Chroniques vulgaires d'un banal quotidien

  

Depuis quelques années, je développe une "bibliothèque" sur http://fraternitelibertaire.free.fr/. On y trouve plusieurs milliers de textes, du simple article au très gros bouquin, en Français, en Anglais, en Castillan, en Catalan et en Chinois. Sur l'anarchisme, l'anarchosyndicalisme, le syndicalisme révolutionnaire, le marxisme... mais  aussi la philosophie, la littérature, la poésie, le théâtre... Il y a aussi des galeries regroupant plusieurs centaines d'images (jpeg) et de gifs animés.

Elle est fréquentée dans le monde entier par des étudiant(e)s, des professeurs-euses, des chercheurs-euses, des journalistes, des militant(e)s, des syndicats, des partis, des associations, des curieux-euses... mais aussi… des Services de police…

La biblio "s'étale" sur quatre sites persos : le premier est la "porte d'entrée" avec les catalogues et une première réserve, les trois autres seulement des réserves (rayonnages virtuels).

A plusieurs reprises, la biblio a été "attaquée" (en fait, complètement vidée) et, à chaque fois, j'ai pu "réparer" en rechargeant tous les fichiers. Depuis peu, deux des sites utilisés ont purement et simplement... disparu. De ce fait, plusieurs milliers de liens sont défectueux puisque les fichiers correspondants n'existent plus sur les sites servant de réserve.

Il n'y a pas de parade à cette nouvelle attaque (à moins que cela ne soit de la censure de la part du serveur), sauf à recréer deux réserves, autrement dit à charger deux sites perso. Mais je me vois mal faire cela (surtout tout seul comme je le suis depuis le début de l'aventure de cette biblio) car cela m'obligerait à corriger plusieurs milliers de liens dans les catalogues.

Je vais donc laisser courir. Au besoin, on pourra me demander les ouvrages recherchés. Et puis si les autres sites disparaissent aussi, la biblio prendra le maquis ou, plus exactement, se réfugiera dans la clandestinité de mon ordi perso.

En fait, je ne renonce pas. Seulement je me dis que cela ne sert à rien de poursuivre une œuvre dont l'inutilité est à la mesure du (nouveau) silence radio qui fait suite à mon nouvel appel à l'aide puisque aucune aide concrète (prêt ou "don d'un site perso et, surtout, coup de main pour modifier en conséquence les liens des catalogues) ne m'a été proposée. Certes, il y a de sincères "compassions" qui, à l'évidence ne m'indiffèrent pas puisqu'elles… me touchent, mais il y aussi toutes ces solidarités de façades, ces soutiens hypocrites… qui pourraient finir par me faire me fâcher avec l'ensemble du genre humain.

*****

 

Tous les membres d'Action directe[1] ont des problèmes de santé, plus ou moins graves. La personne la plus atteinte est sans aucun doute Nathalie Ménigon : elle est à demi-paralysée, l'administration pénitentiaire lui refuse les médicaments et les soins (kiné) dont elle a besoin pour ne pas devenir un... "légume".

Georges Cipriani a sombré dans la folie suite au traitement psychiatrique qu'on lui a imposé de force comme cela se pratiquait en URSS pour les "opposants".

Joëlle Aubron est à nouveau hospitalisée, suite à un malaise alors qu'on vibnt juste de lui enlever une tumeur au cerveau et que pendant son hospitalisation elle était attachée au lit par la main gauche (alors qu'elle est gauchère).

Jean-Marc Rouillan, après avoir été enfin transféré dans un hôpital pour y être soigné alors qu'il souffre d'un cancer diagnostiqué depuis plusieurs mois mais non traités jusqu'alors (refus de l'administration pénitentiaire), a été renvoyé à "sa" prison d'origine.

Des individus, isolés ou regroupés, en France, s'efforcent de faire en sorte que les droits fondamentaux de ces prisonnier(e)s soient respectés comme, par exemple, leur droit à la santé, autrement dit leur droit à se faire soigner et, en application de la loi Kouchner a être libéré(e) pour être soigné(e) convenablement dans un vrai hôpital comme l'a demandé Nathalie, sachant que sa demande a été rejetée alors que c'est en vertu de cette loi que Papon est libre !

Visiblement, plus que jamais, en France, il y a une justice à deux vitesses ; il y en a une qui s'appelle impunité pour les Chirac, Juppé, Papon... et une autre qui s'appelle vindicte de classe pour... les autres : les membres d'AD, mais aussi, plus généralement, les "délinquants", c'est-à-dire celles et ceux qui "menacent" le système et qui empêchent certains de s'en foutre tranquillement plein les poches.

Pour donner plus d'ampleur à leurs initiatives, les individus précités ont fait appel à des ONG comme Amnesty International, dont la section française fait savoir qu'il ne lui est pas possible d'agir sur son propre pays mais aussi qu'elle ne soutient pas ceux qui ont usé de violence (au sens strict du terme, Papon n'a pas personnellement usé de violence ; il est à parier qu'il peut bénéficier de la protection d'Amnesty International !)

De mon coin, j'ai appelé celles et ceux que je connais à se mobiliser avec leurs modestes moyens en faveur de ces prisonnier(e)s au seul motif que leurs droits fondamentaux et, par conséquent, leur dignité d'être humain sont bafoués, niés, écrasés, anéantis…

Là aussi, silence radio… et même de la part de celles et ceux qui se disent… anarchistes !

Certes, certain(e)s se manifestent pour me dire qu'il ne leur est pas possible de faire "quelque chose" pour ces prisonniers au motif qu'ils ont tué, qu'ils ont été con,damnés par la… Justice et qu'ils-elles doivent aller au bout de leur peine ! Comme si l'État et les entreprises capitalistes – et, au-delà, les politiques, les membres du gouvernement, les hauts fonctionnaires…  et les patrons, les chefs d'entreprise, les  actionnaires… - n'avaient pas du sang sur leurs mains, comme si le capitalisme et donc la démocratie bourgeoise n'étaient pas violents !..

Et quand bien même… depuis quand peut-on se prétendre anarchiste, humaniste, "démocrate", soucieux-euse des Droits des humains… et, en même temps, considérer qu'il est normal et même légal de maltraiter des individus qui, se faisant, sont déchus de leur humanité, que pour certain(e)s la Justice est synonyme d'impunité absolue et pour d'autres de tolérance zéro, voire même de vindicte judiciaire, policière, légale ?[2]

Comment se dire anarchiste sans, chaque jour, se révolter au moins une fois contre l'ordre en place, un ordre qui est injuste, inique, violent, oppressif, répressif, violent, criminel… ? Comment assumer tranquillement son anarchisme et son humanisme dans le confort (éventuellement alcoolisé, pour ne pas dire… alcoolique[3]) de ses pantoufles ?

Bien sûr, "on" ne manquera pas de dire que "se révolter" n'est pas très… positif quand la révolte reste individuelle et qu'elle ne débouche sur aucun acte concret. Certes. Certes. Mais, au moins, la révolte d'indignation, de refus, de protestation… est ce "minimum" en dessous duquel on ne peut être ce que l'on prétend être, anarchiste, humaniste.

De plus, même dans l'isolement de son individualité, le-la révolté(e) peut toujours faire "quelque chose" : signer une pétition, écrire (lettres, messages, articles…), briser le mur du silence dont on veut entourer celles et ceux que l'on veut pouvoir assassiner légalement en toute discrétion, déchirer des affiches, renvoyer des "papiers", gueuler, protester…

Comment ne pas se poser chaque jour ce questionnement : quel acte de révolte ai-je posé aujourd'hui quand "je me révolte, donc nous sommes" (Albert Camus) ? contre quoi, dont je suis pourtant témoin, ne me suis-je pas révolté(e) aujourd'hui ? de quoi, par mon absence de révolte, me suis-je rendu complice aujourd'hui ? quel appel à la révolte n'ai-je pas entendu, voire n'ai-je pas voulu entendre aujourd'hui ? que/qui suis-je vraiment si, aujourd'hui, je n'ai pas trouvé le moindre prétexte à me révolter ?...

 *****

Il y a peu, j'ai écrit un texte "Je suis… intolérant". A mon grand étonnement, il a déchaîné de véritables passions.

D'abord, plusieurs personnes m'ont harcelé pour savoir si je les visais dans ce texte ! comme si ce n'est pas à soi-même de savoir qui/ce que l'on est vraiment ! comme si j'étais un pape délivrant des baptêmes ou des excommunications ! comme si, à défaut d'une intelligence, je dirais tout à fait…. normale, le cœur ne pouvait pas comprendre un tel texte et, surtout, de répondre à la question ainsi posée à un tiers et non à soi !

D'autres, m'ont littéralement incendié, montrant par là que, tels des taureaux rendus furieux par la piqûre d'un taon, faute d'avoir lu et, bien entendu, compris, mon texte, ils-elles s'étaient mis à foncer tête baissée dans le mur de l'incompréhension et à déblatérer des idées toutes faites, des préjugés, des représentations, des platitudes d'"une banalité affligeante attestant d'une pauvreté intellectuelle, culturelle qualifiable, sans exagération, d'…indigence … ou bien même d'éructer, de péter, de borborygmer…, bref d'émettre des sons comme tous les bestiaux le font pour se reconnaître et, ainsi, marquer l'unité du troupeau"[4] mais aucunement des IDÉES, des convictions, une argumentation, un raisonnement, une contradiction…

Dans les deux cas, comment, plus que jamais, ne pas véritablement… fuir ces personnes au nom ce "droit" qui est le mien de refuser de subir une promiscuité qui me déplaît et, au contraire, de goûter à la paix cherchée et trouvée ailleurs, même si cet ailleurs n'est rien d'autre que… la solitude ? D'autant plus que ces personnes sont les mêmes que celles évoquées dans els deux points précédents !

 

[1] - Gorges Cipriani, Maison centrale, 4364/2108, 49 rue de la 1ère Armée, 68190 Emsisheim

- Jean Marc Rouillan, Maison Centrale, F 03402 Moulins - Yzeure Cedex, France

- Joëlle Aubron, 2174 PN 111, centre de détention, Chemin des Anzacs, 62451 Bapaume, France

- Nathalie Ménigon, 2173 N 118, centre de détention, Chemin des Anzacs, 62451 Bapaume, France

- Régis Schleicher, 9484 QI CP, Centre pénitenciaire, 10310 Clairvaux cedex

- Un site : http://www.action-directe.net/index.php

[2] En se battant pour les droits des membres d'AD, on se bat aussi pour les droits de tou(te)s les prionnier(e)s.

[3] Serrer le poing et le lever est un acte de révolte. Pas… lever le coude !

[4] Tiré de mon texte " Effectivement… Effectivement ! vous avez dit effectivement ?... Effectivement…"


ADDITIF

Communiqué du Front de Libération des Organes Mal en point à tous les amies, amis et camarades qui se sont inquiétés pour moi.

Le 2 avril, j'ai réintégré le Centre de détention de Bapaume. Dans une quinzaine de jours, commencera une suite de soins quotidiens sur une bonne quarantaine de jours. Pour l'heure, n'est pas encore établi la manière dont ils se dérouleront. Ils ne nécessitent pas d'hospitalisation en eux-mêmes. Néanmoins, même si ma qualité de prisonnière au long cours, étiquetée dangereuse qui plus est, entraîne une nouvelle hospitalisation, je compte bien utiliser ces 15 jours pour la préparer. Non seulement j'ai l'énergie pour éviter que se reproduisent les conditions de la première hospitalisation mais cette fois ma famille et mes proches n'auront pas à revivre les 8 premiers jours de l'hospitalisation en urgence du 6 mars. Ceci pour dire que je vais bien. Au moment où j'écris, je suis encore stressée par ces 4 dernières semaines, de la conscience de l'inquiétude brutalement suscitée et non résolue avant le 10 mars aux conditions mêmes d'une hospitalisation sous escorte policière. Pour !
 autant, entourée par ma camarade Nathalie et par une camarade basque, Agurtzane, je sens déjà diminuer la tension. Je suis sereine pour aborder cette suite.
     
Une fois encore, ce sont les mots amour et colère qui définissent le mieux mon état d'esprit. Dans le premier, les amours et les amitiés personnelles s'entrelacent avec l'élan initial de notre engagement pour une libération sociale, politique et culturelle du mode de production capitaliste. La seconde aussi joue ainsi sur les 2 tableaux.
      
Difficile de ne pas relier les conditions de cette hospitalisation, du black-out initial vis-à-vis de ma famille aux menottes m'attachant au lit en passant par une accumulation de consignes prétendument sécuritaires, à une perpétuation routinière par la machine étatique de sa politique à notre égard. L'Etat nous aime, le seul problème est qu'il a l'amour vache : il s'agit de nous garder encore et encore. Je le sais, nous le savons et c'est aussi contre cet acharnement que la colère sert d'armure dans l'adversité.
      
Bref, j'espère que ce simili de communiqué vous aura dit l'essentiel : même menottée sur mon lit, encerclée dans un de ces no man's land dont les administrations répressives ont le secret, me protégeait la chaleur de vos amitiés et nos engagements communs pour changer de société et rendre l'avenir à l'humanité. Carrément !

Joëlle Audron, prisonnière d'Action Directe
Le 4 Avril 2004

[Ce communiqué a été écrit avant la ré-hospitalisation de Joëlle).


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