La liberté, la vie et la mort

 

La liberté est l'essence de l'humanité car le minéral, le végétal, l'animal n'ont point de liberté. Point d'humanité en dehors de la liberté. La liberté n'est pas qu'affaire de volonté même s'il ne serait y avoir de liberté sans volonté dès lors que la liberté est un acte de volonté et que tout renoncement à la liberté est un refus de volonté, une soumission. La liberté n'est pas qu'affaire de volonté en ce qu'elle est, nécessairement, objectivement, tributaire du… pouvoir au sens de capacité à (notamment, faire). La liberté, par ailleurs, est absolue ou… n'est pas. Une liberté qui n'est pas absolue n'est qu'une "franchise", une "autorisation", une "permission"… (une… "libéralité") concédée, tolérée par un tiers car elle n'est pas acte de volonté de la part de celle ou celui qui la revendique. Une liberté qui n'est pas absolue est forcément, nécessairement limitée, surveillée, contrôlée…

 

Je ne suis libre que pour autant que je veux être libre et que je refuse d'être du troupeau, même si celui-ci peut donner l'illusion de la liberté au motif qu'il ne porte ni collier, ni marque (de propriété en particulier).

 

Pourtant, la liberté absolue est nécessairement… limitée. En effet, si je veux être libre, je ne puis cependant l'être que dans les limites de mes… possibilités, lesquelles sont autant de contraintes matérielles : je peux vouloir voler mais je ne suis pas pour autant libre de voler car, humain, je en suis pas un oiseau.

 

Mais, la liberté est aussi une limitation… librement consentie à ma volonté : je ne suis libre que pour autant que je respecte la liberté de l'Autre. En effet, si je ne reconnais pas l'Autre comme libre, je ne le reconnais pas comme… humain. Et si l'Autre n'est pas libre et donc pas humain, il ne pourra pas me reconnaître comme… humain. Le minéral, le végétal, l'animal… ne me reconnaissent pas dans mon humanité et ne sont donc ni le reflet, ni le prolongement (Cf. Bakounine) de ma… liberté.

 

Cette limitation n'est pas le fait d'un maître, lequel serait alors le "négateur" de ma liberté et donc de mon humanité. Elle est celle de ma propre volonté, autrement dit de ma liberté.

 

La liberté est donc dans une certaine (et large) mesure, une affaire de volonté. Mais, pas seulement. Essenciellement, et, notamment, d'un point de vue philosophique, politique et éthique, elle est une question de… choix. C'est pourquoi, je ne nais pas humains mais je nais à mon humanité;

 

Si je suis libre du fait et dans la limite de ma volonté et en fonction de mon pouvoir, je le suis aussi à raison du refus que je manifeste et exerce d'être, de faire ce que l'on veut m'imposer.

 

Ce refus est important car je ne suis esclave, c'est-à-dire dépourvu de liberté et donc d'humanité, que pour autant que j'accepte de l'être, que je… veux l'être en me soumettant "librement" à un maître, c'est-à-dire à une volonté qui m'est extérieure, mais aussi à une nécessité à laquelle je peux librement me soustraire.

 

Ma naissance biologique, physique, matérielle… n'est pas le fait de ma volonté. Ainsi, ma vie (le fait d'exister) n'est pas le fait de ma volonté : ma "vitalité" n'est pas – et ne peut être – choisie, voulue ; elle est subie.

 

Mais, en faisant le choix de naître à mon humanité, je me rends "maître" de ma vie en ce que, en toute liberté, mais aussi en toute "gratuité", je veux vouloir y mettre un terme. En ce sens, le suicide est  l'acte suprême et… ultime de ma liberté puisqu'il me soustrait à la nécessité (celle de la "nature" – la mort comme terme nécessaire de la vie, de toute vie -), au hasard (l'accident, par exemple) mais aussi à la volonté de l'Autre (assassinat par exemple). Le suicide est le "contrepoint" de la vie qui a été reçue, donnée… imposée.

 

Si je peux vouloir mourir en toute liberté, en toute volonté, il n'en demeure pas moins que cet acte laisse une "trace" qui, d'un point de vue symbolique et, en tous els cas, "historique" au sens de biographique, peut être l'effacement de cette liberté. Je veux parler du… cadavre.

 

En effet, s'il n'est jamais que le déchet d'une vie achevée – au besoin, librement -, le cadavre est aussi un… objet en ce que, du moins en occident et, pour ce qui me concerne, en France, il est une… marchandise qui fait l'objet d'un commerce (fort rentable du fait de la collusion d'intérêts qu'il y a entre le capital, l'État et, pour celles et ceux qui sont du troupeau de la croa-hi-hance, des sectes). Cette objectivation, cette marchandisation du cadavre ne sauraient certes pas remettre en cause cet acte ultime de liberté qu'est le suicide. Toutefois, au-delà de la mort comme terme physique de la vie biologique, il existe  une certaine forme de… survie : la mémoire. La mémoire de l'Autre. La mémoire de celles et ceux qui continuent de vivre au-delà de la mort de l'Un, quand bien même l'Un aurait (para)chevé son humanité en "maîtrisant" sa vie, c'est-à-dire en y mettant fin librement.

 

L'objectivation la marchandisation du cadavre, d'une certaine manière, viennent contrer, contrarier la mort libre en ce qu'elles constituent une appropriation de ce "déchet de vie" ( et donc d'une mort en tant qu'acte) en le soumettant, souvent, à une volonté contraire [Il est ainsi courant que des athées, mécréant(e)s notoires, fassent l'objet d'obsèques… religieuses !].

 

Cela peut être considéré comme accessoire, anecdotique, mais, à la réflexion, force est d'admettre que le souvenir que l'on a des actes de la personne (librement) morte, a une fâcheuse tendance à se… matérialiser, au sens de… fossiliser, dans la pierre tombale, la stèle commémorative… qui sont élevées.

 

C'est pourquoi, il m'apparaît que le plein "succès" d'une mort libre passe nécessairement par la soustraction du cadavre à toute possibilité de récupération et, notamment, d'objectivation, de marchandisation.

 

Beaucoup considèrent que la crémation évite une telle récupération. Il n'est en rien, sauf à pouvoir la pratiquer soi-même au fond de son jardin ou dans la discrétion anonyme d'une usine d'incinération, puisque, la législation (laquelle sert toujours els intérêts du capital) interdit une telle pratique et impose le recours à une entreprise de pompes funèbres, autrement dit à une entreprise capitaliste dont la fin est, bien entendu, strictement, marchande.

 

Aussi, et sauf à pouvoir mettre en œuvre une mort libre qui entraîne la soustraction (la… "disparition") du cadavre, à ce jour, je n'ai trouvé d'autre possibilité d'assurer la "maîtrise" de ma vie – et donc d'exercer et d'assumer ans faille ma liberté – jusqu'à y compris son déchet – le cadavre – qu'en faisant don du cadavre à la Science.

 

En effet, outre que, par nature, il est… gratuit et donc… libre et exercé de mon vivant, en toute conscience et en toute liberté, ce don, parce qu'il garantit la suppression du cadavre, le soustrait à toute marchandisation. Certes, il n'exclut pas son objectivation puisque le cadavre sera objet de dissection, d'expérimentation… mais cette objectivation, outre qu'elle est utile (en particulier, à la recherche au progrès de la connaissance médicale et donc à la Vie), est tout autant naturelle que cette objectivation qui consiste pour le chasseur à manger la proie qu'il a abattue.

 

Le don de son cadavre ne saurait être assimilé au don de sa vie (à quelque cause, aussi "noble" soit-elle), qui est, quoique l'on puisse dire, un renoncement à sa vie et donc à sa liberté, son humanité : il est un acte ultime de liberté. Un acte commis post mortem comme un pied de nez aux marchand(e)s, aux croa-hi-hant(e)s, au contrôle social… et, plus généralement, à celles et ceux qui voudraient, à défaut d'avoir pu l'être du vivant, être les maîtres d'une motr librement choisie.

 

8 août 2007


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