L'ethnocide

Inventée par le professeur américain d’origine polonaise R. Lemkin, l’expression gréco-latine de génocide a cherché à introduire pour les groupes entiers d’humains ce qu’est l’homicide pour un individu isolé : le refus du droit à l’existence. Aussi ancien que l’humanité qui a souvent assisté, sans beaucoup réagir, aux massacres des populations, ce crime n’a été pourtant défini comme tel qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : l’extermination systématique des Juifs, des Tziganes et d’autres races considérées comme inférieures mais également de malades mentaux, de déviants (homosexuels en particulier), d'opposants politiques (et, singulièrement, communistes, anarchistes et, plus généralement, démocrates et républicains)…, que leurs membres aient été ou non ressortissants du IIIème Reich, a contraint l’humanité à ne plus abandonner à la compétence exclusive de l’État le traitement des êtres humains qui se trouvent en son pouvoir. C'est ainsi que le statut du 8 août 1945 créant le tribunal militaire international de Nuremberg appelé à juger les plus grands criminels nazis posait trois crimes relevant de sa compétence : les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, ces derniers marquant le plus clairement le progrès du droit pénal international.

Le génocide est aujourd’hui juridiquement identifié grâce à la "Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide", adoptée à l’unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948.

Le concept de génocide signifie l’extermination de groupes humains entiers comme tels. Cependant, la protection que représente la mise hors la loi internationale du génocide ne profite pas à tous les groupes : seuls les groupes nationaux, ethniques, raciaux et religieux sont pris en considération, à l’exclusion donc des groupes politiques, économiques et culturels (article 2 de la Convention de 1948). L’absence de référence au génocide politique et au génocide culturel ne manque pas d’être préoccupante, dans la mesure où la garantie internationale de la survie des groupes politiques ou de certaines minorités, qui n’ont en commun que quelques droits de caractère culturel ou même... folklorique, dépend entièrement de l’existence des mécanismes de protection internationale des droits de l’homme et des droits des minorités. Or, les réalisations dans ce domaine ne sont guère convaincantes, mis à part la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950, qui ne fonctionne cependant que dans un cadre limité à l’Europe occidentale.

Si le génocide a été identifié par le législateur international à l’occasion d’actes commis pendant la guerre, il constitue désormais un crime aussi bien du temps de paix que du temps de guerre, et les États contractants se sont engagés à le prévenir et à le punir (article 1er).

Les actes constitutifs du génocide aboutissent toujours à l’anéantissement physique et biologique du groupe, ce qui constitue d’ailleurs l’essence de ce crime, quels que soient les moyens mis en œuvre pour atteindre ce but : meurtre d’un nombre plus ou moins grand de membres, atteinte grave à leur intégrité physique ou mentale, soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence susceptibles d’entraîner sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances, transfert forcé d’enfants à un autre groupe… (article 2). De tels actes ne pourront jamais être perpétrés par quelques individus isolés : de par sa nature, le génocide ne peut donc être qu’un crime collectif, commis par les détenteurs du pouvoir de l’État, en leur nom ou avec leur consentement exprès ou tacite. Sur cette base, la recherche des responsables individuelles et nominatives n’en est pas facilitée pour autant, compte tenu de l'anonymat de la bureaucratie d'État, qu'elle soit civile ou militaire. A fortiori, le partage des responsabilités est d'autant plus difficile à effectuer que le génocide constitue par excellence un crime d’État, parce qu'il est nécessairement commis ou toléré par un État.

Toutes les personnes ayant commis le crime de génocide ou s'en étant rendues complices doivent être punies, quelles que soient leurs qualités : gouvernants, fonctionnaires ou particuliers (article 4). Or, en parlant de personnes cet article exclut d'emblée la responsabilité pénale des États ou des gouvernements en tant que tels, alors même que "la notion du génocide est liée à l’action ou à l’abstention coupable de l’État".

En matière de génocide, la définition légale de la culpabilité porte aussi bien sur les exécutants que ceux qui, au nom de l'État, ordonnent, commanditent ou tolèrent des agissements génocidaires, sachant qu'il appartient au juge d'apprécier si l’élément intentionnel existe ou non chez l’auteur des actes constitutifs du génocide accomplis sur ordre et que, en ce qui concerne les exécutants, seul cet élément intentionnel est constitutif du crime de génocide.

Ainsi, selon le droit international, le génocide est un crime essentiellement politique mais, en même temps il considère qu'il ne peut prétendre au bénéfice de l'exception du droit de l'extradition, lequel établit que les auteurs de crimes politiques ne peuvent pas être extradés[1].

Comme on l'a indiqué, le génocide est un crime politique parce que commis ou toléré par un État ; il ne prend pas pour autant ces crimes collectifs commis ou tolérés par un État contre un groupe humain à raison de ses convictions politiques (ou autres et, notamment religieuses), de son organisation économique, de son statut social – ou de ceux de ses membres -  et/ou de son identité culturelle[2].

Un génocide se traduit toujours par la destruction, totale ou partielle, passagère ou définitive, de l'organisation politique, sociale, économique et culturel du groupement humain qui est la victime. A la limite, un génocide réussi, qui serait la suppression physique de tous les membres du groupement ou, du moins du groupe lui-même[3], aurait pour autre résultat de supprimer toutes les formes d'organisation de ce groupement.

Or, l'Histoire pullule d'exemples qui montre que l'on peut supprimer un groupement humain sans pour autant supprimer physiquement ses membres dès lors que l'on détruit toutes ses formes d'organisation.

Considérant que le juridisme[4] ayant présidé à la définition du crime de génocide avait, sous l'influence du droit pénal, réduit la notion et la réalité de crime à celles d'assassinat, de meurtre ou d'atteinte plus ou moins irrémédiable à l'intégrité physique – torture – de personnes physiques en excluant ainsi les crimes génocidaires[5] commis contre des organisations – de "communautés" – humaines et non pas des groupements – réunions -d'individus, certains auteurs, sociologues, ethnologues et historiens pour la plupart, vers la fin années soixante ont forgé le concept d'ethnocide[6].

Ces auteurs ont en effet fait remarquer que si le génocide des nazis était bien le premier à être jugé au nom du Droit et, plus précisément du droit international, il était loin d'être le seul à avoir été perpétré dans l'Histoire : ainsi, par exemple, la constitution d’empires coloniaux par les grandes puissances européennes puis leur expansion coloniale au XIXème siècle ont été ponctuées de massacres méthodiques de populations autochtones. Mais c'est surtout le génocide des amérindiens que ces auteurs ont tenu à mettre en évidence et à dénoncer en raison de son extension continentale et son ampleur démographique mais également par… sa poursuite[7].

Ainsi, c’est principalement à partir de leur expérience américaine que les ethnologues, et tout particulièrement Robert Jaulin, ont été amenés à formuler le concept d’ethnocide dans la mesure où, avec la réalité indienne d’Amérique du Sud, ils disposaient d’un terrain favorable d'observation in situ pour mettre en évidence les lacunes du concept de génocide, de combler ce vide par celui d'ethnocide et de démontrer que les dernières populations indigènes du continent étaient simultanément victimes de ces deux types de criminalité. Leurs relevés ethnologiques ont ainsi mis en évidence que, si le terme de génocide renvoie à l’idée de race et à la volonté d’extermination d’une minorité raciale, celui d’ethnocide recouvre non la destruction physique d'un ensemble d'individus (auquel cas on demeurerait dans la situation génocidaire) mais la destruction de leur culture.

L’ethnocide est donc la destruction systématique des modes de vie et de pensée d'individus différents de ceux qui mènent cette entreprise de destruction et, tandis que le génocide assassine les peuples dans leur corps, l’ethnocide les tue dans leur esprit[8].

Génocide et ethnocide ont toutefois un point commun : le rejet de l'Autre, le refus de la différence. Toutefois, ils se séparent sur le sort qu'ils réservent à l'altérité. Le génocide nie la différence parce qu'elle est absolument mauvaise et qu'elle ne peut trouver place dans son ordre de représentation comme d'organisation : la seule solution consiste donc à éliminer physiquement les autres. Ainsi, les juifs n'ont aucune place dans l'ordre nazi et la solution à appliquer à leur encontre ne peut être que finale, définitive : l'extermination.

L’ethnocide, en revanche, admet la relativité du mal dans la différence : les autres sont mauvais, mais on peut les améliorer – les sauver de leur mauvaise différence - en les obligeant à se transformer jusqu’à les rendre, sinon dans l'être, du moins dans le paraître – langue, habillement, rituels politiques, religieux, sociaux, pratiques alimentaires… - identiques au modèle qu’on leur propose, qu’on leur impose. La négation ethnocidaire de l’Autre conduit à une identification à soi. L'ethnocide est le fondement de tout projet de conversion, par quelque procédé que ce soit, sous quelque forme que ce soit, avec ou sans violence physique mais toujours sous la contrainte psychologique, sociale, économique, morale, religieuse, politique.

En Amérique du Sud, les tueurs d’Indiens poussent à son comble la position de l’Autre comme (mauvaise) différence : l’Indien sauvage n’est pas un être humain, mais un simple animal. Le meurtre d’un Indien n’est pas un acte criminel, le racisme en est même totalement évacué, puisqu’il implique en effet, pour s’exercer, la reconnaissance d’un minimum d’humanité en l’Autre[9].

Alors que les conquérants militaires – et, plus tard, les colons – se sont spontanément livrés au génocide des Indiens, les missionnaires[10], eux, dés le début, ont fait le choix de l'ethnocide dans la mesure où, propagateurs militants de la foi chrétienne, ils s’efforcent de substituer la seule vraie religion – la leur - aux croyances barbares des païens[11]. Leur démarche évangélisatrice repose sur un double fondement : la différence – le paganisme – est inacceptable et doit être refusée mais le mal que constitue cette mauvaise différence peut être supprimé par la conversion.

Toujours en Amérique du Sud, mais plus tard et, notamment à partir de la fin du XIXème siècle certains laïques se sont crus autorisés à pratiquer l'ethnocide non pas pour convertir, mais pour intégrer ce qui consiste aussi à… supprimer la mauvaise différence. Ainsi, en matière de politique indigéniste, le gouvernement brésilien considère que "Nos Indiens sont des êtres humains comme les autres. Mais la vie sauvage qu’ils mènent dans les forêts les condamne à la misère et au malheur. C’est notre devoir que de les aider à s’affranchir de la servitude. Ils ont le droit de s’élever à la dignité de citoyens brésiliens, afin de participer pleinement au développement de la société nationale et de jouir de ses bienfaits".

Dans les deux cas – la conversion ou l'intégration – il s'agit de sortir l’indigène de sa mauvaise différence qu'est la sauvagerie pour le conduire ici à la vraie religion, là à la civilisation, c'est-à-dire au bonheur et à l'humanité ! En somme, l'ethnocide est une nécessité qu'il faut exercer dans l'intérêt et pour le bien même du sauvage[12] !

On voit bien que, en définitive, l'ethnocide se fonde sur un double postulat, une double croyance : il y a objectivement une hiérarchie des cultures et, toujours objectivement, dans cette hiérarchie, la civilisation[13] occidentale jouit d'une supériorité absolue ! Il en résulte que le progrès consistant à s'élever et non à régresser, les cultures inférieures doivent renoncer à ce qu'elles sont pour se hisser à la perfection de la civilisation occidentale d'une part et que, d'autre part, puisqu'elle est la perfection absolue, la civilisation a un devoir de mission, d'émancipation civilisatrice envers les primitifs !

D'autres auteurs ont rétorqué que toute société étant ethnocentrique[14], les relations entre société seraient naturellement et nécessairement ethnocidaires.  S'ils admettent que l’Occident est bien ethnocidaire parce qu’il est ethnocentriste et qu'il se pense et se veut la  civilisation, ils affirment que les sociétés primitives le sont tout autant. Pour eux, l'ethnocentrisme des cultures primitives se déduit de ce que, façon récurrente, elles se nomment elles-mêmes d'un seul et même nom : les Hommes[15]. A l'appui de leurs dires, ils citent de nombreux exemple : les Indiens Guarani se nomment Ava, "les Hommes" - ; les Guayaki, Aché, "les Personnes" ; les Eskimos, Innuit, "des Hommes" ; les Waika du Venezuela, Yanomami, "les Gens"…  Inversement, ils rappellent que ces cultures désignent systématiquement leurs voisins de noms péjoratifs, méprisants, injurieux.

En se fondant sur la seule dénomination des peuples, ces auteurs oublient un certain nombre de points :

         la traduction Hommes – ou similaires – qui est faite par l'Occident des noms par lesquels se désignent les peuples primitifs est largement approximative en ce sens que, la plupart du temps, c'est une péri-phrase, voire une ou même plusieurs phrases qui seulement peuvent traduire le sens véritable de ces noms ;

         la dénomination Hommes est certes récurrente mais nullement universelle. Ainsi, un peuple indien d'Amérique du Nord (Canada) s'est nommé Anishnabe ce qui signifie tout à la fois ceux qui ne sont pas vrais et ceux qui ne sont pas ici mais là – ou ailleurs – et, d'une certaine manière invisibles. Le premier sens signifie que les premiers Anishnabe, émerveillés par la beauté et la perfection de la Nature, se sont considérés comme des êtres vivants indignes de cette beauté et de cette perfection et donc comme non vrais[16]; le deuxième sens s'explique par leur nomadisme écologique systématique : à peine avaient-ils fini d'entretenir un coin de la Nature qu'ils en allaient en faire de même ailleurs ;

         la dénomination d'Hommes se fait non par opposition aux "non-Hommes" mais par différenciation d'avec les animaux et, plus généralement, d'avec la Nature : dans cette cosmogonie, il y a donc le "peuple des guépards", le "peuple des lamas",… le "peuple des arbres"… et, in fine, le "peuple des hommes" dans lequel, bien entendu, se range la culture primitive considérée ;

         lors des premiers contacts avec les occidentaux, les peuples primitifs, qui vivaient jusque là dans un isolement absolu ou relatif, ont été incapables de classer ces nouveaux venus dans l'un des quelconques peuples de leur connaissance et, plus généralement, de leur cosmogonie dans la mesure où ils échappaient à leur entendement parce que non situés dans leur environnement naturel. C'est pourquoi, les Espagnols, par référence à certaines légendes et traditions religieuses, ont été classés dans le "peuple des dieux", ce qui, on l'admettra bien, ne correspond ni à une dévalorisation, ni à une négation ethnocidaire ! C'est ainsi aussi que l'un des tout premiers Blancs – un Lord anglais en l'occurrence – à avoir rencontré les Indiens d'Amérique du Nord a été capturé par une tribu en tant que… cheval et que c'est comme un cheval – et non pas comme un non-homme – qu'il a été traité jusqu'à ce qu'il soit initié et devienne un homme, membre à part entière de ladite tribu ;

         les sobriquets, plus ou moins injurieux et péjoratifs, attribués aux ennemis ne participaient pas d'une logique ethnocidaire – la non-reconnaissance de leur humanité – mais de la magie. De nature foncièrement orale, les peuples primitifs reconnaissaient un pouvoir magique à la nomination : attribuer à une tribu ennemie le nom d'un animal connu par sa faiblesse avait pour objectif de l'affaiblir et, d'une certaine manière, de se rendre invincible à son égard[17]

         les primitifs ne naissent jamais Hommes : ils le deviennent toujours et seulement lors de leur initiation. Or, ni l'Histoire, ni l'ethnologie n'ont rapporté de sociétés primitives interdisant à l'étranger d'être initié et de devenir ainsi un Homme.

En outre, ces auteurs ont oublié un autre point, essentiel : si toute culture est ethnocentriste, ni l'Histoire, ni l'ethnologie n'attestent du caractère ethnocidaire de l'ethnocentrisme primitif. En revanche, au niveau des civilisations, il existe une tendance manifeste à ce que leur ethnocentrisme soit ethnocidaire. C'est d'ailleurs systématiquement le cas lorsque la civilisation considérée s'est constituée par et autour d'un pouvoir fortement centralisé et hiérarchisé qui a dû s'imposer, par la conquête, puis l'oppression et la répression à des minorités[18] ; dans ce cas, toute identité différente représentait ou pouvait représenter une force centrifuge susceptible de (re)mettre en cause l'unité nationale et, surtout, le pouvoir en question[19]. Ainsi, les Sociétés occidentales et, surtout de type colonialiste et/ou impérialiste n'ont eu d'autre relation avec les peuples primitifs[20] qu'ethnocidaire, voire, souvent, génocidaire.

A supposer toujours que toute culture est forcément ethnocentrique, l'Histoire nous indique que seules celles dotées d'un État ont été ethnocidaires et que c'est l'État qui serait seul la ligne de démarcation entre les sociétés ethnocidaires et celles qui ne le sont pas (comme… les sociétés… primitives) et non une quelconque différence de degré de développement économique, scientifique, technique, militaire…[21] Mais il existe une autre ligne de partage : seules les sociétés constituées par ou autour d'un ordre religieux à vocation universaliste et dépositaire d'une vérité révélée se sont montrées ethnocidaires – mais aussi… génocidaires -[22].

L’ethnocide est donc la suppression des différences culturelles jugées inférieures et mauvaises, c’est la mise en œuvre d’un principe d’identification, d’un projet de réduction de l’Autre au même (l’Indien amazonien supprimé comme Autre et réduit au même comme citoyen brésilien). En d’autres termes, l’ethnocide aboutit à la dissolution du multiple dans l’Un[23]. Qu’en est-il maintenant de l’État ? Il est, par essence, la mise en jeu d’une force centripète, laquelle tend, lorsque les circonstances l’exigent, à écraser les forces centrifuges inverses. L’État se veut et se proclame le centre de la société, le tout du corps social, le maître absolu des divers organes de ce corps. On découvre ainsi, au cœur même de la substance de l’État, la puissance agissante de l’Un, la vocation de refus du multiple, la crainte et l’horreur de la différence. La pratique ethnocidaire et la machine étatique fonctionnent de la même manière et produisent les mêmes effets : sous les espèces de la civilisation occidentale ou de l’État se décèlent toujours la volonté de réduction de la différence et l’altérité, le sens et le goût de l’identique et de l’Un.

L'État est donc ethnocidaire à l'intérieur même de la société qu'il incarne. Ainsi la lente formation de la France est intimement - structurellement et organisationnellement – liée à l’expansion et au renforcement de l’appareil d’État, d’abord sous sa forme monarchique, puis sous sa forme républicaine et, singulièrement, jacobine. À chaque développement du pouvoir central a correspondu un renforcement et une extension de l'unité culturelle jusqu'à ce que, devenue État-nation, la France se définisse comme une culture nationale unique : la culture française qui, étymologiquement et historiquement parlant, est celle du français, c'est-à-dire de la langue de l'État : la nation française a pu se dire constituée et l’État français se proclamer détenteur exclusif du pouvoir légitime – et donc légal - et incarnation de l'unité et de l'identité nationales lorsque les gens sur qui s’exerçaient l’autorité de cet État se sont mis à parler la même langue que lui.

Ce processus d’intégration a nécessairement dû passer par la suppression des différences locales (anciennes provinces, villes, campagnes, pays…), des différences qui étaient essentiellement culturelles même si elles étaient assorties d'autres particularités (poids et mesures, monnaies…). C’est ainsi qu’à l’aurore de la nation française, l'annihilation de l’hérésie cathare, prétexte et moyen d’expansion pour la monarchie capétienne, traçant les limites presque définitives de la France, apparaît comme un cas pur d’ethnocide : dans cette logique expansionniste, la culture du Midi – langue, littérature, poésie, religion… – était irréversiblement condamnée à disparaître et les Languedociens – ou Occitans – à devenir les sujets du roi de France et, de ce fait, français.

Par la suite, la Révolution de 1789, en permettant le triomphe du centralisme jacobins sur sur le fédéralisme girondin, mena à son terme l’emprise politique de l’administration monarchiste qui, par son centralisme, était celui de la capitale[24]. Les provinces, comme unités territoriales, s’appuyaient chacune sur une ancienne réalité, homogène du point de vue culturel : langue, traditions politiques, etc. On leur substitua le découpage abstrait en départements, propre à briser toute référence aux particularismes locaux, et donc à faciliter partout la pénétration de l’autorité étatique. Le gommage définitif des différences locales et l'achèvement de l'unification nationale ont été assurés par la IIIème République qui a définitivement transformé les habitants de l’Hexagone en citoyens français par l’institution de l’école laïque, gratuite et obligatoire, et du service militaire obligatoire.

L’ethnocide était consommé : cette francisation accomplie, ce qui restait d'autonomie ou, du moins, de différence provinciales et rurales succomba : langues traditionnelles traquées en tant que patois d’arriérés, vie villageoise ravalée au rang de spectacle folklorique destiné à la consommation des touristes…

Ainsi, l'État de type jacobin procède par uniformisation du rapport qui le lie aux individus – et non à des groupements - et ne connaît que des citoyens égaux devant la Loi : il ne peut reconnaître des différences – des identités minoritaires -, qu'il a d'ailleurs dû supprimer pour pouvoir se constituer, parce qu'il prétend à la légitimité de l'incarnation nationale[25] et à l'universalité de la citoyenneté au nom du contrat social[26] dont il est le garant et le représentant[27] et que, en les reconnaissant, il introduirait une personnalisation de ses rapports aux citoyens, c'est-à-dire une contractualisation intuitu personæ, qui serait la résiliation du contrat social et qui ferait – ou pourrait faire de lui – le dépositaire d'un mandat… impératif et révocable !

La constitution de tout État, particulièrement s'il a une forme centralisatrice[28], est nécessairement ethnocidaire. Mais, pour se maintenir comme pouvoir, l'État est également nécessairement ethnocidaire car il ne peut tolérer que des différences – des forces centrifuges – puissent le mettre en cause. Bien entendu, dans son interdiction – oppression – ou l'élimination – répression – de la différence, l'État prétend agir au nom du mandat que la nation lui a donné pour préserver l'unité et l'identité nationales alors que, en fait, il ne fait que se préserver lui-même en tant que pouvoir, comme Ordre.

La violence ethnocidaire, comme négation de la différence, appartient bien à l’essence de l’État, aussi bien dans les empires archaïques ou barbares que dans les sociétés civilisées d’Occident : toute organisation étatique est ethnocidaire et l’ethnocide est le mode normal d’existence de l’État. A ce titre, l’ethnocide peut prétendre à une certaine universalité qui est celle de l'État – et donc de la civilisation au sens ethnologique et historique du terme – mais qui n'est pas celle de la primitivité – ou sauvagerie – qui se caractérise, entre autres, par l'absence d'État.

Si, par essence, l'État est ethnocidaire, tous les États ne sont pas pour autant ethnocidaires ou, plus exactement, ils le sont à des degré divers, le degré ultime étant celui du totalitarisme. Intuitivement, on pressent que l'ethnocide des États archaïques ou barbares – Incas, Babyloniens, Égyptiens, Mongols… - n'est ni de même nature, ni de même intensité que celui des États civilisés  ou  modernes. Qu'en est-il exactement ?

Une distinction s'impose d'elle-même à raison de la différence de capacité ethnocidaire des appareils étatiques. Dans le premier cas, cette capacité est limitée non pas par la faiblesse de l’État mais, au contraire, par sa force : la pratique ethnocidaire – abolir la différence lorsqu’elle devient opposition – cesse dès lors que la force de l’État ne court plus aucun risque. Les Incas – de même que l'Empire chinois et, notamment, Han - toléraient une relative autonomie des communautés andines dès lors que celles-ci reconnaissaient l’autorité politique et religieuse de l’empereur. En revanche, la capacité ethnocidaire des États modernes et, notamment des États-nations occidentaux, est sans limites : elle est même effrénée et peut aller jusqu'au génocide. Mais d’où cela provient-il ? Pourquoi l'État moderne – et singulièrement, occidental - est infiniment plus ethnocidaire que l'État archaïque ou barbare ?

Si bon nombre de similitudes – organisation, centralisation, monolinguisme, religion… - peuvent être mise en évidence entre ces deux formes d'État, une particularité les distingue absolument : celle du mode de production économique.

En effet, si les États archaïques et barbares ont pu se développer, du point de vue économique, à l'intérieur d'un espace limité – voire fermé – et stable, en revanche, le mode de production capitaliste, pour se développer, a eu besoin et a toujours besoin d'un espace illimité – au sens d'ouvert, de non fermé - et en constante expansion, un espace sans lieux en ce qu’il est recul constant de sa périphérie, espace infini de la fuite en avant permanente ; c'est pourquoi, les États modernes, en tant qu'organisation politique et juridique du capitalisme, ont été et sont nécessairement ethnocidaires puisque leur rôle est de supprimer les différences qui font obstacle à l'expansion de l'espace capitaliste[29].

Ce qui distingue donc l'État moderne des formes étatiques antérieures, c’est le capitalisme en tant qu’impossibilité de demeurer dans l’en deçà d’une frontière, d'un territoire[30], en tant que transgression, puis suppression des frontières. Le capitalisme est ce mode de production[31] qui présente cette singularité historique de ne connaître aucun impossible, sinon de ne pas être à soi-même sa propre fin, et cela. La société capitaliste, parce qu'elle est la plus formidable machine à produire est pour cela même la plus effrayante machine à détruire : races[32] , sociétés, individus, villes, campagnes, mers, forêts, sous-sol, montagnes, espace aérien…[33], tout est utile, tout doit être utilisé, tout doit être productif, d’une productivité poussée à son régime maximal d’intensité.

Les sociétés primitives ou même seulement traditionnelles, endogènes ou exogènes, ne pouvaient et ne peuvent connaître pourquoi aucun répit de la part de sociétés condamnées à l'expansion et qui considèrent qu'il est  intolérable de laisser des ressources, naturelles ou humaines, inexploitées, des espaces vierges ou vides parce que libres, non appropriés et que la liberté, comme non-appartenance, non pu dés-appropriation, des individus comme des espaces, est autant une différence qu'un gaspillage qui ne sauraient être acceptés, tolérés.. Dans ces conditions, le choix laissé aux sociétés primitives et traditionnelles était simple : ou bien se soumettre au mode de production capitaliste, ou bien disparaître, autrement dit; ou bien l’ethnocide, ou bien le génocide.

Ainsi, par exemple, à la fin du XIXème siècle, les Indiens de la pampa argentine furent totalement exterminés afin de permettre l'introduction de l’élevage extensif des moutons et des vaches qui fonda la richesse du capitalisme argentin[34] de même qu'au début du XXème, ce sont des centaines de milliers d’Indiens amazoniens qui ont été massacrés par les chercheurs de caoutchouc. Actuellement, dans toute l’Amérique du Sud, et, notamment, au Brésil, les derniers Indiens libres succombent sous l’énorme poussée de la croissance économique parce que leurs territoires libres sont nécessaires à l'expansionnisme capitaliste Les routes transcontinentales, dont la construction s’accélère, constituent des axes de colonisation des territoires traversés : malheur aux Indiens que la route rencontre ! En la matière, la lutte est d'une totale inégalité : quel peut être le poids de quelques milliers de sauvages, improductifs et constitutifs d'aucune ressource – marché ou force de travail - au regard de la richesse en or, minerais rares, pétrole, en élevage de bovins, en plantations de café...?

Produire ou mourir est la devise des États modernes  l’Occident parce que telle est la logique du mode de production capitaliste.

Au stade actuel de son développement qui est celui de la mondialisation, le capitalisme est confronté à l'inaccepatabilité de nouvelles différences qui ne sont plus celles de minorités mais de… majorités tant il est vrai que, désormais, au regard d'un espace mondial et non plus national, une majorité nationale n'est plus qu'une… minorité mondiale. Pour s'instaurer en tant qu'ordre et permettre au capitalisme de devenir le mode de production dominant, puis exclusif, la bourgeoisie a dû combattre et abattre contre les ordres féodaux et monarchiques. A présent, la bourgeoisie internationale, qui s'est substituée aux bourgeoisies nationales, a besoin d'étendre le mode de production capitalisme au monde entier et, pour ce faire, de substituer un ordre mondial aux ordres nationaux. C'est pourquoi, l'ethnocide du capitalisme si, localement, infra-mondialement, est toujours assuré par les États nationaux, au niveau mondial, est désormais organisé et mis en œuvre par les entreprises capitalistes elles-mêmes – du moins, celles d'envergure mondiale – et, si besoin, contre les États nationaux et les groupements d'États nationaux eux-mêmes

La mondialisation économique est donc la forme suprême de l'ethnocide qui frappe l'humanité dans son universalité et ses particularités minoritaires : une seule langue, une seule monnaie, une celle loi – bien sûr, celle du plus fort -, une pensée unique, une morale unique, le même jeans, le même hamburger, le même standard de viePar la suppression des territoires et l'institution d'un espace unique – le monde – qui, bien entendu, est le sien, le capitalisme, fort de la puissance inégalée de sa science, de sa technologie, de sa production, de ses ressources…, est la forme achevée du processus ethnocidaire par lequel se sont constituées toutes les centralités – étatiques – nationales : celle du totalitarisme.

Ainsi, ce ne sont plus seulement les indiens amazoniens, les papous, les bochimans… ou les Bretons, les Québécois, les Tibétains, les Touaregs… qui ne pèsent plus rien[35] mais, déjà, les Français, les Australiens, les Nigériens, les Thaïlandais… et, bientôt, les Européens, les Asiatiques, les Africains…

Toutes choses égales par ailleurs, on peut penser que, à son aboutissement terrestre, cet expansionnisme – et son corollaire que sont l'uniformisation, la normalisation, la normation -, pour ne pas mourir[36], devra connaître un nouvel essor qui sera celui de l'expansionnisme universel - au sens de cosmique - et que, la terre étant devenue un espace économique insuffisant – car limité ou, plus précisément, inextensible –, à l'ordre mondial actuellement en cours de construction et d'instauration se substituera un ordre universel. A moins qu'entre-temps… la Terre ne meurt de pollution ou d'un quelconque cataclysme nucléaire et que les humains, capitalistes ou victimes du capitalisme, ne disparaissent définitivement avec elle, ou que l'ordre bourgeois soit détruit et que l'Ordre cède (enfin) la place à… l'anarchie !

 



[1] Pour que cette disposition soit applicable, la convention prévoit en son article 7 que les États contractants s'engagent à accorder l'extradition aux auteurs du crime de génocide conformément à…  leur législation et aux traités en vigueur.

La génocide étant par nature un crime politique, il est évident que, dans ce seul cadre juridique, le droit international se heurtait à une sérieuse limite : celle de la volonté des États concernés d'extrader – ou de na pas extrader – leurs ressortissants et, a fortiori, leurs responsables politiques et personnels d'État et, en définitive, de vouloir ou ne pas vouloir les (voir) juger. C'est pourquoi, le droit international a dû évoluer avec l'installation de cours pénales internationales particulières à raison d'un crime donné dans la perspective d'une cour internationale permanente à compétence universelle. Mais c'est pourquoi aussi, certains États, comme la Belgique, estimant que les choses avançaient trop lentement ont considéré que, le crime de génocide étant un crime universel et imprescriptible, leurs juridictions nationales ont pleine et entière légitimité à engager des procès contre les auteurs d'un tel crime, même commis hors de leurs territoires, et ce, soit sur leur propre et seule initiative dés lors que l'un de leurs ressortissants est mis en cause ou en a été la victime, soit sur plainte déposée par un ressortissant étranger auprès de l'un de leurs tribunaux, voire même seulement auprès de l'une de leurs représentations diplomatiques ou consulaires. Ces mêmes États s'estiment désormais en droit d'interpeller sur leurs territoires et de déférer à leurs tribunaux tout ressortissant étranger dés lors qu'un État leur en fait la demande, quand bien-même même celui-ci ne serait  tiers et non partie au crime poursuivi.

[2] On sait que, au niveau du Droit international, les droits politiques, sociaux, économiques et culturels sont accessoires par rapport au droits universels – et fondamentaux – des humains qui, eux, sont de nature civile. On sait aussi que, sans ces droits accessoires, les droits fondamentaux ne peuvent être réellement exercés. Il en résulte donc que l'un des tous premiers combats que doivent désormais mener les O.N.G. en charge de la défense et de la promotion des droits des humains est d'obtenir que cette distinction – dont le fondement idéologique est évident – cesse et que les droits politiques, sociaux, économiques et culturels soient désormais considérés comme des droits universels, fondamentaux  et inaliénables, au même titre que les droits civils.

[3] Un groupement peut être supprimé par l'élimination physique de tous ses membres mais également par l'éclatement de ce groupe.

[4] Ce juridisme étant bien entendu soutenu par une intention… idéologique.

[5] A raison de leur effet de masse, de leur systématisation, de leur préparation…

[6] Dans l'état actuel du droit international, la destruction délibérée de l'organisation économique d'une communauté humaine – y compris un État – par des mesures de boycott, de blocus, de fermeture de frontières, d'interdiction de circulation des biens et des personnes… n'est pas constitutif d'un génocide alors même que, par ses conséquences – famine, épidémies… - elle peut avoir pour effet la suppression physique de tout ou partie des membres de cette communauté ! Les blocus imposés à Cuba, à l'Irak…, l'isolement des territoires palestiniens, les interdictions d'exportation de technologie civile, de médicaments… prononcées, unilatéralement ou internationalement, contre certains pays… ne sont pas des génocides mais des… mesures diplomatiques et/ou des sanctions juridiques !

[7] Dès la découverte de l’Amérique, en 1492, une machine de destruction des Indiens s'est mise en place. Cette machine continue à fonctionner là où subsistent, au long de la forêt amazonienne, les dernières tribus "sauvages". Au cours de ces dernières années, des massacres d’Indiens ont été dénoncés au Brésil, en Colombie, au Paraguay… Toujours en vain. Le génocide des amérindiens dénoncés dans les années 60 se poursuit donc toujours de même que les divers génocides de peuples primitifs initiés dans diverses parties du monde par l'expansionnisme colonial puis l'impérialisme économique des pays occidentaux  se poursuivent désormais dans un cadre national. Il ne faut pas non plus oublier ni cet autre grand génocide que fut la traite des nègres, ni des exemples plus récents comme le génocide arménien.

[8] Génocide et ethnocide peuvent également se distinguer à raison de leur finalité : le génocide se propose de vider un territoire conquis de sa population d'origine afin d'y établir une nouvelle population – les colons du pays conquérant - : c'est la conquête de peuplement ; l'ethnocide se propose d'assimilerde naturaliser - la population du territoire conquis : c'est la conquête de domination.

[9] Dans Race et histoire, Claude Lévi-Strauss souligne que les Indiens des Isles se demandaient si les Espagnols  étaient des dieux ou des hommes alors que les Blancs s’interrogeaient sur la nature humaine ou animale des Peaux rouges ! Cette interrogation ne fut pas celle des Indiens d'Amérique du Nord dans la mesure où ils n'avaient jamais divinisé quoi ou qui que ce soit.

[10] Catholiques faut-il le rappeler mais, plus tard et dans d'autres régions les missionnaires protestants ont eu le même réflexe !

[11] Or, briser la force de la croyance païenne, c’est détruire la substance même de la société primitive. Supprimer tous les individus d'un peuple primitif, c'est supprimer aussi une culture primitive. Mais, détruire la culture d'un peuple primitif, c'est détruire son âme, le priver de son histoire, de son identité, de son homogénéité, de son équilibre collectif et de ses équilibres individuels en résultant… et c'est aussi, d'une certaine manière, détruire, spirituellement et psychologiquement, les primitifs qui le composent : en faire des morts-vivants et les déchoir de leur humanité !

[12] C'est pourquoi de nombreux humanistes, lors du colonialisme, s'opposeront aux guerres coloniales et à leurs effets génocidaires mais organiseront eux-mêmes l'ethnocide des populations colonisées !

[13] Il est en effet courant de parler de cultures pour les sociétés inférieures et de civilisation pour la société dominante.

[14] On nomme ethnocentrisme cette vocation à mesurer les différences à l’aune de sa propre culture.

[15] Au sens générique d'humains.

[16] La conséquence directe de cette appréciation sur eux-mêmes, c'est que les Anihsnabe – comme d'ailleurs la plupart des peuples primitifs et, singulièrement, les Amérindiens -  se sont sentis tenus de respecter la Nature, de l'entretenir et de la protéger.

[17] Sans cette référence magique, cette pratique est d'un usage constant dans l'Histoire. De nos jours encore, cet usage est courant et participe de cette incantation magique moderne qu'est la propagande.

Même lorsqu'il n'y a pas de soubassement magique à cette nomination, on ne peut pour autant lui prêter, de façon catégorique et universelle, une intention ethnocidaire Ainsi, en désignant les Allemands par le terme de boches, les Français ne leur nient nécessairement  toute humanité !

[18] En fait, il faut distinguer trois cas : celui d'une civilisation constituée d'une majorité démographie (et culturelle) et de minorités ; celui  d'une civilisation constituée d'un ensemble composite de minorités, l'une d'entre elles exerçant sa domination sur toutes les autres et, enfin, celui d'une civilisation au sein de laquelle une minorité exerce sa domination sur la majorité ainsi que sur d'autres minorités (Exemple : la Chine avec les Mandchous).

[19] La naissance des États-nations modernes est invariablement un lent processus ethnocidaire : imposition d'une langue – même si en définitive est… importée -, d'une monnaie, d'une architecture, d'un urbanisme, d'une mode vestimentaire… comme normalité nationale d'identification collective et individuelle et relégation au rang de simples pratiques folkloriques des pratiques culturelles minoritaires.

En fait, une Société est ethnocidaire à l'égard des autres Sociétés quand elle est ethnocidaire à l'intérieur d'elle-même et qu'elle s'est constituée dans son unité nationale en usant du génocide et/ou de l'ethnocide.

[20] L'occident a finalement étendu la primitivité des autochtones à tous les pays sauf quelques exceptions comme la Chine et le Japon.

[21] Ainsi, même s'ils furent considérés et traités comme des sauvages au motif qu'ils étaient païens ou, plus exactement, qu'ils n'étaient pas catholiques, les Incas firent l’admiration des Espagnols du fait qu'ils étaient parvenus à édifier dans les Andes une machine de gouvernement qui, tant par l’ampleur de son extension territoriale que par la précision et la minutie des techniques administratives, permettait à l’empereur et à ses nombreux fonctionnaires d’exercer un contrôle presque total et permanent sur les habitants de l’empire. Or, l'État inca fut parfaitement ethnocidaire avec sa tendance à incaïser les populations nouvellement conquises, non seulement en les obligeant à payer tribut aux nouveaux maîtres, mais surtout en les contraignant à célébrer en priorité le culte des conquérants, le culte du Soleil, c’est-à-dire de l’Inca lui-même. Ainsi, les Incas imposèrent par la force leur religion d’État, fût-ce au détriment des cultes locaux, mais également leur langue, leur art, leur architecture… Pour habiles diplomates qu’ils fussent, les Incas savaient néanmoins utiliser la force lorsqu’il le fallait, et leur État ne manquait pas de réagir avec la plus grande brutalité lorsque son pouvoir était mis en cause. Ainsi, les fréquents soulèvements contre l’autorité centrale de l'Inca, étaient militairement réprimés d’abord puis châtiés par la déportation massive des vaincus dans des régions très éloignées de leur territoire natal, c’est-à-dire marqué par le réseau des lieux de culte (sources, collines, grottes) : déracinement, déterritorialisation, dénucléarisation familiale…, ce qui constitue bien un… ethnocide.

Il faut toutefois reconnaître que les contraintes exercées par les Incas sur les tribus soumises n’atteignit jamais la violence du zèle maniaque avec lequel les Espagnols anéantirent plus tard l’idolâtrie indigène.

[22] Sur cette base, on peut considérer que le prosélytisme de ces ordres religieux est au service de l'expansionnisme des États, temporels ou théocratiques, concernés.

[23] Cet Un n'a rien de commun avec l'Unique de Stirner et, plus généralement, de l'anarchisme !

[24] Pour beaucoup, la république française, par son jacobinisme persistant, est toujours une monarchie mais sans roi – du moins à ce qu'il paraît d'après la Constitution ! - !

[25] Unité et identité.

[26] Dont on sait qu'il est au mieux conclu qu'avec une majorité !

[27] Et non d'ailleurs… le simple mandataire !

[28] L'État fédéral  peut admettre certaines différences mais… dans certaines limites et, en fait, des limites bien précise. Cette reconnaissance des différences relève en fait de la tolérance et non véritablement du droit au sens des droits universels des humains.

[29] D'où les conquêtes, puis le colonialisme, le néo-colonialisme, l'impérialisme et, enfin, le mondialisme.

[30] Un territoire est un espace politiquement, juridiquement, culturellement, économiquement, militairement… fermé. Sa fermeture est double : elle est fermeture à l'en-dehors – cf. la Muraille de Chine – mais elle est aussi enfermement sur/dans soi.

[31] Qu’il soit d’ailleurs libéral, privé, comme en aux États-Unis et en Europe de l’Ouest ou planifié, d’État, selon le modèle communiste.

[32] Au sens ethnologiques d'ethnies.

[33] Quand bien même ils sont peuplés et organisés en États, les territoires situés à la périphérie de l'espace capitaliste ont toujours été considérés comme des espaces vierges, vides, des réserves de ressources dont la première était leur… spatialité.

[34] Ce fut le choix du génocide qui fur fait car, contrairement à leurs territoires en tant qu'espaces vierges à exploiter du point de vue capitaliste,  ils ne représentaient pas une ressource utile à l'expansionnisme capitaliste.

[35] Autrement dit qui ne valent plus rien et, l'aune de toutes choses étant la valeur, qui sont exclus/déchus de l'humain !

[36] La condition de(sur) vie du capitalisme n'est pas le mouvement mais… l'expansion.


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