Droits et devoirs

Réflexions personnelles

 

"Le devoir de ne pas faire son devoir est souvent le seul devoir".

GOURMONT, Rémy de : Le Devoir...

 

"La paresse n'est pas un droit mais un devoir qui nécessite un réel apprentissage tant nous sommes convaincus que « la » société nous doit tout, nous assiste en tout, alors que notre degré de liberté se mesure à l'aune de nos initiatives détachées de l'échange monétaire, de nos errances personnelles, de nos rencontres avec nous-mêmes".

Thierry Paquot

 

"L'anarchie est la plus haute idée de l'ordre puisqu'elle est l'ordre sans le pouvoir"

(D'après Élisée Reclus)

 

  1. Introduction

Le terme Droit, du bas latin directum, ce qui est juste, a plusieurs sens :

a)      Faculté d'accomplir ou non quelque chose, d'exiger quelque chose d'autrui, en vertu de règles reconnues, individuelles ou collectives ; pouvoir, autorisation. On n'a pas le droit de fumer dans les bureaux. Avoir des droits et des devoirs. – Être en droit de : pouvoir. – Faire droit à une demande, satisfaire une demande.

b)      Ce qui donne une autorité morale, une influence. Droit d'aînesse. Avoir des droits sur quelqu'un, quelque chose.

c)      (Familier) Avoir droit à : ne pas pouvoir éviter quelque chose de désagréable. Vous aurez droit à une amende.

d)       Somme d'argent exigible en vertu d'un règlement ; impôt, taxe. Droits de douane. Droits d'auteur.

e)      Ensemble des principes qui régissent les rapports des hommes entre eux, et qui servent à établir des règles juridiques. – Droit naturel, droit qui trouve son fondement dans la nature de l'homme et fournit les règles universelles auxquelles doit se conformer, antérieurement à toute spécification du droit, la coexistence des individus et des sociétés. – Monarchie de droit divin, monarchie dans laquelle le roi tient son autorité souveraine de Dieu. – Qui de droit : la personne compétente, qui a l'autorité requise. S'adresser à qui de droit. – À bon droit, de plein droit : à juste titre, légitimement.

f)        Ensemble des règles juridiques en vigueur dans une société. Droit coutumier et droit écrit. – Droit positif, droit effectivement appliqué dans une société. – Prisonnier de droit commun, prisonnier dont l'infraction relève des règles de procédure générales et non de dispositions spéciales (par opposition à prisonnier politique). – Droit constitutionnel : ensemble des règles, des institutions et des pratiques relatives au pouvoir politique. – Droit canon ou canonique.

Bien que chaque pays possède son système de droit interne, certains systèmes présentent des ressemblances et des analogies importantes. On distingue ainsi le système des pays latins auquel se rattachent, à des degrés divers, la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, le Portugal et divers États d'Amérique du Sud ; le système anglo-saxon, qui caractérise le droit britannique, celui des États-Unis et ceux de nombreux États du Commonwealth ; le système germanique, auquel se rattachent l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Suisse ; le système musulman, fondé sur le Coran et la tradition du Prophète (charia), etc. L'évolution du droit contemporain est marquée par une complexité croissante et par un enchevêtrement des branches de droit entre elles. On peut cependant les classer en deux groupes : le droit public (droit constitutionnel, droit administratif, finances publiques, etc.) et le droit privé (droit civil, droit commercial, droit pénal, etc.). Enfin, des droits supranationaux, émanant des organes auxquels les États ont délégué leur compétence, sont en voie de création (droit européen, par exemple).

g)      Droits de l'homme : droits et libertés que chaque individu possède du seul fait de sa nature humaine. (Ils ont été proclamés par divers textes solennels, généralement appelés "déclarations" : Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen Déclaration universelle des Droits de l'Homme…)

h)      Science des règles juridiques. Faire des études de droit. Faire son droit.

i)        Taxe ou impôt (Exemple : Droit de timbre).


Le terme devoir a cinq sens[1] :

a)      Toute action qu'un homme est obligé d'accomplir ou de ne pas accomplir. La cause de cette obligation peut être naturelle — biologique, par exemple — sociale ou institutionnelle. Obligation morale en vertu de laquelle les individus sont tenus d'accomplir ou de ne pas accomplir une action. Obligation particulière liée aux circonstances. Devoir professionnel, civique, religieux. Devoirs religieux. Les devoirs de l'amitié. Avoir le sens du devoir. Homme de devoir, respectueux de ses obligations.   Se mettre en devoir de : se préparer, se mettre à. - Manquer à ses devoirs.

b)      En droit (civil) : obligation imposée à l'individu et qui diffère du devoir moral en ce que son observation peut être assurée grâce aux moyens de contrainte dont dispose la société. Ainsi, celui qui n'exécute pas une obligation découlant d'un contrat pourra être assigné en justice par son créancier; celui qui cause d'une manière illicite un dommage à autrui pourra être astreint à le réparer; celui qui enfreint un impératif du système juridique, enjoignant par exemple de ne pas voler, se verra infliger une peine…

c)      Charge, office, fonction, responsabilité…, voire… corvée.

d)       Travail, exercice écrit que doit faire un élève, un étudiant.

e)      (Ancien) Compagnonnage ; rites et idéal auxquels se soumettait le compagnon. Le Devoir : l'ensemble des compagnonnages.

N.B. Dans sa forme pluriel il désigne une marque de respect ou de politesse ; hommages. Présenter ses devoirs à quelqu'un. – Derniers devoirs : honneurs funèbres.


Attachons-nous d'abord aux droits et, pour ce faire, en premier, au Droit :

  1. Le Droit et les droits

Dans son acception juridique, les droits sont des capacités ou des obligations  constitutives d'un corpus, le Droit, qui est donc un ensemble des normes hiérarchisées, générales et impersonnelles, procédant de la loi, de la coutume, de la jurisprudence et, dans une certaine mesure, de la doctrine des auteurs, qui a pour vocation de régir la vie sociale et dont l'autorité est garantie par la puissance publique détentrice du pouvoir légitime. Dépendant étroitement des mœurs et des structures de la société dont il est le produit, le droit positif (compris comme l'ensemble des règles existantes à un moment précis dans une communauté donnée) se veut, dans tous les cas, tributaire du droit naturel, de la morale et de la justice, qui fondent sa capacité d'être accepté par tous.

Le droit positif, tel que le connaissent les sociétés contemporaines, se distingue de l'ensemble des prescriptions et des interdits d'origine religieuse, qui régissent la vie des sociétés traditionnelles. Cette observation n'exclut pas, cependant, que certains modèles juridiques soient étroitement influencés par les préceptes de la religion, comme c'est le cas, par exemple, dans certains pays appartenant au monde islamique. Pour que l'on puisse parler de droit, il faut qu'il existe une société organisée, qui ne soit pas une simple communauté d'individus, mais une entité ayant une existence autonome par rapport à celle de chacun de ses membres, et ayant pour fonction la promotion d'objectifs partagés par tous : la sécurité de la communauté, à l'intérieur comme à l'extérieur, l'harmonie des relations, tant dans les relations privées que dans celles qu'entretiennent les individus avec l'institution incarnant la collectivité dans son ensemble, qui, dès lors qu'elle est revêtue de la souveraineté, prend la forme de l'État, détenteur, selon la célèbre formule de Max Weber, du "monopole de la contrainte légitime". Ce modèle vaut quelle que soit la forme de l'État et s'applique aussi bien aux cités du monde antique qu'aux royaumes du Moyen Âge ou aux démocraties du monde contemporain.

Le droit comparé permet de dégager les différentes influences qui ont concouru à la formation du droit occidental, au sein duquel il est traditionnel d'opposer les pays de droit romano-germanique aux pays de Common law. Essentiellement coutumier et jurisprudentiel, le droit des pays de Common law s'applique dans le monde anglo-saxon. Il s'inscrit dans une conception particulière des relations de l'individu avec l'État, dans laquelle le droit apparaît comme un ensemble de normes pratiques, étroitement adaptées à un cas particulier, ce que montre bien l'absence de distinction opérée entre le droit public et le droit privé. Les pays de tradition romano-germaniques, telles la France, l'Espagne ou l'Italie, ont fait de nombreux emprunts au droit romain, appliqué dans l'ensemble des provinces de l'Empire, de la période gallo-romaine, qui correspond à la conquête de la Gaule par César en 44 av. J.-C. à la chute de l'Empire romain d'Occident en 476. L'invasion de la Gaule par les Barbares fit en effet disparaître les structures de l'administration gallo-romaine et avec elle l'ordonnancement du système juridique en vigueur.

Ce droit, redécouvert en France à partir du XIIème siècle, marqua profondément les règles existant au sud de la Loire jusqu'à la Révolution française. Bien que le droit romain n'eût pas exercé une influence comparable dans le nord du pays, il servit à titre supplétif, à chaque fois que les lacunes des règles coutumières existant dans le Nord ne permettaient pas de trancher les problèmes juridiques. L'influence du droit romain se combina avec celle du droit canon, reflétant l'importance du pouvoir de l'Église catholique dans tous les secteurs de la société, et notamment, dans le droit de la famille puisque c'étaient les règles du droit canon qui s'appliquaient pour le mariage.

Le Voyage du jeune Anacharsis a pour première qualité de faire découvrir à ses lecteurs la Grèce antique, mais au souci pédagogique de l’œuvre s’ajoute parfois, comme dans ce passage, une réflexion plus contemporaine qui fait écho aux philosophes de son temps, à Rousseau principalement. Parce que la place du philosophe dans la société ne saurait être celle du courtisan, Barthélemy[2] met son érudition au service d’une défense des Lumières du XVIIIe siècle.

Extraits de Voyage du jeune Anacharsis en Grèce vers le milieu du IVe siècle avant l'ère vulgaire (chapitre 22) :

"[…] Le lendemain de cet entretien, le bruit courut qu’Aristippe de Cyrène venait d’arriver : je ne l’avais jamais vu. Après la mort de Socrate son maître, il voyagea chez différentes nations, où il se fit une réputation brillante. Plusieurs le regardaient comme un novateur en philosophie, et l’accusaient de vouloir établir l’alliance monstrueuse des vertus et des voluptés ; cependant on en parlait comme d’un homme de beaucoup d’esprit.

Dès qu’il fut à Athènes, il ouvrit son école; je m’y glissai avec la foule : je le vis ensuite en particulier ; et voici à peu près l’idée qu’il me donna de son système et de sa conduite.

Jeune encore, la réputation de Socrate m’attira auprès de lui, et la beauté de sa doctrine m’y retint ; mais comme elle exigeait des sacrifices dont je n’étais pas capable, je crus que, sans m’écarter de ses principes, je pourrais découvrir à ma portée, une voie plus commode pour parvenir au terme de mes souhaits.

Il nous disait souvent que, ne pouvant connaître l’essence et les qualités des choses qui sont hors de nous, il nous arrivait à tous moments de prendre le bien pour le mal, et le mal pour le bien. Cette réflexion étonnait ma paresse : placé entre les objets de mes craintes et de mes espérances, je devais choisir, sans pouvoir m’en rapporter aux apparences de ces objets, qui sont si incertaines, ni aux témoignages de mes sens, qui sont si trompeurs.

Je rentrai en moi-même ; et je fus frappé de cet attrait pour le plaisir, de cette aversion pour la peine, que la nature avait mis au fond de mon cœur, comme deux signes certains et sensibles qui m’avertissaient de ses intentions. En effet, si ces affections sont criminelles, pourquoi me les a-t-elle données ; si elles ne le sont pas, pourquoi ne serviraient-elles pas à régler mes choix ?

Je venais de voir un tableau de Parrhasius ; d’entendre un air de Timothée : fallait-il donc savoir en quoi consistent les couleurs et les sons, pour justifier le ravissement que j’avais éprouvé ? et n’étais-je pas en droit de conclure que cette musique et cette peinture avaient, du moins pour moi, un mérite réel.

Je m’accoutumais ainsi à juger de tous les objets par les impressions de joie ou de douleur qu’ils faisaient sur mon âme ; à rechercher comme utiles ceux qui me procuraient des sensations agréables, à éviter comme nuisibles ceux qui produisaient un effet contraire. N’oubliez pas qu’en excluant et les sensations qui attristent l’âme, et celles qui la transportent hors d’elle-même, je fais uniquement consister le bonheur dans une suite de mouvements doux, qui l’agitent sans la fatiguer ; et que, pour exprimer les charmes de cet état, je l’appelle volupté.

En prenant pour règle de ma conduite ce tact intérieur, ces deux espèces d’émotions dont je viens de vous parler, je rapporte tout à moi ; je ne tiens au reste de l’univers que par mon intérêt personnel, et je me constitue centre et mesure de toutes choses ; mais, quelque brillant que soit ce poste, je ne puis y rester en paix, si je ne me résigne aux circonstances des temps, des lieux et des personnes. Comme je ne veux être tourmenté ni par des regrets ni par des inquiétudes, je rejette loin de moi les idées du passé et de l’avenir ; je vis tout entier dans le présent. Quand j’ai épuisé les plaisirs d’un climat, j’en vais faire une nouvelle moisson dans un autre. Cependant, quoique étranger à toutes les nations, je ne suis ennemi d’aucune ; je jouis de leurs avantages, et je respecte leurs lois : quand elles n’existeraient pas ces lois, un philosophe éviterait de troubler l’ordre public par la hardiesse de ses maximes, ou par l’irrégularité de sa conduite.

Je vais vous dire mon secret, et vous dévoiler celui de presque tous les hommes. Les devoirs de la société ne sont à mes yeux qu’une suite continuelle d’échanges : je ne hasarde pas une démarche sans m’attendre à des retours avantageux ; je mets dans le commerce mon esprit et mes lumières, mon empressement et mes complaisances ; je ne fais aucun tort à mes semblables ; je les respecte quand je le dois ; je leur rends des services quand je le puis ; je leur laisse leurs prétentions, et j’excuse leurs faiblesses. Ils ne sont point ingrats : mes fonds me sont toujours rentrés avec d’assez gros intérêts.

Seulement j’ai cru devoir écarter ces formes qu’on appelle délicatesse de sentiments, noblesse de procédés. J’eus des disciples ; j’en exigeai un salaire : l’école de Socrate en fut étonnée, et jeta les hauts cris, sans s’apercevoir qu’elle donnait atteinte à la liberté du commerce.

La première fois que je parus devant Denys, roi de Syracuse, il me demanda ce que je venais faire à sa cour ; je lui répondis : Troquer vos faveurs contre mes connaissances, mes besoins contre les vôtres. Il accepta le marché, et bientôt il me distingua des autres philosophes dont il était entouré […]".

Lors de la constitution de la commission chargée de codifier le droit en 1799, des représentants des deux traditions juridiques siégèrent de façon à équilibrer la part respective de la coutume et du droit écrit. Le Code civil, issu en 1804 de cette entreprise de codification, manifeste l'influence romaine dans le droit contemporain, notamment en matière de droit des contrats et des obligations, ainsi qu'en matière de droit des successions. Les autres sources du droit français furent le droit germanique, dont la pénétration s'explique par les invasions de la fin du Vème siècle, ainsi que le droit coutumier, qui s'est appliqué au nord de la Loire jusqu'à la Révolution. Le cinquième facteur d'influence est le droit monarchique, ou droit royal. À partir du Xème siècle, la féodalité offrit une structure hiérarchisée comportant des règles précises d'organisation sociale et appliqua en majorité des principes de droit canon, bien que les seigneurs féodaux aient pris l'habitude d'imposer des règles souveraines de fonctionnement dans leur seigneurie. Le droit, alors très morcelé, variait considérablement en fonction des seigneuries, ce qui constituait un facteur d'instabilité ; ce phénomène favorisa l'émergence de la royauté entre le XIIIème et le XVIème siècle. L'effort de codification entrepris dès le XVIIème siècle, notamment avec Richelieu, s'inscrivit dans l'entreprise centralisatrice de la monarchie absolue et se traduisit au XVIIIème siècle par la formulation d'un ensemble de règles (notamment relatives au domaine royal), qui furent à l'origine du droit public actuel, et la rédaction de plusieurs codes, notamment en matière civile et criminelle.

Il est à noter que le Droit moderne établi par les Révolutions française, étasunienne… a une double inspiration : juridique (cf., par exemple, Grotius, Montesquieu…) mais, aussi et sans doute surtout, philosophique (avec, en particulier, les Philosophes des Lumières, les Encyclopédistes…) et, pour être encore plus précis, humaniste (Rappelons que de nombreux FF... ont rédigé ou soufflé maintes lois organiques et, singulièrement, constitutionnelles, et sont à l'origine de nombreuses lois progressistes, singulièrement celles relatives aux droits fondamentaux et aux libertés individuelles des personnes mais également aux dispositifs de solidarité, de santé publique, de retraite, d'éducation…). Cette double inspiration s'est retrouvée à l'œuvre lors de l'élaboration d'un droit international (Déclaration Universelle des Droits de l'Homme…)[3].

La Révolution française devait modifier considérablement les caractères du droit français et, avec lui, celui d'un certain nombre de pays d'Europe sur lesquels elle exerça une influence directe et indirecte. Rupture politique, la Révolution fut une rupture juridique, annonciatrice des caractéristiques du droit moderne. Inscrivant dans le domaine politique le postulat philosophique de l'égalité des individus, elle rendit possible l'entreprise de codification menée sous le premier Empire, dont la caractéristique principale est d'avoir donné le jour, au travers du Code civil et du Code pénal, à un droit unifié, refusant d'opérer des distinctions territoriales et de pratiquer des discriminations juridiques en fonction de l'état social. Conférant les mêmes droits à tous, la codification napoléonienne doubla les droits objectifs (ceux qui sont inscrits de manière abstraite dans l'ordonnancement juridique) d'un ensemble de droits subjectifs (ceux qui sont intériorisables par le citoyen, sujet de droit).

En avril 1792, présentant un rapport sur l’instruction publique, le marquis de Condorcet défend une conception de l’enseignement témoignant de l’imprégnation de la Révolution par l’esprit des Lumières. Il juge que tout homme portant en lui sa propre perfectibilité, une politique égalitariste d’instruction publique permettra de former une société composée d’individus responsables, égaux et opposés au despotisme. Dès lors, parce qu’il détermine l’émergence d’une conscience civique et citoyenne, le droit universel à la pédagogie et au partage de la connaissance cautionne en profondeur le progrès de l’idéal du bonheur commun, vertu nécessaire à l’affirmation d’une vraie démocratie.

Extrait de Rapport sur l'organisation générale de l'instruction publique (20-21 avril 1792) :

Messieurs,

[…] Offrir à tous les individus de l’espèce humaine les moyens de pourvoir à leurs besoins, d’assurer leur bien-être, de connaître et d’exercer leurs droits, d’entendre et de remplir leurs devoirs ;

Assurer à chacun d’eux la facilité de perfectionner son industrie [entendre "habileté professionnelle "], de se rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a droit d’être appelé, de développer toute l’étendue des talents qu’il a reçus de la nature, et par là, établir entre les citoyens une égalité de fait, et rendre réelle l’égalité politique reconnue par la loi :

Tel doit être le premier but d’une instruction nationale ; et, sous ce point de vue, elle est pour la puissance publique un devoir de justice.

Diriger l’enseignement de manière que la perfection des arts augmente les jouissances de la généralité des citoyens et l’aisance de ceux qui les cultivent, qu’un plus grand nombre d’hommes deviennent capables de bien remplir les fonctions nécessaires à la société, et que les progrès toujours croissants des lumières ouvrent une source inépuisable de secours dans nos besoins, de remèdes dans nos maux, de moyens de bonheur individuel et de prospérité commune ;

Cultiver enfin, dans chaque génération, les facultés physiques, intellectuelles et morales, et, par là, contribuer à ce perfectionnement général et graduel de l’espèce humaine, dernier but vers lequel toute institution sociale doit être dirigée :

Tel doit être l’objet de l’instruction ; et c’est pour la puissance publique un devoir imposé par l’intérêt commun de la société, par celui de l’humanité entière. […]".

Le droit des sociétés contemporaines est donc le fruit d'une longue évolution, qui s'est traduite, aux XIX et XXèmes siècles, par la reconnaissance de la notion de société internationale, entendue comme communauté de l'ensemble des États soumis à un certain nombre de règles qui doivent permettre leur coexistence; ce mouvement a donné lieu à un intense mouvement de codification, concernant aussi bien le droit international public que le droit international privé.

En marge de la Déclaration Universelle de L'Homme et du Citoyen, La Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791) est l’une des premières expressions revendicatrices des idées féministes développées au siècle des Lumières. Sur le modèle de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, à partir de laquelle s’articule le texte d’Olympe de Gouge, cette publication (qui n’a en définitive jamais été votée ni adoptée par l’Assemblée) réclame l’égalité complète des sexes, en droits et en devoirs.

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne :

"Article premier — La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.

Article 2 — Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de la Femme et de l’Homme ; ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et surtout la résistance à l’oppression.

Article 3 — Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la Femme et de l’Homme ; nul corps, nul individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.

Article 4 — La liberté et la justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de la femme n’a de bornes que la tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose : ces bornes doivent être réformées par les lois de la nature et de la raison. [...]

Article 6 — La loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous ; toutes les citoyennes et tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités et sans autres distinctions que celles de leurs vertus et de leurs talents.

Article 7 — Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans les cas déterminés par la Loi. Les femmes obéissent comme les hommes à cette Loi rigoureuse.

Article 8 — La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée aux femmes.

Article 9 — Toute femme étant déclarée coupable, toute rigueur est exercée par la Loi.

Article 10 — Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même fondamentales ; la femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par la Loi.

Article 11 — La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de la femme, puisque cette liberté assure la légitimité des pères envers les enfants. Toute citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un préjugé barbare la force à dissimuler la vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article 12 — La garantie des droits de la femme et de la citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de tous et non pour l’utilité particulière de celles à qui elle est confiée.

Article 13 — Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, les contributions de la femme et de l’homme sont égales ; elle a part à toutes les corvées, à toutes les tâches pénibles ; elle doit donc avoir de même part à la distribution des places, des emplois, des charges, des dignités et de l’industrie.

Article 14 — Les Citoyennes et Citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes, ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans la fortune, mais encore dans l’administration publique, et de déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée de l’impôt.

 Article 15 — La masse des femmes, coalisée pour la contribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son administration.

Article 16 — Toute société, dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ; la constitution est nulle, si la majorité des individus qui composent la Nation, n’a pas coopéré à la rédaction".

L'unification du droit a favorisé son expansion qui, dans l'ensemble des sociétés développées, s'est traduite par une hausse très significative du recours au règlement judiciaire des différends, par une prolifération des règles juridiques et par une spécialisation du droit. Alors qu'au début du XIXème siècle les pays de tradition romano-germanique ne connaissaient que le droit privé (c'est-à-dire le droit civil et le droit pénal) et le droit public, encore embryonnaire, on dénombre aujourd'hui une multitude de droits particuliers, comme le droit administratif, démembrement du droit public, ou le droit du travail, le droit commercial, le droit de la famille, qui constituent des démembrements du droit privé, s'appliquant à des publics particuliers ou à des secteurs se signalant par leur technicité (à l'instar du droit aérien, du droit de l'audiovisuel, de la concurrence, de la consommation, de la construction, ou encore du droit régissant la propriété intellectuelle ou du droit de l'immigration). Si cette multiplication de droits particuliers ne remet pas en question le caractère général et abstrait du droit, elle encourt le reproche de rendre beaucoup moins "lisible" le régime juridique en vigueur.

Le droit positif procèderait de ou s'opposerait à un droit naturel qui, en philosophie, en théologie et en droit, est l'ensemble de principes immuables et universels, issus de la "nature humaine", que le droit positif et la morale sont tenus de respecter. Le droit naturel peut être conçu comme un idéal auquel aspire la société civile ou comme la source dont provient toute régulation juridique et morale. On oppose le droit naturel au droit positif, aux promulgations de la société civile.

Les philosophes grecs de l'Antiquité furent les premiers à élaborer une doctrine du droit naturel. Au VIème siècle av. J.-C., Héraclite parlait d'une sagesse commune qui pénétrait l'univers entier, "car toutes les lois humaines sont nourries par une loi unique, la loi divine". Aristote distinguait deux catégories de justice : "Est naturelle une règle de justice qui a la même validité en tout lieu et qui ne dépend ni de notre assentiment ni de notre désapprobation. Légale (conventionnelle) est avant tout une règle qui peut être interprétée indifféremment d'une manière ou d'une autre". Les stoïciens et en particulier le philosophe Chrysippe de Soli élaborèrent une théorie systématique du droit naturel. Pour le stoïcisme, le cosmos dans sa totalité est ordonné rationnellement par un principe actif, le logos, indifféremment appelé Dieu, esprit ou destin. Chaque nature individuelle fait partie intégrante du cosmos. Vivre vertueusement signifie vivre en accord avec sa propre nature, vivre selon la raison. La passion et l'émotion étant considérées comme des mouvements irrationnels de l'âme, l'individu sage cherche à se détacher des passions et à mener sa vie selon la raison. Cette doctrine fut diffusée chez les Romains par l'orateur du Ier siècle av. J.-C. Cicéron, qui donna une définition célèbre du droit naturel dans De Republica : "La loi vraie est la raison juste en accord avec la Nature; elle est d'application universelle, invariable et éternelle ; elle invite au devoir par ses commandements et détourne du mauvais chemin par ses interdictions, etc. Les lois ne seront pas différentes à Rome ou à Athènes, et elles ne différeront pas d'un jour à l'autre : une seule loi éternelle et invariable sera valide pour toutes les nations et en tout temps". Dans le Corpus juris civilis, compilation de droit civil romain établi au VIème siècle sous l'empereur Justinien Ier, il est fait état d'un jus naturale, mais on ne trouve ni affirmation de la supériorité du droit naturel sur le droit positif ni justification des droits de l'individu (l'esclavage, par exemple, était légal).

Avec Des lois, écrites au premier siècle avant Jésus-Christ, Cicéron[4] affirme que les lois humaines doivent reposer sur les lois de la nature, c’est-à-dire sur la raison qui fonde les vertus. En effet, le droit ne peut se réduire aux seules lois édictées par le législateur qui ne sont pas toujours justes. C’est une façon pour le grand orateur latin, par ailleurs avocat, de lutter contre l’arbitraire législatif et de proposer une morale politique.

Extrait de Des lois : […] XV "- Marcus : Ce qu’il y a de plus insensé, c’est de croire que tout ce qui est réglé par les institutions ou les lois des peuples est juste. Quoi ! même les lois des tyrans ? Si les Trente avaient voulu imposer aux Athéniens des lois, et si tous les Athéniens avaient aimé ces lois dictées par des tyrans, devrait-on les tenir pour justes ? Pas plus, je pense, que la loi posée par notre interroi : le dictateur pourra mettre à mort et sans l’entendre tout citoyen qu’il lui plaira. Le seul droit en effet est celui qui sert de lien à la société, et une seule loi l’institue : cette loi qui établit selon la droite raison des obligations et des interdictions. Qu’elle soit écrite ou non, celui qui l’ignore est injuste. Mais si la justice est l’obéissance aux lois écrites et aux institutions des peuples et si, comme le disent ceux qui le soutiennent, l’utilité est la mesure de toutes choses, il méprisera et enfreindra les lois, celui qui croira y voir son avantage. Ainsi plus de justice, s’il n’y a pas une nature ouvrière de justice ; si c’est sur l’utilité qu’on la fonde, une autre utilité la renverse. Si donc le droit ne repose pas sur la nature, toutes les vertus disparaissent. Que deviennent en effet la libéralité, l’amour de la patrie, le respect des choses qui doivent nous être sacrées, la volonté de rendre service à autrui, celle de reconnaître le service rendu ? Toutes ces vertus naissent du penchant que nous avons à aimer les hommes, qui est le fondement du droit. En on ne détruit pas seulement ces obligations envers les hommes, on détruit les cérémonies religieuses et le culte des dieux que, selon moi, il faut maintenir, non par crainte, mais à cause de l’union qui existe entre les hommes et Dieu.

XVI. — Si la volonté des peuples, les décrets des chefs, les sentences des juges faisaient le droit, pour créer le droit au brigandage, à l’adultère, à la falsification des testaments, il suffirait que ces façons d’agir eussent le suffrage et l’approbation de la multitude. Si les opinions et les votes des insensés ont une puissance telle qu’ils puissent changer la nature des choses, ne décideraient-ils pas que ce qui est mauvais et pernicieux sera désormais tenu pour bon et salutaire ? Ou pourquoi la loi qui de l’injuste peut faire le droit, ne convertirait-elle pas le bien en mal ? C’est que, pour distinguer une bonne loi d’une mauvaise, nous n’avons d’autre règle que la nature. Et non seulement la nature nous fait distinguer le droit de l’injustice, mais, d’une manière générale, les choses moralement belles de celles qui sont laides ; car une sorte d’intelligence partout répandue nous les fait connaître, et incline nos âmes à identifier les premières aux vertus, les secondes aux vices […]".

 

Les chrétiens trouvaient la doctrine du droit naturel des stoïciens tout à fait compatible avec leurs croyances. Paul parlait des païens privés de la loi mosaïque, qui "accomplissent naturellement les prescriptions de la Loi" (Épître aux Romains, II, 14). Le théologien espagnol du VIe siècle Isidore de Séville affirmait que le droit naturel est observé partout par instinct naturel; à titre d'exemple, il citait les lois ordonnant le mariage et la procréation. Les textes d' Isidore cités au début du Decretum (v. 1140) par l'érudit italien Gratien, manuel du droit canon au Moyen Âge, suscitèrent d'intenses discussions chez les scolastiques. L'enseignement de Thomas d'Aquin[5] sur le droit naturel est de loin le mieux connu. Dans sa Somme théologique (1265-1273), il nomme "loi éternelle" le caractère rationnel de la création par Dieu. La "loi éternelle" confère à tous les êtres humains l'inclination à entreprendre des actes et à suivre des buts qui leur sont appropriés. Commandant leurs propres actions et celles des autres, les créatures rationnelles participent de la raison divine elle-même. "Cette participation des créatures rationnelles à la loi éternelle est appelée droit naturel" dont les préceptes correspondent aux inclinations fondamentales de la nature humaine. Aussi est-il possible, de l'avis de Thomas d'Aquin, de distinguer le bien et le mal au moyen de la lumière naturelle de la raison.

Thomas d'Aquin a adhéré au mouvement de redécouverte des philosophes antiques et a alors cherché à concilier les apports des Anciens, parmi lesquels Aristote qu’il tenait pour "le " philosophe, avec la théologie chrétienne. Dans la Somme théologique, Thomas définit la justice comme une vertu qui aboutit à l’égalité. De là l’idée que la justice, à la différence des autres vertus qui ne concernent que l’homme vis-à-vis de lui-même, est essentiellement un rapport à autrui.

Extrait de Somme théologique : […] "La justice, parmi les autres vertus, a pour fonction propre d’orienter l’homme dans les choses relatives à autrui. En effet, elle implique une certaine égalité, comme son nom lui-même l’indique : ce qui s’égale s’ajuste, dit-on vulgairement ; or, l’égalité se définit par rapport à autrui. Les autres vertus, au contraire, ne perfectionnent l’homme que dans les choses qui le concernent personnellement. Il s’ensuit que ce qui est droit dans les œuvres de ces dernières, et à quoi tend l’intention vertueuse comme à son objet propre, ne se définit ainsi que par rapport au sujet vertueux, tandis que le droit, dans les œuvres de justice, est constitué par son rapport avec autrui, même abstraction faite du sujet : nous appelons juste en effet dans nos œuvres ce qui correspond selon une certaine égalité à autre chose, par exemple le paiement du salaire qui est dû en raison d’un service rendu. En conséquence, on donne le nom de juste, avec toute la rectitude de justice qu’il comporte, à ce à quoi l’acte de la vertu de justice aboutit, sans même s’inquiéter de la façon dont le sujet l’accomplit, alors que, pour les autres vertus, c’est au contraire la façon dont le sujet agit qui sert à déterminer la rectitude de ce qu’il fait. De là vient que l’objet de la justice, contrairement à celui des autres vertus, se détermine en lui-même, spécialement, et porte le nom de juste. Et c’est précisément le droit. Celui-ci est donc bien l’objet de la justice […]".

 Le juriste hollandais du XVIIème siècle Hugo Grotius est considéré comme le fondateur de la théorie moderne du droit naturel. Il définit de manière traditionnelle le droit naturel comme ensemble de règles que l'usage de la raison permet de découvrir; mais en émettant l'hypothèse que la validité de cette loi demeurerait inchangée même en l'absence de Dieu ou en l'absence d'intérêt de celui-ci pour les affaires humaines, il rompit avec les présupposés théologiques, ouvrant ainsi la voie aux théories purement rationalistes des XVII et XVIIIèmes siècles. Il se démarqua de la sorte de la scolastique, sinon de sa teneur, du moins de sa méthodologie. La seconde innovation de Grotius fut de concevoir ce droit comme indépendant de l'expérience : "À l'image des mathématiciens qui examinent leurs figures comme étant abstraites des corps, j'ai examiné le droit en soustrayant de mon esprit tout fait particulier" (De jure belli ac pacis, "Le droit de la guerre et de la paix", 1625).

Le juriste allemand Samuel von Pufendorf, le premier à avoir détenu une chaire de droit naturel dans une université allemande, développa le concept de droit naturel. Les philosophes anglais du XVIIème siècle Thomas Hobbes et John Locke avancèrent l'idée d'un état de nature originel d'où surgit un contrat social, et allièrent cette théorie à celle du droit naturel. La doctrine de Locke, selon laquelle les hommes sont dotés par nature de certains droits inaliénables qu'aucun gouvernement ne saurait violer, fut incorporée, en Amérique, à la Déclaration d'indépendance.

S’interrogeant sur les principes du droit naturel, dans les Devoirs de l’homme et du citoyen, Pufendorf[6] conclut à l’existence de trois grandes catégories de devoirs : les devoirs envers Dieu, les devoirs envers soi-même et les devoirs envers les autres hommes. Le principe de sociabilité fonde la dernière catégorie et le droit naturel. Pour autant, l’amour de Dieu et le souci de soi-même n’en sont pas exclus. Il s’agit alors d’aménager ces divers fondements pour trouver un point d’équilibre entre eux.

Extrait de Les Devoirs de l'homme et du citoyen :

[…] "La meilleure division que l’on puisse faire des Devoirs que la Loi naturelle impose à l’Homme, c’est de les distinguer selon les objectifs envers lesquels on est tenu de pratiquer ces Devoirs. Sur ce pied-là, il faut les réduire à trois classes générales. La première, de ceux qui regardent Dieu. La seconde, de ceux qui se rapportent à nous-mêmes ; et la troisième, de ceux qui concernent les autres hommes. Quoique les derniers émanent directement et principalement du Principe de la Sociabilité, que nous avons posé pour fondement du Droit naturel, rien n’empêche qu’on n’en déduise indirectement les devoirs de l’Homme envers Dieu, considéré comme Créateur, en tant que la crainte d’une Divinité est le plus puissant motif pour porter les Hommes à s’acquitter de ce qu’ils se doivent les uns aux autres ; en sorte que, sans un sentiment de quelque religion, l’Homme ne serait pas même sociable. Outre qu’en matière de religion, la raison toute seule ne saurait nous apprendre autre chose, si ce n’est que le culte de la divinité sert au bonheur et à la tranquillité de la vie présente : car la vertu qu’a la religion de procurer le salut éternel des âmes, dépend d’une révélation particulière. Pour ce qui est des devoirs de l’Homme à l’égard de lui-même, ils découlent en partie de la religion, et en partie de la sociabilité : car si l’Homme ne peut pas agir à sa fantaisie en certaines choses qui le regardent lui-même directement, c’est ou pour ne pas violer le respect qu’il doit à la divinité, ou pour pouvoir être un membre utile et commode de la Société humaine.

Mais ces sortes de devoirs, aussi bien que ceux qui nous regardent nous-mêmes, ont un autre fondement direct et immédiat, qui est indépendant de toute considération de la Société : car un Homme, qui se trouverait seul dans le Monde, ou dans quelque île déserte, n’en serait pas moins obligé de servir Dieu, de se conserver lui-même, de cultiver autant qu’il pourrait ses facultés, etc. Au fond, il n’est nullement nécessaire que tous les devoirs, dont on peut connaître la nécessité par les seules lumières de la raison, se déduisent d’une seule maxime fondamentale. Il faut donc dire qu’il y a trois grands principes du Droit naturel ; à savoir la Religion, qui comprend tous les devoirs de l’Homme envers Dieu ; l’Amour de Soi-Même, qui renferme tout ce que l’on est tenu de faire directement par rapport à Soi-Même, et la Sociabilité, d’où résulte tout ce qu’on doit au Prochain : principes féconds, qui, quoiqu’ils aient ensemble une grande liaison, et qu’ils concourent également aux vues du Créateur, diffèrent néanmoins dans le fond, et doivent être sagement ménagés, en sorte que l’on garde entre eux, autant qu’il est possible, un juste équilibre. Voyez sur Le droit de la nature et des gens, liv. II, chap. III, § 15, note 5, de la nouvelle édition, où j’ai mieux développé et exprimé mes principes sur cette matière importante. Bien des gens s’embarrassent ici, et embrouillent les choses, pour vouloir subtiliser, et dire quelque chose de nouveau ; en sorte qu’on dirait qu’ils détournent soigneusement leurs Esprits de faire attention aux idées les plus simples, qui se présentent d’elles-mêmes […]".

Au XIXème siècle, l'esprit critique domina les discussions sur le droit naturel. Affirmant que le droit naturel ne peut être démontré, les tenants de l'utilitarisme, formulé par le philosophe anglais Jeremy Bentham, le remplaçaient par le principe du "plus grand bonheur du plus grand nombre" et les adeptes du positivisme soutenaient que le droit ne repose que sur "la volonté du législateur" selon la formule du philosophe anglais John Austin.

À la suite des atrocités perpétrées par l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, le besoin d'établir des normes universelles pour le droit positif se fit ressentir à nouveau, comme le souligna Leo Strauss, théoricien contemporain du droit naturel[7]. La charte des Nations unies (ONU) proclame la "foi" de cette organisation dans les droits de l'Homme et, le 10 décembre 1948, l'assemblée générale de l'ONU adopta la Déclaration universelle des Droits de l'Homme, qui constitue cependant plus une déclaration morale qu'un traité légalement applicable.

Pour Rawls[8], la première vertu des institutions est la justice. Aux termes de la Théorie de la justice, quatre principes sont dégagés pour que le système légal soit véritablement juste, c’est-à-dire que le rapport entre le droit et la liberté soit équilibré. Le premier est le principe de possibilité qui commande d’édicter des règles qui peuvent être respectées. Le second est le principe d’égalité qui commande de traiter également les cas semblables. Le troisième est le principe de légalité qui exige que les lois soient connues et édictées. Le dernier est le principe d’impartialité du procès dont les procédures doivent assurer l’équité et la transparence du règlement judiciaire des litiges.

Extrait de Théorie de la justice :

[…] "Or, il est évident que l’État de droit est étroitement lié à la liberté. C’est ce que nous pouvons voir en examinant le concept de système de lois et sa relation étroite avec les préceptes qui définissent la justice comme régularité. Un système de lois est un système coercitif de règles publiques qui s’adressent à des personnes rationnelles pour régler leur conduite et fournir le cadre de la coopération sociale. Quand ces règles sont justes, elles établissent une base pour des attentes légitimes. Elles constituent des raisons pour la confiance mutuelle et justifient les objections quand ces attentes ne sont pas comblées. Si les bases de ces revendications ne sont pas sûres, il en va de même pour les frontières des libertés des hommes. Naturellement, il existe d’autres règles qui possèdent plusieurs de ces caractéristiques. Les règles d’un jeu ou d’associations privées s’adressent également à des personnes rationnelles afin de structurer leurs activités. Si on pose que ces règles sont justes ou équitables, alors, dès que les hommes participent à cette organisation et acceptent les avantages qui en résultent, les obligations qui en découlent constituent une base pour des attentes légitimes. Ce qui distingue un système de lois, c’est sa portée étendue et son pouvoir de réglementer les autres associations. Les organes constitutionnels qu’il définit ont généralement le monopole, légal du moins, des formes les plus extrêmes de coercition. Au contraire, les formes de contrainte que des associations privées peuvent employer sont strictement limitées. En outre, l’ordre légal exerce une autorité décisive sur un certain territoire bien défini. Ce système est reconnaissable aussi au large éventail d’activités qu’il détermine et à la nature fondamentale des intérêts qu’il a à protéger. Ces caractéristiques reflètent simplement le fait que la loi définit la structure de base dans le cadre de laquelle se situe la poursuite de toutes les autres activités.

Dans le cas où l’ordre légal est un système de règles publiques qui s’adressent à des personnes rationnelles, nous pouvons rendre compte des préceptes de justice qui sont associés à l’État de droit. Ces préceptes sont ceux que suivrait tout système de règles qui réaliserait parfaitement l’idée d’un système de lois. Cela ne veut naturellement pas dire que les lois existantes suivent nécessairement ces préceptes dans tous les cas. Ces maximes découlent, bien plutôt, d’un concept idéal et on s’attend à ce que les lois s’en rapprochent, du moins pour l’essentiel. Si les déviations par rapport à la justice comme régularité sont trop nombreuses, on peut sérieusement se demander si un système légal existe, et non pas plutôt un ensemble d’ordres particuliers ayant pour but de favoriser les intérêts d’un dictateur ou l’idéal d’un despote altruiste. Souvent il n’y a pas de réponse claire à cette question. L’intérêt de se représenter un ordre légal comme étant un système de règles publiques est que cela nous permet de dériver les préceptes associés au principe de la légalité. En outre, nous pouvons dire qu’un système légal est, toutes choses égales par ailleurs, plus justement appliqué qu’un autre, s’il réalise plus parfaitement les préceptes de l’État de droit. Il fournira une base plus sûre pour la liberté et des moyens plus efficaces pour organiser la coopération. Cependant, comme ces préceptes ne garantissent que l’application impartiale et régulière des règles, quelles qu’elles soient, ils sont compatibles avec l’injustice. Ils imposent des contraintes plutôt faibles à la structure de base, mais qui ne sont en aucun cas négligeables. […]

[…] le rapport entre l’État de droit et la liberté est assez clair. La liberté, comme je l’ai dit, est un ensemble de droits et de devoirs définis par les institutions. Les diverses libertés précisent ce que nous pouvons choisir de faire, si nous le souhaitons, et imposent aux autres le devoir de ne pas s’ingérer, quand la nature de la liberté le permet. Mais si le précepte, selon lequel il n’y a pas de crime là où il n’y a pas de loi, est violé, par exemple quand les lois sont vagues et imprécises, ce que nous sommes libres de faire est également vague et imprécis. Les limites de notre liberté sont incertaines. Et, dans la mesure où il en va ainsi, notre liberté est limitée car nous craignons raisonnablement de l’exercer. On a le même genre de conséquences si des cas semblables ne sont pas traités de manière semblable, si le processus judiciaire ne possède pas l’intégrité qui lui est essentielle, si la loi ne reconnaît pas comme justification l’impossibilité d’exécuter l’ordre et ainsi de suite. Le principe de la légalité trouve un fondement solide, alors, dans l’accord conclu par des personnes raisonnables en vue d’établir pour elles-mêmes la plus grande liberté possible égale pour tous. Afin d’avoir confiance dans la possession et l’exercice de ces libertés, les citoyens d’une société bien ordonnée voudront normalement que l’État de droit soit maintenu […]".

Dans le prolongement de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et de ses textes subséquents aux plans tant international (O.N.U. ; Europe…) que national mais également de la Déclaration Universelle des Droits de l'Enfant, l'initiative somme toute récente des Humains Associés et de l'Association pour la Déclaration du 26 août 1989 (AD 89) mérite d'être soulignée puisqu'elle est à l'origine d'une Déclaration des droits et devoirs de l' être humain proposée par la jeunesse :

Que celui qui a des yeux regarde,
Que celui qui a des oreilles écoute,

Réaffirmant que les êtres humains sont invariablement égaux en droit et en dignité,

considérant que l'universalité, deux siècles après la proclamation révolutionnaire des Droits de l'Homme, est une réalité de l'existence humaine,

que le monde moderne menace autant qu'il encourage la libre expression des différences,

que le respect des patrimoines naturel et culturel est une question de survie,

que plus rien n'échappe à la responsabilité individuelle et que seule l'éducation en permet le développement,

que plus rien ne peut, à l'ère de la communication, justifier le manque de dialogue et les guerres qui s'en suivent, que la paix est plus que l'absence de guerre, qu'elle passe en particulier par la solidarité et la tolérance,

que le progrès scientifique doit libérer l'être humain et non l'asservir,

nous, jeunes des quatre coins de la planète, réunis en convention par notre seule volonté, sans autre légitimité que le désir ardent d'être activement des citoyens du monde,

persuadés de ne pas avoir atteint la perfection ni de détenir la vérité,

proclamons avec le ferme engagement d'en rechercher l'application, les Droits et Devoirs suivants :

Article 1

Tous les êtres sont universellement égaux et particulièrement différents.

L'égalité universelle et les différences particulières doivent être respectées.

Article 2

Le fondement du pouvoir politique au sein de l'État
réside dans l'assentiment de toute sa population.

Les États ont le devoir d'assurer les conditions
de la démocratie. Ils doivent notamment respecter,
sans pour autant méconnaître les libertés
individuelles, l'identité des communautés et
des peuples, favoriser leur développement,
contribuer à l'épanouissement de toute forme de groupe
d'expression et à l'information des personnes.

La communauté internationale,
comprise comme l'ensemble des juridictions internationales,
les peuples, les organisations non gouvernementales
et toute personne ont le devoir de veiller
à ce que tout État souverain, toute institution ou
toute personne ne porte atteinte aux droits fondamentaux
de l'être humain.

Une instance supranationale, indépendante,
avec des règles de fonctionnement démocratiques,
doit garantir la protection de ces droits et la préservation de la paix.

Article 3

Nous sommes tous citoyens du monde.

Tout être humain a le droit à au moins une citoyenneté
et le droit de changer cette citoyenneté.
Nul ne peut être déchu de sa citoyenneté.

Toute personne résidant dans un pays
a le plein droit à l'égalité
devant le droit national en respectant l'intégrité des autres individus.
Cela inclut le droit à la participation civile, sociale,
économique et culturelle et au libre déplacement.

Article 4

Toutes les applications de la science
doivent être soumises au plus large consensus social.

Tout être humain doit être informé
et pouvoir bénéficier des ressources
que l'avance de la science et de la technologie met à son service.
Aucune expérimentation sur l'être humain
ne peut être tentée sans le consentement du sujet.
Aucune intervention ni expérimentation sur l'être humain
ne peut en elle-même être source de profit.

L'être humain possède une identité
physique, génétique et mentale
dont la diversité doit être respectée et protégée.
Il ne doit pas être agent de sélection de sa propre espèce.

Article 5

L'environnement naturel est patrimoine commun de l'Humanité.

L'être humain a droit à un environnement de qualité, varié,
équilibré et approprié au développement de la vie de toutes les espèces.

Tout individu a le devoir de conserver l'environnement
en faveur des générations présentes et futures,
en particulier par l'utilisation responsable des ressources naturelles.

Les peuples dont le mode de vie et la culture
sont intimement liés à un milieu naturel
ont droit à la conservation de ce milieu.

Tout pays a le devoir d'offrir une éducation de base sur l'environnement.

Tout individu a droit à des sources d'information
pluralistes sur l'état et la conservation de l'environnement.
Il doit être consulté avant toute action pouvant modifier l'environnement.

Tout individu a le droit de participer aux décisions
sur l'environnement et éventuellement de s'y opposer,
notamment en saisissant une instance nationale ou internationale.

Sous aucun prétexte, aucune entité,
gouvernement, entreprise, ou individu n'a le droit
de faire peser une menace sur l'environnement.
Un État ne peut en particulier invoquer son développement économique,
sa sécurité ou sa souveraineté nationale.

La communauté internationale s'engage à
organiser une coopération pour la conservation planétaire de l'environnement.

Article 6

L'espace extra atmosphérique et tous les corps célestes,
constituant le patrimoine commun de l'Humanité,
ne peuvent faire l'objet d'une appropriation d'aucune sorte.

L'accès y est donc libre et égal pour tous.

Les activités humaines y bénéficient de ce même régime de liberté dès lors :

- qu'elles sont menées au bénéfice de l'humanité tout entière et que,
à cet effet, elles sont pacifiques et civiles;

- qu'elles respectent les souverainetés nationales

- qu'elles accordent une attention particulière à
l'élimination des inégalités de développement dans le monde.

Toute forme d'exploitation de l'espace doit
strictement reposer sur le principe d'équité.

L'espace extra atmosphérique et tous les corps célestes
doivent être préservés au même titre que l'environnement terrestre
en raison de leur égale importance pour la survie de l'humanité.

Les contraintes liées à l'adaptation de la vie dans l'espace
ne peuvent justifier une quelconque atteinte aux droits de la personne humaine.
Ces contraintes imposent un devoir particulier d'assistance et de coopération.

 Article 7

L'informatique doit être au service de chaque individu
et chacun a un droit égal à ses bénéfices.

Ce droit s'exerce au moyen d'une coopération internationale
et d'un transfert de données équilibré et contrôlé.

Un système éducatif approprié doit garantir
un développement harmonieux et non discriminatoire
de l'informatique dans le respect de la culture,
de la personnalité et de l'environnement
de chaque individu et de chaque peuple.

L'enregistrement d'informations nominatives
et l'accès à ces informations ne peuvent être autorisés
que si les intéressés en sont informés
et bénéficient d'un droit de rectification.

L'utilisation de telles informations ne peut
en aucun cas porter atteinte à la vie privée
et aux droits fondamentaux de l'individu.

Aucun individu, aucune organisation publique ou privée
ne peu rassembler ni enregistrer des données personnelles
sur des individus sans leur consentement préalable.
Tout système déjà constitué doit également
être porté à la connaissance des personnes intéressées
et tout fichier à caractère personnel doit être détruit
dès qu'il n'a plus raison d'être.

Toute personne doit bénéficier d'une protection
de son intégrité, de sa dignité et de sa liberté
contre les excès ou les erreurs de l'informatique.
Une décision concernant un individu ou une société prise
à la suite d'un processus informatisé ne peut s'imposer
sans qu'un recours spécial n'ait pu être exercé.
L'ensemble des protections des personnes et des sociétés
doivent s'établir dans le cadre d'une éthique de l'informatique.

Article 8

Tout être humain a le droit à la liberté
d'expression et de communication.

Ce droit comprend celui de ne pas être inquiété pour ses
opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre sans
considération de frontières, les informations et les idées
par quelque moyen que ce soit, en éliminant toute sorte de
contrôle, de censure ou de manipulation de la part des États ou
des groupes de pression.

Ce droit exige l'accès garanti aux moyens culturels et techniques de la
communication pour chaque être humain.

Protectrice de la vie privée des personnes et de la
sécurité publique, la loi doit en outre garantir
l'indépendance et le pluralisme des médias.

Toute nation a le droit de diffuser et de recevoir l'information en pleine
égalité de conditions sans que les progrès technologiques
en matière de communication aggravent la soumission de certains pays
vis-à-vis d'autres pays.

Article 9

Doivent être garanties les conditions économiques,
sociales, et légales permettant aux femmes d'exercer leurs droits
civils, politiques, sociaux, économiques, culturels et à
l'éducation.

Doivent être préservées en toutes circonstances et de
manière permanente l'intégrité physique et psychologique
des femmes et la libre disposition de leur corps en accord avec leurs
convictions ce qui implique l'accès sûr, libre et gratuit à
l'éducation sexuelle et à l'utilisation des méthodes
contraceptives et le droit de décider de leur maternité.

Toutes les pratiques mutilatrices, surtout lorsqu'elles sont sexuelles,
I'exploitation de la femme, la violence à son égard, constituent
une violation de son intégrité.

Les femmes peuvent choisir le mariage ou le divorce dans des conditions
égales et équitables. Le choix de leur maternité ne doit
pas porter atteinte à l'exercice de leurs droits.

Article 10

Tous les enfants doivent être égaux entre eux, quelle que
soit leur filiation. Ils ont droit à la même protection sociale.

L'enfant a droit à une nutrition saine, à un logement
décent, à être vêtu et à une protection
suffisante de sa santé.

Tout enfant a le droit de développer sa personnalité, sa
spiritualité, sa propre identité et sa créativité
par l'exercice d'un droit à la famille, à la nationalité,
à la citoyenneté, à l'éducation et aux loisirs.

L'enfant ne doit pas être utilisé dans les conflits quels qu'ils
soient. Il ne doit pas subir d'abus d'ordre économique, sexuel, physique
ou psychologique de la part de ses parents ou d'une tierce personne.

Tout enfant, personne à part entière, a le droit à la
parole, de s'exprimer dans sa propre langue, à une information
pluraliste, de s'associer.
Il a le droit d'être représenté et défendu devant la justice.

La communauté internationale s'engage à donner la priorité
aux droits des enfants, principalement en cas d'urgence, et à les
promouvoir, par des moyens multiformes, en particulier financiers, par
l'adoption des instruments juridiques appropriés. Des mesures
spéciales de sanction devront être prises à l'encontre des
pays violant les droits des enfants.

Article 11

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer
un état de complet bien-être physique, mental et social.

L'égalité d'accès aux soins médicaux, aux services
sociaux nécessaires, de même que l'accès à
l'information adaptée doit être assurée.

A ce titre, la solidarité doit être mise en oeuvre aussi bien au
niveau national qu'international.

Toute personne a droit à une assistance adéquate en cas de
chômage, de maladie, d'invalidité, ou dans les autres cas de perte
de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

Nul ne doit subir de discrimination liée à une maladie.
Toute personne infectée ou malade doit être particulièrement
soutenue et protégée par la société tout
entière qui doit mettre en place un programme global et une politique de
prévention et de soin respectant le droit à la dignité et
à l'intégrité de la personne humaine.

Tout être humain dûment et complètement informé de
son état de santé a le droit au respect de son choix de mourir
dans le cas d'une souffrance grave et irréversible.

Article 12

La collectivité doit assurer une protection à toute
personne sans emploi. Tout individu a droit à une formation et à
une information professionnelles permanentes pour s'insérer, s'adapter,
se promouvoir ou se réinsérer dans la vie professionnelle.

La société doit être garante du respect des libertés
individuelles et collectives des travailleurs de même que de la mise en
oeuvre d'une politique sociale pour tous.

Le travailleur doit participer à la vie de l'entreprise et
bénéficier de ses résultats.

Toute personne a un droit égal à rechercher, à obtenir et
à conserver dans la dignité un travail.

Article 13

Les handicapés ont droit :

- à l'égalité des chances, à la dignité, à la citoyenneté ;

- au respect de leur liberté de choisir leur mode de vie ;

- à la reconnaissance de l'égalité d'accès
à tous les domaines de la vie sociale : éducation, formation,
emploi, logement, transport, loisirs, culture, moyens de communication
et tout ce qui permet leur intégration effective et leur autonomie ;

-au respect de leur participation aux services qui leur sont désignés ;

- au développement des technologies élaborées de
préférence par et pour les handicapés.

Article 14

L'objectif du Droit pénal est d'assurer le respect des Droits de
l'Etre Humain et non de faire prévaloir l'intérêt de l'État.

Les méthodes d'investigation durant la procédure doivent
respecter la dignité humaine et la présomption d'innocence.
Le droit du public à être informé ne doit pas violer ces principes.

Chacun a droit au service d'un interprète ou d'un traducteur à
chaque étape de la procédure.

L'accusé a le droit de choisir un avocat ou d'être défendu
gratuitement s'il n'en a pas les moyens.

Les États doivent garantir la libre circulation des avocats de toute
nationalité sur les territoires.

Le but principal de la sanction est d'éviter la perpétuation de
l'infraction et d'assurer la réinsertion du condamné.

Un traitement humain, des soins médicaux, I'enseignement et le contact
avec le monde extérieur doivent être assurés en prison.

La peine de mort et la torture sont incompatibles avec
les droits de l'être humain.

Les organisations non gouvernementales doivent avoir les moyens de
vérifier que les États agissent conformément aux principes précédents.

Article 15

La démocratie est une condition du développement.
Le développement contribue à l'établissement de la démocratie.

L'objet du développement doit être la satisfaction des besoins
des individus, en se fondant sur la solidarité et la
co-responsabilité de tous les acteurs économiques.

Toute personne a le droit d'être informée et de se prononcer
librement sur la politique économique de son pays.

La justice et l'équité doivent inspirer tous les échanges
économiques internationaux.

Tout pays a le droit de déterminer librement sa politique
économique et financière et de choisir son propre processus de
développement en accord avec les caractéristiques de sa société.

Tout pays dispose d'une souveraineté permanente sur ses richesses
naturelles, dans le nécessaire respect de l'équilibre écologique.

Toute appropriation illicite des biens et des ressources naturelles d'un groupe
ou d'un pays est un fait délictueux imprescriptible.
La communauté internationale a l'obligation de veiller à
la restitution de ces biens à la communauté nationale d'origine.

Article 16

Toute personne craignant des persécutions de toutes natures
du fait de ses opinions politiques, religieuses, de son appartenance à
un groupe social, une communauté ou un peuple, ou dont les droits
fondamentaux sont violés a droit à un territoire d'accueil.

Tout État d'accueil a le devoir de traiter ces personnes
de la même manière que des nationaux.

Il appartient à tous les États de garantir aux personnes
déplacées suite à une catastrophe naturelle ou à
un conflit le soutien économique et social nécessaire aussi
longtemps que ces personnes en ont besoin.

L'égalité des réfugiés devant ce droit est garanti
par l'institution d'un organisme supranational et indépendant,
compétent pour décider du statut de réfugié.

Cet organisme doit veiller à ce que les États, en fonction
de leur situation économique et sociale, participent équitablement
à l'accueil des règles.

Article 17

La protection des Droits de l'Etre Humain et la préservation
de la Paix sont le devoir de tout individu.

Tous les gouvernements et toutes les entités gouvernementales
ont l'obligation de prévenir et d'empêcher tout conflit armé.

La production, le commerce, la détention et l'utilisation des armes
doivent être strictement limités et contrôlés.

Le réarmement et la course aux amendements constituent un péril
et une grande menace pour l'ensemble de l'humanité.

Toute tentative, externe ou interne, d'extermination et de destruction
du patrimoine culturel d'une communauté ethnique, culturelle ou religieuse
est un crime contre l'humanité.

Article 18

L'établissement d'un État souverain et indépendant,
la libre association ou l'intégration dans un autre
État indépendant ou l'apparition
de n'importe quel autre statut politique
choisi librement par un peuple constituent
les modes d'expression du droit
à l'autodétermination de ce peuple ayant une langue,
une culture et une histoire commune.

Tout groupe ethnique, linguistique, religieux ou ayant un système
socio-économique distinct du reste de la population se trouvant
en position non dominante par rapport à l'ensemble de la population
d'un État souverain dont il fait partie, a droit à une reconnaissance officielle.

A ces groupes doivent être garantis, en plus des droits inviolables
prévus dans cette déclaration, ceux qui visent à
la conservation et au développement de leurs singularités et de leur
culture, dans le respect des droits de l'être humain.

Chaque État doit assurer à ces groupes la possibilité
de participer aux affaires publiques, et en particulier aux décisions
qui les concernent directement

De manière à empêcher la non-assistance à peuple
en danger, cette garantie de protection
doit être soutenue par un droit international
des minorités auquel tout peuple peut avoir recours
s'il est confronté à une agression
qui porte atteinte à ses justes droits.

Ces garanties de protection doivent être
soutenues par un droit international des minorités.

Article 19

Tout système éducatif doit promouvoir les valeurs
et les principes énoncés dans la présente Déclaration.

L'école doit être instrument de paix et favoriser la formation
sociale ainsi que le développement de la critique créative.

Toute société doit assurer un enseignement
gratuit et à tous niveaux a ses membres.

Chaque être humain peut créer librement en tout endroit du monde
des lieux du savoir accessibles à tous et se placer à tout
âge de sa vie en situation d'enseignant ou d'enseigné.

Tout individu a droit au pluralisme dans les lieux, les contenus, les modes
et les méthodes de transmission et de production de la connaissance.
Les modes d'évaluation scolaire ne peuvent être discriminatoires
envers un groupe ethnique, social ou culturel. Tout individu, tout groupe,
tout État doit être partie prenante et bénéficiaire
de la coopération culturelle internationale qui suppose le respect
de l'identité culturelle définie par chacun

Les ressources éducatives mondiales
sont patrimoine commun de l'humanité.

ANNEXE

Cette déclaration est le fruit du vote de 500 jeunes
de 80 nationalités différentes lors d'assemblées plénières
préparées par des débats en colloques.

Chacun des articles a été approuvé
à la majorité des 2/3 des suffrages exprimés
et a fait l'objet d'un consensus de la part des délégués présents,
eux-mêmes issus de cultures et de milieux différents.

C'est ainsi qu'un article relatif
au droit pour les femmes à un "avortement libre et gratuit"
a été voté par une grande partie des délégués
mais n'a pas recueilli un assentiment général suffisant
pour être intégré dans le corps
de la déclaration (65 % pour; 23 % contre; 12 % d'abstention).

Les principes généraux du Droit, les sources écrites du droit (Constitution, loi, etc.) ne pouvant prévoir toutes les situations auxquelles peut être confrontée une juridiction, le juge est amené, sous peine de déni de justice, à faire appel à des sources non écrites.

Les principes généraux du droit résultent d’une construction jurisprudentielle, qui pallie l’absence d’un texte écrit, cette lacune étant comblée au nom d’une équité destinée à sauvegarder les droits individuels et fondamentaux du citoyen. En ce sens, les principes généraux du droit sont assimilables à la natural justice que connaît le droit anglais. Bien qu’il soit malaisé d’en donner une liste exhaustive, il est certains domaines du droit dans lesquels ces principes sont à l’origine de règles de droit particulièrement importantes. Il en est ainsi, par exemple, du principe des droits de la défense complété par le respect du principe du contradictoire.

En droit administratif, les principes généraux du droit constituent la principale source non écrite du droit administratif. Leur existence a été affirmée de façon prétorienne par le juge, afin d’enrichir le contenu de la légalité et réduire le pouvoir discrétionnaire de l’administration.

À l’origine, les principes généraux du droit procèdent d’une découverte du juge. Par exemple, le principe général des droits de la défense, consacré par une abondante jurisprudence, n’est pas posé comme une pure exigence par le juge, ni comme une règle de "droit naturel". Il procède d’une constatation : de nombreux textes législatifs ou réglementaires consacrent les droits de la défense dans diverses hypothèses. Il en est de même pour le principe de continuité du service public posé par la jurisprudence administrative : le service public est ainsi destiné à assurer une fonction d’intérêt public et général qui, par définition, ne saurait être intermittente. L’existence de ce principe explique alors les restrictions au droit de grève qui est reconnu aux agents de l’État.

 Par conséquent, il est admis que les principes généraux du droit constituent des normes extérieures au juge, bien qu’il en soit à l’origine, puisque celui-ci les formule à la suite d’un travail actif de "découverte" qui obéit, autant que faire se peut, à une conception objective, qui laisse de côté les appréciations personnelles, quant à leur valeur pratique d’équité.

Quant à la place des principes généraux du droit dans la hiérarchie des normes, on considère qu’ils ont un rang supérieur à celui des actes administratifs. Certains de ces principes se sont vu accorder une valeur supérieure à la loi elle-même : le Conseil constitutionnel a ainsi consacré la valeur constitutionnelle du principe d’égalité de tous devant la justice dans un arrêt de 1975, ce qui lui a permis de censurer une loi qui méconnaissait ce principe.

En droit privé, les principes généraux du droit jouent également un rôle important en droit privé, particulièrement en droit civil. Ainsi, par exemple, le principe de l’indisponibilité du corps humain, a servi de fondement juridique à la prohibition des conventions de mères porteuses.

En droit international public, les principes généraux de droit constituent une importante source du droit international mentionnée dans le statut de la Cour internationale de justice établie à La Haye. Bien davantage que les traités ou la coutume, ils sont dépendants de l’activité juridictionnelle. Leur objet consiste, en effet, à fournir au juge les moyens d’apporter une solution juridique à tous les litiges qui lui sont soumis, en cas de silence du droit coutumier ou conventionnel.

Ce sont des principes non écrits, mais de portée générale et quasi universelle. Il s’agit, d’une part, des principes communs aux ordres juridiques des États civilisés transposés dans les relations internationales. Sont ici visés les principes tels que l’autorité de la chose jugée, le respect des droits acquis, la réparation du dommage causé.

D’autre part, les principes généraux du droit international public comportent également ceux nés de la pratique internationale elle-même. Par exemple, ont été affirmés en qualité de principes généraux du droit, le respect de l’indépendance des États, ainsi que la primauté des traités sur les lois.

Au niveau du droit communautaire (européen), à l’origine, les traités instituant la Communauté économique européenne (devenue l’Union européenne à la suite de la ratification du traité de Maastricht) ne contenaient pas de dispositions relatives à la protection des libertés et des droits fondamentaux. Cependant, ils n’excluaient pas le recours, par la cour de justice de Luxembourg, à des sources de droit non écrites. Ils invitaient même la cour à faire référence, dans sa tâche d’interprétation du droit communautaire, aux "principes généraux communs aux droits des États membres".

Se fondant sur ce renvoi et sur sa mission de protéger les droits et libertés, la cour de justice a pallié cette carence. Elle accorde aujourd’hui une large place aux sources non écrites en s’appuyant notamment sur le droit comparé, tout en cherchant à dégager des principes propres à l’ordre juridique communautaire.

Ces principes généraux du droit communautaire sont directement invocables par des particuliers lors de litiges devant nos juridictions nationales. Ainsi, les juges français ont eu l’occasion d’appliquer le principe dit de "confiance légitime", principe jusqu’alors étranger à notre tradition juridique.

  1. Devoir et devoirs

Pour Kant :

 ·         "Une action accomplie par devoir tient sa valeur morale, non pas du but qui doit être atteint par elle, mais de la maxime d'après laquelle elle est décidée; cette valeur ne dépend donc pas de la réalité de l'objet de l'action, mais uniquement du principe du vouloir d'après lequel l'action est accomplie sans qu'aucune attention soit portée aux objets de la faculté de désirer" (Fondation de la métaphysique des moeurs, 1785)

·         "Le devoir est la nécessité d'agir par respect pour la loi". (Idem)

·         "Devoir ! mot grand et sublime, toi qui ne renfermes rien d'agréable, rien qui s'insinue par flatterie, mais qui exiges la soumission, sans pourtant employer, pour ébranler la volonté, des menaces propres à exciter naturellement l'aversion et la terreur, mais en te bornant à proposer une loi, qui trouve d'elle-même accès dans l'âme et gagne cependant elle-même, malgré nous, la vénération (sinon toujours l'obéissance), et devant laquelle se taisent tous les penchants, même s'ils travaillent secrètement contre elle; quelle origine est digne de toi ? Où trouver la racine de ta noble tige [...] ?" (Critique de la raison pratique, 1788)

Tandis que pour Nietzsche  "Nos devoirs - ce sont les droits que les autres ont sur nous" (Aurore, 1881) et que pour Victor Hugo : "Le devoir a une grande ressemblance avec le bonheur d'autrui".

Du latin debere, "être obligé envers quelqu'un" (du préfixe de et de habere, "tenir quelque chose de quelqu'un", d'où "être redevable à quelqu'un de quelque chose"), le terme devoir désigne l'obligation morale considérée en elle-même, indépendamment de son application. Il s'agit donc d'un concept moral ayant valeur d'impératif et non d'un concept juridique dans la mesure où le Droit, s'il utilise bien le verbe "devoir", lui préfère celui d'obligation par opposition à celui de droit au sens de "capacité (d'autorisation, de licité…) à.

Une action accomplie en conformité apparente avec le devoir n'est pas nécessairement, pour  Kant, une action morale ; pour qu'elle le soit, il faut qu'elle ait été accomplie par devoir, c'est-à-dire par pur respect de la loi morale.

Expression-formulation d'une morale, religieuse ou civile, le devoir est, pour reprendre l'expression de Kant dans ses Fondements de la métaphysique des mœurs, un impératif catégorique, c'est-à-dire, un commandement que se donne la raison pratique à elle-même. Cet ordre moral implique un acte qui doit être réalisé de manière inconditionnelle (à la différence de l’impératif hypothétique) et nécessaire, et peut être formulé ainsi : "Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse en même temps devenir une loi universelle". C'est donc la maxime qui fait le lien entre la volonté humaine et la loi morale, sachant que, absolue et universelle, la loi morale ne peut être représentée comme objet de connaissance dans l’expérience et qu'elle constitue le fondement rationnel qui détermine la conduite morale.

En d’autres termes, Kant ne juge moralement justes que les choix auxquels chacun est tenu de souscrire en tout temps et auxquels il souscrit effectivement par ses actes, son comportement…. Autrement dit, l’impératif catégorique constitue une injonction, à laquelle on doit obéissance par devoir moral, sans égard aux tendances personnelles, afin de construire une société véritablement humaine fondée sur la raison et reposant sur le libre arbitre.

Si la loi morale fonde le Devoir (moral), celui-ci, bien entendu, se décline en devoirs (moraux) dont la somme, en définitive, constituent non pas tant la lettre de la loi morale que l'esprit de cette loi, la Morale elle-même.

Dans son acception morale, l'injonction morale qu'est le devoir peut être positive : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" ou négative : "Tu ne tueras point". Dans le premier cas, elle est prescriptive – elle appelle à faire -, dans le second, prohibitive – elle somme de ne pas faire -. Une tel précepte, en lui-même, ne contient, n'énonce ni récompense, ni sanction (ou, s'agissant de la morale religieuse, ni châtiment) car, à strictement parler, et d'un point de vue théologique (… idéologique), la récompense et la sanction ne s'appliquent pas à l'acte, respectueux ou non de l'injonction, mais à l'acteur lui-même en ce qu'il se conforme ou non à l'injonction, à la volonté de l'injoncteur et se montre donc fidèle ou infidèle… moral ou immoral.

Le Devoir s'adresse donc à des sujets à raison de leur être et non de leur existence, de leur être et non de leur faire alors que, en revanche, le Droit, qui peut-être tout autant prescriptif ou prohibitif, considère les actes des sujets de droit autorisant ceux qui sont licites (légaux) et interdisant (et sanctionnant) ceux qui sont illicites (illégaux). Par analogie avec la philosophie politique, je dirai volontiers que le devoir moral ressortit à la légitimité et à l'essence de l'être et le Droit à la légalité et à la citoyenneté.

Le Droit positif - et, notamment le Droit positif moderne - institue des obligations et non des devoirs. Ainsi, il peut reconnaître comme licite, parce que légal au sens de non expressément interdit par la Loi, un acte que la morale… réprouve. D'un côté, le "Tu ne tueras point" et, de l'autre, "Tout condamné à mort aura la tête tranché" ; d'un côté, la prohibition de la prostitution et, de l'autre, la tolérance et, surtout, la fiscalisation de la prostitution ; et ainsi de suite… Mais, inversement, le Droit peut considérer comme illicite et sanctionner comme tel un acte que la morale – ou, du moins, une certaine morale – non seulement tolère mais encore… encourage. Ainsi, et je m'en tiendrai à ce seul exemple parce que d'une (tragique) actualité : d'un côté le "devoir" d'assistance à personne en danger et, de l'autre, le "secret de la confession" en matière de pédophilie…

Le Droit ne prescrit pas de devoirs. Pourtant, dans le langage courant et dans le discours (philosphico)politique il est d'usage d'assortir les droits des individus de… devoirs. Ainsi, la citoyenneté, dont la définition légale, rappelons-le, se limite à l'identité, la nationalité et la capacité (autrement dit, à la personnalité juridique) à l'exclusion de tout civisme, voire… patriotisme, mettrait à la charge de son bénéficiaire des devoirs qui seraient la/sa contrepartie des droits et libertés qui lui sont personnellement et individuellement reconnus par la Loi.

C'est là un abus de langage ou, plus exactement, un débordement du champ du Droit qui correspond à une moralisation, à fort contenu religieux, de la res publica qui, dans un état constitutionnellement laïque, est a-morale, se contentant, et pas seulement par modestie mais bien par choix philosophique et politique, d'être légaliste, c'est-à-dire soumise à la seule injonction de la Loi.

Comme on le voit, le binôme droits et devoirs[9], du moins dans le cadre du système juridico-politique français,  n'est pas constitutif d'une dialectique, pour ne pas dire d'une dualité oppositionnelle mais de la confrontation, voire de l'affrontement de deux champs distincts : le Droit et la Morale ; le juridique et le moral ; le politique et l'idéologique… ou même le public et le privé, le laïque et le religieux, le profane et le sacré[10]

  1. Droits et devoirs

C'est en période de crise que le binôme droits-devoirs apparaît comme oppositionnel ou, tout simplement, se révèle. Ainsi, c'est dans la France occupée par les nazis que les devoirs de fidélité (à la partie, à la démocratie, à la république, aux valeurs et principes fondateurs de la République tels que proclamés en 1789…) se sont opposés, du moins pour certain(e)s aux droits nouveaux – et, a contrario, aux non-droits - (ré)instaurés par le régime de collaboration ou imposés par l'occupant. De même, c'est à l'occasion des guerres (post)coloniales que les convictions philosophiques, politiques, religieuses… de certains ont emporté un devoir de désobéissance, d'insoumission allant à l'encontre de l'obligation légale de conscription. Et c'est en cette période d'hystérie, pour ne pas dire de paranoïa sécuritaire que l'opinion publique est martelée de ce lancinant rappel : il n'y a de droits qu'assortis de devoirs… assumés.

Ces deux exemples laisseraient entendre que, dans un régime démocratique, à forme républicaine et… laïque[11], en temps ordinaire, les devoirs sont renvoyés à la seule sphère privée et que seuls les droits, dans leurs formes aussi bien prescriptive que prohibitive, parce fondés sur le Droit, ont… droit de cité.  Pourtant, d'autres exemples, comme les Etats-Unis d'Amérique montrent que, malgré une laïcité constitutionnelle, les devoirs des individus s'arc-boutent autant sur le Droit ou, du moins, sur la pratique du Droit, c'est-à-dire la Justice (cf. le serment sur la bible que l'on doit prononcer dans les Tribunaux mais également lors de la prise de fonctions publiques ; le In god we trust des billets verts…) que sur une Morale qui, bien que non véritablement écrite, exerce un poids terrible – terrifiant et… terrorisant - sur les gens par le biais d'une majorité silencieuse[12]dont les Autorits et les Médias ne cessent de se prévaloir pour, au besoin, susciter, voire justifier des abus de droit et, ainsi, concevoir et appliquer une justice… sans limite !

Alors, en ouvrant mieux les yeux sur notre environnement hexagonal, on découvre que les codes, les chartes, les déclarations, les cahiers… des droits et devoirs pullulent littéralement. Il existe ainsi des codifications des droits et devoirs des consommateurs, des chômeurs, des utilisateurs, des malades, des clients, des (co)locataires, des (co)propriétaires, des élèves, des personnels [au sens de salariés], des assurés, des riverains, des élus[13]

Comme on le sait, l'État français n'a toujours pas tourné la page du régime de Vichy[14]; il ne s'est donc toujours pas débarrassé de ces oripeaux fascistes, totalitaires et racistes, que sont les Ordres professionnels[15] et leurs collèges de codes de déontologie. Or, ces Ordres, qui, de façon exorbitante, continuent de pouvoir se prévaloir de droits particuliers  constitutifs d'un véritable démembrement de la souveraineté de l'État, autrement dit de la puissance publique qui constitutionnellement, politiquement et sociologiquement détient pourtant le monopole du Droit et donc de la Justice, et, ainsi, de tenir des cours de justice d'exception en prononçant des jugements et rendant des arrêts au nom de codes de déontologie, c'est-à-dire de corpus de devoirs d'essence morale et non juridique[16].

Cette moralisation du Droit et, plus généralement de la vie publique, avec tout ce que cela implique comme ingérence religieuse et donc comme atteinte à la laïcité constitutionnelle, est donc beaucoup plus ordinaire qu'on ne peut le penser a priori. Les Comités d'éthique, qui pullulent tout autant, en sont une illustration frappante. On se rappellera que, il y a somme toute encore peu de temps, l'École de la République dispensait des cours de morale… publique qui, sans vergogne, justifiait l'œuvre civilisatrice que la patrie des Droits de l'Homme menait dans ses colonies au prix de la déchéance de la dignité humaine de millions d'humains réduits à l'état d'… indigènes pour admettre sans mal que la rénovation – la… révision ? - de cet enseignement, transmuté en instruction civique, n'est qu'un nouvel avatar  de la moralisation de la sphère publique qui se propose d'assortir les droits et libertés des individus de ce pensum que sont les… devoirs moraux.

A lois constantes, cette moralisation du Droit se révèle par l'évolution des sentences judiciaires : ce qui était excusé (cf. la notion de circonstances atténuantes) hier peut ne plus l'être aujourd'hui et… inversement. Ainsi, par exemple ce sport national qu'est la fraude dans les transports publics[17] est devenu un délit passible de l'emprisonnement.  En même temps, les avancées judiciaires se heurtent  souvent à l'immobilisme des us et coutumes ; ainsi, bien que légalement constitutifs de crimes passibles des Assises le viol (bien entendu de… femmes) et la pédophilie (lorsqu'elle est le fait de certaines professions comme… la prêtrise) continuent d'être correctionnalisés et, de ce fait, qualifiés de (simples) délits tandis que l'abolition de la peine de mort n'empêche aucunement, du moins, là encore, pour certains, des condamnations à mourir en prison et que des doubles peines sont régulièrement prononcées, l'une juridictionnelle et l'autre administrative[18]

Les récents débats sur le train de mesures législatives et réglementaires qui ont été prises, par la gauche comme par la droite, au nom d'un totalitarisme sécuritaire célébré en une sorte de messe œcuménique et baptisé, non moins œcuméniquement, sur les fonts sacrificatoires des libertés individuelles, sont révélatrices de cette même moralisation du Droit ou, plus exactement, d'une certaine conception de la justice et donc de l'application discriminatoire du Droit.

L'instauration d'une justice et d'une police dites de proximité va dans le même sens puisque cette proximité n'est plus seulement spatiale, géographique, urbaine (les Quartiers, les Cités, les cages d'escalier, l'espace public, les transports publics…) mais, de plus en plus, sociologique : le voisinage, voire l'intimité des personnes.

Force par ailleurs est de constater que, de plus en plus, les jugements ne sont plus des sentences judiciaires rendues a posteriori au terme d'une procédure contradictoire qui, respectant le principe de présomption d'innocence et préservant le droit à la défense et la publicité des débats, la culpabilité effective dûment établie et reconnue, se traduit par un verdict[19] individuel, au besoin personnalisé, prononcé sereinement sur le fond[20] aussi bien en Droit qu'en… Équité mais la simple exécution de sentences prononcées à l'encontre de présumés coupables (ou innocents) au terme d'une procédure univoque – inquisitoire – menée préalablement ou simultanément en d'autres lieux : la scène médiatique,  la tribune politique, la manifestation, le lobbying… dans le silence (complice) des consciences muettes (ou bâillonnées, endormies, hypnotisées…)[21] ou, au contraire, dans le vacarme de foules hystériques, de troupeaux en furie ![22] Le Droit se simplifie pour ne plus connaître qu'une seule loi, celle de Lynch et les jugements deviennent des coups de poker ou des… ordalies, l'humain cédant la place à l'anti-humain, au non-humain, à l'infra-humain, à l'a-humain… ! La présomption d'innocence cède le pas à la présomption de culpabilité pour certains et, pour d'autres, à… l'impunité absolue ! La Justice se fait harpie et les palais de justice maison d'intolérance !

Ainsi, insidieusement d'abord et ouvertement à présent, la Morale – la Morale dominante bien entendu, c'est-à-dire celle de l'ordre constitué – envahit le Droit et, de ce fait, les droits… reculent !

En effet, le Droit positif moderne [théoriquement] pose comme principe qu'est licite tout ce qui est légal, autrement dit tout ce qui n'est pas expressément interdit par la Loi et que seuls les actes illégaux accomplis ou dont l'engagement est attesté sont répréhensibles et, au besoin, condamnables. D'un point de vue strictement juridique, le Droit positif ne connaît donc que des actes, éventuellement criminels et point de criminels[23] : il autorise le jugement de personnes à raison de leurs seuls actes et non de leurs intentions [ou de leur abstention comme dans le cas de la non assistance à personne en danger, du délit de fuite…] et la criminalité est affaire de sociologues, de psychologues, d'ethnologues, de romanciers, d'historiens,… de policiers mais aussi de… moralisateurs.

La Morale, elle, s'attache à la personne. Est moralement fautive la personne qui a fauté non pas parce qu'elle a commis telle ou telle faute (péché, transgression, crime…) mais parce qu'elle n'a pas respecté son devoir, qui est de ne pas  fauter et qu'elle est donc entrée en conflit avec dieu ou qu'elle a rompu un pacte ou un contrat social (la coutume, la tradition, les usages, un corpus de principes… par exemple). Elle considère l'acteur à raison de son action et non de son acte même si ce dernier est punissable par ailleurs[24]

Dans ce contexte de moralisation de la res publica il est évident que la distinction droits-devoirs s'atténuent, voire disparaît, du moins pour celles et ceux dont l'éthique personnelle et la morale collective auxquelles elles-ils adhèrent sont en conformité avec la normalité dominante, c'est-à-dire aux règles normatives - et normantes -  et dont la personnalité – les convictions, les opinions, le caractère, le comportement… - est… régulière.

Une morale ne peut être dominante que dans un corps social monolithique (totalitaire et totalisant) qui ignore l'élément – l'individu – et qui ne concède aucune place aux libertés individuelles ou bien dans un corps social qui soumet les minorités – individuelles et collectives – au diktat d'une majorité[25].

Or, force est de constater que dans le contexte d'une justice sans limite qui se veut être celle de dieu (?!?) et, sous prétexte de la défense d'une liberté immuable, la différence, c'est-à-dire la non-conformité à un corpus de normes – philosophiques, religieuses, politiques, sociales… mais aussi sexuelles, culturelles, vestimentaires, corporelles…- est de plus en plus constitutive d'une anormalité dont l'individu, pourtant reconnu comme humain et, à ce titre, doté de la liberté intrinsèque, essencielle de la liberté de conscience et d'expression, ne peut plus se prévaloir pour revendiquer et assumer les devoirs qu'il se reconnaît du fait de… sa liberté de conscience et d'expression, autrement dit de son humanité [au sens de dignité humaine] !

Dés lors, la distinction et, au besoin, l'opposition entre droits et devoirs s'effondrent, du moins pour certain(e)s alors même que, au regard des valeurs et principes de la démocratie et de la République, elle est parfaitement légitime pour autant que les devoirs que l'on se reconnaît n'ont pas pour finalité l'anéantissement de la démocratie et de la République.

Mais alors, comment un individu, libre à raison de sa seule humanité, peut revendiquer, exercer et assumer pleinement sa liberté dans la sphère on ne peu plus intime de sa personnalité comme dans ces autres sphères privées que sont les relations personnelles et certains lieux comme, par exemple, une… loge (libre) mais aussi dans l'agora dés lors qu'il est a-normal, déviant, marginal, unique[26]… et donc, tout simplement, différent, autre, soi ? Comment, dans ce cas, peut-il penser, parler, écrire, agir… en harmonie avec son éthique personnelle, ses convictions, sa conscience, sa raison, son libre arbitre… et donc accomplir ses devoirs si ceux-ci ne sont pas ceux qu'on prétend lui imposer ?

N'est-il pas paradoxal que, sous prétexte d'un libéralisme à tous crins, la mondialisation de l'économie s'accompagne d'une globalisation de la patrie[27] de l'humanité, autrement dit de la société humaine dans son ensemble et que les défenseurs de la liberté instituent un ordre totalitaire et terroriste qui anéantit l'individualité, supprime les libertés individuelles, interdit cette altérité fondamentale qu'est l'identité individuelle, standardise les individus au point d'en faire des machines sans conscience ni cœur dotées d'une intelligence artificielle calibrée, bridée, contrôlée, surveillée, limitée, minimale, besogneuse, encartée, codée, normée, policée, fliquée, assujettie, endormie, monotone… dont la seule finalité serait de reproduire à l'identique, sans le moindre zeste d'imagination, de rêve, de plaisir, d'envie, de joie, de folie… une finitude dont on voudrait faire accroire qu'elle est l'achèvement[28] de l'humanité  alors qu'elle ne sera jamais qu'un ectoplasme insipide, inodore, incolore et stérile ?

De nos jours, la République française n'a officiellement pas renoncé à sa filiation révolutionnaire de 1789 et donc à la proclamation des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Or, en cette période révolutionnaire, il y eut une autre Déclaration, celle de 1793 dite montagnarde qui, si elle ne fut jamais appliquée et reprise dans quelque Constitution que ce soit, n'en demeure pas moins être d'une actualité brûlante puisque, plus que celle de 1789, elle affirme le primat de la liberté individuelle comme réalisation de la dignité humaine. Bien que de nature révolutionnaire, elle ne saurait être qualifiée de terroriste, anti-démocratique, anti-républicaine… et, de ce fait, prohibée, interdite, reniée, trahie… par les nouveaux apôtres de la liberté que sont les (néo)libéraux. Elle est donc, me semble-t-il, tout à fait appropriée, pertinente pour être revendiquée par les individus qui, s'affirmant dignes de leur humanité, entendent bien assumer pleinement leur Liberté, toutes leurs libertés et, ainsi, opposer aux principes et valeurs qui fondent la démocratie leurs devoir et, notamment, leur devoir de… résistance, voire d'insurrection quand l'étendard sanglant de la tyrannie est levé et que, un peu partout, rugissent les féroces soldats qui, jusque dans l'intimité des consciences, s'en viennent assassiner la Liberté et égorger ses filles et ses fils !

[…] "- Article 6 : La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe, la nature ; pour règle, la justice ; pour sauvegarde, la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait ;

- Article 7 : Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

- Article 27 – Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.

- Article 33 – La résistance à l'oppression est la conséquence des autres droits de l'Homme.

- Article 34 – Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

- Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs". […]

Mais à lire un tel texte qui, rappelons-le, a été écrit par des bourgeois qui, tout en étant révolutionnaires, n'en sont pas moins les pères philosophiques, politiques, sociologiques, moraux, économiques… des (néo)libéraux liberticides, n'entendons-nous, ne sentons-nous pas souffler un vent… libertaire qui nous murmure cette espérance née le jour même où le premier ordre institué, en asservissant des hommes et des femmes libres, s'est imaginé instaurer à jamais le règne de la servitude, à fossiliser la Liberté pour en faire un hiéroglyphe indéchiffrable apposé, par provocation, sur les frontispices   de ses temples "Liberté Egalité Fraternité" [29] ? Ce murmure qui nous dit que la Liberté n'est jamais acquise mais toujours conquise, d'abord sur soi mais jamais contre l'Autre, c'est-à-dire un autre soi dans la différence de son individualité . Que nul ne pourra être pleinement libre tant qu'un autre, aussi lambda ou epsilon soit-il, ne le sera pas. Que la Liberté est une libération, un mouvement constant en soi, de soi et pour soi mais aussi pour l'Autre, tou(te)s les autres. Qu'un individu libre est un individu sans droit, ni devoir parce que la Liberté est l'essence même de tous les droits et de tous les devoirs, de la seule vraie Loi, de la seule vraie Éthique desquelles toutes les lois et tous les devoirs. Qui nous dit qu'il n'y aura de Liberté et donc d'hommes et de femmes libres que dans et par… l'Anarchie, une société humaine sans dieu, ni maître qui achèvera cet idéal humaniste d'un ordre… sans le pouvoir…



[1] Je citerai pour mémoire le devoir… conjugal qui n'est pas nécessairement une… corvée sauf s'il est "accompli", non sous le "feu" de la passion, mais sous la trique d'un impératif moral, religieux, social… !

[2] Jean-Jacques Barthélemy (Cassis 1716 - Paris 1795). Abbé, écrivain français membre de l'Académie française.

[3] Issus des conceptions du droit naturel, qui fondent leur statut philosophique, les droits de l’Homme ont fait l’objet d’une reconnaissance progressive en droit positif depuis la proclamation de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen par les révolutionnaires français en 1789. Cette reconnaissance se traduit aujourd’hui par une protection juridictionnelle accrue tant au niveau européen qu’au niveau national. En effet, de nombreux États, dont la France, se sont dotés de mécanismes favorisant le recours devant le juge en cas d’atteinte aux droits de l’Homme tels qu’ils sont garantis par les textes de portée internationale.

[4] Cicéron, en latin Marcus Tullius Cicero (Arpinum 106 - Formies 43 av. J.-C.). Homme politique et orateur romain. Issu d'une famille plébéienne entrée dans l'ordre équestre, avocat, il débute dans la carrière politique en attaquant Sulla à travers un de ses affranchis (Pro Roscio Amerino), puis en défendant les Siciliens contre les exactions de leur gouverneur Verrès (les Verrines). Consul (63), il déjoue la conjuration de Catilina et fait exécuter ses complices (Catilinaires). Il embrasse le parti de Pompée, mais, après Pharsale (48 av. J.-C.), se rallie à César. À la mort de ce dernier, il attaque vivement Antoine et lui oppose Octavien. Proscrit par le second triumvirat, il est assassiné. S'il fut un politique médiocre, Cicéron a porté l'éloquence latine à son apogée : ses plaidoyers et ses discours ont servi de modèle à toute la rhétorique latine (De oratore). Il est l'auteur de traités (De finibus, De officiis) qui ont intégré la philosophie grecque à la littérature latine. On a conservé une grande part de sa correspondance (Lettres à Atticus).

[5] Thomas d'Aquin (Roccasecca, Aquino, province de Frosinone, 1225 - abbaye de Fossanova, province de Latina, 1274). Théologien italien. Dominicain, maître en théologie (1256), il enseigna surtout à Paris, où il avait été l'élève d'Albert le Grand et avait découvert l'œuvre d'Aristote. L'essentiel de son enseignement (thomisme) se trouve dans la Somme théologique (vers 1266 - vers 1273), qui s'attache à restaurer, en harmonie avec la foi, l'autonomie de la nature et de la raison. Docteur de l'Église (1567).

[6] Samuel, baron von Pufendorf (Chemnitz 1632 - Berlin 1694). Juriste et historien allemand. Reprenant et développant les idées de Grotius, il écrivit Du droit de la nature et des gens (1672), où il fonde le droit sur un contrat social.

[Pour mémoire : Hugo de Groot, dit Grotius (Delft 1583 - Rostock 1645). Jurisconsulte et diplomate hollandais. Dans le De jure belli ac pacis (1625), il combat l'esclavage et s'efforce de prévenir et de réglementer les guerres. Cet ouvrage, véritable code de droit international public, a valu à son auteur le titre de "Père du droit des gens".]

[7] Strauss, Leo (1899-1973), philosophe et historien allemand, un des plus influents penseurs politiques du siècle. Né à Kirchain, dans une famille juive orthodoxe, il fit des études à l'université de Fribourg où il suivit les cours d'Edmund Husserl et de son assistant Martin Heidegger, puis séjourna à Berlin. En 1932, il quitta l'Allemagne pour la France puis partit pour les États-Unis, où il enseigna notamment aux universités d'Annapolis et de Chicago. Les travaux de Leo Strauss portent sur la philosophie grecque, sur Spinoza et sur Maïmonide, mais son œuvre concerne surtout les faits et les valeurs politiques. Il s'est ainsi penché sur l'origine du droit naturel dans les œuvres de Platon, de Thucydide, et de Hobbes, et sur la crise du droit moderne (Droit naturel et Histoire, 1963). Il analysa l'histoire de la pensée politique grecque à travers les œuvres de Platon, d'Aristote et de Thucydide (la Cité et l'Homme, 1964). Il fut surtout important par ses idées sur l'histoire de la naissance de la modernité (Essais politiques, 1975). Il estimait que trois philosophes ont opéré une coupure entre la pensée antique et la pensée moderne : d'abord Machiavel, dans la lignée duquel il situait l'Anglais Hobbes, par sa réduction du problème moral à un problème technique, puis Rousseau, qui opposait nature et histoire, et enfin Nietzsche par la volonté de puissance et le renversement des valeurs qu'il préconisait pour l'arrivée du Surhomme. Il voyait dans ce dernier la naissance théorique du fascisme.

[8] John Rawls (Baltimore 1921). Philosophe américain.Il analyse les rapports difficiles entre la justice sociale et l'efficacité économique (Théorie de la justice, 1971).

[9] Qui, dans certaines circonstances, peut être droits versus devoirs ou devoirs versus droits ou bien encore droits ou devoirs !!

[10] "L'État opprime et la loi triche - L'impôt saigne le malheureux - Nul devoir ne s'impose au riche - Le droit du pauvre est un mot creux - C'est assez languir en tutelle - L'Égalité veut d'autres lois - "Pas de droits sans devoirs, dit-elle - Égaux, pas de devoirs sans droits ! " (L'Internationale ; Eugène Pottier).

[11] Ce qui exclut les régimes qui, bien que qualifiables de démocratiques, se fondent sur une religion d'état, que cette religion soit religieuse (Royaume Uni par exemple) ou séculière (cf. l'exemple de l'ex-U.R.S.S.).

[12] Pour mémoire, je rappellerai que dans ce pays on parle d'une majorité aussi bien silencieuse que… morale !

[13] Et oui, cela existe !

[14] Cette expression, consacrée par l'usage du discours politique, médiatique, historique mais aussi par la jurisprudence (cf. le procès Papon), est un euphémisme dont l'intention hypocrite est évidente : faire oublier que la France, patrie des Droits de l'Homme, s'est légalement doté d'un État fasciste qui s'est montré non seulement collaborateur zélé mais également, secondé en cela par l'Église gallicane, marraine de la fille aînée de l'Église vaticane, allié fidèle [jusque dans la mort et l'exil pour certains, la repentance et le retournement de veste pour beaucoup d'autres] de cet autre État légal : le Troisième Reich nazi ! Elle atteste d'un déni de droit : celui de la non reconnaissance de ce principe du Droit positif public : la continuité de l'État.

[15] Rappelons en effet que ce régime a institué les Ordres (des Médecins, des Avocats…), en contradiction absolue avec le principe de liberté individuelle instituée par la Déclaration des Droits de l'Homme mais aussi de libertés d'entreprise [de commerce], d'expression, d'opinion… reconnues par le Droit positif (dans ses formes civile,pénale, commerciale…) pour épurer ces professions de la gangrène juive, communiste mais aussi… franc-maçonnique !

[16] Rappelons également que, au regard des traités, des conventions, des accords, de la Cour de Justice… de l'Europe ces Ordres sont… illégaux.

[17] Un examen attentif des statistiques de ce type de fraude montre que la majorité, et de loin, des fraudeurs est en mesure de s'acquitter du titre de transport.

[18] Ce qui met en évidence l'effondrement d'une illusion : celle de la séparation des pouvoirs politique et judiciaire.

[19] Une sanction qui n'est pas nécessairement une peine (d'amende, d'emprisonnement…) puisqu'elle peut aussi être un… acquittement !

[20] Et non sur la forme alors que, de plus en plus, c'est la forme qui l'emporte sur le fond au point que, souvent, la justice rendue est inique puisqu'elle prononce le non-lieu – et, concrètement parlant, la relaxe – de coupables avérés pour cause de vice de… forme !

[21] Un silence complice qui amène à considérer qu'aujourd'hui ce qu'il faut craindre ce n'est pas tant le bruit des bottes que le silence des pantoufles !

[22] Sémantiquement, nous assistons à un nouveau glissement de sens : d'action de juger selon le Droit et de  décision rendue par un tribunal, le terme de jugement devient synonyme d'opinion que l'on se fait d'une chose ou d'une personne, d'appréciation que l'on porte, de sentiment que l'on ressent pour ou à l'encontre de…

[23] Cette distinction emportant séparation absolue et préservation de la personne à raison de son humanité est, bien entendu, l'un des fruits essentiels des Lumières et de leur humanisme. L'ancien Droit, celui de la monarchie, de la féodalité, de la théocratie… ne faisait bien entendu pas une telle distinction. Ainsi, une sorcière était brûlée vive es qualité puisqu'elle n'était plus humaine au sens de créature de dieu pour être devenue créature du Mal et ce, malgré ses aveux alors que, d'un point de vue théologique et dans la plus stricte orthodoxie christique, l'aveu emporte le… pardon !

[24] Pour mémoire : l'Inquisition jugeait les hérétiques à raison de leur blasphème (l'action) mais laissait le soin aux tribunaux royaux de juger et de punir l'hérésie (l'acte) et… l'hérétique (l'acteur) !

[25] Cette majorité pouvant être agissante comme, par exemple, dans les pays traditionalistes ou inactive, silencieuse au motif qu'elle a donné mandat de représentation à des mandataires – des chefs, des gourous, des pasteurs, des élus… - ou qu'elle a intérêt à se taire et à laisser faire une minorité (dans laquelle, in fine, elle… se reconnaît sans pour autant oser le dire ou même se l'avouer) [Dans ce dernier cas, cf. le silence complice ou la complicité agissante mais discrète de la majorité catholique dans les pays soumis à l'occupation nazie].

[26] Au sens stirnérien du terme.

[27] Ou, la terre étant du genre féminin : la matrie.

[28] Au sens de chef d'œuvre.

[29] Ceci n'est pas une erreur de frappe mais le hiéroglyphe de "Liberté – Égalité – Fraternité" !


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