Maximianno Cobra

 

Chi va piano, va sano

 

Rencontres

 

Il y a, paraît-il et c'est, du moins, le cinéma qui nous le dit, des rencontres du… troisième type. Et il y en a de… singulières, en ce qu'elles d'un… individu. De l'Individu stirnérien. De celui (ou celle) dont on peut dire… Ecce homo.

Je viens de faire une telle rencontre. Ou, plutôt, deux rencontres.

D'abord, celle d'un homme. Maimianno Cobra que, d'emblée, j'ai pu nommer mon frère parce qu'en lui, j'ai reconnu l'humain qui a réfléchi ma propre humanité. Double reconnaissance du Moi et de l'Autre. Double affirmation d'une liberté humaine, justement fondatrice de l'humanité. Encontre fraternelle de mutuelle reconnaissance. Rencontre d'un homme ; rencontre plus que fortuite… rare quand l'ère actuelle est celle du troupeau, d'un troupeau docile au point de n'avoir point de mémoire, même collective, pour se choisir un berger… allemand.

Ensuite, celle d'une musique[1]. D'une musique… singulière, unique, c'est-à-dire… humaine. Une musique dans laquelle, moi, le béotien, j'ai voyagé comme on voyage dans le désert où l'on découvre plus de vie, plus de profondeur, plus de beauté, plus de grandeur… que dans n'importe quel autre paysage puisque seul le désert renvoie, avec (dé)mesure, l'individu à son sort ultime : la solitude. Une musique qui est entrée en moi autant que je suis entré en elle. Une musique qui m'a parlé et que j'ai comprise parce que, enfin, j'ai pu l'entendre. 

Deux rencontres donc qui font que, au soir de sa fin, en se retournant, on peut se dire : "Mon chemin ne fut pas vain puisque j'ai fait ces rencontres".

Les mots sont nécessairement de raison puisqu'ils ont besoin de l'écriture pour prendre leur envol et, d'abord, leur consistance, leur "chair". Je ne saurai donc dire que j'ai ressenti en vivant ces deux rencontres. Sachez qu'elles ont été et sont… bouleversantes. D'un bouleversement… singulier qu'est ce mouvement par lequel on retrouve-rétablit l'équilibre perdu dans l'errance, le doute, la peine, l'isolement, l'incompréhension, l'indifférence…

Lisez ci-après la courte et incomplète biographie de Maximianno, le court essai qu'il a écrit sur les tempi, l'article de Vincent Arlettaz et allez visiter le site http://www.hodie-world.com.

Juste une "petite" chose encore :

Maximianno, pour des raisons qu'il pourra mieux vous expliquer que moi, est condamné au… silence. Silence professionnel en ce qu'il ne peut plus exercer son art : la musique (et quelle… musique !). Ce silence de l'oppression est pareil à la mort blanche et donc… lente à laquelle sont condamnés, malgré l'abolition de la "peine" de mort, les condamné(e) à l'isolement carcéral qui n'en finit pas de se figer dans l'indifférence générale.

Maximianno est un oiseau dont on a pas coupé les ailes – il peut donc voler – mais que l'on a "muselé" pour qu'il ne chante : qu'est-ce qu'un oiseau volant dans les airs mais ne pouvant chanter si ce n'est l'ombre d'une liberté assassinée, d'une "âme" pétrifiée qui hurle sa souffrance dans le… silence de l'abandon dans lequel on l'a jetée ?

Il faut redonner sa voix à Maximianno car une liberté muselée, même d'un inconnu totalement… inconnu, est une blessure mortelle faite à sa propre liberté.

Merci.

JC

***

Le chef d’orchestre franco-brésilien Maximianno Cobra, après ses débuts au piano à Rio de Janeiro à l’âge de cinq ans, a étudié la composition et la direction d’orchestre auprès d’Alceo Bocchino, l’élève et ami de Villa-Lobos et collaborateur de Hans Swarowsky.

En 1986, il devient premier assistant musical du Maestro Alceo Bocchino. Cette collaboration l’amène à travailler avec plusieurs orchestres et pour plusieurs festivals de musique au Brésil. En 1989 il est engagé pour une durée de cinq ans comme directeur musical de l’Orchestre Philharmonique du Brésil.

En 1990, Maximianno COBRA est admis comme élève invité à la Hochschule für Musik und darstellend Kunst in Wien (Académie de Vienne). Depuis 1991 il dirige comme chef invité à Paris, Prague, Budapest et ailleurs en Europe, mais tout particulièrement en Hongrie. C’est avec l’Orchestre Philharmonique de Budapest et le Chœur de l’Opéra National de Hongrie qu’il réalise en particulier une tournée en France, durant laquelle il dirige le Fidelio de Beethoven et les Symphonies de Brahms au Théâtre des Champs-Élysées et à la Salle Pleyel.

Maximianno Cobra vit aujourd’hui à Paris ; il a obtenu son doctorat ès Lettres en musicologie et histoire de la musique à l’Université de Paris-Sorbonne sous la direction du Professeur Serge Gut. Il a également occupé le poste de professeur de la classe d’orchestre et directeur musical du Jeune Orchestre Symphonique au Conservatoire supérieur de musique de Paris - CNR.

Pendant la saison 1998-1999, il devient responsable des Sociétés de Musicologie Centre Mozart et Centre d’Études Beethovéniennes de France, et directeur musical et artistique de la compagnie d’opéra - Compagnie CANTUS. Depuis 1999 il est membre fondateur et directeur musical du Chœur et Orchestre - Europa Philharmonia.

 

Maximianno Cobra

À propos des tempi

 

Avertissement : Nous attirons l’attention du lecteur sur le fait que l’étude qui suit ne peut prétendre à l’exhaustivité. Le sujet qui nous occupe a fait l’objet d’une recherche approfondie dont le compte-rendu se trouve dans la thèse de doctorat de l’auteur : Les symphonies de Ludwig van Beethoven, une étude historique analytique et critique en vue d’une nouvelle édition – Université de Paris Sorbonne - Paris IV. Pour tout renseignement complémentaire consulter notre site Internet :  http://www.hodie-world.com

Nous pouvons prévoir la surprise que provoquera le présent enregistrement chez tout auditeur un tant soit peu familier avec les exécutions de la Neuvième Symphonie que l’on peut entendre aujourd’hui. Cet auditeur sera d’autant plus surpris d’apprendre que l’une des préoccupations majeures de notre approche musicale a été de se donner les moyens de suivre à la lettre les indications métronomiques de Beethoven. Ces indications ont souvent passé pour fantaisistes, parce qu’elles semblent impliquer des tempi trop rapides, voire injouables, même si certains ensembles ou " interprètes " qui se réclament d’un certain type de retour aux sources tentent aujourd’hui de les appliquer de manière mathématiquement aussi fidèle que possible.

Au risque de paraître obscur, il faut indiquer ici les éléments essentiels qui ont nourri notre réflexion musicale concernant les indications métronomiques chez Beethoven :

A la lecture " mathématique " ordinaire des indications métronomiques de Beethoven, il semble nécessaire de substituer une lecture " métrique ", qui entraînera des décisions apparemment surprenantes, puisqu’au terme de cette lecture la plupart des tempi adoptés seront deux fois plus lents que ce qu’indiquerait leur application mathématique.

La justification de la nécessité de cette lecture métrique nous entraînerait trop loin, comme aussi l’explication détaillée de l’effort d’interprétation au terme duquel nous avons pu déterminer la lecture " métrique " à adopter pour chacune des indications métronomiques de la Neuvième Symphonie.

L’essentiel est de comprendre que ce ne sont pas les indications de Beethoven qui posent problème, mais notre manière de les lire et de les comprendre. L’interprétation des indications métronomiques de Beethoven suppose donc plusieurs choses :

- Tout d’abord, qu’on se convainque que le recours au métronome n’a rien d’accessoire chez Beethoven. Le compositeur attribuait à la mise au point définitive de cet instrument et à son utilisation systématique une importance décisive pour l’émancipation du langage musical.

- En second lieu, que la mise au point définitive du métronome par Mäzel aux environs de 1815 est l’aboutissement d’une longue recherche, dont on peut chercher les premiers signes dès la Renaissance , et qui répondait à des préoccupations majeures des différents acteurs de la création musicale.

- Enfin, que l’usage qu’en fait Beethoven ne peut être compris et interprété sans une étude approfondie du rapport de Beethoven à la notion même de rythme.

Qu’indique Beethoven lorsqu’il indique un tempo ? Quelle valeur, ou quel ensemble de valeurs, ou quelle subdivision de valeurs désignera le nombre qu’il décidera pour finir d’indiquer ? Il fa ut ici une solide approche de la tradition qui a nourri Beethoven, et en fonction de laquelle il adopte spontanément une manière bien particulière d’utiliser son cher métronome.

On ne peut qu’indiquer ici les résultats de cette étude, c’est-à-dire mettre en rapport les indications de Beethoven et la lecture " métrique " qui nous a paru s’imposer, c’est-à-dire au fond leur traduction en notation " moderne ". Nous renvoyons pour une présentation approfondie de cette problématique à l’étude qui figure sur notre site Internet http://www.hodie-world.com . On y trouvera une rapide présentation du processus historique qui a mené à la mise au point définitive du métronome, quelques éléments mettant en évidence l’intérêt constant de Beethoven pour les possibilités qu’offrait cet appareil, et un argumentaire plus détaillé sur la nécessité du recours à la lecture métrique, et sur le détail de son application aux indications métronomiques de la Neuvième Symphonie.

TIC

 

Faut-il jouer Beethoven deux fois moins vite?

par Vincent Arlettaz[2]

C'est un problème bien connu des interprètes et des musicologues: les tempi recommandés par Beethoven lui-même pour nombre de ses oeuvres sont -- par leur rapidité -- à la limite de l'exécutable. Les attitudes adoptées par le compositeur relativement à l'utilisation du métronome ne sont d'ailleurs pas exemptes d'une certaine contradiction; une grande partie de ses oeuvres étaient déjà écrites lorsque Johann Nepomuk Maelzel, plagiant l'invention de Diederich Nicolaus Winkel (Allemand établi à Amsterdam), met sur le marché le premier système de métronome fonctionnant de manière satisfaisante. Au début de 1817, le même Maelzel envoie à 200 compositeurs un exemplaire de sa machine. Peu satisfait des procédures usuelles jusque-là en matière de notation du tempo, Beethoven s'empare aussitôt du nouvel appareil; et dans l'Allgemeine Musikalische Zeitung de Leipzig du 17 décembre 1817, il publie une table de métronomisation donnant des tempi pour l'ensemble de ses symphonies déjà composées à cette date (c'est-à-dire jusqu'à la huitième incluse). Plus tard, dans d'autres articles, dans des lettres plus ou moins publiques ou dans ses cahiers de conversation, il abordera sous ce point de vue d'autres oeuvres, telles que le Septuor op. 20, les quatuors, la sonate dite "Hammerklavier" ou encore la 9ème symphonie.

L'enthousiasme de Beethoven pour le nouvel instrument trouve écho dans plusieurs de ses lettres, en particulier celle écrite en novembre 1817 à Ignaz Franz von Mosel, propagateur des idées de Maelzel:

"Je me réjouis cordialement du fait que vous partagiez ma façon de voir les choses, relativement aux indications de tempo, qui proviennent encore de [l'âge] de la barbarie musicale; car, pour ne citer qu'un exemple, qu'y a-t-il de plus absurde que [le terme] Allegro, qui signifie une fois pour toutes joyeux, alors que nous sommes souvent si éloignés du sens de cette indication, de telle sorte que le morceau lui-même dit le contraire de l'indication. -- Pour ce qui concerne ces quatre mouvements principaux, qui sont loin d'avoir la véracité et la justesse des quatre vents principaux, nous n'y tenons pas [?]. [...] -- quant à moi, j'ai imaginé depuis longtemps renoncer à ces appellations absurdes Allegro, Andante, Adagio, Presto; le métronome de Maelzel nous en donne la meilleure occasion [...]"[3]

Mais d'autres déclarations faites par le même Beethoven (ou attribuées à lui, notamment par son assistant Anton Schindler) montrent au contraire une certaine réserve par rapport au métronome. Ainsi, l'autographe du Lied "So oder so" (WoO 148, début 1817) aurait comporté l'indication suivante:

"100 d'après Maelzel, mais cela ne peut être valable que pour les premières mesures, car le sentiment a aussi sa mesure, mais cela ne peut s'exprimer tout à fait selon ce degré (à savoir 100)."[4]

Il y a plus: selon Schindler, Beethoven aurait renoncé plus tardivement à l'usage du métronome, ayant constaté des divergences numériques importantes entre différents modèles. Il serait alors allé jusqu'à contester dans son fondement même la légitimité de l'approche métronomique: 

"(...) Pas de métronome! Celui qui a un sentiment juste n'en a pas besoin. Quant à celui qui en est dépourvu, le métronome ne lui sera d'aucune utilité, il s'en écartera [?] avec tout l'orchestre. (...)"[5]

On pourrait s'interroger ici sur la crédibilité des dires de Schindler; mais d'autre part, c'est un fait avéré que Beethoven s'est plaint plus d'une fois des dysfonctionnements de son métronome, qu'il doit même envoyer à deux reprises au moins chez le réparateur.[6]

Comme on le voit, la question n'a rien de simple. Il reste que les tempi indiqués par Beethoven posent très souvent problème. De nombreuses hypothèses ont été envisagées pour tenter d'en rendre compte. L'usure mécanique ou un mauvais entretien de son métronome ont notamment été évoqués; d'autres commentateurs ont tenté de démontrer l'aspect "abstrait" de ces métronomisations, conçues à une époque où la surdité de Beethoven est pratiquement totale. Une troisième explication est encore plus radicale, en ce qu'elle suppose que les tempi indiqués par Beethoven sont tout simplement deux fois trop élevés si on les comprend d'une manière strictement littérale: selon cette hypothèse, ce n'est pas sur un battement simple, mais bien sur un aller-retour du balancier du métronome que Beethoven aurait fondé ses indications métronomiques.

C'est cette idée, énoncée par Willem Retze Talsma[7], qui a inspiré les travaux d'un jeune musicologue et chef d'orchestre brésilien établi en France, Maximianno Cobra. Ce dernier est l'auteur d'une thèse sur les symphonies de Beethoven soutenue en 1999 à l'Université de Paris-Sorbonne[8], et surtout l'initiateur d'un vaste projet de mise en pratique des conclusions de cette recherche. A ce jour, une quinzaine de disques compacts ont été publiés par le label Hodie créé par Maximianno Cobra, proposant des versions "lentes" d'oeuvres majeures de Beethoven (9ème symphonie, Lieder), mais aussi de Mozart (Requiem, ouvertures, symphonies N° 25 et 40). A la tête d'un orchestre formé de musiciens hongrois pour la plupart, le chef franco-brésilien ne s'est pas contenté de proposer un enregistrement conventionnel de ces oeuvres, mais a fait appel aux technologies les plus modernes du disque numérique compatible, à la fois vidéo et audio ("DVD audio"). Le catalogue complet de cette collection est disponible sur internet (www.hodie-world.com).

On ne peut qu'admirer le courage, la force de conviction et l'énergie dont a fait preuve Maximianno Cobra pour mener à bien son projet. L'orchestre et les chanteurs qu'il a réunis sont tout à fait à la hauteur de la tâche qui leur est confiée. On peut en dire de même des aspects techniques de la prise de son. On ne sera pas surpris toutefois d'apprendre que cette approche radicale des problèmes de tempo chez Beethoven produit un résultat qu'on ne peut que qualifier de très étonnant. Il ne nous appartient pas de dire si cela n'est dû qu'aux habitudes acquises par le public au cours des 100 ou 150 dernières années de l'histoire de la musique, ou s'il y a là un problème plus fondamental. Quoi qu'il en soit, pour déroutante qu'elle soit, l'écoute des ces enregistrements ne laisse pas d'être des plus instructives: on y entendra même pour la première fois des détails de l'écriture qui, au tempo qui est celui pris habituellement par les chefs actuels, disparaissent noyés dans le tissu orchestral. Outre leur intérêt proprement musicologique, ces disques possèdent donc une valeur didactique indéniable.

Pour certains mouvements où le tempo indiqué par Beethoven est particulièrement rapide, la version "aller-retour" tend à se rapprocher d'une sorte de valeur modérée[9] qui, en d'autres circonstances, a été également recherchée par plusieurs autres chefs, le plus célèbre étant sans doute Sergiu Celibidache (1912-1996). On peut donc se demander si, dans quelques-uns de ces cas, l'hypothèse de Talsma et Cobra n'est pas pertinente: comme on le sait bien, une erreur fréquente lors d'épreuves de lecture à vue est celle qui consiste à dédoubler (ou à diviser par deux) la valeur de l'unité de mesure. Beethoven n'aura-t-il pas parfois pu être victime d'une telle erreur? Dans ce cas, le dédoublement des valeurs ne serait qu'accidentel, et non pas systématique[10].

D'une manière plus générale, des tentatives analogues à celle de Maximianno Cobra ont le mérite de remettre en cause les excès de tempo qui sont coutumiers de certains musiciens ou chefs plus soucieux de briller par une virtuosité facile que de trouver l'expression la mieux adaptée aux oeuvres dont ils sont les interprètes. Car -- il est important de le rappeler -- il ne faut pas confondre rapidité et vivacité: un tempo exagérément emporté aura en effet pour conséquence de niveler les articulations spécifiques (détaché, lié, piqué, accents, etc.), qui peuvent faire tout le "bondissement", tout le "swing" d'un mouvement.

En bref, on ne peut que se réjouir de voir de telles questions remises sur la place publique, en un siècle où la perfection technique des exécutions est certainement sans précédent historique, mais où l'esprit des créations musicales du passé n'est de loin pas toujours compris et rendu comme il mériterait de l'être. S'il nous est permis d'émettre un regret, ce serait le suivant: sans doute aurait-il été du plus haut intérêt de proposer non seulement les versions "lentes" supposées originales, mais également des versions appliquant de manière littérale les indications métronomiques de Beethoven (au moins pour quelques mouvements); cela aurait permis de juger très concrètement de l'amplitude du problème. D'autre part, la recherche scientifique elle-même pourrait être poussée plus avant, et des éléments de réponse cherchés par d'autres moyens, tel celui-ci, évoqué mais non développé par Maximianno Cobra: que pouvons-nous savoir de la durée totale des oeuvres à l'époque de leur création, notamment à l'aide des comptes rendus de concerts qui nous sont parvenus? Cette façon d'examiner le problème ne va sans doute pas sans difficultés, car il n'est peut-être pas aisé de définir dans quelle mesure on tenait compte en ce temps-là des reprises demandées par les partitions de Beethoven (mais qui sont très souvent omises à l'heure actuelle)[11]. En outre, que dire du cas des indications métronomiques basées sur une valeur ternaire (noire pointée, blanche pointée, etc.)? Ces dernières ne tendent-elles pas à contredire le mouvement du balancier -- qui, si on le comprend comme un aller-retour, fait entendre un rythme binaire? Enfin, si vraiment le métronome a été utilisé par Beethoven et par ses contemporains en oscillations complètes (c'est-à-dire en "aller-retour"), quand le passage à l'usage moderne (en demi-oscillations) peut-il être situé? Vu l'ampleur des conséquences d'un tel changement, on pourrait s'attendre à ce que certains témoins en aient parlé.

On le voit, les enregistrements proposés par Maximianno Cobra ont le mérite de soulever de nombreuses interrogations, et de remettre même au centre du débat certains aspects essentiels -- mais parfois bien négligés -- de l'art de l'interprétation.

Le métronome construit par Maelzel en 1815

(Vienne, Gesellschaft der Musikfreunde)



[1] Celles et ceux qui habitent à Lille peuvent venir cher moi pour la… rencontrer (en audio et vidéo).

[2] Sauf mention contraire, les informations contenues dans cet article sont tirées de la thèse de doctorat de M. Maximanno Cobra (voir la référence ci-dessous, note 7). Les références et les traductions françaises ont toutefois été révisées par nos soins.

[3] «Herzlich freut mich die selbe Ansicht, welche sie mit mir theilen in Ansehung der noch aus der Barbarey der Musick herrührenden Bezeichnungen des Zeitmaaßes, denn nur z. B. was kann widersinniger seyn als Allegro welches ein für allemal Lustig heißt, u. wie weit enfernt sind wir oft von diesem Begriffe dieses Zeitmaaßes, so daß das Stück selbst das Gegentheil der Bezeichnung sagt. -- was diese 4 HauptBewegungen betrift, die Aber bey weitem die wahrheit oder Richtigkeit der 4 Hauptwinde nicht haben, so geben wir sie gern Hindan [...] -- was mich angeht, so habe ich schon lange drauf Gedacht, diese widersinnigen Benenungen Allegro, Andante, Adagio, Presto aufzugeben, Maelzels Metronom gibt uns hiezu die beste Gelegenheit, [...]» Cf. Brandenburg, Sieghard (éd.), Ludwig van Beethoven: Briefwechsel, Gesamtausgabe, München, Henle, 1996; Bd. 4, p. 130-131; lettre N° 1196 selon l'édition Henle, N° 845 selon l'édition de Emily Anderson (1961).

[4] «100 nach Mälzl, doch kann dieß nur von den ersten Täkten gelten, denn die Empfindung hat auch ihren Takt, dieses ist aber doch nicht ganz in diesem Grade (100 nämlich) auszudrücken.» Cf. Fischhof, Jos., «Einige Gedanken über die Auffassung von Instrumentalcompositionen in Hinsicht des Zeitmasses, namentlich bei Beethoven'schen Werken», in: Cäcilia, eine Zeitschrift für die musikalische Welt [...], Bd. 26 (1846), p. 84-98; p. 94.

[5] "Gar kein Metronom! Wer richtiges Gefühl hat, braucht ihn nicht, und wer das nicht hat, dem nützt er doch nichts, der lauft doch mit dem ganzen Orchester davon!» Cf. Schindler, Anton, Biographie von Ludwig van Beethoven, Münster, 4/1860, Bd. II, p. 249-250. Voir aussi la lettre du 11 février 1825 à Ferdinand Ries, où Beethoven promet des métronomisations pour l'oratorio Christus am Oelberg, tout en relevant que ces indications n'ont rien d'absolu («so wankend auch noch diese Zeitbestimmung ist.". Cf. Brandenburg, Sieghard (éd.), Ludwig van Beethoven: Briefwechsel,... (op. cit.), Bd. 6, p. 26 (lettre n° 1935; n° 1351 selon E. Anderson).

[6] En mars 1819 et mars 1825 respectivement. Cf. Brandenburg, Sieghard (éd.), Ludwig van Beethoven: Briefwechsel,... (op. cit.), Bd. 4, p. 262 (lettre n° 1295; n° 939 selon E. Anderson), et Bd. 6, p. 45 (lettre n° 1950; n° 1355 selon E. Anderson).

[7] Talsma, Willem Retze, Wiedergeburt der Klassiker, Bd. 1: Anleitung zur Entmechanisierung der Musik, Innsbruck, Wort und Welt Verlag, 1980, 270 p.

[8] Cobra, Maximianno, Les Symphonies de Ludwig van Beethoven: une étude analytique, critique et historique en vue d'une nouvelle édition. Thèse de doctorat, Université de Paris Sorbonne-Paris IV, 1999. Éditée sous forme de microfiches par l'atelier national de reproduction des thèses (Lille).

[9] C'est le cas notamment pour le troisième mouvement de la 9ème symphonie, dont la lenteur dans la version Cobra passe presque inaperçue pour un auditeur non prévenu.

[10] Nous ne proposons cette explication que comme une pure hypothèse. Mais peut-être pourrait-elle aider à résoudre une partie des difficultés posées par les métronomisations de Beethoven?

[11] On sait que la troisième symphonie, lors de sa création en 1805, avait choqué par sa longueur exceptionnelle. Le correspondant de l'Allgemeine musikalische Zeitung de Leipzig avait alors affirmé (peut-être par exagération) que cette oeuvre durait «une heure entière» (cf. Sipe, Thomas, Beethoven: Eroica Symphony, Cambridge, Cambridge University Press, 1998, 146 p.; p. 55). Même si l'on suppose que les reprises ont été coupées lors de cette création, nous sommes encore très loin d'atteindre le double de la durée qui est celle de l'Eroica dans la plupart des concerts ou des enregistrements actuels (une cinquantaine de minutes).


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