Petit manuel de grammaire mécréante

D'abord, prenons un dictionnaire basique et examinons trois définitions [en gras : souligné par moi, JC] :

Dieu,   n. masc.  1. (Avec une majuscule, sans article) Dans les religions monothéistes, cause première et fin dernière de l’Univers, conçues comme un être suprême, distinct du monde, tout-puissant et éternel. Adorer Dieu. Dieu est infini. / (Christianisme.) Fam. Le Bon Dieu. Le fils de Dieu : Jésus-Christ. La mère de Dieu : la Vierge Marie. Loc. ayant diverses valeurs affectives. Dieu me pardonne ! Dieu m’en garde ! Dieu vous bénisse ! Dieu vous aide, vous entende ! pour exprimer un souhait. "Dieu m’est témoin que" renforce une affirmation, une dénégation. Grâce à Dieu, Dieu merci, Dieu soit loué! heureusement. / Dieu sait ! sert à renforcer une affirmation, une négation, ou à exprimer une incertitude. Dieu sait que j’ai tout fait pour lui ! Dieu sait si tu n’y peux rien! Dieu sait ce qu’il adviendra! Loc. interj. Expriment divers sentiments (stupéfaction, crainte, désespoir, etc.). Grand Dieu ! Mon Dieu ! Dieu du ciel ! Au Nom de Dieu, pour l’amour de Dieu ! formules d’adjuration. / Jurons. Nom de Dieu ! Bon Dieu !

 2. [Avec une majuscule et l’article défini] Conception de cet être suprême propre à une religion particulière. Le Dieu d’Abraham, des juifs, des chrétiens. / [Avec une minuscule] Conception de la divinité propre à un philosophe, à une métaphysique. Le dieu de Spinoza, des gnostiques.

 3. [n. f. déesse, V. ce mot.] Dans le polythéisme, chacun des êtres surnaturels et doués de pouvoirs particuliers qui régissent l’Univers. Les dieux égyptiens, grecs, hindous. Mercure, dieu du Commerce. V. aussi mythologie. / Il est beau comme un dieu, il joue comme un dieu : expressions superlatives. Jurer ses grands dieux, solennellement. Être aimé, béni des dieux : jouir d’un destin favorable. / Grands dieux ! Fam. Vingt dieux ! exclamations.

 4. Représentation peinte ou sculptée d’une divinité.

 5. Personne ou chose à laquelle on voue un culte ou que l’on admire profondément. L’argent est son seul dieu. Les dieux du stade : les athlètes.

 divinité,   n. fém.  1. Caractère de ce qui est de nature divine. La divinité du Christ.

 2. Être divin. Les divinités égyptiennes.

 3. Personne ou chose que l’on divinise. L’argent est la seule divinité de cet avare.

  

 déité,   n. fém. Litt. Dieu ou déesse d’une mythologie. Les déités égyptiennes.

 

Majuscule,   n. fém. et adj. Lettre de plus grande dimension que les autres et en général de forme particulière, qu’on utilise comme initiale des noms propres, en début de phrase, des vers, etc.

 

Je commencerai ma grammaire par la fin, en l'occurrence la majuscule. Au niveau de la langue française courante, l'usage de la majuscule obéit à des règles strictes. Ainsi, hormis le début d'une phrase, d'un vers… elle s'applique aux noms propres et, pour être plus précis, aux noms patronymiques et… seulement aux noms propres, sachant que, pour les noms propres aristocratiques, la particule s'écrit avec une minuscule puisqu'elle n'est pas constitutive du nom patronymique. On écrit ainsi : le marquis de Sade et non le Marquis De Sade. Dans cette acception originelle, le nom propre, éligible à la majuscule, s'oppose au… nom commun.

En grammaire (française), le terme de "nom" désigne les êtres animés et les choses, concrètes ou abstraites tandis que celui de "nom propre" désigne une sous-classe particulière de la classe précédente, servant à désigner un être ou une chose considérée dans son unicité. Cette distinction permet d'étendre la notion de "nom patronymique" à un certain nombre d'appellations, notamment géographiques, comme les fleuves, les pays, les montagnes… C'est pourquoi, on écrit : Tombouctou, le Nil, le Japon, les Appalaches…

Cette distinction entre nom propre et nom commun n'est pas sans incidence sur l'orthographe d'un même mot. Ainsi, on écrit :

         "français, aise" pour désigner 1. ce qui est relatif à la France (Exemple :  la langue française, un déjeuner à la française) 2. ce qui est d’origine et de langue française (exemple : Canadien français) 3. ce qui est conforme à la syntaxe de la langue française (cette tournure n’est pas française).

         "Français, aise" pour indiquer une personne originaire de France ou qui a acquis la nationalité française (Une Française, un Français, les Français expatriés…)

         "français" lorsque l'on fait référence à la langue parlée en France et dans certains pays ayant subi l’influence française (L’ancien, le vieux français, le français moderne ;  parler (le) français, un bon français ; Écrire le français, en français. Traduire en français).

Au titre de la définition première – celle de la classe "nom" -, il est d'usage dans la langue courante mais surtout dans certains langages (administratifs, juridiques, techniques, scientifiques…) de distinguer les mots de signification universelle, générique de ceux ayant une signification particulière et, pour ce faire, d'attribuer la majuscule aux premiers et la minuscule aux seconds. On distingue ainsi le Droit des droits, la Justice d'une affaire de justice, la Morale des morales, la Musique (classique…) des musiques de compositeurs… En somme, la majuscule s'applique quand on veut désigner un genre, la minuscule étant réservée aux éléments de ce genre.

Cet usage, il faut le souligner, est souvent assorti d'une personnalisation de la catégorie universelle ainsi nommée : la Justice désigne tout autant le système judiciaire que l'idée de justice telle qu'incarnée/représentée par Thémis. Il en est particulièrement ainsi lorsque l'idée renvoie à la mythologie et, plus précisément, à la mythologie grecque. En somme, un nom commun qui désigne une universalité idéelle est, en quelque sorte, le nom proprepatronymique – du symbole mythologique qui le représente[1].

Ce glissement de grammaire, dont les origines religieuses pré-chrétiennes sont évidentes, s'est étendu, y compris dans les États dits laïques, à tout ce que l'on peut ranger sous l'appellation d'institutions : l'État, l'Administration, le Parlement, l'Académie… un peu comme si les États modernes s'auto-sacralisaient [2]en une nouvelle mythologie[3], pour ne pas dire en une nouvelle religion !

La majuscule est également utilisée – par la contrainte de l'étiquette, du protocole… - pour désigner une autorité en place. Ainsi, on dit le Roi de Belgique pour désigner celui qui règne et les rois de Belgique quand on évoque l'histoire système monarchique belge.

Une autre extension d'usage est celle de la déférence, du respect, de la civilité... Ainsi, on dit Madame ou Monsieur Dupont et, selon que l'on fait partie ou non du troupeau : Monsieur Durand ou Monsieur Durand, évêque (ou Monsieur l'évêque Durand).

Venons en à "d-i-e-u" : d'un point de vue strictement grammatical, ce terme n'appelle pas la majuscule – sauf à être le nom patronymique d'une/e quidam ! – dans la mesure où, sauf pour les religions monothéistes [je reviendrai sur ce cas d'espèce plus loin], il n'est qu'une forme particulière de divinité ou de déité parmi d'autres : des déesses et des dieux, mais aussi des héros, des anges, des démons, des vertus… à forme humaine, animale, végétale, minérale et, plus généralement, naturelle (au sens cosmique, ce qui intègre les éléments, les astres…) et/ou à forme abstraite, idéelle. Les historiens ne s'y trompent pas puisqu'ils parlent des dieux grecs, égyptiens…

Les théologiens et autres gardiens de la foi des ordres religieux monothéistes appliquent la minuscule aux déités des religions polythéistes et, plus généralement, aux autres divinités que la leur pour ne réserver la majuscule qu'à leur seul dieu. Ainsi, ils affirment leur dieu comme le seul, l'unique, le vrai dieu[4] et, pour ce faire, lui attribue la majuscule de… majesté !

Or, "d-i-e-u" n'est jamais, selon les lieux et les époques, qu'un concept, une idée, une hypothèse (inutile par ailleurs), une tentative pré-rationnelle (au même titre que la magie, l'animisme…) d'explication du réel, le paratonnerre de la peur, du mystère, de l'inconnu…, le refus de la mort, le sentiment d'impuissance, de fragilité, de petitesse, de finitude… face à l'Univers, la volonté de puissance, la quête de sens et, au-delà, du sens,   la lâcheté, voire la dépravation morale, la légitimation de l'ordre, la perversité mentale et psychologique – le sado-masochisme -, la pauvreté et la misère intellectuelles, l'absence d'imagination…[5]

Tant qu'il n'est que personnel, individuel il n'a d'autre nocivité que celle de la patte de lapin qu'un joueur impénitent prend soin de caresser avant de faire son mari, autrement dit la nocivité de la bêtise comme offense faite à l'intelligence[6] !

Mais les choses changes dés lors que cette croyance se constitue en un ordre qui s'impose – ou prétend s'imposer - aux humains par l'oppression et la répression et qui, dés lors, se fait pouvoir manipulateur, porteur d'un projet anti-humain, c'est-à-dire réification de cette imposture suprême qu'est l'aliénation de l'humain.

Tout ordre religieux donne de la majuscule à son d-i-e-u.  Aussi, écrire ce nom d'idée avec une majuscule, ce n'est pas décrire une catégorie idéelle – celle des dieux – quand, pour ce faire, la grammaire nous rappelle que l'expression appropriée est un nom commun à sa forme plurielle – les dieux, les divinités, les déités… - et que la désignation d'un élément de cet ensemble virtuel est aussi un nom commun – le dieu des chrétiens, les divinités des grecs, les déités animistes… - que de considérer un dieu en particulier – celui d'un ordre religieux donné – et, d'une certaine manière pour ne pas dire d'une manière certaine, comme LE dieu symbolisant toutes les croyances et pratiques religieuses[7].

Désigner le d-i-e-u de la secte vaticanesque par "Dieu" c'est reconnaître que ce dieu est à la fois unique et universelle alors qu'il n'est jamais qu'un dieu parmi tant d'autres. C'est aussi considérer qu'il est le seul ennemi de l'athéisme alors que l'ennemi de l'athéisme ne saurait être une idée sans existence réelle – un dieu, un ange, un esprit fût-il saint… - ni même une croyance religieuse, individuelle ou collective, mais, au contraire, l'Ordre religieux en tant que catégorie et, concrètement, les ordres religieux, tous les ordres religieux, qui, se saisissant d'une idée particulière – un dieu ou un système de dieux - en font une vérité universelle qu'ils imposent – ou prétendent imposer – aux humains au mépris de leur humanité et donc de leur liberté, de leur dignité, de leurs droits naturels. L'ennemi, c'est bien philosophiquement l'aliénation religieuse et, concrètement, l'imposture religieuse avec tout ce qu'elle représente, à travers l'ordre religieux, d'oppression et de répression.

Écrire "Dieu", même lorsque l'on est athée, c'est considérer que, derrière les particularités, locales et historiques, de croyances, de rites, d'organisation… des différentes religions, il y a bien une idée unique, universelle qui serait celle de "Dieu" alors que ce qui est unique et universelle, c'est l'ALIENATION RELIGIEUSE INCARNEE DANS UN ORDRE. Les dieux, qu'ils soient uniques ou multiples, ne sont que des ALIBIS, des VIRTUALITES que certains s'efforcent de mettre en lumière (sainte bien entendu !) pour que l'on détourne les yeux de cette seule, unique et universelle réalité : l'oppression et la répression des ordres religieux[8].

Pendant longtemps, pour ma part, j'ai considéré que, dans ma critique athée de la religion, je pouvais me contenter, quelle que soit l'ordre religieux considéré (vaticanesque, musulman, juif, bouddhiste…)  d'écrire "dieu" au lieu de "Dieu". J'estime à présent que l'idée de "dieu" n'a pas à être nommée au sens de désignée par un mot – et, surtout pas par un mot doté de la majuscule – mais réduite à un simple symbole, à savoir qui est le signe de la non-existence mathématique afin de ne nommer que la seule réalité : l'Ordre religieux dans toutes ses déclinaisons, locales et historiques, particulières.

Ce faisant, je ne dis pas que l'idée de dieu n'est pas à combattre et même à abattre : je dis qu'il faut distinguer d'une part un combat d'idées qui est la lutte – par la critique, la dérision, l'humour, la rhétorique, la logique, le raison, la polémique… - contre les croyances religieuses – parmi lesquelles… l'idée de "dieu" – et, d'autre part, un combat bien réel qui est à mener sur divers fronts – le politique, le culturel, le social… - contre les ordres religieux.

Il ne faut pas oublier que ce n'est pas "l'idée de dieu" qui a fait mourir tant de libres penseurs, de libertins, d'hérétiques, d'apostats, de sorciers, de sauvages, de différents… et que ce n'est pas non plus "l'idée de dieu" qui fait peser l'ombre de la mort sur Younus SHAIKH mais bien des ordres religieux (comme par exemple le vatican et son bras armé que fut l'Inquisition) et ces États qui, à défaut d'être véritablement théocratiques, étaient et sont au service d'un ordre religieux).

En désignant "dieu" par je mets une idée à sa place : celle de la salle obscure des superstitions pour mettre l'éclairage sur ce qui doit être éclairé : la cabine de projection de ces superstitions : l'Ordre religieux et ses deux chiens urbi et orbi que sont l'oppression et la répression

C'est pourquoi aussi je considère que mettre la majuscule à "église" pour désigner un système de croyances c'est se tromper de nomination : l'"église" n'est pas une idéalité incarnée mais un ORDRE[9]. Elle n'est pas au service de "son dieu" mais se sert d'une idée ou d'un système d'idées - [10] - pour asseoir son pouvoir, son autorité et légitimer son oppression et sa répression. Aussi, comme il me semble préférable d'appeler un chat un chat, un assassin un assassin, le berger d'un troupeau le maître et les ouailles du troupeau des esclaves, désormais je désignerai par - symbole mathématique d'un ensemble vide – une église dans son acception de système de croyances[11] – qu'elle soit vaticanesque, presbytérienne, bouddhiste, shintoïste, musulmane… -  et nommerai ordre religieux telle ou telle forme particulière d'organisation religieuse et Ordre religieux le système concret d'oppression et de répression mis en œuvre contre les humains, dont l'essence est l'aliénation et que, pour mieux le désigner/vouer à la curée (!!!), je me permets de nommer symboliquement – mais sans majuscule ! -… la bête immonde !

L'un de ces ordres a la prétention, au regard du Droit international et contre les Droits des humains, de se considérer comme… un État. Je veux bien entendu parler du siège social de l'ordre vaticanesque. Pour ma part, et quand bien même de nombreux États, qui plus est laïques pour plusieurs, lui accordent cette reconnaissance politique, juridique et diplomatique, je me refuse à le considérer comme tel[12] ; aussi, désormais, si j'ai besoin de nommer le vatican, j'utiliserai le symbole mathématique ≈ de… l'approximation !

Pour me résumer, désormais, j'utiliserai donc :

         pour "dieu"

         Ø pour "église" (au sens de système de croyances)

         ≈ pour le siège social de la secte vaticanesque

N.B. Il n'est pas exclu que, par souci de mécréance blasphématoire, je sois appelé à avoir recours à d'autres symboles. A voir !



[1] Et si l'on y regarde de plus près on ne manque pas de constater que seuls – ou presque - les noms communs pouvant faire référence à une symbolisation mythologique (la Guerre, la Paix, l'Agriculture…) ont le droit de s'écrire avec une majuscule !

[2] Ce qui n'est absolument pas bizarre même d'une République constitutionnellement laïque quand on sait qu'État et religion sont des ordres

[3] Une mythologie qui est peuplée de divinités, majeures ou mineures, et qui s'articule sur un certain nombre de mythes comme celui de… la démocratie !

[4] Notons que ces mêmes agités du bocal usent également de la majuscule pour désigner l'identité contraire de leur dieu, comme par exemple le Diable. L'intention n'est pas… innocente. En diabolisant l'ennemi – de la vraie religion, servante du vrai dieu -, ils constituent une catégorie universelle : l'Ennemi dans laquelle, au gré des circonstances, des jeux de pouvoir, des rapports de force, de leurs intérêts…, ils peuvent ranger, à l'infini, des ennemis particuliers comme l'athéisme en tant que pensée libre et liberté pensante mais, également, tel/le ou tel/le athée !

[5] Cf. mon texte l'origine de la religion.

[6] Une telle croyance est la marque du renoncement d'un individu à son humanité. Elle peut être aussi le symptôme d'une véritable souffrance humaine. Elle ne peut donc laisser indifférent un humaniste qui, se reconnaissant dans l'humanité reniée ou blessée de ce croyant individuel, se doit de considérer qu'il est atteint dans sa propre humanité et qu'il est donc de son devoir de le libérer.

[7] On critique souvent Microsoft. Pourtant, dans Word, le correcteur automatique d'orthographe ne réagit pas à la saisie du mot "dieu" puisque, grammaticalement, il n'y a pas d'erreur ! Et si Bill Gates était athée ?

[8] C'est pourquoi les libertaires ont toujours revendiqué et continuent de revendiquer "Ni dieu, ni maître" sans la moindre majuscule !

[9] En outre mettre une majuscule à telle ou telle église – ou bien secte, les deux termes, dans cette acception de système de croyances, étant synonymes – c'est, de facto, la reconnaître pour ce qu'elle s'affirme : l'église unique, vraie, universelle, servante de "Dieu".

[10] Symbole qui a l'avantage de ne pas connaître de forme majuscule, même en débit de phrase !

[11] Qui est bien un ensemble… vide puisque irréel, surnaturel, virtuel… comme l'est, du point de vue scientifique et technologique une théorie qui ne repose rien d'autre que sur… une imposture !

[12] J'ai ainsi signer la pétition demandant la révision du statut de cet ordre auprès de certaines instances internationales et, notamment, de l'O.N.U.


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