Billet d'humeur
Anarchiste et donc humaniste –
la réciproque étant d'autant plus vraie qu'il s'agit là d'une identité
remarquable au sens mathématique du terme -, je suis naturellement incapable
de fonder mes relations à l'autre sur un rapport de pouvoir, de force,
d'autorité, de domination, de rejet, de négation… Bien entendu, il en résulte
que je me refuse de m'inscrire dans une relation dont l'autre voudrait qu'elle
soit fondée sur un tel rapport;
Dans ces conditions, je ne me
reconnais aucun droit, aucune légitimité, aucune autorité[1]…
à juger qui que ce soit en tant qu'individu. Ainsi, pour moi, l'auteur d'un
crime, aussi abominable soit-il, n'est pas un criminel en ce que je ne réduis
pas l'individu à tel ou tel de ses actes[2].
Ce qui ne m'empêche pas, bien entendu, d'essayer d'agir, de combattre… pour
prévenir le crime – au sens de violations des droits fondamentaux et
des libertés individuelles et, in fine, de l'intégrité physique, morale,
affective… d'un individu et donc de sa dignité, autrement dit de sa
liberté et de son humanité – et, en pleine et entières solidarité
fraternelle, défendre les victimes de telles violations.
Je suis donc stupéfait, atterré
de voir que certain(e)s se prétendant anarchistes s'estiment investi(e)s
de je ne sais quelle autorité pour juger des individus et qui, lançant
ukases, lettres de cachet et autres fatwas, instrumentent l'insulte pour en
faire le seul et unique moyen de leur accusation, rejettent le droit à la défense
par de vilaines pirouettes relevant de la gesticulation hystérique et fanatique
et, par là-même, nient l'humanité, la liberté, la dignité, l'irréductible
intégrité de l'"accusé(e) et, tels des dieux dans leur olympe ou
des tyrans dans leur bunker, livrent à la soldatesque l'exécution de
leurs victimes.
Je suis sidéré de constater
que de tels jugements, du seul fait d'une incapacité notoire soit à apprécier
l'humour, soit à comprendre les propos – verbaux ou écrits – de l'autre,
sont prononcés à l'encontre de personnes que l'on ne connaît pas, dont on ne
sait en définitive rien et que, en définitive, on n'écoute pas se refusant à
les entendre et, bien évidemment, à les comprendre;
Je suis stupéfait que l'on
puisse se prévaloir avec fierté de cette cécité et de cette surdité pour en
faire LA NORME et, de ce fait, condamner celles et ceux qui, en toute humilité
et avec pour seule vérité le doute, s'efforcent au contraire de voir et
d'entendre pour (essayer de) comprendre !
Procédé fanatique et
tyrannique par excellence, cette inquisition, ce totalitarisme de la pensée n'a
pas pour autant de s'assumer puisque, la plupart du temps, avançant masqués
derrière l'anonymat d'un pseudo, ils ne passent pas à l'acte – celui du
bourreau – et appellent d'autres à le faire à leur place. Mais il est vrai
que rares sont les dieux et les tyrans qui assument la charge de bourreau tant
ils savent qu'ils peuvent compter sur des courtisan(e)s, des valets, des
collabos, des fonctionnaires de l'oppression et de la répression, des
amibitieux/ses de miettes de pouvoir, des bigots, des fanatiques, des… lâches…
pour faire exécuter leur sale besogne.
Je suis consterné de relever
que, faute de capacité à comprendre l'autre – ou du refus délibéré de le
faire, ce qui est encore pire -, démuni du moindre argument rationnel, on
puisse gaillardement passer de l'insulte, de l'offense au terrorisme, même s'il
n'est que virtuel et, par exemple, informatique.
Je suis abasourdi de noter que,
sous prétexte de défendre des idées, des valeurs, des principes…, on puisse
en arriver à agresser, terroriser, lyncher, lapider… des individus
alors que l'on se prévaut d'une conscience et d'une philosophie… humanistes
respectueuses de la liberté et de l'altérité – qui n'est jamais,
rappelons-le qu'une identité, celle de l'autre ! -.
Sans émettre quelque
"jugement" que ce soit – et pour cause -, je me permets d'affirmer
haut et fort – et, pour reprendre une expression juridique de persister et de
signer – que de tels procédés n'ont rien d'anarchistes et de
libertaires et que si, à leur égard, on s'entête à vouloir (abusivement)
user du terme de méthodes je me vois contraint de les qualifier d'art
de l'oppression et de la répression, en particulier, dans leur forme la plus raffinée
qu'est celle de la… torture.
Certain(e)s se sont interrogé(e)s
sur la possibilité d'engager des actions judiciaires pour empêcher l'usage
abusif de certains mots comme, par exemple, le socialisme (dont on sait
ce qu'il est devenu sous sa forme… nationaliste que ce soit en Allemagne, en
ex-URSS, en Chine… ou chauvine en France, en Allemagne… -.
Une telle idée est tout à fait
pertinente sauf que, par principe, elle est contraire à l'anarchisme
puisqu'elle fait appel à un droit nullement anodin… celui de la propriété
et que, de surcroît, elle requiert le recours à l'appareil oppressif et répressif
de l'État !
Mais, pour revenir à nos
stakhanovistes, fonctionnaires, jésuites opusdeiens… zélés de l'accusation
- en somme à nos concierges d'une certaine orthodoxie qui n'est jamais
que leur orthodoxie -, il existe une protection bien plus efficace
que le droit bourgeois : le ridicule.
En effet, prétendre être ce
que l'on n'est pas[3] ouvre le flanc au pire des
châtiments : le ridicule qui, comme on le sait, ne tue pas et renvoie
donc ses victimes à leur conscience – à supposer qu'ils en aient une
qui soit… libre ! – et les condamne, tôt ou tard, à la révélation
de leur véritable nature : l'imposture. En effet, lorsque cette révélation
intervient un couperet bien plus assassin et…. définitif que celui de la
guillotine tome sur leur cou : le rire !
Une autre humeur…
L'altérité, si elle est bien
dans la relation à l'autre une différence – dont la finalité fraternelle,
solidaire, humaniste et, in fine, humaine est d'être… partagée – n'en est
pas moins, aussi, une identité particulière et unique d'un autre !
N'est-il pas curieux et
paradoxal que certain(e)s se prétendant anarchistes considèrent que l'identité
d'un individu se déduit de son appartenance à un troupeau et de sa
soumission à un ordre, qu'elle n'est donc pas le fait d'une liberté
individuelle – un choix d'être, de penser, d'agir… - et, par essence, celle
de l'humanité inhérente à chaque individu. Et que, par conséquent, une
identité se confère, se donne, se prête, s'attribue, se marque, se scelle, se
tolère, se nie, s'exclue…. par une autorité instituée en ordre (un État ou
une église , qu'il/elle soit national(e) ou régional(e), voire par le…
hasard – un lieu, géographique et social, de naissance – ou, pire encore,
par l'hérédité d'une race ?
En quoi ce que je reçois, voire
que l'on m'impose pourrait être constitutif de mon identité dés lors qu'un
tel scellement, parce qu'il est la négation de ma liberté est, tout
simplement, l'anéantissement de mon humanité ?
Pourquoi vouloir opposer identité
et altérité puisque, relativement à l'autre, mon identité est une altérité
et que, relativement à moi, l'identité de l'autre est une altérité ?
Pourquoi croire qu'une identité individuelle se construit nécessairement
sur la négation d'une autre identité individuelle, autrement dit sur une altérité
et, au-delà, sur l'altérité ? Pourquoi ne pas considérer au contraire qu'il
ne peut y avoir d'identité sans altérité – et réciproquement, sachant que,
in fine, c'est là une autre identité remarquable ? Pourquoi s'acharner à
construire son identité en niant celle de l'autre ? Identité et altérité ne
sont-elles pas au contraire à partager dans le respect de l'autre ? Pourquoi la
reconnaissance et le respect de différences seraient-ils nécessairement un
appauvrissement alors que les différences partagées sont – ou, du moins,
peuvent être – un enrichissement personnel ?
En quoi accepter, respecter
l'altérité – d'autres identités – dans toutes ses déclinaisons différentielles
possibles – et, par exemple, linguistiques – refuser identité imposée –
non libre – est-il contradictoire ? Pourquoi s'évertuer à considérer que
l'identité humaine n'est pas le fait du libre choix d'un individu – avec tout
ce que cela comporte comme atteintes externes – mais d'une volonté autoritaire
– le peuple, la nation, le groupe, la famille… - ?
Un individu est, me semble-t-il,
essenciellement humain à raison de sa seule humanité et non de sa nationalité
: sinon, alors, force est admettre qu'un(e) Sans papier et un(e) apatride, faute
de nationalité, ne sont pas des… humains !
Peu me chaut que l'autre parle
breton, javanais, sanskrit, arabe, français, verlan, slang… si, d'une manière
où d'une autre, par commodité, nous trouvons un moyen commun de nous
exprimer, de nous entendre et de nous comprendre ! Mais, j'avoue qu'il est plus
commode pour ce faire de nous exprimer dans la même langue, sachant que cet
idiome, d'ailleurs, peut être tiers, c'est-à-dire n'être celui ni de l'un, ni
de l'autre (ainsi, pendant longtemps, du moins dans une certaine partie du
monde, la langue universelle des savants et des érudits fut le latin comme,
pendant longtemps, le langage scientifique universel de la médecine fut…
l'arabe) !
Pourquoi vouloir ériger une
particularité, une différence – un idiome en l'occurrence – en une
universalité alors même que cette
particularité participe d'une universalité : l'expression humaine et
que, au-delà des mots, écrits ou dits, il y a davantage de ressemblances que
de dissemblances ?
Prenons un exemple : la musique
est, à mon sens, un langage universel quel que soit le style qu'elle prend,
qu'elle revêt pour s'exprimer. Ne serait-il pas dogmatique de considérer
que tel ou tel style est LA musique par excellence et que tous les autres sont
des hérésies qu'il convient d'interdire ou, du moins, se refuser à entendre,
à comprendre ? Préférant tel style plutôt que tel autre ai-je le droit
de l'interdire ? est-il pertinent et, tout simplement, intelligent, que je me
refuse à m'ouvrir à cet autre style ? Je ne le pense pas.
En matière linguistique, le doit à l'altérité, qui n'est jamais que la liberté d'identité de l'un, ne saurait être, en même temps, la négation du droit et de la liberté de l'autre.
Sachant que, par essence, un État
est nécessairement la négation oppressive et répressive des identités
individuelles qui relèvent, en fait, d'altérités hors normes, voire
a-normales, je ne demande pas à l'État de m'octroyer mon identité en la réduisant
à ma/sa nationalité : je la revendique, je l'assume, en homme libre, et, au
besoin, contre l'État lui-même.
Antiautoritaire, je n'ai aucune
prétention revendicative qui consisterait à vouloir imposer mon identité aux
autres comme une norme – privée, voire… anarchiste !?! –
qui, en définitive, définirait une ligne de partage entre l'existence et la
non-existence, le droit à vivre et le non-doit de vivre, sauf à courir le
risque de me couvrir de ridicule en étant pris en flagrant délit de
contradiction avec mes convictions.
Le respect dû à l'autre en
tant que personne humaine – qui n'a rien à voir avec la tolérance concédée
par une autorité – n'emporte pas pour autant obligation de soumission à ses
idées, ses convictions. A fortiori, cela ne suppose pas s'interdire de penser,
d'agir, de se comporter… autrement.
Mais ce respect n'est pas forcément
triste, monotone, muet, silencieux… chiant quoi ! Il peut aussi se
faire dans le rire, l'humour et, pourquoi pas, la moquerie.
L'humour n'est pas nécessairement
la négation de l'altérité ; au contraire, il est ouverture à l'autre puisque
sa finalité n'est autre que le partage…du rire !
Or, outre que l'humour, il est
vrai, s'adresse à l'intelligence – qui n'est pas affaire de diplômes mais
de… bon sens -, force est admettre que, à l'instar de la musique, de la
peinture, de la cuisine…, les goûts sont divers et variés.
Omnivore, je ne comprends pas le
végétarisme et il m'arrive souvent d'en rire : je n'éreinte pas pour
autant les végétariens dans leur individualité et leur identité et il
m'arrive même de manger végétarien lorsque la nourriture partagée est
offerte par des amis végétariens. Mais, au nom de quelle raison,
devrais-je considérer que cette philosophie culinaire m'interdit d'en
rire et, surtout, d'apprécier d'être omnivore et, en particulier, carnivore ?
Le respect n'est pas la tolérance
– on se souvient des Maisons dites de tolérance : était-elle respectueuse
des femmes qui y étaient asservies, déshumanisées, réduites à l'état
d'objet de consommation ? -. Si je pratique le respect des personnes dans leur
particularité et unicité, en revanche je ne pratique pas la tolérance à l'égard
de leurs convictions et leurs comportements dés lors qu'ils sont contraires à
mes convictions – point à préciser : mes convictions ne sont pas des vérités
puisque la seule vérité que je détiens est celle du… doute ! - : il
m'arrive donc de combattre ces idées et comportements, y compris par l'humour,
mais les armes que j'utilise à cette fin sont toujours respectueuses des
personnes et, en particulier, ne relèvent pas terrorisme.
Je l'ai dit : je ne prononce et,
a fortiori, n'exécute aucun jugement contre qui que ce soit. Il m'arrive de débattre,
bien évidemment, et si je ne comprends pas le point de vue de l'autre ou si
j'ai un doute sur l'interprétation que j'en fais, je n'hésite pas à demander
à l'autre de préciser sa pensée. Je ne prête pas non plus à l'autre des
propos, une pensée… que je souhaiterais qu'il ait au motif que, le
respectant, je ne lui demande pas d'être ce qu'il me conviendrait qu'il soit
– pour je ne sais trop quelle obscure raison - et que, bien entendu, il n'est
pas ! De même, j'ai cette humilité de considérer que mon propre point de vue
est nécessairement évolutif puisqu'en continuelle construction ; il m'arrive
donc de me rallier au point de vue de l'autre si, par le débat, mon point de
vue personnel est démoli parce qu'infondé ou mal fondé. En revanche,
je résiste à tout ce qui relève de la contrainte, de la menace, de la
sommation… !
Mais, débattre, ce n'est pas sentencer,
soliloquer, dire la messe, pontifier..., bref être ennuyeux(se),
lugubre, bégayant(e), égocentrique, nombriliste, triste… chiant(e).
Cela peut être aussi… rire, étant rappelé que pour certains auteurs le rire
est le propre de l'humain et donc de l'humanité !
Une petite précision encore :
militant des droits fondamentaux et des libertés individuelles des humains de
TOU(TE)S les humains, il m'arrive bien entendu régulièrement d'agir en faveur
de minorités – soit collectivement, soit individuellement -. Il m'est
même arrivé de signer un appel en faveur de militants… bretons. J'ai même
ce culot d'appeler à la justice et non aux représailles à l'encontre
des talibans. Je n'en éprouve aucune fierté particulière puisque,
somme toute, je ne fais qu'être conséquent avec moi –même [ceci dit cela ne
m'empêche pas de regretter de ne pouvoir faire plus et mieux que le peu que je
suis en mesure de faire].
J'ai tenu à faire cette précision
car j'en ai gros sur la patate de me faire accuser d'être anti-minorité
– ou, plus exactement, contre une certaine minorité – alors même
que l'on ne sait rien de moi et que, pour commencer, on ne sait même pas de
quelle minorité je peux, à titre individuel, me revendiquer sans pour
autant en faire un plat indigeste dont je voudrais gaver, par contrainte
et coercition, les autres.
Cette précision, du moins je
l'espère, fera comprendre à certain(e)s tenant(e)s d'une certaine particularité
que je ne hiérarchise pas les altérités collectives ou individuelles et que
je n'ai pas la prétention nombrilistique de considérer que mon identité/altérité
est justement le nombril du monde.
Il ne peut y avoir de défense
et de promotion d'UNE différence qui ne soit la promotion et la défense de
TOUTES les différences, aucune d'entre elles ne sachant être supérieure aux
autres, voire exclusive des autres et, bien entendu, uniques.
Une des rares vérités humaines est la relativité de toutes choses dans le temps comme dans l'espace : l'humanité n'a pas de centre : elle est partout pour autant qu'on veuille bien la reconnaître dans chacun(e), faute de quoi, je suis au regret de dire que, alors, elle est… nulle part !
[1] Au fait, n'existe-t-il pas une autre identité remarquable, à savoir anarchiste = anti-autoritaire ?
[2] Comme je ne considère pas que c'est la carte qui fait le territoire !
[3] Alors que chaque fait, chaque geste, chaque propos… démontrent à l'évidence que l'on fait exactement le contraire de ce que l'on affirme dire, penser… à l'image de e tortionnaire qui se prévaudrait d'être un militant des droits des humains alors même qu'il travaille une victime, de cet(te) athée qui, en catimini, irait courir les messes basses d'une église retiré et gesticuler dans le confessionnal d'un prêtre, d'une pensée libre qui se contenterait de réciter une bible, un coran…. qu'elle n'aurait d'ailleurs même pas compris !