Nouvelles réflexions personnelles sur la mort

 

 

Selon le dictionnaire, la mort est "la cessation définitive de la vie d'un être humain,d'un animal et, par extension, de tout organisme biologique)"[1].

 

Cette définition usuelle peut prêter à confusion si l'on entend "cessation" comme quelque chose de progressif. En effet, à la différence de l'agonie, qui est un "devenir", une "progression" et, pour reprendre une image, une "marche vers la mort", la mort est un… état. Un état qui présente cette particularité de ne pouvoir être conscientisé par le Je puisque, par définition, et s'agissant des humains, le sujet mort ne peut avoir conscience de sa mort puisque… mort !

 

Ainsi, si Je peux me sentir mourir durant mon agonie, en revanche, je ne peux me sentir [et, a fortiori, intellectualiser] mort. C'est pourquoi, d'une certaine manière et parce que la mort du Moi ne peut être conscientiser que par l'Autre, le Moi solitaire est… immortel.

 

L'agonisant peut se regarder, se voir, se sentir, s'entendre… mais pas le-la mort(e).

 

La mort est inéluctable pour tout être biologique. Même si les moyens, volontaires ou non, qui y conduisent sont variés, quasiment à l'infini, l'état de mort est universel. Il est d'ailleurs l'une des très rares universalités partagés par tous les êtres vivants et, singulièrement, els vivants.

 

Personnellement, je ne crains pas la mort : comment et pourquoi craindre ce qui est inhérent au processus même de la vie ? un processus enclenché à l'instant même de la conception, avant même l'émergence de la conscience ? En revanche, je crains une agonie de souffrance et, plus encore, de dépendance, laquelle, avec les moyens technologiques et thérapeutiques dont la Médecine dispose désormais, peut être maintenue artificiellement de façon sinon illimitée, du moins très, très… longue, et qui m'interdirait d'abréger l'agonie artificiellement bloquée et, ce faisant, me maintenir en l'état de légume.

 

Face à la mort, pour autant qu'elle soit volontaire ou "naturelle" [et donc non imposée à une volonté contraire], il n'y a pas de résignation à l'accepter comme inéluctable mais, tout simplement, réalisme : dirait-on d'une personne qu'elle est résignée face à… la vie dès lors qu'elle considère celle-ci comme naturelle et, d'une certaine manière, inéluctable dès lors que sa conception – et donc sa vie - n'a pas résulté d'un acte volontaire de sa part ?

 

Ma mort ne peut… m'appartenir si je la considère comme l'état dans lequel l'être conscient (et… libre) que je suis en écrivant ces lignes… n'existera plus [Mais cela ne m'empêche pas de décider, à l'avance, de l'"usage" qui sera fait de mon cadavre et, fortiori, de l'usage que… j'interdis qu'il soit fait au nom de ma… liberté]. En revanche, le moyen de mourir m'appartient pleinement pour autant que je décide, librement, de mourir et que j'ai la capacité physique, matérielle et, bien sûr aussi, intellectuelle, de mettre en œuvre ce moyen.

 

Ainsi, ma liberté, constitutive de ma dignité humaine et donc de mon humanité, ne m'attribue aucune maîtrise sur ma mort – au sens d'état de mort – mais seulement sur la décision, le libre choix de mourir, toutes incapacités mises à part, de mourir avant le "terme naturel" [l'achèvement de mon processus biologique de vie, sans aucune interférence extérieure volontaire] de ma vie.

 

Maîtrise somme toute modeste au regard de la prétention qu'ont les humains à vouloir maîtriser… le monde et… les autres. Mais maîtrise suffisante pour considérer que je n'ai d'autre maître que… moi-même.

 

Maîtrise modeste donc mais essentielle, pour ne pas dire essencielle car, parce qu'elle est l'achèvement ultime de ma liberté, même si cet achèvement reste virtuel à jamais, elle me différencie de l'animalité… pour autant que j'ai fait le choix de naître à… mon humanité !

 

8 octobre 2006



[1] Petit Robert.


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