Relativement à la Terre, les humains ne sont que des locataires, des passagers : et pas plus que la Terre leur appartient, ils n'appartiennent à la Terre.

Le croyant à des réponses – toutes les réponse possibles et imaginables. Le drame, c'est qu'il n'a pas de question parce qu'il lui est interdit d'en poser. Or, sans question point de réponse. Les réponses qu'ils possèdent n'ont aucun sens puisqu'elles ne sont signifiées et orientées par aucune question.

L'humaniste a quelques réponses. Des réponses qui sont toujours provisoires et sans cesse soumises au doute. Mais il a surtout des questions. Beaucoup de question. Pour l'humanisme le questionnement importe plus que la réponse car il fait chercher, avancer. Or, rien ne peut être trouvé qui n'ait été cherché.

Parce qu'il est du paraître et non de l'être, le croyant se soumet à la bienséance qui est l'art de complaire aux autres, quitte à se déplaire à soi-même.

L'humaniste se complait avec délectation dans la mécréance qui est l'art d'être soi-même pour pouvoir être aux autres. La mécréance, qui est cette sagesse subtile de n'avoir aucune croyance mais seulement des convictions/conceptions fondées en raison et auxquelles on adhère librement desquelles, si besoin, on désadhère.  La mécréance qui n'accorde aucune créance à quelque croyance que ce soit, en particulier si elle se pose comme l'adhésion à une vérité et qui, de ce fait, refuse à quiconque un droit de créance sur la liberté de qui que ce soit.

Le croyant s'attache à être pertinent, c'est-à-dire approprié aux situations, aux règles, aux autres… La pertinence est cette forme particulière d'appropriation qui est la dépossession de soi au profit d'un maître. La pertinence est l'humilité cardinale de l'esclave.

L'humaniste est impertinent parce qu'il ne saurait être habituel étant, au contraire, unique. Il refuse d'être approprié par quoi ou qui que ce soit parce que son unicité est inaliénable, sauf à y renoncer et à se déchoir de son humanité. L'humaniste n'est pas poli parce qu'il n'est pas une pierre que l'on polit, que l'on façonne, que l'on taille… mais un être humain d'un seul bloc, un bloc qui est celui de la rudesse.

Placée sous le sceau de la mort, l'existence du croyant est une thanatologie : elle est l'art de réaliser sa mort. Son guide est Thanatos. Un croyant est son propre fossoyeur, son propre croque-mort.

L'humanisme est l'art de vivre pleinement sa vie, de s'épanouir à la vie. L'humaniste est le jardinier de sa vie. En toute lucidité et sans aucune candeur, il est son propre Éros. L'humaniste est un découvreur de vie. Un croqueur goulu de vie.

L'ordre religieux, à la suite de son dieu, ne cesse de punir et le croyant ne cesse de se punir. La punition religieuse n'est pas un acte de justice mais un châtiment, c'est-à-dire une peine infligée et auto-infligée. Le châtiment n'est pas la sanction d'un droit enfreint mais la violence commise par le maître et subie par l'esclave. Le gardien châtie le troupeau mais le troupeau ne peut châtier le gardien. Le châtiment est du ressort de l'autorité et de la force. Le châtiment religieux a cette caractéristique de pouvoir être la punition collective d'une faute individuelle. Il ne connaît pas non plus e prescription (exemple : le péché originel).

Au châtiment, s'oppose la sanction qui présuppose une infraction – et donc un tort effectif causé à un tiers – impliquant une responsabilité individuelle. Il ne peut y avoir d'infraction qui ne soit fondée sur un droit positif antérieur. La sanction ne peut en soi constituer une réparation du tort causé, celle-ci n'étant obtenu que par dédommagement, quoique, dans certains cas, la réparation soit impossible – comment dédommager la mort causée ? sûrement pas par celle de l'auteur du crime ! -. Il n'y a prédestination ni de l'infraction, ni de la victimation, en particulier, la sanction n'est pas héréditaire. La sanction doit être équitable, c'est-à-dire proportionné au tort causé. Une infraction ne peu impliquer une responsabilité collective et, a fortiori, une sanction collective. De même qu'elle ne peut être éternelle, la sanction n'est pas rétroactive. Une sanction est jours un constat d'échec car la réussite consiste à la prévenir, à l'empêcher en agissant sur ses causes potentielles pour les éradiquer. Une sanction qui n'emporte pas traitement des causes est incomplète, insuffisante, inutile dès lors qu'il est des culpabilités qui sont aussi des victimations (ainsi, celui qui a faim et qui vole de se nourrir peut être considéré comme auteur d'une infraction – dans une société donnée qui ne peut être qualifiée d'humaniste - ; est-il pour autant coupable de sa pauvreté ? de sa faim ? La culpabilité première n'est-elle pas ailleurs ?).

Le croyant assouvit sa haine de la vie dans la privation.

L'humaniste s'efforce de réaliser son amour de la vie dans l'assouvissement alors même qu'il sait qu'il ne l'atteindra jamais.

Le salut du croyant est dans le rachat d'une faute – le péché originel – qu'il n'a pas commise, dont il a hérité et pour laquelle il est châtié. En fait, le seul rachat possible est la résurrection, c'est-à-dire la mort à la vie, au réel.

L'inaliénabilité de la dignité et de la liberté humaine  est l'une des deux caractéristiques essencielles de l'humanité. Un être humain ne peut ni être vendu, ni acheté. Il ne peut non plus se vendre ou même seulement se prêter se louer -. Il n'a donc aucun besoin de… se racheter. Son seul destin et de naître à la vie et, cette naissance conquise, de… jouir de la vie.

Pour la religion, la sexualité est une fonction : la reproduction du troupeau. Le croyant est a-sexé ou, plus précisément, n'a pas de sexe mais des organes génitaux qui ne lui appartiennent même pas.  A l'extrême, on peut considérer que la reproduction sexuée du troupeau n'est pas naturelle mais artificielle : elle est la continuelle insémination de la déchéance humaine.

La sexualité humaniste n'est pas la reproduction de l'espèce mais la rencontre de deux êtres humains. Une rencontre totale, pleine, entière, libre… Elle est donc… sensualité, érotisme. Fondée sur les sens et reconnue en raison, elle est libération du plaisir. Elle est réjouissance. Elle est… fête. Elle est accomplissement de soi par et avec l'autre. Elle est assouvissement du désir dans la recherche du plaisir.

L'ordre religieux est le royaume de la propriété qui se fonde sur un double mouvement de dépossession et d'appropriation : son achèvement est le troupeau. La réification de l'humain confère au maître un droit d'usage et d'abus sur ce bien meuble qu'est le fidèle.

 L'humanisme ne se constitue pas en ordre. A fortiori, il n'érige pas un royaume de la propriété et, au contraire, ne connaît que l'impropriété. Relativement à l'objet possédé, la possession est destruction de cet objet puisqu'elle le retire des échanges et ne permet pas à d'autres d'en faire usage. Un objet n'a pas de valeur en soi et n'a d'utilité que relativement à un besoin. A priori, on ne peut concevoir un besoin qui serait unique. Les besoins sont répartis, partagés. L'humain n'étant que de passage dans la vie, de quel droit établirait-il un droit exclusif de possession sur des objets et, au-delà, sur les utilités qu'elles offrent ? Le passage est nécessairement le temps du partage : aucun des passagers du bateau de la vie ne peut revendiquer la possession et du bateau et de la mer. Bien entendu, cette impossibilité est encore plus vrai lorsque l'objet considéré est un être humain puisque la caractéristique de son humanité est, justement, de le rendre inaliénable.

La religion a des mythes qui se veulent l'histoire symbolique du réel. Leur finalité est d'expliquer, de donner des réponses. Ces mythes sont le travestissement du réel que l'on a rendu honteux de lui-même.

L'humanisme a des rêves – et, parfois, des utopies -. Ces rêves sont le dépassement du réel ou des invitations à un tel dépassement. Ce sont des inventeurs de beauté et leur fonction est d'entretenir la capacité de s'émerveiller de toute chose de développer l'appétence de la vie. Pour un individu, lorsque le corps sommeille, ils sont la raison qui se fait vigie. Pour tous les individus, ils sont la conscience vigilante de la liberté.

La religion se veut être la servante du Bien et c'est donc pour le bien du troupeau qu'elle aliène les fidèles, comme c'est pour le bien des infidèles qu'elle les libère de leur infidélité en leur permettant, par la mort, de renaître à la vraie vie qui, comme on le sait, étant en dehors du réel, est le néant, la non-vie.

L'humaniste se consacre au Mal et renvoie implacablement chacun à la solitude de son destin, c'est-à-dire à sa liberté d'assumer seul ses actes et leurs effets et, par conséquent, de faire seuls ses choix. Pernicieusement, l'humaniste libère l'humain de la servitude, brise les chaînes de l'asservissement, tue le gardien, libère le troupeau et dit : "Vous n'avez pas de maître, seulement une conscience".

Le croyant voue un véritable culte au pardon : le pardon qui, par le seul mystère de l'aveu de la faute, emporte nécessairement absolution de la faute et, ainsi, a priori, autorise et légitime tous les excès, tous les abus… tous les crimes. Mais la magie de cette vertu se retourne contre le croyant qui est contraint de pardonner la faute que l'on commet contre lui.

L'humanisme considère que tout acte commis l'est définitivement quant à ses effets. Aucun pardon ne saurait inverser le cours du temps et effacer tant l'acte que ses effets. Au regard de lui-même comme des autres, l'humaniste fait preuve d'intransigeance : n'étant d'aucune autorité, il ne peut s'autoriser et autoriser quoi que ce soit qui, dommageable a priori, pourrait, a posteriori, être… pardonné. Il consent librement à mesurer ses choix et anticiper leurs effets au regard de lui-même et des autres. Son choix fait, il en assume seule ses conséquences et la conscience humaniste ne connaît ni le pardon, ni… l'oubli.

Le croyant est pétri, muselé de respect : le respect des idées et de l'ordre non des individus.

La sagesse humaniste est d'arrogance : elle est le respect des humains et l'irrespect des idées et de l'ordre.

La conscience religieuse est celle du silence : sourde, aveugle et muette, elle est renoncement et consentement.

La conscience humaniste est un cri : celui de la révolte,  de l'espoir, du défi…. Celui de la vie. Parfois, ce cri s'assorti d'un immense rire, ce rire qui retentit depuis l'aube des temps et qui est la plus implacable condamnation de la religion.

Pour les croyants, la parole de dieu et les mots des gardiens de son ordre – le Verbe – a une magie particulière : celle de n'admettre pour réel que ce qui est nommé. Ainsi, il n'y a de lumière que parce que dieu dit :"Que la lumière soit" et il n'y a de vérité que parce que le serviteur de dieu dit aux ouailles : "Dieu a dit que…".

Pour l'humanisme, le mot n'a de sens que pour autant qu'il est le reflet du réel : le mot est la réflexion du réel et, en même temps, il est réflexion sur le réel. Le réel préexiste à sa nomination. Et de même que la carte ne fait pas le territoire, le mot ne fait pas le réel. Les mots ont une utilité particulière qui est celle de pouvoir communiquer avec les autres, d'échanger avec eux. Peu importe, le mot, ce qui compte est l'objet de l'échange. Les mots n'ont donc de valeur que conventionnelle qui est nécessairement relative dans le temps et dans l'espace. Dire le réel n'est ni créer le réel, i agir sur le réel. L'humaniste n'est pas un homme de parole mais un homme d'action.

Inhumaine, anti-humaine, la religion a érigé la misogynie en vertu. Cette haine des femmes est comme cette haine de l'eau qu'aurait un marcheur égaré dans le désert et qui, découvrant une oasis au détour d'une dune, refuserait de s'y désaltérer. Une telle haine n'est pas seulement morbide, elle est mortifère.

L'humanisme est philanthropique. Il est donc aussi… féminisme. Un homme ne peut être véritablement humain  s'il ne se reconnaît pas aussi en chaque femme. Nier les femmes, les violenter, les dominer, les exploiter, les asservir, prétendre les réifier pour les approprier…, c'est ce déchoir de son humanité. Il ne saurait y avoir d'humanité libre tant qu'un seul être humain ne le sera pas. Il ne saurait y avoir d'hommes libres tant qu'une seule femme ne le sera pas. Les femmes ne sont pas l'avenir des hommes. Elles sont leur co-existence, leur simultanéité. Elles sont le miroir qui leur réfléchit leur dignité ou leur… indignité.

La religion valorise le travail pour mieux dévaloriser le travailleur. En cela, le travail est un châtiment : il est la punition de cette incomplétude dans laquelle on tombe et se vautre quand on a renoncé à soi.

L'humaniste revendique le droit à la paresse au nom de la loi naturelle du moindre effort. Mais aussi parce qu'il considère que ce n'est pas le travail qui fait l'humain mais l'être humain qui fait le travail par la destination d'usage, d'intention et de partage qu'il en fait.

Parce qu'il n'existe pas en tant qu'individu, le croyant est dans la permanence qui est celle du troupeau et de l'ordre qui le possède.

L'humaniste n'est que de passage, un passage qui va de ses deux naissances, la naturelle et l'humaine, à sa mort unique. Alors il fait en sorte que ce voyage soit le plus heureux et le plus réussi possible, sachant que ce n'est ni le départ, ni l'arrivée qui comptent, mais seulement le voyage en lui-même, puisqu'il est celui de la vie, de sa vie et que l'on n' qu'une vie.

Pour la religion, la vraie vie est ailleurs. Elle n'est pas naturelle mais surnaturelle. La naissance à la vie religieuse implique la mort à l'humain et à la vie.

L'humaniste n'a d'autre vie que celle qu'il vit ici dans la concrétude du réel. L'humaniste considère deux naissances : une première, naturelle, à la vie, une seconde, humaine, à l'humanité. Mais il n'admet qu'une seule mort, naturelle, qui est la fin d'une vie même si elle participe de la Vie elle même.

La vie religieuse est une parenthèse entre une déchéance originelle qui, si elle est une naissance au réel, est une mort au surnaturel posé comme véritable réalité et une résurrection à la vie surnaturelle qui est une mort au réel.   Elle est de la transcendance.

L'humanisme ne connaît que la vie réelle parce que, sensuellement et raisonnablement, il ne peut en vivre d'autre. Naissance et mort le sont au réel : leur ordre est celui de la nature. La naissance est un commencement mais pas l'origine, la mort une fin mais pas la fin. La vie humaine est de l'immanence.

La religion nie le temps réel qui est celui de la vie et pose le non-temps de la non-vie : l'éternité.

Ne pouvant admettre qu'une seule vie, la vie réelle, parce que c'est la seule qu'il puisse reconnaître et vivre, l'humaniste vit sa vie dans son temps qui est ce passage qui va de la naissance à la mort. Soucieux de vivre, jouisseur de la vie il ne peut vivre que dans l'instant.

La religion ne considère que la fin et c'est pourquoi elle s'autorise à recourir à tous les moyens pour y accéder. Pour elle, seule la fin compte. Pour elle, toute fin est un achèvement et, en définitive, ce qui compte c'est d'être achevé, non d'achever, c'est de finir, non de faire, de mourir, non de vivre.

Pour l'humanisme, toute chose est le commencement de toute chose. Il n'y a pas de fin qui soit un achèvement. Les moyens utilisés déterminent le but que l'on se propose d'attendre. Une théorie de l'action qui ne serait pas assortie d'une méthodologie – une épistémologie – de l'action et, notamment, des moyens, ne saurait être qu'un projet apocalyptique.

La religion participe de l'universalité puisqu'elle nie la particularité et  l'individualité et qu'à l'unicité de l'être humain elle substitue l'anonymat du troupeau. Elle ne reconnaît donc pas les humains mais seulement l'Homme ce qui, outre que cela lui permet de gommer les femmes, l'autorise  à idéaliser le réel pour l'extraire de sa matérialité, de sa concrétude et à l'élever au surnaturel. A cette homme idéel qui n'existe pas, elle confère un Droit qui est le corpus des interdictions, des limitations, des prescriptions, des orientations, des commandements, des punitions… pesant sur le troupeau comme un collier de servitude.

L'humanisme ne connaît pas l'Homme mais seulement des femmes et des hommes à qui il reconnaît des droits universels et inaliénables à raison même de l'humanité de chacun d'entre elles et eux. Ces droits sont réels et n'ont pas été donnés mais conquis, arrachés, imposés aux ordres qui les déniaient. Ils sont en devenir en ce sens qu'ils sont appelés à s'enrichir de nouveaux droits, à se préciser, à se compléter, à se différentier… Parce qu'ils sont universels, ces droits sont propres à chaque individu ; ils sont donc réciproques et s'assortissent nécessairement de devoirs. Je ne puis avoir de droits qui seraient des non-droits pour les autres.  Je ne puis non plus avoir de droits qui seraient la négation de mes droits.

Au regard des sens, la religion établit le culte de la laideur et de l'entendement, celui de la vulgarité.

L'humaniste n'établit et ne sert aucun culte. La beauté satisfait à la fois son sensualisme, qui est son mode d'appréhension empirique du réel, - et son entendement. Amateur et jouisseur de beauté, il s'accomplit dans l'esthétisme.

La lumière religieuse est l'obscurantisme qui n'admet d'autre éclairage que celui de l'illumination, c'est à dire de l'imposture.

L'humaniste ne connaît d'autre luminosité que la lumière réelle et l'éclairage de sa raison. L'humaniste n'est pas illuminé mais éclairé.

L'essence religieuse est inhumaine et même anti-humaine.

La nature humaniste est humaine, seulement humaine, exclusivement humaine puisque, sans aucune démesure, elle met l'humain à la mesure de toute chose.

Le croyant existe et meurt couché. L'humaniste vit et meurt debout.

J'ai volontairement usé de la redondance qui consiste à redire le même fond sous des formes différentes car je la considère comme un excellent matériau pour construire un discours pédagogique. En effet, mon athéisme est militant : il vie donc à combattre l'aliénation religieuse et les ordres religieux et, en même temps, à provoquer au doute, au questionnement, à la réflexion, au raisonnement… car l'aliénation religieuse n'est pas un état dont on peut être libéré – en cela, elle diffère de l'aliénation psychiatrique – mais on ne peut – et doit – que se libérer soit même.

Comme d'habitude, je n'ai pas prétendu à l'exhaustivité et le tableau des vices humanistes et des vertus religieux est loin d'être complet. Ce n'est qu'un panorama. D'ailleurs, en ce qui concerne mes vices, quand bien même aurais-je voulu en faire une liste complète, je n'aurais pu établir qu'une liste provisoire : j'ai sans doute d'autres vices à découvrir et acquérir et il n'est pas exclu que j'abandonne tel d'entre eux qui, à mon insu, aurait tendance à vouloir se transformer en vertu alors que me vices ne peuvent se prendre pour autre chose que ce qu'ils sont : des vices.

J'espère avoir fait œuvre de semeur et que quelques uns de ses vices seront comme ces grains qui germent et donnent de beaux épis, de riches moissons.

[1] Je tiens à qualifier mon humanisme d'Humain car toutes les religions prétendent aimer les humains et se revendiquent donc toute d'un certain humanisme. Et il est vrai que les religions ont ceci en commun d'aimer l'humain comme le carnassier aime la viande. L'humanisme religieux est anthropophage. L'humain est la viande de la religion.


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