L'École de la République a-t-elle encore un avenir dans le Nord (et en France) ?

 

Dans l'Académie de Lille, 40% des élèves en âge de scolarisation fréquentent es établissements privés (cette proportion est de 50% pour les Collèges et de 36% pour les Lycées.

Au fil des ans, ce "taux d'évasion" de l'École publique ne cesse d'augmenter ce qui, se rajoutant aux effets naturels de l'évolution démographique, explique les nombreuses fermetures de classe (voire même les menaces pesant sur certains établissements, notamment au niveau du primaire) alors que les établissements privés sont saturés et que, faute de pouvoir ouvrir de nouvelles classes en raison des contrats passés avec l'État,  ils sont à l'origine d'une autre "évasion scolaire", au profit de la Belgique cette fois-ci !

On ne peut donc que s'interroger sur le devenir de l'École publique et, sachant le lien étroit qui l'unit à la République – ou qui, du moins, l'a unie à la naissance, puis à la construction de la République -, s'interroger sur le devenir même de… la République !

Dans le Nord, il existe une forte tradition d'École privée et, singulièrement, confessionnelle. Au cours de ces dernières années, les effectifs de l'École privée ont augmenté plus vite et davantage que ceux de l'École publique. Ce différentiel de croissance ne s'est pas inscrit dans un contexte de croissance démographique qui aurait amené l'École privée à attirer davantage que l'École publique. A effectif constant, voire même en baisse, davantage d'élèves ont été scolarisés dans l'École privée que dans l'École publique parce qu'ils… ont quitté la seconde au profit de la première.

L'École privée attire parce que l'École publique fait fuir !

Pour quelles raisons quitte-t-on l'École publique au profit de l'École privée ?

Ce qu'il convient d'abord de souligner c'est que ce choix n'est pas le fait d'un choix des enfants (sauf quelques rares exceptions) mais d'une décision des parents. C'est donc les motifs d'une telle décision qu'il convient d'expliciter. Il y en a plusieurs, on se contentera d'en pointer deux qui sont essentiels :

Cette "croyance" des parents et la décision qu'ils prennent en conséquence heurtent de plein fouet la carte scolaire qui veut que l'on soit "rattaché" à tel établissement du second degré non pas parce que l'on habite à tel ou tel endroit mais parce que l'on a fréquenté telle ou telle école primaire. C'est pourquoi, de véritables "stratégies de contournement" sont développées et, alors que, traditionnellement, les Écoles maternelles et primaires étaient des établissements de proximité géographique, on voit un nombre de plus en plus élevé d'enfants scolarisés dans des écoles éloignées géographiquement. Écoles qui, si aucune "astuce" n'a pu être trouvée pour obtenir une inscription dérogatoire (exemple : domiciliation fictive), sont/seront privées et entraîneront, tout naturellement, un cursus scolaire privé !

Du point de vue des principes républicains, ces "périmètres dérogatoires" sont une atteinte à l'unité de l'espace national, aux plans tant géographique qu'institutionnel, juridique, réglementaire, sociologique, culturel et… politique. S'ils se fondent sur une (pseudo) "bonne intention", celle de la "discrimination positive", ils engendrent un effet totalement contraire aux résultats recherchés : au lieu d'y améliorer la réussite scolaire en "donnant plus à ceux qui ont le moins" ainsi que l'image ("marketing" !?!) des établissements qui y sont implantés pour les rendre "attractifs", ces périmètres dérogatoires produisent… de l'évasion scolaire, c'est-à-dire de la répulsion ![1]

Certes, l'École publique, à travers notamment ses mouvements syndicaux de protestation et de revendication, "communiquent" davantage sur ses "difficultés" que ne le fait l'École privée. Mais, ce surplus de communication ne saurait expliquer à lui seul pourquoi les "dysfonctionnements" de la seule l'École publique sont ainsi médiatisés. En effet, on peut supposer que, soucieux de bien faire leur métier, les journalistes investiguent ces problèmes (ces "fléaux aussi bien dans le Public que dans le Privé) ; or, ils ne le font pas.

Ce "surplus de communication" ne serait-il donc pas un "excès de communication" ? Depuis quelques années et, plus précisément, depuis que, sous l'effet de la seule raison économique (i.e. au nom de la seule recherche du profit), le néo-libéralisme, ayant besoin de la mondialisation de l'Économie, cherche à abattre tout ce qui, de nature sociale, culturelle, politique, juridique…, fait obstacle à cet "universalisme", n'assiste-t-on pas au "procès", permanent et méthodiquement organisé, de tout ce qui relève du Public ? Ce soin "attentionné" des médias aux "problèmes" de la seule École publique – et son contraire : le silence couvrant ceux de l'École privée – ne participe-t-il pas d'une volonté d'abattre l'École publique dont la mission fondamentale est de former des… Citoyens et non pas des producteurs/consommateurs doués, non plus de Raison (et d'une pensée libre) mais d'une pensée… unique ?

Dans ce contexte, une "discrimination positive" n'est-elle pas un emplâtre sur une jambe de bois quand, la dégradation de leur image étant tout autant naturelle qu'orchestrée, les établissements scolaires publics concernés sont voués à perdre leurs effectifs au bénéfice  des écoles privées ?

Il ne s'agit pas ici d'ouvrir un débat mais d'appeler à un débat – qui ne pourra pas être autrement que national - : l'École publique, parce qu'elle ne cesse de perdre des effectifs en faveur de l'École privée est en crise. Outre qu'une augmentation des effectifs des établissements confessionnels est une atteinte majeure à ce fondement de la République française : la séparation de l'État et des Église et son corollaire  la LAICITE, cette crise doit interpeller tous les républicains, tous les citoyens car elle est témoigne de l'existence d'un autre malade : la République elle-même[2].

N'y va-t-il pas de l'honneur des Républicains et des Laïques (mais ne sont-ce pas les mêmes ?) que de faire en sorte que ce débat soit (enfin) ouvert ?



[1] Au passage, on notera que, aux plans urbanistique, économique, sociologique, culturel et politique, la théorie de la "discrimination positive" ne produit pas "plus de droits" et, conséquemment, plus d'avantages, de rattrapages, de "dédommagements"… et d'égalité mais, au contraire, institutionnalise, sinon de jure, du moins de facto,  des espaces, virtuels ou réels, de rupture, un peu comme ces icebergs qui en se détachant de la banquise se mettent à… dériver.

[2] La République n'est pas seulement malade de son École. Elle l'est aussi du régionalisme, du "communautarisme" de l'abstentionnisme, de l'intégrisme (politique et religieux), de la mondialisation…


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