Fanatisme et terrorisme
Considérations personnelles sur le
terrorisme international
Pendant longtemps, sauf en des
circonstances exceptionnelles comme, par exemple, la guerre, le terrorisme était
national en ce qu'il était pratiqué à l'intérieur de frontières d'État.
Au XIXème, en raison
de nombreuses migrations humaines – émigration, déplacements, exils,
expulsions… - et de l'internationalisation croissante des économies
nationales, le terrorisme a commencé
à s'internationaliser de telle sorte, par exemple, qu'un italien pouvait
commettre un attentat terroriste en France au regard, à la fois, d'une
situation sociale et politique nationale, d'une solidarité transnationale de
classe et d'une cause internationaliste tandis que, de son côté, l'État
russe, soit directement par ses propres sbires, soit indirectement par la police
française, pouvait, terroriser des
opposants venus se réfugier en France. Toutefois, malgré certaines accusations
proférées à l'encontre de l'Internationale il n'y a jamais eu d'organisation
internationale de terrorisme révolutionnaire de même que, malgré la suprématie
économique de l'Angleterre et la coopération active de nombreuses polices
nationales, il n'y a jamais eu d'office international de terrorisme d'État[1].
L'idée de centrale
internationale du terrorisme s'est développée pendant la guerre froide,
l'U.R.S.S. en accusant la C.I.A. et les U.S.A. le K.G.B. Or, s'il est vrai que
tant la C.I.A. que le K.G.B. se sont livrés directement ou, en sous-mains, au
terrorisme international, rien n'établit, au contraire, que le terrorisme,
durant cette période, ne se soit trouvé dans une situation duopolistique.
D'ailleurs, ces accusations réciproques se sont atténuées pour disparaître
au fur et à mesure du réchauffement des relations des deux Blocs. L'idée d'un
terrorisme international est revenue sur le devant de la scène avec le conflit
israélo-arabe, non plus sous la forme d'une centrale unique mais d'une nébuleuse
de mouvements en relation les uns avec les autres[2]
et bénéficiant de bases communes d'entraînement et d'approvisionnement dans
un certain nombre d'États (Corée du Nord, Bulgarie, Algérie, Libye, Syrie,
Cuba…) qui n'étaient pas désignés à raison de leur religion ou de leur race
– je pense, bien sûr, au pays arabes musulmans – mais de leur socialisme/communisme,
de leur tiers-mondisme et, surtout, de leur anti-américanisme. Or, outre que la
liste de ces pays a régulièrement varié au gré des (més)alliances et des
changements de stratégies diplomatiques, militaires et économiques, il n'a
jamais été fait la démonstration que ces États, du fait de l'aide objective
qu'ils apportaient aux mouvements terroristes, exerçaient à leur égard une réelle
autorité de commandement. Ceci dit, en toute objectivité, il faut reconnaître
que, en partageant les mêmes bases arrière, les mouvements terroristes ont pu
développer entre eux de réelles collaborations, généralement
ponctuelles d'ailleurs, collaborations qui ont même pu aller jusqu'à la
sous-traitance d'opérations. De leur côté, au sein des deux systèmes
d'alliance, s'il y a eu une constante collaboration des Services secrets dans le
cadre d'un contre-terrorisme commun à l'intérieur des zones d'alliance, en
revanche, dans le no man's land du Tiers-Monde chacun a continué de jouer pur soi et
souvent contre ses propres alliés !
Ainsi, à tous points de vue,
non seulement la notion de centrale internationale de (contre) terrorisme est
infondée mais encore la notion même de (contre)terrorisme international est
excessive. En revanche, progressivement, et avec le recul historique, à l'insu
de la plupart des observateurs, des stratèges et même des Services secrets,
une nouvelle inter-nationalité a vu le jour : la trans-nationalité.
Ainsi, après les vaines
tentatives d'union politique de Nasser[3],
les Palestiniens ont été les premiers non pas tant à théoriser qu'à évoquer
et solliciter une solidarité transnationale fondée sur une communauté ethnique
– l'arabité – tendant à abolir les frontières étatiques en vue de la
constitution d'un camp unique – le monde arabe – pour s'opposer à la fois
à Israël et aux pays occidentaux (U.S.A. en particulier). Or, une communauté ethnique
et linguistique n'a pas été suffisante pour gommer les disparités des
régimes politiques et des enjeux et intérêts économiques et financiers pour
instituer une véritable solidarité et, a fortiori, une unité transnationale.
Quelque temps plus tard, Kadhafi, fort des enseignements de ces
deux échecs, a retenté l'essai, sous l'hégémonie libyenne, au nom
d'une communauté ethnique, linguistique et religieuse, mais ce fut un nouvel échec
pour deux raisons : la référence socialiste qui n'a pas manqué d'entraîné
la très vive opposition des monarchies arabes et le soutien tous azimuts à de
nombreux mouvements terroristes dont beaucoup n'étaient ni arabes, ni musulmans
(I.R.A. par exemple) alors que certains étaient marxistes et athées (Frelimo
et UNITA au Mozambique, MPLA en Angola…) et dont quelques uns sévissaient même
contre des pays arabes.
Khomeyni, dès son accession au
pouvoir a repris cette idée de transnationalité en l'asseyant cette fois-ci
sur la seule religion, l'islam. Si elle s'est concrétisé par une réelle
internationalisation du terrorisme d'État de l'Iran, cette ambition n'a pas
abouti pour autant en terme de communauté musulmane transnationale et ce, pour
deux raisons essentielles : d'une part, l'islam iranien est chiite[4]
et donc minoritaire au sein de l'islam[5],
et, d'autre part, l'islam prôné par Khomeyni est… révolutionnaire en
ce qu'il ne reconnaît d'autre État musulman que la seule théocratie
et qu'il se propose donc d'établir une théocratie (chiite) universelle
supposant l'abolition des États actuellement en place !
Avec l'Afghanistan, tout a changé.
En effet, s'il existe bien un État afghan au regard du Droit international[6],
il n'existe toujours pas de nationalité[7]
et de citoyenneté afghane tant la société afghane dans sa réalité
ethnique[8],
sociale, culturelle, religieuse[9],
politique, militaire… est une mosaïque de communautés – et, en deçà des
ethnies, une féodalité de tribus et de chefs de guerre - à l'image de
cette mosaïque de pays déterminée par la géographie. Dans ce contexte
local – on aura compris que le qualificatif de national est
impropre – particulier et, à bien des égards, exceptionnel, les
talibans, initialement créés par l'Iran khomeyniste puis soutenus par
le Pakistan, ont su faire preuve d'une rare intelligence politique : en effet,
jouant de l'antisoviétisme/communisme, ils ont su obtenir le concours militaire
et financier de l'Occident et, en premier chef, des U.S.A. non pas pour eux-mêmes,
leur propre cause et leur intention réelle – qui n'a jamais été la seule
libération nationale de l'occupant soviétique – mais pour la résistance
afghane[10]
contre l'envahisseur soviétique. Mais, surtout, ils ont eu l'intelligence[11]
de dépasser tous les clivages tant locaux – ethniques, tribaux
et, relativement à l'islam, théologiques – qu'internationaux -
étatiques, nationaux[12]
et linguistiques – pour donner à l'islam une dimension universelle et non
plus particulière dans sa réduction à la seule arabité – ethnie,
langue et géographie -– et, ainsi,
se poser non comme des résistants nationaux, accessoirement musulmans,
ou des gardiens de la foi – à l'image des iraniens, des frères
musulmans, et, plus généralement, des intégristes nationaux – mais
comme les soldats de dieu – des
musulmans[13]
au sens originel du terme - luttant non pour la libération d'une terre
musulmane mais pour l'instauration, dans ce monde, de la maison de ∄et,
ainsi, la réalisation du messianisme du prophète et l'instauration de la
communauté musulmane universelle[14],
communauté à la fois spirituelle et temporelle puisqu'elle est à la fois Cité
de ∄[15]et
nation du prophète (ummat el-nabi)[16].
Ce discours n'a à l'évidence
pas été compris – alors même qu'ils n'avaient pas besoin de le décrypter
et qu'il suffisait de le prendre à la lettre – par les États occidentaux
mais il a été entendu et compris par de nombreux musulmans[17]
à travers le monde, ce qui, dés le début, a suscité l'afflux du monde
entier de volontaires musulmans et la constitution non de brigades
internationales, comme certains observateurs se sont plu à dire en faisant
sans doute référence à la Révolution espagnole, mais d'une légion
musulmane. Par là, les talibans ont su instituer une véritable transnationalité,
qui, dans le cadre du concept occidental de Nation et, plus exactement d'État-nation,
va au-delà d'une simple internationalité, laquelle est une association
de nationalités, puisqu'elle est dépassement, transcendance des nationalités
et, finalement, anéantissement du concept et de la réalité de nationalité.
En fait, les talibans ont bel et bien redonné naissance à la communauté
musulmane – la umma, de um, mère – dans sa dimension
spirituelle : il ne reste désormais plus qu'à la concrétiser dans sa
temporalité, ce qui, compte tenu de l'unicité de ∄et
de l'universalité de la mission du prophète, suppose son extension au monde
entier et, ce fait, l'éradication ou la conversion des infidèles ainsi
que la soumission des deux autres Ø du Livre[18]
dont les fidèles, dans la pure tradition historique de l'islam,
continueront d'être tolérés, moyennant le payement de l'impôt[19],
avec le secret espoir de les amener un jour à se soumettre à la vraie foi et
de se faire musulmans.
Pour les talibans, le terrorisme
n'est rien d'autre que la poursuite de la guerre par d'autres moyens.
Selon la logique fanatique et la conception/vision manichéenne du monde de
n'importe quelle Ø, ils estiment donc que leur terrorisme, outre qu'il n'est
qu'une réponse défensive à celui de leurs agresseurs, a toute légitimité à
être étendu au monde entier. C'est pourquoi, sans que l'on puisse pour autant
parler d'une gestion centrale du terrorisme transnational assurée par
les Talibans, il est évident qu'il existe désormais un terrorisme pratiqué
n'importe où par le monde au nom de la guerre de libération menée
sinon par la communauté musulmane, du moins par une légion musulmane qui se
pose comme le bras armé de cette communauté et qui ne trouve en Afghanistan
que quelques bases arrière logistique.
Certes, des (contre)terrorismes
nationaux, d'État ou d'organisations privées, continuent de commettre des
attentats à l'étranger (d'où cette qualification abusive de terrorisme
international laissant supposer qu'il obéit à une orchestration internationale
sous la conduite d'un seul chef) et, dans le prolongement des récents attentats
de New York et de Washington, une centrale anti/contre terroriste va être mise
en place au niveau international mais, dans les deux cas, nous en restons à
une internationalité qui renvoie soit à la localisation extra-nationale d'un
acte, soit à un niveau de coopération et qui, en définitive, s'enracine
toujours dans la nationalité – et sa traduction la plus immédiate que sont
l'Etat-nation et l'appartenance nationale
d'un individu ou d'une organisation – alors que les Talibans ont été à
l'origine d'une révolution radicale : la
transnationalisation d'une cause, autrement dit la suppression de toute référence
nationale, l'abolition de toutes les frontières et, de ce fait, la
mondialisation d'un projet – le rétablissement de la Cité de ∄
et de la nation du prophète – et de son moyen : la lutte armée, soit la
guerre et son prolongement éventuel, le terrorisme.
Une lutte qui, parce qu'elle est
radicalement différente dans son essence,
son organisation, ses modalités et sa finalité, de ce que l'on connaissait de
nos jours[20]
appelle une conceptualisation nouvelle. Les notions de trans-nationalité et
de supra-nationalité me paraissent théoriquement pertinentes ;
toutefois, leur racine, nationalité, risque d'entraîner une confusion
du fait de la prégnance, du moins en Occident, du concept de Nation et
donc de ses deux déclinaisons concrètes, l'Etat-nation et l'identité/appartenance
nationale. La notion de communauté me semble donc d'autant plus
appropriée que, dans le cas d'espèce, elle n'est somme toute que la traduction
du mot arabe umma à l'origine de la révolution radicale dont il s'agit
; toutefois, je ne la retiendrai pas car, dans son usage courant, elle se
confond abusivement avec celle de minorité et risque d'être entendu
comme un groupement infra-national d'individus. Aussi, en définitive, je
propose la notion d'universalité et de qualifier la lutte initiée par
les Talibans de lutte universelle sous ses deux formes de guerre
universelle et de terrorisme universel. Je le propose d'autant
plus volontiers que :
• l'islam, comme toutes les autres Ø, se prétend universel et ambitionne de réaliser un projet universel : instaurer la Cité (universel) de ∄(l'universalité en soi) et la nation (universelle) du prophète par et pour la communauté (universelle) des (vrais) croyants, les musulmans soumis à ∄ ;
•
si le fondement religieux de cette lutte est mis en évidence pas
ce seul qualificatif dans la mesure
où seule une Ø à une prétention à l'universalité[21],
deux écueils sont évités : la désignation/stigmatisation/diabolisation d'une
Ø – l'islam -, la condamnation de cette même et unique Ø et la relaxe
de toutes les autres alors qu'autant universalistes que l'islam elles
nourrissent la même ambition d'hégémonie universelle et que certaines ont
d'ailleurs mené de telles luttes universelles pour concrétiser leur
universalisme[22].
Ce que les Talibans ont réussi
à faire est totalement inédit et, à ce jour, unique. Mais cette originalité
et cette exceptionnalité ne justifient pas pour autant qu'au défi
ainsi lancé on s'entête à vouloir répondre par des méthodes, des moyens,
des modalités… inadaptées puisque non
adaptées à la situation créée par une révolution radicale.
Ainsi, croire que ce terrorisme universel est domicilié en
Afghanistan et que pour l'éradiquer il suffit de détruire les bases qu'il y
possède et terroriser la population afghane n'est pas seulement une erreur,
mais une faute[23] : en effet, une guerre
universelle est conduite par une armé universelle, une armée qui est dans le
corps et dans l'esprit de chacun soldat et qui a donc autant de bases que
de soldats. Cette armée universelle est d'ores et déjà présente dans
de nombreux pays : Pakistan, Ouzbékistan, Indonésie, Soudan, Algérie,
Nigeria… mais, aussi, France, Belgique, Allemagne… et, bien entendu, États-Unis
et, loin de l'affaiblir, la perte localisée d'une base, d'une brigade,
d'un régiment, d'un corps d'armée… suscitera l'afflux de nouveaux
volontaires[24] et le réveil de
troupes soigneusement mises en réserve, là aussi un peu partout dans le monde,
car le moteur de cette guerre et la ressource de cette armée ne sont pas matériels
– argent, armes, moyens techniques de communication et de transport… - mais
la foi dans son expression la plus absolue, la plus détachée de toutes
contingences matérielles – comme la souffrance et la mort -, la plus
aveuglément soumise à la seule volonté de ∄
: le fanatisme.
Il est de la responsabilité,
politique et morale, des États-Unis de s'estimer en état de guerre – de légitime
défense - du fait d'une agression étrangère armée mais il est aussi de
leur intelligence de comprendre qu'un problème radicalement nouveau
appelle une réponse radicalement nouvelle et ne saura être réglé par
une réponse traditionnelle, forcément inadaptée[25].
Or, pour diverses raisons avouées ou non, avouables ou non, ils veulent impérativement
répondre dans l'urgence… et se lancer, sans intelligence, dans une
aventure dont ils n'ont pas anticipé les conséquences pour eux-mêmes, pour
l'Occident et, plus généralement, pour le monde.
Une image s'impose, celle de la
médecine : le traitement et, à plus forte raison, la guérison d'une maladie
implique d'agir sur sa cause, l'action sur les effets n'étant qu'un palliatif
destiné à rendre supportable l'attente, plus ou moins longue, de la guérison.
Autrement dit, pour reprendre une vieille et sage expression populaire, pour éradiquer
un mal il faut l'attaquer à sa racine. Quelle est donc la
racine de ce terrorisme universel (comme poursuite, par d'autres moyens, de
la guerre) ? le fanatisme[26],
autrement dit l'intégrisme musulman, l'islamisme…, nous répondent de concert
politiques, observateurs, journalistes, commentateurs, chercheurs,
experts (auto-proclamés pour la plupart) en tous genres mais aussi, en
une sainte harmonie, la totalité des ☠ religieux et de leurs hiérarchies. Or,
pour reprendre une autre image, le fanatisme n'est que le tronc de l'arbre et
non la racine qui, elle, s'appelle la Ø.
Et ce n'est pas seulement par
souci d'éviter un affrontement avec l'ensemble du monde musulman que l'on s'en
tient au seul fanatisme et que l'on ne cesse de marteler cette mise en garde :
"Il ne faut pas faire d'amalgame ; l'intégrisme islamiste n'est pas
l'islam mais une déformation qui est le fait d'une infime minorité ; le vrai
islam est modéré, tolérant, pacifique, non-violent[27]…".
L'intention de cette digression est ailleurs : on se refuse à nommer
l'islam dans sa globalité – son universalité – parce que l'on se
refuse à admettre que le fanatisme est inhérent non pas spécifiquement à
l'islam mais à toutes les Ø, autrement dit à la Ø et que l'on ne peut dénoncer
et combattre l'islam sans dénoncer et combattre aussi
le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme, le bouddhisme, la
scientologie…, mais, cela, il est vrai, les États occidentaux ne peuvent le
faire tant ils sont religieux malgré leur prétendue laïcité ou leur prétendue
neutralité religieuse ! Ainsi, non seulement on n'attaque pas la racine du mal
mais on risque fort de le vivifier en transformant une contre-guerre en une
guerre universelle de religions !
Et à supposer qu'il n'y ait pas refus délibéré des États occidentaux mais incapacité objective à engager une lutte ouverte contre la Ø – et donc contre toutes les Ø – il me semble tout à fait possible de biaiser la difficulté et de s'attaquer aux causes objectives qui favorisent l'émergence et le développement de la Ø :
• l'ignorance : sachant que plus de 80% des Afghans sont analphabètes et que, bien entendu, cette ignorance est savamment entretenue par les Talibans, l'aide financière, matérielle et technique à l'organisation d'un véritable Service public d'instruction ouverte aux enfants et aux adultes des deux sexes, l'envoi d'enseignants au titre de la coopération/solidarité, la distribution gratuite de manuels scolaires, de livres, de films scientifiques…, l'assistance technique, matérielle et financière à la diffusion de nouvelles techniques de communication… permettraient sans doute aux Afghans d'accéder à la liberté de conscience qu'ils n'ont pas du fait de l'obscurantisme dans lequel ils sont emprisonnés et , en s'ouvrant au monde, de découvrir que l'universalité de leurs croyances et de leurs pratiques ne sont en fait que forts relatives, que le monde n'est mas manichéen mais infiniment varié et nuancé, que les différences des uns sont les richesses des autres, que la seule véritable communauté humaine s'appelle l'humanité…
• la pauvreté : la population afghane, après avoir subi des années de guerres, est désormais soumise à la tyrannie d'une théocratie alors que l'économie est toujours ravagée et que des conditions climatiques particulièrement défavorables ont pratiquement anéanti l'agriculture ; de ce fait, elle ne (sur)vit plus seulement dans la pauvreté mais dans la famine. Or, la misère est un excellent terreau pour la Ø et le fanatisme qui font miroiter la promesse d'un monde meilleur où le pauvre sera récompensé à la mesure e ses souffrances. Une aide au développement économique de l'Afghanistan ne manquerait pas d'être un excellent contre-poison[28] ;
• la santé : les femmes sont désormais exclues de tous soins ; quant au système sanitaire tant public que privé ouvert aux hommes, il est plus que vacillant. Quel prix peut avoir la vie quand on n'est plus qu'un mort en sursis ? Une bonne santé encourage plus à vivre et à jouir de cette vie qu'une mauvaise santé.
•
…
Il n'est pas dans mon intention
– et dans mes compétences – de formuler un programme en la matière ; ces
propositions ne sont donc que des pistes, sachant qu'elles ne sont pas faites
pour le seul Afghanistan mais bien pour l'ensemble des pays du Tiers Monde. Mais
il me semble que de telles mesures seraient des armes bien plus efficaces
contre, au minimum, le fanatisme que des bombes, des missiles, des marines…
En outre, ces armes seraient mises au service de la seule cause qui
puisse légitimement prétendre à l'universalité : l'humanité avec
tous les droits inaliénables, individuels et collectifs, qu'elle emporte pour
tous les humains, les Afghans tout autant que les Américains[29].
Actuellement, dans la plus pure
tradition inquisitoriale, sans la moindre forme de procès et donc de droit à
la défense, on se retrouve accusé/jugé/condamné pour… anti-américanisme
au seul motif que l'on refuse de se
figer au garde-à-vous, le doigt sur la couture du pantalon – ou de la jupe !
-, derrière la bannière étoilée – crime d'hérésie – et que l'on ose
s'interroger sur le pourquoi et le comment des choses – crime de blasphème
- ! Pour ma part :
•
athée, je ne saurais considérer ni qu'il y a de bonnes et de
mauvaises Ø ni que, pour une Ø
donnée, il y a une bonne pratique et une mauvaise pratique ; bien au contraire,
je persiste et signe : toutes les Ø sont de la même essence – la Ø
– produisent les mêmes effets ; la Ø est
la maladie mortelle du genre humain[30]
et c'est la maladie qu'il convient d'éradiquer , non celles/ceux qui en
souffrent
;
•
humaniste,
je ne connais que l'humain et donc que des humains quelles que soient leur (non)Ø,
leur nationalité, leur ethnie, leur culture… et ne peux accepter qu'une (non)Ø,
une nationalité, une ethnie, une culture… puisse emporter, pour quelque
humain que ce soit, déchéance de son humanité et des Droits universels et
inaliénables qui lui sont naturellement, intimement, imprescriptiblement
attachés. Je ne puis non plus admettre que qui que ce soit puisse être, aussi
fortes soient les présomptions de sa culpabilité et la monstruosité de
sa criminalité, privé de ces droits particuliers que sont le droit à la présomption
d'innocence, le droit à la défense, le droit à un procès équitable instruit
et mené par une justice indépendante mais aussi le droit à la réhabilitation[31].
De même, je ne puis admettre que, pour quelque raison que ce soit, la vie d'un
humain vaille plus ou moins que celle d'un autre humain[32],
qu'il y ait donc de bonnes et de mauvaises victimes et que
certains criminels soient, pour une obscure raison mais en toute légalité,
innocentés de leur criminalité quand d'innocentes victimes, toujours pour
d'obscures raisons mais en toute illégalité et illégitimité, soient déclarées
coupables de leur victimation. Les Droits des humains ne sont mes droits que
pour autant qu'ils sont aussi ceux des autres, de tous les humains. A titre
personnel, je ne saurais me prévaloir et disposer de Droits universels dont
certains humains seraient exclus ou déchus puisque ces exclusions et déchéances
sont des réductions de l'universalité des Droits des humains.
•
libertaire,
je ne puis accepter que pour, quelque motif que ce soit, on prétende contrôler
et limiter les libertés individuelles de conscience, d'expression, de déplacement…
au nom d'une raison qui se prétendrait supérieure à celle de
l'humanité et des droits qu'elle ouvre à chacun ;
•
athée,
humaniste et libertaire je ne saurais adhérer à cette croyance mythique en la
représentation des peuples et des individus par quelque ☠ que ce soit.
Aussi, pas plus que je ne
suis anti-américain et pro-afghan, je ne puis être pro-américain et
anti-afghan. Je ne suis d'aucun camp où, plutôt, je ne suis que d'un seul camp
: celui des humains, de tous les humains car la seule universalité que je
reconnais et respecte est celle de l'humanité. Et, dans ce camp, je resterai
debout, refusant de m'avachir, de ramper, de me vautrer ou même seulement de
m'agenouiller devant quelque autre camp que ce soit. Il en est de certaines
valeurs comme des Droits des humains : elles ne peuvent être assumées que
debout ; les trahir ou même seulement les oublier ne serait-ce qu'un
instant, c'est se coucher, c'est renoncer, c'est renoncer à soi. Seuls les
vivants sont debout quand seuls les morts sont couchés !
[1] Rappelons toutefois que, historiquement, il y a bien eu une organisation internationale de terrorisme : l'Inquisition. Certains, comme moi, bien entendu, estiment que, même si l'Inquisition a disparu, il y a toujours une gestion internationale du terrorisme catholique assurée par le ≈, sous l'autorité personnelle du pape, qui, telle une pieuvre, est dotée de plusieurs bras (armés) : l'Opus Dei, les associations pro-Life…
[2] C'est ainsi, par exemple, que, en France, pendant un temps, on a parlé d'une collaboration entre le Front de Libération Nationale Corse et l'I.R.A., du Front de Libération de la Bretagne et de l'E.T.A…, en Allemagne de la R.A.F. et de l'O.L.P….
[3] Rappelons qu'à cette époque la République Arabe d'Égypte s'appelait la République Arabe Unie même si, concrètement, elle se limitait à la seule Égypte. Nasser n'a jamais théorisé l'unité arabe ; il s'est contenté de se fonder sur l'Histoire en se référant à l'Empire arabe – dont on sait pourtant qu'il n'a été unifié que pendant fort peu de temps - ; or, cette référence historique s'est retournée contre Nasser parce que, pendant un temps, l'Égypte a été le siège d'un anticalifat, celui des Fatimides, d'obédience chiite – alors que, dans sa très grande majorité, le monde arabe est sunnite – , que le Sultanat d'Égypte a été fondé par des envahisseurs non-arabes, les Turcs et que pour certains États arabes le projet nassérien avait comme un relent d'hégémonie égyptienne fort peu arabe.
[4] En principe, seul le chiisme a un clergé mais l'influence chiite, l'opportunisme et l'utilitarisme de certains émirs, le nationalisme, des contextes géopolitiques et des enjeux stratégiques internationaux particuliers… ont fait que certains pays sunnites comme le Pakistan et l'Afghanistan.
[5] De plus, outre un différend schismatique théologiquement insoluble , les comptes historiques ne sont toujours pas réglés entre chiites et sunnites. Ainsi, les chiites commencent toujours certaines grandes prières en lançant l'anathème sur Moawiyya 1er, fondateur de la dynastie des Omeyyades qui a déposé la calife Hasan, fils d'Ali, et fait assassiner Hussein, autre fils d'Ali.
[6] Jusqu'à l'arrivée au pouvoir des marxistes, l'État, reconnu internationalement, n'était, au plan national, qu'un croupion d'appareil, la gouvernance nationale étant, en fait, assumée par un Conseil tribal et, le plus souvent, par un système d'alliances et de domination ethno-tribale. Une constante de l'histoire afghane est le rejet d'un pouvoir central fort, ce qui, paradoxalement, n'a jamais empêché la concrétisation d'un front commun contre les envahisseurs.
[7] Et donc de nation afghane.
[8] La population afghane comprend plusieurs ethnies – dont la réalité est d'autant plus forte que le pays est resté fortement féodal - : les Patchou, ethnie dominante (40%), les Tadjik, d'origine iranienne (30%), un groupe d'origine turque avec les Ouzbek, les Turkmene et les Kazakh (15%), les Hazara, d'origine mongole (12%) et un groupe éparse, fortement minoritaire, de plusieurs ethnies, les Baloutches, les Brahui, les Arabes et les Nuristani (3%) qui ont cette particularité d'être méprisées, voire rejetées par toutes les autres ethnies.
[9] Si l'islam est largement dominant il n'est pas pour autant unitaire puisque le sunnisme (majoritaire) et le chiisme se divisent eux-mêmes en plusieurs courants ; en outre, des minorités bouddhistes, hindouistes, sikh, chrétiennes, juives, zoroastriennes… sont (étaient ?) présentes.
[10] Alors que cette qualification est purement virtuelle en l'absence de nation afghane.
[11] Ils ont eu cette autre intelligence d'anticiper l'effondrement de l'empire soviétique et la (ré)émergence de l'islam en Asie centrale.
[12] Au sens de nationalité c'est-à-dire d'appartenance à une nation et de sujétion à un État.
[13] Ben Laden, lors d'un entretien avec un journaliste, a indiqué qu'il n'était ni saoudien, ni même arabe mais musulman et que, par conséquent, il était partout chez lui dans le monde qui n'est rien d'autre que la maison de ∄.
[14] Ce qui, au passage, suppose la suppression ou la conversion de tous les infidèles !
[15] "Vous êtes la communauté la meilleure qui ait surgi chez les hommes ; vous commandez le bien, vous interdise le mal, vous croyez en ∄" (Cora, III, 110).
[16] Il est significatif que les Talibans ne désignent pas leur théocratie par le terme d'État mais par celui d'Émirat. En effet, théologiquement et historiquement, Émirat désigne deux réalités : la dignité de l'Émir, ce Commandeur des Croyants qui conduit la guerre menée au nom de ∄ mais aussi le territoire – au sens d'espace géographique – gagné à ∄, territoire qui n'est que provisoire et dont l'achèvement – l'expansion ultime - sera l'instauration de la Cité de ∄et la nation du prophète – l'universalisation de la communauté des fidèles – et emportera sa disparition (On ne manquera pas de noter une grande similitude avec le dogme du dépérissement de l'État de la Ø marxiste !).
[17] Sunnites comme chiites.
[18] Au passage, on notera que, à la différence des mouvements terroristes musulmans du Moyen-Orient, les talibans, s'ils ne manquent pas de faire référence à la nécessaire libération de ce lieu saint de l'islam qu'est Jérusalem, ne tiennent pas un discours faisant dans l'anti-sémitisme ; en outre, ils relativisent cette libération car la vraie libération est celle du monde qu'il convient de rendre à ∄. En outre, alors que l'Occident nomme régulièrement l'islam, même qualifié d'intégriste par opposition à un islam qu'elle qualifie de modéré – et donc de tolérable -, comme ennemi, et que, depuis peu, cet ennemi est satanisé au point de justifier contre lui une guerre sainte, une croisade – ce qui, au sens originel, est la guerre sainte menée au nom du crucifié contre l'infidèle, le musulman -, les Talibans, s'ils satanisent tout autant leurs ennemis, puisqu'ils sont d'abord ceux de ∄, ne font aucune nomination à raison de la Ø. Ainsi, s'ils désignent des pays (U.S.A., Israël…), des alliances internationales (O.T.A.N.), des blocs de pays (Occident), des individus (Bush, bien sûr, en ce moment), ils ne nomment jamais le christianisme, la chétienté, tel ou tel chrétien…
[19] L'impôt de capitation, djizya, et l'impôt foncier, kharādj.
[20] Et de nos jours seulement car, en ce qui concerne l'Histoire, il faut revenir à l'origine : la naissance et l'expansion de l'islam.
[21] Je parle de Ø religieuse car d'autres Ø, politiques, économiques… se contentent d'une prétention… mondiale (Exemple : la Révolution mondial, le Nouvel ☠ économique mondial…
[22] Il en est ainsi, bien entendu, du catholicisme dont la lutte universelle pour la réalisation de son hégémonie a été aussi bien celle de la guerre (croisades par exemple) que celle du terrorisme (Inquisition). Un autre exemple peut être donné, celui de l'Inca qui, toutes proportions gardées au regard des niveaux des connaissances et des techniques, a cherché à réaliser son hégémonie universelle.
[23] Ainsi qu'un crime contre l'humanité car, aussi sophistiquée qu'elle soit, la technologie militaire américaine ne dispose pas encore de bombes et de missile disposant de têtes non seulement chercheuses mais encore intelligentes susceptibles distinguer un mauvais musulman –terroriste intégriste – d'un bon musulman – modéré, conciliateur et… soumis non seulement à son ∄ mais aussi, et sans doute d'abord, aux U.S.A. – et donc d'éviter la tête du second pour ne tomber que sur celle du premier !
[24] Fait significatif : depuis les attentats, dans plusieurs pays du Tiers-Monde, les conversions à l'islam ont enregistré une progression quasi-exponentielle.
[25] Pourtant, les U.S.A. ont déjà été confrontés à un changement radical de la conduite de la guerre et de la nature même de la guerre avec la guerre révolutionnaire théorisée et conduite par Mao pour être exportée au Vietnam – où le traditionalisme de leur académisme militaire, malgré un recours massif au terrorisme, leur a valu une cuisante défaite d'un coût humain, politique, économique et diplomatique élevé - et adaptée à l'Amérique latine et à l'Afrique par Castro et le Ché.
[26] De nos jours, à ce terme, on préfère celui d'intégrisme, sans doute pour nous faire accroire qu'il n'y a eu de fanatisme que dans les temps anciens !
[27] Tout comme le vrai catholicisme n'était pas celui qui brûlait l'hérétique mais celui qui consolait la veuve et les orphelins en les exhortant à se soumettre à ∄et à prier pour l'âme du défunt ressuscitée à ∄ !
[28] Le problème de la misère est réellement mondial quand on voit l'écart croissant entre les quelques riches et les masses de démunis. La réduction de ces écarts couperait sûrement l'herbe sous les pieds de nombreuses (et légitimes) revendications et de non moins nombreuses Il ne peut y avoir de riches que s'il y a des pauvres ; les premiers ont besoin des seconds, encore faut-il qu'il leur laisse de quoi survivre. Le raisonnement est simple, cynique, égoïste ; pourtant, s'il est tenu, il n'est pas mis en œuvre. La fuite en avant de l'enrichissement continue aveuglement. Jusqu'à quand ?
[29] Bien entendu, et dans l'attente de l'éradication de tous les fanatismes et de tous les terrorismes, tous les États, et pas seulement les États occidentaux, auraient toute légitimité prendre toutes mesures pour protéger leurs populations de ce terrorisme universel à condition que de telles mesures ne remettent pas pour autant en cause les droits humains et les libertés individuels de leurs nationaux comme des étrangers (Or, sous couvert contre-terroriste, comme par enchantement, dans les pays Occidentaux, un train de mesures législatives et réglementaires portant réduction drastique de la liberté d'expression est déjà annoncé en gare !
[30] C'est pourquoi, il me plaît de la nommer bête immonde à l'image du cancer qui ronde du dedans et qui, si on ne l'éradique pas, finit par tuer.
[31] Ces droits sont ceux de ben Laden comme ceux des 8 américains accusés en Afghanistan de crime de prosélytisme (!?!), de Younus Shaikh condamné à mort au Pakistan pour crime de blapshème (!?!), de Mumia Abu Jamel condamné à mort aux U.S.A. au terme d'une instruction partiale et d'un procès inique, des centaines de réfugiés apatrides parqués dans ce véritable camp de concentration qu'est le centre de Sangatte (Pas-de-Calais, France), de tous les S.D.F. qui meurent, anonymes, sur les trottoirs des villes, de celles/ceux qui meurent de faim ou de manque de soins partout dans le monde…
[32] Ainsi, pour moi, la vie d'un/e Américain/e ne vaut pas moins que celle d'un/e Afghan/e mais pas moins non plus.
Pour revenir à la seconde partie