Mais où (qui) sont donc les parents d'élèves ?

 

Élus et techniciens de la Politique de la Ville, du haut de leur "expertise"[1], définissent au sein de la population des "catégories" sociologiques comme, par exemple, les "habitants", les "parents d'élèves", les "citoyens"…. Des catégories, qu'ils observent, traitent, évaluent, "jugent"…, de leur "extériorité[2] experte", comme s'ils appartenaient à une autre catégorie, celle des "acteurs", et qu'ils n'étaient pas ou n'avaient pas à être… des "habitants", des "parents d'élèves", des "citoyens"… et que leur expertise externe légitimait le "reproche" qu'ils font à celles et ceux qu'ils observent, traitent, évaluent, "jugent"… de ne pas être de (bons) "habitants", de (bons) "parents d'élèves", de (bons) "citoyens"… ou bien de l'être mal ou pas assez.

Mon propos ne sera pas de réfléchir sur la pertinence et sur les implications philosophiques et politiques de cette catégorisation de personnes mais sur la notion et la réalité de "parents d'élèves" au regard de l'un des soit-disant effet (ou cause ?) de la "crise" de l'École[3] dont l'expression courante est le "désengagement des parents (sous-entendu d'élèves) au regard des établissements scolaires et, plus généralement, de la scolarité, voire même de l'éducation de leurs enfants", une telle réflexion me paraissant indispensable à la compréhension de cet effet particulier de la "crise de l'École" et, si son effectivité est vérifiée, à avancer sinon des propositions, du moins des pistes de solution.

*  *   *

Notons tout d'abord que la notion de "parents d'élèves" recouvre, au moins,  quatre réalités :

a)      d'abord celle de… parents en général (ou, pour reprendre une expression à la mode, celle de "parentalité")

b)      ensuite, celle de parents d'un ou plusieurs enfants se trouvant être, accessoirement, ponctuellement et de façon plus ou moins durable, un ou des… élèves

c)      puis, celle de parents d'élèves, le terme ayant alors une signification universelle, lesdits parents ne l'étant plus de leur(s) enfant(s) en particulier mais d'une catégorie une classe !) en général celle d'enfants scolarisés, c'est-à-dire d'élèves, de la maternelle au supérieur

d)      enfin, celle de parents d'élèves élus, c'est-à-dire de personnes qui parents au sens du (b) ci-dessus représentent, au titre d'un mandat électif, ceux du (c).

Cette distinction, bien entendu, n'est pas hiérarchisée. Elle n'est pas non plus chronologique sauf que pour être "parents" aux sens (b), (c) et (d), il faut d'abord l'être au sens (a).

D'un point de vue général, qu'est-ce qu'un "parent" ?

Au sens premier, les parents sont les géniteurs[4] d'un enfant. Ainsi, nous sommes parents d'enfants parce que nous avons…engendré des enfants. Cette lapalissade (mais en est-ce vraiment une ?) m'amène à constater que nous ne naissons pas parents mais que nous le devenons et que nous ne pouvons le devenir qu'avec la "venue"[5] d'au moins un enfant.

Dans ce sens premier, la parentalité s'exerce à la suite de cette venue comme une fonction (obligation ?) d'élevage[6] (comme nous dirions qu'une chatte élève ses chatons)[7] qui, chez les humains, n'est pas seulement que physiologique (alimentaire notamment) mais aussi psychologique, sociologique, culturelle et… politique.

Chez les humains – mais n'est-ce pas également vrai pour de nombreuses espèces animales ? -une telle fonction a donc de nombreuses dimensions, expressions et finalités : apprentissage, éducation, initiation, affection, protection…, dimensions qui varient non seulement dans le temps et dans l'espace mais également, pour une société donnée (dans le temps et dans l'espace), d'un couple/groupe de parents à l'autre, même si ces variations peuvent être limitées (avec un "minimum" et un "maximum", c'est-à-dire des obligations et des interdictions[8]) par la Loi et/ou les us et coutumes.

Nous admettrons que, sauf cas de "monstruosité" avérée, tout parent assume convenablement cette fonction ou, du moins, s'efforce de l'assumer au mieux de ses possibilités et de ses contraintes[9].

Ce point est important car, régulièrement, "constatant" – voire accusant – l'absence ou l'insuffisance de présence des "parents d'élèves" dans l'École, on présuppose ou déduit que la fonction d'élevage n'est pas assurée – ou qu'elle ne l'est pas assez ou qu'elle l'est "mal" – et que s'il n'y a pas ou plus de "parents d'élèves" c'est parce qu'il n'y a pas ou plus de parents d'enfants et, par delà de parents au sens de personnes devant "normalement" assumer leur parentalité.

Ceci dit, force est d'admettre que, en France, comme dans la plupart des pays, cette fonction "naturelle" d'élevage des enfants est de plus en plus soumise à d'autres limites et contraintes que celles résultant de la Loi ainsi que des us et coutumes. En effet :

Ø      le chômage et la précarité limitent manifestement les efforts que déploient de nombreux parents pour élever leurs enfants. Il en résulte des effets matériels évidents qui, outre des inégalités ébranlant fortement les principes mêmes mais également le fonctionnement de l'École publique et, plus généralement, de la République elle-même, produisent des "différences" qui, au regard du "standard de vie" tel que l'imposent les modes dominant de consommation, de pensée, de représentation…, peuvent constituer des handicaps objectifs à la fois pour ceux qui élèvent et pour ceux qui sont élevés ;

Ø      le chômage et la précarité n'ont pas que des effets matériels sur les (mauvaises) conditions des gens et donc des parents. Ils ont aussi des incidences psychologiques et sociologiques fortement déstabilisatrices, pour ne pas dire destructrices et ce, aussi bien pour les individus que pour les groupes (le couple, la famille…). Ces effets ont été largement présentés : je ne reviendrons pas dessus.

Il en résulte qu'un nombre sans cesse croissant de parents s'éloignent du modèle d'élevage que leur renvoie la Société, sachant que ce modèle a été construit, pour une large part, sur des principes socio-économiques – le plein emploi, un niveau de revenu dépassant largement celui requis par la satisfaction des besoins primaires… - qui, bien évidemment, ne régissent pas ceux qui, eux, sont soumis aux lois de la nécessité et de la survie socioéconomique.

Peut-on pour autant considérer que, au regard de leur fonction "naturelle", ces personnes ne sont pas des parents ou, ce qui serait pire encore, qu'elles sont de "mauvais" parents ? La réponse est la même que celle qui serait faite à cette autre question : peut-on reprocher à l'aveugle de ne pas voir ?

Toujours en France – mais cela est également vrai pour grand nombre de pays, du moins de pays occidentaux -, un constat doit être fait : la société française, qu'on le veuille ou non, que cela plaise ou non, est une société multiculturelle.

Or, en matière d'élevage d'enfants, les pratiques sont, au moins, aussi différentes qu'il y a de cultures. À l'exception de certaines pratiques culturelles, comme, par exemple, l'excision (mais quid de la circoncision ?), la non-scolarisation (plus courante pour les filles que pour les garçons), la "mise au travail" (pour ne pas dire en esclavage) précoce, les mariages forcés et, qui plus est, souvent, précoces…, en ce qu'elles constituent une atteinte à l'intégrité physique et/ou psychique de personnes (en l'occurrence d'enfants) et/ou une atteinte aux Droits universels de l'Enfant et qui, en droit comme en éthique, sont condamnables et doivent être éradiquées, sur quelle critère objectif et universel peut-on légitimement se fonder pour qualifier une pratique d'élevage de "différente" et, a fortiori, de "mauvaise" et donc de condamnable[10] ?

Au nom de quoi (ou de qui) peut-on affirmer que tel parent est "mauvais" parce que l'élevage qu'il fait de ses enfants est différent du modèle dominant de la société dans laquelle il vit ?  Cesse-t-on pour autant d'être en capacité d'être parent dés lors qu'en tant qu'individu on est culturellement "autre" ?

Intéressons-nous à présent à une dimension particulière de l'élevage des enfants : celle de l'éducation.

Prenons une définition, parmi d'autres, du mot "Éducation" :

éducation n. f. 1. Action de développer les facultés morales, physiques et intellectuelles ; son résultat. L’éducation de cet enfant a été négligée. Avoir reçu une bonne éducation. ­ Éducation physique, par la pratique d’exercices physiques appropriés au développement harmonieux du corps humain. Éducation civique. Éducation musicale.

2. Connaissance et pratique des usages (politesse, bonnes manières, etc.) de la société. Avoir de l’éducation. Un homme sans éducation.

3. Action de développer une faculté particulière de l’être humain. L’éducation du goût.

(© Hachette Livre, 1998)

Je noterai d'abord que l'éducation d'un enfant ne saurait qu'outrageusement être réduite à l'apprentissage de connaissances et de savoir-faire. Elle ne saurait non plus être confondue avec la scolarisation, surtout si celle-ci est entendue au sens de fréquentation d'un établissement scolaire.

Entendue comme le développement des "facultés morales, physiques et intellectuelles" d'un enfant, l'éducation est assurée par les parents (au sens réduit de mère/père) dés la naissance (ou venue) de l'enfant ce qui signifie, et c'est un point important à souligner, avant même que celui-ci n'entre à l'École.

Intervenant aux premiers jours de la vie d'un enfant, l'éducation n'est pas le fait des seuls parents. D'autres éducateurs y participent : les frères et sœurs, les parents (au sens large), les compagnons de jeux, les voisins, des personnels médicaux et paramédicaux[11]…, bref toutes celles et tous ceux qui, contribuant à leur socialisation, développent avec eux une relation (éducative) par laquelle ils lui transmettent des connaissances et des savoir-faire lui permettant ainsi de construire son devenir et de faire l'apprentissage de son être.

En franchissant le seuil de l'École, l'enfant découvre/affronte un nouvel éducateur : l'enseignant.

Est-ce que ce franchissement signifie pour autant que les parents (particuliers) d'un enfant (particulier) cessent d'être parents en général parce qu'ils deviennent parents… d'un élève ? Est-ce que l'intervention de ce nouvel éducateur qu'est l'enseignant a pour effet que les parents cessent d'être eux-mêmes éducateurs de leur enfant ?

A ces deux réponses, quoi qu'on dise, quoi qu'on pense, la réponse est négative.

La relation éducative de l'enseignant à l'enfant est particulière : elle est celle du maître à l'élève. Elle n'est donc absolument pas de nature… parentale. Une telle relation, plus encore que celle des parents, est fondamentalement inégalitaire[12] : il y a d'un côté celui qui transmet des connaissances, des savoir-faire mais aussi, et surtout – ou, du moins, théoriquement – une capacité et une méthode d'apprentissage et de l'autre, celui qui reçoit, qui apprend[13].

Analysée comme un "jeu d'acteurs" elle suppose des "règles de jeu" qui, fondées sur des connaissances scientifiques (la neurophysiologie, la psychologie, ma sociologie, la pédagogie…) de l'Enfant et cadrées par la Loi et la Réglementation, ressortissent aussi d'une déontologie professionnelle (comme pour tous les métiers) et d'une éthique[14].

Étant différente de celle des parents, l'éducation de l'enseignant ne saurait être partagée qu'avec d'autres enseignants (c'est en particulier le cas lorsque les matières à enseigner le sont pas des enseignants distincts) sauf à être remise en cause dans son essence même.

La relation éducative de l'enseignant à l'enfant n'est pas non plus le prolongement chronologique de celle des parents : l'enseignant ne prend pas le relais des parents et ceux-ci ne se retrouvent pas déchargées de leur fonction éducative "naturelle" à l'égard de leurs enfants du jour où ils franchissent le seuil de l'École.

Un autre différence, et tout aussi de taille, est à prendre en compte selon que l'éducation assurée par les parents ou par un enseignant : les parents éduquent (avec d'autres, Cf. ci-dessus) leurs enfants alors que l'enseignant éduque des élèves, c'est-à-dire des enfants qui ne sont pas les siens.

Il résulte de cela que l'éducation des parents est "naturelle" alors que celle de l'enseignant est "professionnelle" car, quoi que l'on dise, si l'enseignement est bien un métier, il n'en est pas de même pour la parentalité.

C'est pourquoi, à la notion de "co-éducation", qui impliquerait une même éducation dispensée conjointement par plusieurs intervenants, il vaut mieux préférer celle de pluri (ou multi) éducation dispensée dans des lieux et dans des temps différents par de nombreux éducateurs, dont les parents et les enseignants.

Rajoutons que la notion (et, a fortiori la pratique) de co-éducation, en mélangeant les rôles de chacun[15], ne peut manquer de déboucher sur une dilution, voire même une disparition des obligations et responsabilités de chacun ainsi que sur une inutile complexification du "décors" de l'enfant et, au-delà, sur sa difficulté ou son incapacité à se repérer.

Cette distinction rappelée entre éducation de parents et éducation d'enseignants, abordons à présent le rôle, attendu et/ou réellement exercé, des parents d'enfants/élèves.

Il a été admis plus haut que "monstruosité parentale" est exceptionnelle. On pourra également admettre que, généralement, les parents souhaitent que leurs enfants réussissent[16] leur scolarité.

Généralement, même dans les Quartiers d'habitat social dits "en difficultés" (ou même, parfois "difficiles"[17]), parents s'efforcent de suivre la scolarité de leurs enfants du mieux qu'ils le peuvent, du point de vue tant matériel qu'immatériel. Ainsi, par exemple, ils se rendent facilement à l'École lorsqu'ils sont invités à y venir au sujet de leurs enfants relativement à une question particulière (de discipline, de résultat, d'orientation…). C'est tout aussi facilement qu'ils s'y rendent spontanément lorsque, selon eux, la scolarité de leurs enfants "pose problème" : résultats insuffisants, orientation non conforme à leurs aspirations, troubles du comportement de leurs enfants dont ils pensent qu'ils peuvent avoir une incidence sur l'École…

Ils font de leur mieux mais ne peuvent pas forcément faire… beaucoup. En effet :

Ø      quand on est analphabète, comment lire les bulletins scolaires de son enfant ou les mots du maître ? Comment faire pour se passer de la seule médiation possible : celle de l'enfant lui-même ?

Ø      quand à la maison on ne parle pas la langue de l'École et que, à longueur de temps, on entend le "pire" sur les étrangers, est-il facile de revendiquer et d'assumer sa parentalité dans sa langue, surtout à l'égard de ceux qui ne la parlent pas ?

Ø      quand on participe à une réunion d'École, quand on écoute parler à la télévision tel enseignant ou tel membre de la hiérarchie de l'Éducation Nationale, quand on arrive à déchiffrer le mot du maître… mais que l'on n'a pas été "initié" à l'ésotérisme de leur langage ne se sent-on pas trop profane, pour ne pas dire trop ignare pour oser aller discuter avec eux de la scolarité de son enfant ?

Ø      quelle autorité peut avoir un père (ou une mère) sur un enfant qui ne l'a jamais vu travailler alors que, dans notre société, c'est toujours le travail qui donne une place, un rôle, un statut et donc une… autorité à un individu ?

Ø      quelle autorité peuvent avoir des parents sur des enfants dont les bourses participent au revenu familial et servent donc à payer "autre chose que les études" ?

Ø      quand, du fait du chômage et de la précarité et de leurs effets sur l'équilibre psychologique de la personne, on n'est plus en mesure de se projeter au-delà de la semaine, voire de la journée, peut-on encore faire beaucoup pour l'éducation de ses enfants qui impliquent que l'on se projette sur plusieurs années, voire sur une vie entière ?

Ø      quand, étant venu d'"ailleurs", l'enfant encore nourrisson, on se faisait dire qu'il ne fallait pas le langer, le nourrir, l'habiller… et, ainsi, l'éduquer comme "cela" parce que "cela" était "mal" au regard des manières de faire d'"ici", peut-on être vraiment parent si, à vouloir le faire selon sa culture, c'est se rendre coupable d'une faute terrible : celle d'être un "mauvais parent" ?

Ø      comprend-on que, pour beaucoup encore en France et, en tous les cas, dans de nombreux pays, le maître, parce qu'il est "celui qui sait" quand on est soi-même un "ignorant", est ceint d'un prestige qui appelle respect, humilité, déférence et, dans une certaine mesure, crainte et que, dans ces conditions, à moins que le maître ne le fasse lui-même on n'osera pas faire le premier pas pour aller vers lui ? se dit-on seulement que si, cette rencontre est malgré tout intervenue, le parent garde les yeux baissés non pas parce qu'il a quelque chose à cacher ou même qu'il ment mais parce qu'il respecte/craint trop le maître pour le regarder dans les yeux "d'égal à égal" ?

Bref, se pose-t-on la question de la facilité – ou de la difficulté - qu'il y a à être aussi bon parent d'un enfant que d'un élève, même si celui-ci est son propre enfant ? Ne va-t-on pas trop vite en besogne en affirmant qu'il n'y a plus de parents d'élèves (particuliers au sens du (b) ci-dessus) parce qu'il n'y a plus de parents… d'enfants et, pire encore, plus de parents suis generis ?

Se pose-t-on cette autre question : est-ce que l'École, en tant qu'institution mais à travers ses personnels éducatifs et administratifs, est aussi accessible et disponible qu'on veut bien le dire pour justifier la mise en cause des parents d'enfants/élèves ?

Les parents font donc du mieux qu'ils peuvent pour leurs enfants. La plupart ont parfaitement conscience qu'ils devraient faire davantage et s'ils ne le font pas, c'est simplement parce qu'ils ne le peuvent pas.

Dans ces conditions, ayant objectivement du mal à assumer leurs responsabilités de parents d'enfants/élèves comment pourraient-ils devenir des… parents d'élèves en générale, c'est-à-dire sans référence particulière à leurs propres enfants ?

Ne peut-on admettre que, pour un individu, il est difficile, voire impossible de passer du particulier au général quand la prégnance des contraintes et des limites du particulier est telle que l'on a du mal à assumer pleinement sa propre individualité ?

Comment peut-on, après avoir constaté/déploré/condamné leur absence dans l'École, se mettre au seuil de l'École et guetter et/ou appeler les parents d'élèves ? Comment peut-on espérer la venue de parents d'élèves qui se trouvent être des parents d'enfants que l'on met en cause dans leur parentalité, c'est-à-dire dans l'éducation "naturelle" qu'ils prodiguent à leurs enfants et dont on dit qu'elle est insuffisante, défaillante, improductive… et, souvent… fautive ?

Et puis qu'attend-on de "parents d'élèves" ? Qu'ils soient co-éducateurs, qui plus est au sein même de l'École, avec les enseignants dont, rappelons-le, le métier est d'éduquer, pas de co-éduquer ? Qu'ils viennent en "auxiliaires de police" assurer la discipline des élèves ? Qu'ils viennent contribuer à l'élaboration des programmes alors que, s'ils ont des compétences éducatives, ils n'ont pas forcément de compétences pédagogiques (au sens de science de l'Éducation) et que, plus grave encore, dans le cadre législatif et réglementaire de l'École, ils n'ont aucune légitimité en la matière ? Qu'ils viennent "dispenser" autres choses que les matières à enseigner en acceptant que celles-ci, à force d'activités sportives, culturelles et ludiques[18], ne deviennent plus que la part congrue du temps scolaire ?

L'École n'a aucune légitimité à s'ingérer dans l'espace et le temps de la parentalité : pourquoi demanderait-on à la parentalité de s'immiscer, de s'ingérer dans l'espace et le temps de la scolarité ?

Et puis d'abord, pourquoi vouloir que les parents d'élèves entrent, régulièrement et massivement, dans l'École ? Au XIXème siècle, lors de sa construction puis de son essor quasi triomphant et conquérant, est-ce que l'École de la République a eu besoin de mobiliser dans son enceinte les parents des enfants en les "transmutant" en parents d'élèves ?

Pourquoi tant vouloir que des "parents d'élèves" – se refusant à voir qu'ils sont d'abord des "parents d'enfants" et qu'ils ne veulent/peuvent sans doute pas vouloir être autre chose – viennent se rajouter à la cohorte d'animateurs socioculturels, d'éducateurs, de moniteurs, de chefs et salariés d'entreprises, d'artistes, de "mamans", d'"aînés"… pour co-éduquer des élèves alors que, normalement, l'Éducation Nationale, a seule le devoir de le faire ?

Prenons une image : une panne générale d'électricité et d'électronique survient à bord d'un  bateau naviguant, de nuit, par temps de brume, sur une mer parsemée d'icebergs. Pour assurer la sécurité du navire, de ses passagers et de ses marins et lui permettre d'arriver à bon port, serait-il sage de demander à tous les marins et à tous les passagers de venir, ensemble, le co-piloter ? Ne serait-il pas au contraire plus raisonnable d'attendre que chaque marin soit à son poste et assume avec compétence sa fonction, les passagers, quant à eux, restant à leur place, celle de… passagers ?

Pourquoi en serait-il autrement avec l'Éducation prise au sens de scolarisation assume par l'École ? Pourquoi ferait-on mieux à plusieurs ce que seul on ne pourrait pas/plus faire ?

S'est-on demandé si la juxtaposition/multiplication - pour ne pas dire l'entassement - d'activités à finalités éducatives et déclarées comme étant au service de la réussite scolaire, c'est-à-dire d'une meilleure scolarité des élèves, se fait dans la cohérence et non dans la confusion, dans l'ordre et non dans le chaos ?  Est-ce que toutes ces activités participent d'objectifs partagés clairement identifiés ? Est-ce que les méthodes et objets de ces activités sont complémentaires ? Réellement utiles ? Est-ce que l'enfant est encore en mesure de se retrouver et se repérer dans cette mosaïque d'intentions, dans ce patchwork de temps et de lieux ? est-ce que tout cela construit véritablement  un projet éducatif global cohérent dont les fondations serait une éducation parentale harmonieusement, pleinement et efficacement assurée ?

On constate, on déplore, on regrette, on condamne… l'absence de parents d'élèves au sein de l'École ? Veulent-ils seulement y venir ? Est-ce leur place ? Pour quelle mission veut-on les faire venir ? Ont-ils légitimité et compétence pour venir ?

Il n'y a pas de "parents d'élèves"… Sempiternelle et lancinante ritournelle : mais ne se ferme-ton pas les yeux à d'autres parents qui eux sont présents (même s'ils pouvaient l'être plus et mieux encore) : les parents d'enfants ?

Cette question de l'absence des parents d'élèves est posée avec d'autant plus de force que l'École publique serait en crise, malade. Pour dire ce dont elle souffre ou, plus précisément, pour décrire les symptômes[19] de sa maladie chacun y va de son couplet : la violence (violence verbale et physique, individuelle et collective, ponctuelle ou répétée, dans et hors l'École, d'élèves contre d'autres élèves, des enseignants…) ; l'absentéisme ; une assiduité en décomposition ;  un nombre croissant d'illettrés sortant de l'École, leurs études pourtant menées à terme ; la "non-adéquation" entre l'Éducation et l'accès à l'emploi[20] ; des enseignants ayant de plus en plus de mal à exercer leur métier ; le développement d'une stratégie d'"évasion scolaire" (par rapport à la carte scolaire et/ou du Public vers le Privé)…

A cette polyphonie cacophonique de chanteurs on propose/impose une réponse quasi unique qui, par son caractère de panacée, relève de la magie incantatoire : l'investissement des parents d'élèves dans l'École, certains précisant même leur "réinvestissement" comme si, à l'époque de Jules FERRY, c'était les parents d'élèves qui avaient fait – et réussi - l'École de la République !

Puisque mon allusion a été musicale, je ferai dans le "couac" ce qui, souvent, est le meilleur moyen pour obtenir le silence et, ainsi, susciter la réflexion, puis le débat :

Ø      le tableau clinique des "maux" de l'École est un inventaire de symptômes, d'effets et non de maladies, de causes. Le "bon sens populaire" se plait à dire qu'aux grands maux il faut de grands remèdes. Encore faut-il, pour ne pas obtenir d'effets contraires, prescrire les bons remèdes au regard des… vrais maux !  Pour pouvoir dire et décrire (quasi cliniquement) en quoi va mal l'École, il faudrait d'abord pouvoir dire et décrire ce que devrait être l'École et qu'elle n'est donc pas/plus ; autrement dit, répondre à un certain nombre de questions préalables : quels sont ses principes fondateurs ? sont-il toujours respectés et, qui plus est, respectables ? faut-il les modifier, les compléter… ? quelle est ou quelles sont la/les finalités de l'École ? les Lois et règlements régissant l'École sont-ils bien adaptés aux principes et finalités ? au regard des finalités posées, quels sont les objectifs qualitatifs et quantitatifs ? est-ce que les moyens, financiers, matériels, humains, organisationnels…, mis à disposition de l'École sont nécessaires et suffisants pour lui permettre d'atteindre ses buts ?… Autant de questions qui, politiques et philosophiques, ne peuvent trouver de réponses que dans le cadre d'un débat public et non de réformes générales ou d'initiatives locales prises en quasi catimini, histoire de dire que l'on fait "quelque chose" pour la malade et, ainsi, se donner bonne conscience[21].

Mon propos n'est pas d'ouvrir ce débat : seulement de dire qu'il est nécessaire et même urgent (enfin) de l'ouvrir. Il n'est pas non plus d'en déterminer le contenu en termes aussi bien de questions que de personnes devant y (parce qu'habilités à) y participer. Il est encore moins de proposer des solutions.

Il n'en demeure pas moins que, sans courir un grand risque d'erreur, je peux affirmer que certaines des solutions nécessaires devront se trouver au sein même de l'École, en tant qu'institution républicaine mais également qu'organisation sociale, tandis que d'autres ne pourront l'être qu'en dehors de l'École, c'est-à-dire dans la Société et donc, pour partie, aussi, au sein de l'espace/temps familial en tant que lieu et moment d'exercice d'une fonction "naturelle" d'éducation.

Ø      Sans considération de la nature des phénomènes caractérisant la "crise" de l'École (causes ou effets) : comment se pourrait-il qu'une seule réponse – l'investissement des parents d'élèves dans l'École – puisse à la fois tous les traiter et, a fortiori, tous les régler ? Ainsi, quand bien même on admettrait le bien fondé de cet investissement – ce que je conteste -, il serait illusoire d'en attendre un effet universel et définitif. Accessoirement une autre question se pose : au cours du XIXème siècle l'École de la République a bien fonctionné. Elle a même bien fonctionné ; la preuve ? Notre système politique actuel est bien encore celui… d'une République !

Si dans ce temps, en France, et, de nos jours, en d'autres lieux, l'École continue de bien fonctionner – ou, du moins, pour ce qui est de notre époque contemporaine, de mieux fonctionner que la nôtre -, pourquoi faudrait-il que l'École publique française du XXIème siècle ait besoin de la participation des parents d'élèves pour (à nouveau) bien fonctionner ?

Résumons nous :

Ø      la "crise" de l'École a des causes multiples qui appellent des solutions multiples. Ces solutions doivent être le fait de nombreux intervenants, parmi lesquels les enseignants et les parents mais pas seulement eux et surtout pas les uns à la place des autres (et réciproquement). Cette multiplicité de problèmes, de solutions et d'intervenants implique l'ouverture d'un débat qui ne peut être que politique et philosophique.

Ø      Pour bien fonctionner, et, tout particulièrement, pour assurer sa mission fondatrice et fondamentale - l'éducation des élèves -, l'École n'a pas besoin de parents d'élèves qui seraient investis d'une mission de co-éducation. Au contraire, puisque le partage de la responsabilité de l'éducation scolaire ne peut se faire, pour diverses raisons, principalement pédagogiques et psychologiques, qu'aux dépens de cette forme particulière d'éducation et, par là-même des élèves eux-mêmes. Il importe donc que chacun reste à sa place, dans son rôle et dans ses compétences et les enfants seront bien… éduqués[22] [23].

Une précision importante : si, du point de vue de l'éducation, au sens scolaire, des élèves, la présence de parents d'élèves n'est pas nécessaire, bien au contraire, deux "interdictions de présence" au sein de l'École ne se retrouvent pas pour autant justifiées :

Ø      d'abord, celle de parents venant, à juste titre, dans l'École, s'intéresser à l'éducation scolaire de leurs enfants : parce qu'ils y ont été invités par l'enseignant, parce qu'ils souhaitent des conseils, des explications…

Ø      ensuite, celle d'autres parents (mais cela peut être les mêmes) qui, en capacité (intellectuelle, psychologique, économique, philosophique…) de dépasser le particularisme de leur individualité pour accéder sinon à une "catégorie" universelle, du moins à un groupe (un collectif) général, entrent dans l'École, en qualité de parents d'élèves, pour s'y investir ou y être investis, gratuitement, d'une mission d'intérêt générale non-éducative : animation de l'accueil, de la cantine, de la "garderie"…, organisation de fêtes, représentation d'un spectacle…

Avant d'aborder le dernier type de parents, les "parents élus" en tant que représentants de parents d'élèves, une précision s'impose : l'impossibilité – et, en tous les cas, le non-souhait – d'une co-éducation scolaire partagée par l'enseignant et les parents (voire d'autres intervenants) n'implique nullement que des parents d'enfants n'aient pas le droit et la capacité de porter un regard sur l'éducation scolaire dispensée à leurs enfants. Bien au contraire, ils ont tout à la fois le droit, la capacité et le devoir de l'apprécier, de l'évaluer, de la "questionner"… au regard de leur parentalité, c'est-à-dire de l'éducation "naturelle" qu'ils dispensent eux-mêmes (par exemple : sont-elles complémentaires ou divergentes, voire opposées ?), de leurs aspirations pour leurs enfants, de leurs possibilités et contraintes…

Les parents ne sont d'ailleurs pas les seuls à pouvoir disposer de cette faculté : d'autres intervenants, en complément et, dans certains cas, en substitution des parents peuvent l'exercer. Il en est ainsi d'un(e) assistant (e) social(e), d'un Juge (notamment des mineurs), d'un tuteur légal, d'une association de défense des Droits de l'Enfant (ou de l'Homme) dans le cas, en particulier, où l'éducation scolaire ou celui/celle qui en a la charge porte atteinte aux droits de l'enfant considéré.

Enfin, rappelons que, avec le temps, et beaucoup plus tôt que certains se plaisent à le penser, cette faculté peut être exercée par l'enfant lui-même[24].

Venons-en donc aux "parents élus" : en tant qu'institution de la République, l'École doit s'entourer de représentants de parents d'élèves désignés par voie élective[25].

Il est courant d'entendre dire, déplorer, condamner la faible participation aux scrutins, la rareté – et même la raréfaction pour cause de "vieillissement" des parents comme des élèves – des candidatures, une fréquentation "dilettante" des parents élus aux Conseils et instances… Mais comment pourrait-il en être autrement ? En effet :

Ø      comme cela a été dit, pour un nombre important – et sans cesse croissant – de parents, il est difficile, voire quasiment impossible de se transformer de parents d'enfants en parents d'élèves or, les parents élus le sont – ou doivent ou devraient l'être – au titre des élèves en général et non de leurs enfants en particulier ;

Ø      il est tout aussi difficile, sinon impossible à des parents de prétendre à se faire reconnaître comme parents d'élèves quand ils ne le sont pas comme parents d'enfants ou bien que la reconnaissance qu'on leur accorde à ce titre n'est que réprobatrice et culpabilisante[26] ;

Ø      l'investissement citoyen dans la res publica est en constant reflux : pourquoi en serait-il autrement dans cette institution républicaine particulière qu'est l'École[27] ?

Il est donc tout à fait illusoire que, d'un coup de baguette magique, l'École voit venir à elle un afflux massif de parents d'enfants s'étant, toujours par enchantement, transformés en parents d'élèves et prétendants à devenir parents élus pour assurer la représentation de leurs pairs et la défense des élèves en général en même temps que celle de l'École !

Aucune opération de "charme" ou de "marketing ne fera que l'École, subitement, devienne attirante au moins de susciter la transformation de parents d'enfants en parents d'élèves, électeurs et candidats. L'insuffisance de la représentation des parents au sein de l'École ne saurait être combattue de l'intérieur même de l'École puisqu'elle ne saurait être différente de l'intérêt – ou, plus exactement, du désintérêt – des citoyens à la res publica.

Au sein de la République, il n'y a pas que l'École qui soit malade. La Citoyenneté l'est tout autant. C'est pourquoi, il n'y aura de représentation "satisfaisante" des parents d'élèves au sein de l'École que lorsque la Citoyenneté sera majoritairement rétablie et que, pour ce faire, la res publica réhabilitée.

Si le désintérêt de la res publica a de multiples raisons, parmi lesquelles les "affaires" n'occupent pas nécessairement le premier rang, sa réhabilitation ne peut résulter que d'un effort collectif : un sursaut de "salut républicain et démocratique"[28]. Un tel "sursaut" doit être aussi celui de l'École. Or, l'École est une institution et une organisation : en tant que telle elle ne peut pas effectuer de "sursaut" qui reste donc une affaire de femmes et d'hommes, parents, enseignants et, plus généralement, citoyens. Mais aussi… des enfants eux-mêmes[29]

Mon titre comprend deux questions. En conclusion, essayons d'y répondre mais dans l'ordre inverse :

Ø      qui sont les parents d'élèves ? ce sont d'abord des parents d'enfants qui, sans aucun préjugé, doivent être reconnus et acceptés dans leurs différences individuelles, essentiellement culturelles, sans autre atteinte à leur respectabilité et à leur dignité que celle qui peut résulter des droits universels de l'Enfant dés lors qu'ils les enfreindraient. Ensuite, et seulement ensuite, ils ne pourront devenir des parents d'élèves que si, aux plans socio-économique, la Société, en conformité, faut-il le rappeler, avec ces autres droits universels que sont ceux de l'Homme, les met dans la capacité de se soustraire à la loi inique de la nécessité (de survie) pour accéder , et, ainsi, de passer du particulier au général. Ensuite, et seulement ensuite, parce que réconciliés avec eux-mêmes et que, de son côté la res publica aura été réhabilitée, ils pourront élire des parents d'élèves et, pourquoi pas même, être élus en tant que parents d'élèves.

Ø      où sont les parents d'élèves : actuellement, il est évident qu'il n'y a pas autant de parents d'élèves qu'il y a de parents d'enfants scolarisés. Aussi, selon que, par rapport à ce qui a été dit dans le paragraphe, on est soit pessimiste, soit optimiste, on répondra : "ils sont pour la plupart morts et, pour le reste, en voie de disparition" ou bien alors "ils sont en devenir".



[1] Expert, erte adj. et n. m. I. adj. 1. Qui a acquis une grande habileté par la pratique. Un chirurgien expert. Il est expert en la matière. n. m. C’est un expert dans son domaine.

© Hachette Livre, 1998

 

Dans leurs "domaines", les escrocs, les faussaires, les bourreaux, les tortionnaires… peuvent être des "experts". Il n'est d'ailleurs pas rare que des délinquants soient requis, voire rémunérés pour mettre leur "expertise" au service d'une organisation chargée de lutter contre les auteurs d'actes délictuels de même nature (exemple : les pirates informatiques).

 

[2] Relevons au passage ce paradoxe que constitue cette "extériorité" : ces "experts" catégorisent des objets/sujets qu'ils situent au cœur d'une problématique d'exclusion alors même qu'ils les excluent de la catégorie dont ils prétendent relever, celle des "Acteurs" (le A majuscule, bien entendu, s'impose !), comme si leur catégorie était le "centre" dont celle des objets/sujets serait la "périphérie", voire le "no man's land" ou même le "vide", comme s'il y avait les "uns" et les "autres" et que ces derniers, du fait d'une différence "essencielle", s'opposaient irréductiblement aux premiers. Dans ces conditions, n'est-il pas légitime de penser que cette intention des uns de lutter contre l'exclusions des autres est, d'emblée, vouée à l'échec puisque la catégorisation qui en constitue le préalable ne pose pas un même ensemble d'"acteurs" dont une partie serait sortie – aurait été exclue – d'un espace de vie originel commun – la Cité – mais deux ensembles d'acteurs d'une part et que, d'autre part, implicitement toujours et explicitement parfois, elle pose aussi deux espaces de vie… différents ?

 

[3] Républicain et donc naturellement laïque, l'École est, pour moi, celle de la République, c'est-à-dire l'École publique qui va de la maternelle à l'Université et aux Grandes Écoles. Ceci dit, ma réflexion sur les "parents d'élèves" concerne aussi ceux dont les enfants sont scolarisés dans des établissements privés.

 

[4] Au sens de "géniteurs" les parents sont la mère et le père biologiques d'un enfant sans considération de leur statut conjugal. C'est là une acceptation stricte qui est trop restrictive pour être acceptable. En effet, si, au lieu de "mère" et de "père", dont la signification biologique est évidente et renvoie nécessairement à une conception réduite de la "parentalité", on parle de "maternité" et de "paternité" dans leur dimension sociologique, psychologique et culturelle, on voit que sont aussi des "parents" ceux qui se reconnaissent comme tels, ceux qui sont reconnus comme tels par la société à laquelle ils appartiennent et/ou, enfin, ceux qui sont reconnus comme tels par "leurs enfants". Cette extension de la parentalité est d'autant plus nécessaire qu'à la traditionnelle, parce qu'aussi vieille que l'humanité, de la parentalité par adoption, se rajoute d'autres voies d'accès à la parentalité ouvertes par la science (fécondation in vitro, "mère porteuse"… et, pourquoi pas un jour, clonage ?) et par l'évolution des mœurs, du moins dans certains pays (la "parentalité homosexuelle").

 

[5] Ce terme de "venue" est utilisé pour éviter de ne prendre en compte qu'une parentalité réduite, parce que biologique, ce qui pourrait être le cas avec celui de "naissance". Bien entendu, pour moi, le mot "venue" n'a aucune dimension religieuse ou magique !

 

[6] "Élevage" est un terme technique utilisé par les zoologues. S'il est couramment utilisé par les ethnologues et assez souvent pas les psychologues, il fait cependant "frémir" plus d'une personne quand on l'applique à des enfants humains. C'est cependant oublier qu'il peut prendre deux sens :

 

Ø      Contribuer au développement physique et moral d’un enfant en le nourrissant, en prenant soin de lui. Cet orphelin a été recueilli par une tante qui l’a élevé. / Éduquer. Il a été élevé sévèrement.

Ø      Porter plus haut. Élever les bras. / Fig. Placer à un rang, à un degré supérieur dans l’ordre social, intellectuel ou moral. Élever quelqu’un au pouvoir. L’héroïsme élève l’homme au-dessus de lui-même.

 

(© Hachette Livre, 1998)

 

Dans le premier sens, il est le synonyme d'éduquer. Dans le second, il a une dimension noble qui ne peut faire "frémir" que ceux qui considèrent qu'éduquer un enfant n'est pas lui permettre d'accéder à un état, notamment moral, supérieur et, ainsi, l'inscrire dans cette dynamique qui caractérise l'évolution humaine depuis les premiers hominidés : le progrès de l'espèce, l'élévation des individus.

 

[7] Il s'agit là d'une fonction "primaire" au regard de l'espèce humaine. D'une fonction qui, parce qu'elle est commune à quasiment toutes les espèces animales, pourrait être qualifiée de… "naturelle".

 

[8] Obligation de nourrir, de loger, de vêtir, de scolariser – ce n'emporte pas pour autant obligation d'envoyer à l'école -… ; interdiction de maltraiter, de déshériter – du moins en France -… Notons au passage que, et cela est vrai pratiquement pour tous les pays,  certaines interdictions font défaut, d'un point de vue légal en particulier, comme celle d'endoctriner – religieusement, politiquement, militairement, économiquement… - alors que l'endoctrinement participe à l'évidence d'une atteinte aux Droits de l'Enfant au même titre qu'à ceux de l'Homme.

 

[9] Admettre que, sauf exceptions (en nombre, régularité et fréquence), la fonction d'élevage des enfants est naturellement assumée par tout parent  n'est pas poser une hypothèse qui resterait à démontrer ou un postulat dogmatique : il s'agit bien d'un point démontré par le fait même que l'espèce humaine n'a cessé de se développer depuis l'apparition des premiers hominidés et que toute espèce animale, qui n'assumerait pas cette fonction, sans considération de possible évènements externes non inhérents à l'espèce – exemple : cataclysmes – ou qui se verrait mise dans l'impossibilité de le faire, serait condamnée à disparaître.

 

[10] Rappelons qu'il y a lieu de considérer comme une atteinte à la fois à l'intégrité physique et psychique et aux Droits universels de l'Enfant toute pratique culturelle qui consisterait, en fait, à endoctriner un enfant, dès lors qu'en aliénant sa personnalité, en "normalisant" et "orientant" son devenir, elle ne peut qu'anticiper l'atteinte à la liberté de conscience, d'opinion, d'expression… qui lui sera faite en tant qu'adulte (femme ou homme) alors que cette liberté lui est/sera reconnu par la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.

 

[11] On pourrait rajouter à cette liste les animaux qui, de près ou de loin, "animent" l'univers familier de l'enfant, d'une part et, d'autre part, toutes ces "choses" qui constituent le "décors" de ce même univers et qui, notamment par leur dimension symbolique, lui permettent à de prendre ses repères dans les divers espaces – la famille, le voisinage, le village ou la ville, la tribu… - dans lesquels il évolue.

 

[12] "Inégalitaire" ne signifie pas nécessairement "tyrannique". Cela n'implique pas non plus que seul l'enseignant est "actif", l'élève étant voué/astreint à la plus totale "passivité", pour ne pas dire "soumission", au risque de se voir puni pour avoir enfreint la règle qui lui imposerait un tel état !

 

[13] Cette relation Maître-Elève est le fondement, en dehors de l'espace familial (quoiqu'on puisse se demander si elle est vraiment absente de l'élevage familial et donc de l'espace familial), de toute relation éducative. Elle n'est pas le fait unique de l'École. On la retrouve partout où il y a "quelque chose" à transmettre et donc à recevoir : à l'usine, sur le chantier, dans l'atelier du peintre ou de l'artisan, sur un terrain de sport, dans une loge maçonnique… même si, souvent, au terme d'Élève se substitue celui de Compagnon ou d'Apprenti.

 

[14] Qui, en France, pour l'École publique, est celle d'une École républicaine et laïque garantissant à chacun les mêmes droits d'accès aux connaissances et savoir-faire et, de ce fait, une égalité de chance de réussite et ce, à l'abri de toute ingérence particulière et partisane qu'elle soit religieuse, philosophique, politique ou économique.

 

[15] Rappelons qu'un éducateur – au sens large – n'est ni un policier, ni un juge. Et réciproquement.

 

[16] Pour la grande majorité des parents, le critère de réussite scolaire n'est plus tant l'obtention d'un diplôme que l'accès à un emploi aussitôt l'achèvement des études entreprises – ou, du moins, dans un délai "raisonnable" le plus court possible – et la possibilité de le conserver le plus longtemps possible, le terme idéal étant la retraite. "Étudie pour être fonctionnaire ; au moins, tu auras la sécurité de l'emploi" !

 

[17] Mais en quoi consiste cette "difficulté" ? et à qui d'ailleurs la poseraient-ils ?

 

[18] Sans parler des activités religieuses, avec la ré-intrusion des religions, et des activités commerciales, avec l'ingérence d'entreprises comme le Groupe C.I.C. et, ce au mépris du principe de la Laïcité de l'École publique ainsi que des Lois et règlements qui la régissent.

 

[19] Une preuve (parmi d'autres) qu'il s'agit bien là d'effets et non de causes : prenons par exemple la violence : si la violence était une cause de la "crise" de l'École et non l'effet d'une ou plusieurs causes (et il y a fort à parier que, comme pour tous les autres "maux", les causes sont multiples), elle serait constatée dans tous les établissements scolaires. Or, nombreux – en fait, la grande majorité - sont ceux qui n'en pâtissent pas. Comme on peut supposer que ces établissements n'ont bénéficié ni d'un quelconque "vaccin", ni d'un cordon sanitaire ou policier les mettant à l'abri de la violence, force est d'admettre que, dans leur sein ou dans leur environnement, les causes de violence sont absentes. Bien entendu, ce qui est vrai de la violence l'est aussi pour les autres phénomènes

 

[20] Comme si la finalité de l'école, hormis le cas des filières professionnelles (et encore !), était de former, de "livrer" des "producteurs" prêts à l'usage !

 

[21] Donner à boire à un malade ne lui fera sans aucun doute aucun mal. Cela peut même, momentanément, lui procurer un certain contentement, une amélioration de confort (surtout s'il a soif !) mais, en aucun cas, cela ne le soignera et, a fortiori, le guérira !

 

[22] Ce devoir de "rester à sa place" ne concerne pas seulement que les enseignants et les parents. Il doit aussi s'imposer aux animateurs socioculturels, aux artistes, aux policiers…, bref à tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, chacun dans son domaine de compétence, participent à l'éducation d'enfants.

 

[23] à ceux qui affirmeraient le contraire et qui estimeraient que la présence de parents d'élèves auprès de l'enseignant, dans le cadre d'un statut de co-éducateur scolaire, je poserai une question : si, par exemple, un enseignant estime que tel de ses élèves mange qualitativement mal, a-t-il pour autant la légitimité et la compétence nécessaires pour entrer dans le logement familial de cet élève et lui faire la cuisine à la place de ses parents ? Si une telle co-éducation, associant l'enseignant aux parents, paraît ridicule et "anormale, pourquoi n'en serait-il pas de même dans le sens contraire ?

 

[24] Cette faculté de l'enfant peut s'exercer, plus généralement, à l'égard de tous les éducateurs, à commencer par les parents eux-mêmes !

 

[25] On pourrait penser que cette obligation emporte celle d'"organiser" cette représentation des parents d'élèves, c'est-à-dire non seulement d'organiser les élections mais de susciter et favoriser l'émergence de candidatures et le vote des électeurs…mais il semblerait que cela ne soit pas vrai (!?!).

 

[26] Quand on a honte de soi, quand on se sent coupable d'être ce que l'on est – ou de ne pas être ce dont on dit que l'on devrait être - il y a peu de chance que l'on soit candidat à la représentation d'autrui !

 

[27] Ceci n'est qu'une "intuition" fondée sur une expérience professionnelle personnelle et non sur une validation scientifique (singulièrement statistique) : il y a – ou il doit y avoir – une forte corrélation entre l'abstentionnisme aux élections de parents d'élèves dans les établissements scolaires  et celui noté pour les élections politiques, professionnelles (syndicats, organismes consulaires, Prud'hommes…) et autres (Caisse d'Allocations Familiales, représentation des locataires au sein des Offices d'H.L.M.). En outre, ce reflux de la res publica se constate également au niveau des associations, qu'il s'agisse des adhésions, du bénévolat ou du vote aux Assemblées Générales.

 

[28] Il ne s'agit pas pour autant de "dédouaner" les politiques de leur part de responsabilité dans cet effort à fournir et … qu'ils ne fournissent pas. Du moins, dans leur très grande majorité. Plus que des "affaires" leur responsabilité – leur faute – se déduit de leur "non-assistance à démocratie en danger" dans la mesure où ils ne font rien, toutes tendances confondues, pour enrayer ce fléau qu'est l'abstentionnisme et qui, chez les jeunes, prend une tournure encore plus aiguë et grave : la non inscription sur les listes électorales. Winston CHURCHILL a dit que la démocratie n'était sans doute pas le meilleur système politique mais que l'on n'avait pas trouvé mieux ! Une démocratie qui se fonde sur un système de majorité absolue peut déjà être tendancieuse et très éloignée d'un idéal de démocratie directe quand, même avec un taux de participation de 100%, il suffit d'une voix de plus pour qu'une majorité impose sa volonté à 49% des votants (sans parler de ceux qui, en raison de leur âge ou d'un autre motif, ne peuvent pas voter). Mais comment qualifier cette démocratie quand une majorité se dessine et s'impose avec seulement 30% de votants ! Quand une majorité universelle est proclamée par un nombre aussi réduit de citoyens on ne peut qu'être effrayé pour soi et avoir mal à sa démocratie : ni la Raison, ni le "Vrai", ni le "Juste"… ne sortent nécessairement du nombre ! Combien de personnes (scientifiques, philosophes, artistes…), totalement isolées, ont eu raison contre la majorité pensante et les dogmes de leur temps et ont pourtant été réduits au silence, voire privés de leurs vies parce que majorité et dogmes les ont proclamés hérétiques, menteurs, faussaires… ? Pour revenir à l'École : la République – notre République – est certes la fille de la Révolution de 1789. Ne l'est-elle pas aussi de l'École républicaine ? Si, parce que la res publica ne présente plus d'intérêt pour la majorité des français, l'École publique finit par mourir d'être malade, est-ce que la république pourra survivre ?

 

[29] Sans faire de psychanalyse, on notera cependant que la "révolte" contre le Père (mais il ne faudrait pas oublier celle contre la Mère), qui ne saurait être nécessairement confondue avec une rupture, conflictuelle et irréversible, participe du devenir de chaque humain – mais cela est également vrai chez bon nombre d'animaux -, autrement dit de cette seconde "naissance" qu'est l'accession de l'enfant à l'âge adulte ou bien encore au statut de femme ou d'homme. Même si, l'âge adulte atteint et dépassé,  elle peut marquer d'autres naissances comme accès à d'autres "statuts" ou "états" (de connaissances, de savoir-faire, de savoir-être, de spiritualité…), la "révolte" de l'Élève contre le Maître est tout autant nécessaire à la réalisation accomplie du devenir humain. D'un point de vue philosophique, mais avec des implications éminemment concrètes et toutes plus inquiétantes les unes que les autres, une École malade qui ne donnerait plus à ses élèves la capacité et, plus simplement, l'envie de se "révolter" les "occuperait non plus à naître mais à… mourir à leur humanité".

 


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