Quelques considérations naturelles sur l'athéisme en général
et mon athéisme en
particulier
Je
suis né dans une famille de libres penseurs, surtout du côté de mon père,
certains même étant athées tandis que d'autres, au plan politique, étaient
aussi communistes.
Je suis donc né sans croyance, de quelque nature
qu'elle soit – philosophique, religieuse, politique, morale… - parce que la
libre pensée de ma famille voulait que je puisse rester libre de mes choix –
et donc, aussi, de mes pensées – afin que, adulte, je puisse naître
librement à… moi-même. Leur libre pensée, en effet, leur interdisait
certaines choses comme, par exemple, vouloir se reproduire à travers moi
ou, dit autrement, m'amener à reproduire leur image dont ils ne voulaient pas
qu'elle soit un… modèle. J'ai dû en décevoir certains. Ce n'est pas sûr
car, au fond, pour eux l'essentiel était que je puisse toujours être… moi-même.
Et je dois dire que, en cela j'ai réussi : je suis moi. Je ne suis
l'imitation, la copie, la reproduction, la déduction, l'opposition de personne.
Je suis juste moi. Naturellement moi.
Mon éducation a donc été, elle aussi, libre, pas véritablement
sans croyance mais, plutôt, en dehors de toutes les croyances. Cet esprit de
liberté, cette liberté de penser, cette libre pensée ont conféré à cette
éducation un caractère que je qualifierais volontiers de… libertaire.
Ainsi, il ne m'a jamais été imposé quoi que ce
soit : la seule contrainte à laquelle j'avais à me soumettre était de faire
mes propres choix et d'en assumer pleinement leurs conséquences.
Ainsi, à trois ans, je savais parler couramment
mais, aussi, je savais lire et écrire. Je savais lire et écrire parce que
j'avais voulu apprendre à lire et à écrire et qu'une parente – une
institutrice – m'avait appris non pas à lire et à écrire mais à apprendre
à lire et à écrire.
Éducation libre donc, qui, parce qu'elle était
libre, ne s'est jamais faite contre. Contre qui ou quoi que ce soit, à
commencer par la religion.
Je suis né et j'ai grandi sans croyance plutôt
qu'incroyant ou non-croyant. En un sens, cette absence de croyance était l'état
naturel dans lequel j'étais né et
dans lequel je grandissais.
A la maison, il n'y avait qu'une seule bibliothèque
qui ne faisait pas de différence entre des livres d'enfants et des livres
d'adultes. C'est ainsi que, tout petit, je dévorais les livres d'histoire dont
mon père était fort friand. C'est ainsi aussi que je lus Renan à 10 ans,
Nietzsche à 12 ans…
Il n'y avait pas non plus de discussions d'adultes et
de discussions d'enfants ou, du moins, pour les enfants. Je participais donc régulièrement
aux discussions des adultes et en pareilles occasions j'avais autant à dire que
les autres et j'étais autant écouté par les autres que je les écoutais moi-même,
ce qui ne m'empêchait nullement, par ailleurs, d'avoir des jeux… d'enfant !
Une d'éducation libre, une bibliothèque libre, des
discussions libre… Ma curiosité avait donc le droit d'être libre.
Elle était même sans cesse encouragée à l'être sans cesse davantage. A la
maison il n'y avait pas de tabou. Il n'y avait pas non plus de préjugé.
Autant que je me souvienne, je n'ai pas beaucoup
manifesté de curiosité à la religion sauf une fois – je devais avoir 6 ou 7
ans – quand, passant devant la vitrine de noël d'un magasin, j'ai voulu
savoir ce que c'était que cette petite maison en ruine avec ce bébé dedans
et tous ces personnages et animaux autour. Mon oncle – le communiste –
me répondit alors que c'était la crèche et il m'en fit l'histoire, je veux
dire la véritable histoire : il la resitua donc à la fois dans son contexte
chrétien mais, également, dans ses origines pré-chrétiennes, c'est-à-dire
païennes.
Ces informations obtenues, je dois dire que le sujet
ne m'intéressa pas davantage. Je me fis toutefois la remarque qu'elle était
bien bizarre cette origine miraculeuse du bébé quand je savais alors tout
de la procréation, de la grossesse, de l'accouchement et de la naissance depuis
la naissance de ma sœur qui était intervenue alors que j'avais presque 5 ans.
Je dois dire aussi que j'ai alors trouvé bien drôle et même bizarre la présence
du bœuf et de l'âne car, pour moi, les choses étaient simple : ou bien c'était
une maison et alors, même en ruine, ces animaux n'y avaient pas leur place, ou
bien c'était une étable et, alors, ce n'était pas la place des hommes et,
surtout pas du bébé, quand on sait, comme je le savais, combien une étable
est loin d'être un lieu de propreté.
En grandissant, je prenais donc les choses
comme elles venaient. Certaines m'indifféraient totalement. D'autres, au
contraire m'intéressaient bigrement et quand je voulais le savoir le pourquoi
et le comment de ces choses, par la lecture et la discussion, on me donnait
toujours les moyens d'accéder, par moi-même, à la connaissance de ces choses
et de me forger à leur sujet ma propre opinion.
Un état naturel donc d'absence de croyance.
Aucune besoin de croyance. En particulier, pour reprendre un mot célèbre,
je n'ai jamais eu besoin de l'hypothèse dieu. Je me satisfaisais de ce que
je savais et quand je ne savais pas et que je voulais savoir… je savais que je
n'avais qu'une seule chose à faire : apprendre. Je savais que je ne savais pas
un tas de choses mais, tant que je n'en avais pas besoin pour vivre, pour
manger, pour rire, pour jouer…, peu m'importait de ne pas les connaître. Je
savais aussi que je ne saurai jamais tout : je n'en ai jamais éprouvé ni colère,
ni désespoir… Je me disais que, en cas de besoin, je rencontrerai toujours
quelqu'un ou un livre qui me dirait comment faire pour combler ce trou de
savoir.
Ni enfant, ni même adolescent, je n'ai donc jamais
eu d'angoisse métaphysique ni de crise – et, a fortiori, de crise
existentielle -.
Je me rappelle qu'un jour, je devais avoir 7 ou 8
ans, le curé de l'église voisine, en m'offrant des bonbons,
m'a abordé dans la rue pour me convaincre de venir au catéchisme le
jeudi. Quand je lui ai demandé "pourquoi faire", la réponse qu'il
m'a fait au sujet du catéchisme, bien qu'assortie d'une promesse de jeux divers
et variés, ne m'a pas du tout convaincu. Ou, plutôt, son offre ne m'a
pas paru intéressante car elle ne contrebalançait pas, avantageusement à son
égard, ce que je faisais habituellement le jeudi : jouer avec mes copains. Le
pauvre curé n'a pas eu de chance avec moi : je n'ai pas accepté ces bonbons
car… je ne les aimais pas. Naturellement, je le lui ai donc dit : il en
a été vexé et m'a traité d'impoli. Il s'est complètement trompé : je n'étais
pas impoli, j'étais… naturel. Je n'étais naturellement rien d'autre
que ce que j'étais : un enfant. Un enfant, j'ajouterai volontiers, libre comme
on dit un homme – ou une femme, bien sûr – libre, une pensée libre…
A quatorze ans, j'ai fait le choix d'être… athée
car, ayant considéré les différentes convictions que les humains
avaient pu avoir et avaient encore, la croyance religieuse était profondément
pernicieuse, parce que, définitivement, absolument, inhumaine et même
anti-humaine. En tous les cas, c'est comme cela que je la ressentais.
J'ai oublié de dire, mais vous l'aurez compris, que
la libre pensée de ma famille était une pensée pétrie d'humanisme et
que mon éducation fut donc une éducation humaniste au sens classique et
philosophique du terme.
A quatorze ans, au vu de ce que j'avais
personnellement vécu – la guerre d'Algérie ; ce qui fut, pour moi, un vrai
et grand drame : mon départ forcé d'Algérie en 1963 ; l'obligation de me déclarer
bouddhiste au collège Valéry de Nice parce que m'on m'avait interdit de
mettre sans à la case religion de la feuille de renseignements
individuels ; l'étalage ostentatoire de tant de richesses sur la Côte d'Azur
quand j'y voyais aussi tant de misère… - mais aussi de ce que j'avais appris
dans les livres et les discussions, outre des connaissances – et, a contrario,
des vides de connaissances -, j'avais acquis un certain nombre de principes, de
valeurs, de nature essentiellement morale – la Justice, l'honnêteté, la
franchise, la sincérité, la Liberté, l'Égalité… -, en les forgeant de
moi-même ou en les adoptant d'autres quand je m'y reconnaissais.
Des principes, des valeurs qui étaient les miens
parce que j'en avais fait librement le choix.
Ce qui m'avait en particulier convaincu de faire ce
choix de l'athéisme, ce n'était pas vraiment un raisonnement
philosophico-moral, mais le constat que je ne cessais de faire de la totale
contradiction entre la parole de la religion et les actes des églises : l'amour
du prochain, la générosité, la tolérance, la compassion, le respect… et de
l'autre les croisades, l'Inquisition, les autodafé, les bûchers, les chasses
aux sorcières, les interdits de penser, de dire et de faire, le soutien sans
faille accordé aux puissants contre les faibles et les opprimés, la haine des
femmes – humaniste, j'étais aussi, sans le savoir, sans doute,… féministe
mais comment aurais-je pu ne pas l'être en étant justement humaniste ? -, le mépris
de l'humain, les superstitions, l'obéissance aveugle érigée au rang de
vertu…
Un sentiment de révolte contre, à la fois,
une profonde injustice, une incohérence intellectuelle – tout le fatras de
superstition la primauté donné au rite par rapport à la foi, la vision
aberrante du réel à travers des dogmes d'un autre âge, d'un autre monde… -
mais, surtout, un anti-humanisme viscéral, haineux, déchaîné… La
révolte, ce mal-être qui est le signe évident, naturel que l'on est en
train d'apprendre à être, de devenir, de naître à soi-même.
Or, mon humanité – la dignité que j'ai
d'être un humain – est la seule richesse que j'avais – et c'est
toujours la seule que j'aie - ; je me suis dit qu'il fallait que je fasse en
sorte que l'on ne puisse pas m'en priver et qu'il fallait donc que je combatte
celles et ceux, qui, au nom de leur religion et de leur église, voudraient m'en
priver.
En toute honnêteté, mon choix n'alla pas plus loin
et, en tous les cas, ne se traduisit pas par une action militante de ma part, si
ce n'est ces plaisanteries mécréantes auxquelles j'aimais me livrer
depuis tout petit.
Il y eut tout de même deux petits quelque chose
que l'on pourrait qualifier d'action ou, du moins, de début d'action :
•
le goût
prononcé de croiser le fer – intellectuel – avec toutes celles et tous ceux
qui me paraissaient avoir des certitudes morales ne résultant pas vraiment d'un
choix – de leur choix librement consenti – [et il y en avait] non pas pour
les convaincre mais pour les amener - ou tenter de les amener – à
faire ce premier pas vers la liberté d'être, de penser, de dire, de faire… :
le doute ou, pour le moins, la curiosité.
•
un autre
goût tout aussi prononcé : celui du blasphème à l'égard des
professionnels de la religion, je veux parler des curés, des religieuses, des
rabbins, des imams… car, bien entendu, je n'avais alors – et n'ai toujours
– aucune exclusive : je mettais toutes les religions et toutes dans le même
(mauvais) sac ! Le goût de la provocation comme l'art d'être et de
refuser d'être ce que l'on ne veut pas être !
Pendant l'adolescence, j'ai connu, comme tout le
monde je pense, un grand chagrin d'amour : je n'eus même pas besoin d'évoquer
l'hypothèse dieu pour m'en guérir tant il y eut de remèdes : les copains/ines,
les amis/es, les plaisirs… et puis, tout simplement tout naturellement,…la
vie. Je n'ai jamais eu à faire le pari pascalien parce que,
intuitivement, je sais que ce pari m'aurait fait perdre davantage qu'il
ne m'aurait permis de gagner : ma liberté. Ma liberté de devenir ce que je
voulais être.
Au sortir de l'adolescence, j'eus une action,
de nature politique qui, bien entendu, fut… libertaire. Cette action politique
eut naturellement une dimension athée puisque les religions et les églises,
pour moins sans le moindre doute possible, étaient du côté des adversaires de
la cause humaine et qu'il fallait donc les combattre au même titre que les
capitalistes, les militaires – et, singulièrement, les militaristes -, les
artistes, les dictateurs…
Tout au long de mon enfance, puis de mon adolescence
et de ma jeunesse, je n'ai cessé de faire des choix. Naturellement, cela
continue depuis et cela continuera ainsi jusqu'à ma mort. Ces choix, n'ont
jamais été, ne sont toujours pas et ne seront jamais désincarnés. Je
les ai fait en fonction de mes possibilités et mes impossibilités,
de potentialités – les miennes, celles de mon entourage… - et de
contraintes. Mais ils ont été, sont et seront toujours… librement effectués,
consentis et pleinement assumés : à chaque fois, je n'ai jamais
manqué d'en assumer la responsabilité et, parfois, voire même souvent, j'ai dû
payer le pris fort pour les avoir faits. Mais il ne saurait y avoir de
liberté sans… responsabilité de cette liberté, pour soi comme pour
les autres !
Choix d'être, de dire, de penser, de faire… Choix
de ne pas être, de ne pas dire, de ne pas penser, de ne pas faire… Choix solitaires,
c'est-à-dire strictement personnels, privés, mais aussi choix solidaires.
Ce développement biographique n'avait pour but que
de planter le décor. Il est inutile de le poursuivre car la suite ne serait
qu'anecdotique et n'a eu aucune incidence sur mon humanisme, athée et
libertaire.
Ainsi, pour moi l'absence de croyance est un état
naturel. Il est du moins cet état naturel dans lequel chaque être humain
naît en ce sens que chaque être humain est unique et que la naissance
ne saurait être la reproduction d'êtres humains préexistants. En fait,
un être humain naît deux fois : à la vie, c'est la naissance physique,
physiologique, biologique… d'un être vivant ; à lui/elle même et aux autres
par les choix qu'il/elle fait ou ne fait pas de devenir et c'est véritablement
la naissance d'un être humain.
Certes, je ne me fais pas d'illusion : cette liberté
de devenir, de naître à soi-même et à l'autre n'est pas absolue et de
nombreuses et plus ou moins sérieuses contraintes – le statut social, le
niveau de revenu, l'environnement intellectuel et éducatif, la maladie… - et
les choix que l'on fait sont plus souvent des choix par défaut que de vrais
choix positifs. Mais cette liberté de choix peut être assumée jusqu'au
terme ultime de ces contraintes : on peut toujours faire le choix de
mourir debout ou, au contraire, de vivre à plat ventre.
Pour moi donc, je le répète, l'état naturel
dans lequel on vient au monde est celui de l'absence de croyance. A
contrario pour moi, il est contre la nature humaine que d'imposer un choix à
un être vivant qui naît à la vie en prédestinant son devenir, sa naissance
à lui/elle-même et, notamment, en lui imposant telle ou telle croyance – et,
à la limite, même si je ne considère pas qu'il s'agisse là d'une croyance
qu'on lui impose d'être athée -.
Humain et humaniste je ne me reconnais pas le droit
de dire : "Tu seras tel ou tel type d'homme ou de femme – catholique,
musulman, socialiste, anarchiste, fasciste, je m'en foutiste absolu…
- mon fils/ma fille" mais je me sens le devoir – et c'est
ce que j'ai fait – de dire et de faire en sorte que cette parole soit
effective : "Tu seras l'homme/la femme que tu voudras être mon fils/ma
fille"[1].
L'humanité
n'est pas innée, héréditaire : elle s'acquiert dans le libre choix que l'on
fait de devenir et d'être – ou ne pas devenir et de ne pas être – humain.
En dehors de la liberté, point d'humanité !
L'humanité n'est pas la marque d'appartenance à un quelconque
troupeau. Elle n'est pas le sceau d'une quelconque croyance. Elle n'est ni une normalité,
ni une a-normalité… Elle est cette capacité particulière que
seuls les humains ont : la capacité de choisir. Or, pour pouvoir être
pleinement exercée et assumée, cette capacité ne doit être soumise à aucune
interdiction, aucune restriction, aucune orientation. Il n'y a de
choix véritables que dans la liberté.
Baptiser un enfant, décider de son appartenance à
tel ou tel troupeau, c'est le formater. C'est le priver de sa liberté de
choisir de devenir ce qu'il veut – et, dans une mesure certaine, bien sûr,
peut – devenir. C'est le priver de ce qui fera de lui un être réellement
humain : la liberté de choisir.
Imposer l'athéisme à un enfant, c'est en faire de même.
On ne naît pas athée : on le devient. Par choix. Librement.
Pour que cette liberté de choix puisse être
effective et réellement exercée et assumé, il n'y a d'autre possibilité que
d'élever un enfant en dehors de toute croyance – quelle qu'elle soit -.
Sinon, c'est lui interdire de naître à lui-même, de devenir ce qu'il voudra
– et pourra – être.
Mais l'absence de croyance est l'état naturel dans
lequel on naît à la vie en tant qu'être vivant parce que tout être vivant,
en quelque sorte candidat à la naissance à l'humanité, à sa propre identité,
à son unicité, est justement unique. En tant qu'individu unique, il naît
à la vie sans histoire et, en tous les cas, sans histoire de lui-même puisque
cette histoire est à construire et s'appelle la vie.
La naissance à la vie est celle d'un être vivant…
neuf. Unique. Qui n'est pas encore véritablement humain mais qui le
deviendra ou qui, au contraire fera le choix – ou subira le choix fait par
d'autres pour lui – de renoncer à son humanité.
J'ai
donc fait le choix d'être athée pour pouvoir être, ou plus précisément,
compte tenu de l'âge que j'avais quand j'ai fait ce choix, de rester… humain.
J'ai écrit un papier sur les origines de dieu
et de la religion[2] : je n'y reviendrai donc
pas.
Dieu est une invention humaine. Mais une invention
particulière en ce sens qu'elle est l'aliénation de cette propriété
particulière et, pourtant, universelle, de ceux-là même qui l'invente : les
humains. Dieu est le suicide, individuel et collectif, de l'humanité. Et
donc de l'humain. Et donc des humains.
Dieu, avec son cortège
d'église, de troupeau, de
cultes, de dogmes, de rites, de superstitions, d'ordre, de soldats de l'ordre,
de victimes de l'ordre…, est le renoncement à la liberté de choix[3]
d'être – ou de devenir, de rester… - ce que l'on veut être. Il est
renoncement à soi-même et à son humanité. Il est donc nécessairement,
aussi, renoncement à l'humain et aux humains. Il est dépossession de soi. Il
est suicide de soi mais aussi de tous les autres car chaque être humain qui
meurt, surtout sous le coup d'une injustice, d'un crime…, c'est un peu et même
beaucoup d'humanité qui meurt avec lui. Dieu est un projet inhumain et
anti-humain : il a pour intention d'anéantir l'humain.
Dans une certaine mesure, on peut considérer que les
religieux[4],
en tuant l'humain et, parfois et même souvent, des humains, ne sont pas véritablement
des assassins : ils ne sont jamais que les assistants les assistants du suicide,
individuel et collectif, de l'humanité. En somme, ils aident à la pratique
d'une certaine euthanasie[5].
A supposer que la religion ne soit pas une aliénation
– l'aliénation absolue – quel est le mérite de faire le
choix de l'hypothèse dieu ? Aucun. Elle ne fait rien gagner.
Mais elle fait tout perdre. A commencer par soi. A soi-même.
On entend des gens dire que la science ne peut pas
tout expliquer – ce qui est vrai[6]
-et que, en particulier, elle a pu faire remonter ses connaissances et
explications jusqu'au quasi-début – de la vie, de l'univers, du
cosmos…. peu importe le terme – mais pas à ce différentiel, aussi
infime soit-il, qui reste entre ce quasi-début et le début lui-même.
Et on ajoute : et comme il faut une explication – c'est-à-dire, en définitive
une cause, pour ne pas dire une finalité à toute chose et donc
aussi, nécessairement, à ce (tout)début -, faute de mieux, et dans l'attente
d'autre chose, il faut bien y mettre… dieu, sans pour autant lui
adjoindre son traditionnel cortège en ce sens que dieu pourrait très bien ne
pas être autre chose que la cause/finalité ultime.
Même si c'est un ultime provisoire.
Causalité, finalité.. Les deux mots sont lâchés.
Moi qui fais dans la mécréance, je ne suis guère soucieux de la bienséance
; pourtant, j'ai tendance à considérer que, souvent, ces deux mots sont des gros
mots, pour ne pas dire des mots… vulgaires, laids !
Je
considère que l'on peut très bien admettre le principe même de causalité
sans pour autant devoir admettre une cause ultime et, surtout, croire en une
quelconque cause ultime.
La
science ne cesse de démonter la causalité, souvent réciproque, cybernétique,
systémique d'ailleurs, entre les phénomènes. Le bon sens populaire, depuis la
nuit des temps, en constate sans cesse le fondement naturel et rationnel. Ainsi,
si je lâche la pierre que j'ai dans la main, dès lors que je suis sur terre,
et bien, cette pierre va… nécessairement tomber. Le bon sens populaire se
contente de cette causalité immédiate : la pierre tombe parce qu'elle est plus
lourde que l'air et que… je la lâche. La science précise cette causalité et
la nomme : attractivité, en l'occurrence terrestre.
Peu importe que ma connaissance de cette causalité
soit celle du bon sens ou de la Science : dans les deux cas, j'admets bien une
causalité et, relativement à un phénomène donné, je reconnais, je vois, je
mesure… son/ses effets[7].
Je vais me permettre un exemple trivial : les causalistes
– je veux dire les tenants de la cause ultime – se triturent les méninges
et se provoque de véritables névroses existentielles avec ce genre de question
: "De la poule et de l'œuf, quel est le premier ?".
Je vais en rester au simple bon sens : fort de mon
bon sens, je constate qu'un œuf, pondu par une poule, fécondé et couvé donne naissance à une poule. Le premier sort
de la seconde et la seconde sort du premier. Pourquoi vouloir absolument
savoir en remontant le plus loin possible dans le temps et, en tous les cas, ce
fut l'œuf le premier ou la poule la première ? En effet, ne sais-je pas
obtenir des œufs en élevant des poules ? ne sais-je pas obtenir des poules en
faisant couver, même artificiellement, des œufs fécondés (œufs de poule,
bien entendu) ? ne sais-je pas me nourrir de l'un comme de l'autre ? que
gagnerais-je à savoir lequel des deux est le premier ? plus d'œufs ? plus de
poules ? plus de nourriture ? Non. Rien de tout cela. Juste une connaissance
mais une connaissance qui, pour moi, au regard de mes besoins d'éleveur de
poules et de cette bouche à nourrir que je suis, ne me rapporte rien, ne
m'est d'aucune utilité.
Ce que je veux dire c'est qu'il est bien évident
qu'il n'existe aucune connaissance universellement inutile[8]
mais que, en revanche, une cause ultime, qui serait donc la cause de
toutes les autres causes, pour parler simplement, ne représente pas une utilité
universelle.
Tout
un chacun peut faire cette expérience, naturelle, évidente : il est tout à
fait possible de vivre au quotidien sans avoir la connaissance de la cause
ultime ! Autrement dit, on peut très bien vivre sans dieu, même si celui-ci, démuni
de tout cortège, est réduit à sa plus simple expression idéelle, celui de la
cause ultime !
Autrement
dit encore, faire l'hypothèse ou le pari de dieu comme cause ultime ne rapporte
rien, ne permet d'obtenir aucun gain particulier, ne représente aucune utilité
alors que faire cette hypothèse, ce pari a un coût élevé, extrêmement élevé,
qui peut être prohibitif si définitif, celui du renoncement à soi, à sa
liberté et donc à sa dignité humaine. A son humanité.
Depuis
l'aube des temps, les humains ont découvert deux lois naturelles : celle qui
mesure la pertinence d'un choix au vu du ratio coût/gain – le calcul économique
à son niveau le plus élémentaire – d'une part et, d'autre part, celle du moindre
effort qui considère qu'entre deux causes/phénomènes produisant les mêmes
effets, il est plus économique – intelligent – de choisir
celle/celui qui nécessite le plus petit effort[9].
Non
seulement dieu est d'un coût prohibitif mais, en plus, même réduit à l'état
d'hypothèse ou de pari, sous la forme de l'idée de cause ultime, il est
contraire à la loi naturelle du moindre effort car, pourquoi se charger d'une
connaissance – dieu en l'occurrence – dont on peut très bien se passer pour
vivre – et bien vivre - ?
De
plus, à supposer que quelqu'un ait la connaissance de cette cause ultime qui
serait dieu, pourrait-il pour autant se prévaloir de la connaissance
universelle de toute les causes, c'est-à-dire de l'intégralité de la chaîne
de causalité ? Assurément pas. Alors pourquoi prétendre accéder à la
connaissance universelle quand, en définitive, cela est impossible.
Personnellement,
j'ai pleinement conscience de ce que mon état personnel de connaissances est
fait de quelques pleins et de nombreux vides. J'ajoute, d'ailleurs, que depuis
que je suis en âge de le faire, je ne cesse de boucher des trous et, en même
temps, de vider certains pleines, parce que je n'adhère plus à telle ou telle
connaissance en ce qu'elle n'est plus fondée, que j'en ai changé pour une
autre, que ma mémoire est ce qu'elle est, c'est-à-dire nullement
infaillible… Je m'en accommode très bien. La preuve ? je vis toujours !
Pourrais-je pour autant considérer que, en admettant l'hypothèse dieu comme
cause ultime, mon état de connaissances serait entièrement plein, sans le
moindre vide ? Non. J'aurais tout au plus boucher un trou mais il en resterait
tant et tant. Et si, de plus, le seul trou que je bouche est celui de la cause
ultime et que je renonce à boucher les autres, le principe d'entropie ne
manquera pas de jouer ; alors, à terme, mon état de connaissance se réduira
à un seul plein et, ainsi, à un tout petit point dans un vide immense !
Ainsi,
outre qu'une cause ultime de type dieu n'apporte rien de plus à la somme des
connaissances et ne constitue pas la quintessence des connaissances – une
quintessence qui ferait qu'une seule connaissance serait la somme de toutes les
autres connaissances -, le bon sens ne peut que m'inciter à appliquer les deux
lois naturelles précitées et, ainsi, à préserver mon humanité et ne pas
m'encombrer d'une charge inutile.
J'ajouterai
que, sans le savoir, tous les jours, dans la vie courante, privée comme
professionnelle, on met en œuvre, sans même le savoir, sans s'en rendre
compte, une multitude de lois naturelles que la Science a découvertes, observées,
mesurées, expérimentées, théorisées… L'ignorance de ces lois n'empêche
pas pour autant qu'on les met bel et bien en œuvre et que l'on travaille, que
l'on se déplace, que l'on se nourrit, que l'on dort, que l'on prend/donne du
plaisir…, bref que l'on vit.
Je
vais prendre un autre exemple trivial. Je sais faire de la moto et j'en
ai d'ailleurs fait pendant pas mal de temps. Malheureusement, je n'ai plus de
moto, ce que je regrette vivement. Je n'ai pas pour autant besoin d'en posséder
une pour savoir que je sais en faire. Autrement dit, je n'ai pas besoin de posséder
telle ou telle connaissance pour savoir faire telle ou telle chose.
A
supposer qu'il ne soit pas une invention et, pire encore, une aliénation : dieu
est inutile à la vie. Il coûte même fort cher à la vie puisque son prix est
le renoncement à la vie. Le bon sens ne peut en tirer qu'une seule conclusion : il est
inutile et même dangereux de s'en charger inutilement et il faut s'opposer à
celles/ceux qui veulent nous en faire porter l'inutile, le coûteux et dangereux
fardeau.
Voyons
la finalité. Qu'ai-je besoin de savoir pourquoi le pommier donne des
pommes. Je sais que sur le pommier, en une certaine saison de l'année, je peux
y trouver des pommes ; je les aime : j'en cueille et j'en mange ; je ne les aime
pas : je passe[10],
indifférent.
Dans le premier cas, je n'ai pas la sotte prétention
de croire que ce pommier a été planté en tel lieu pour me donner ses
pommes car, outre que j'aurais très bien pu ne pas aimer les pommes – et dans
ce cas, relativement à moi, que devient la finalité du pommier ? -, j'aurais
très pu ne pas passer devant lui et cueillir des pommes[11].
Ce que je veux dire, c'est qu'une finalité
quelconque ne peut avoir de sens que relativement à une utilité et à un
besoin. Il n'y a de finalité que dans la rencontre d'une utilité et d'un
besoin. Il n'y a donc pas de finalité en soi mais toujours pour…
Or, le finalisme religieux consiste à poser comme
principe une finalité en soi dans toutes choses. Un tel finalisme exclut le
hasard – la rencontre ou la non-rencontre de l'utilité et du besoin – et
implique un déterminisme absolu qui, d'un strict point de vue religieux, est en
totale contradiction avec l'idée de création divine qui, au contraire, admet
que l'homme – et, accessoirement la femme – peut choisir de pécher ou de ne
pas pécher, de se sauver ou de se damner.
Autre chose encore : en parlant de la rencontre d'un
besoin et d'une utilité, je simplifie les choses. Il ne suffit pas d'avoir
besoin ; il faut avoir conscience de son besoin – n'arrive-t-il pas souvent
que l'on sente obscurément que l'on a besoin de quelque chose sans pour autant
que l'on sache de quoi on a
vraiment besoin – mais il faut aussi avoir conscience de l'utilité de telle
ou telle chose, autrement dit de la capacité de cette chose à satisfaire mon
besoin.
Ainsi, je suis perdu dans un endroit désertique.
J'ai faim. Et bien je pourrai mourir de faim tout simplement faute de savoir que
telle baie, tel plante… sont comestibles… Nulle baie ne m'apostrophera pour me dire "Et, tu as
faim ? mange-moi, je suis comestible" !
Cette nécessaire conscience de l'utilité
relativement à un besoin est, de toute évidence, la preuve de l'absence de
finalisme qui, au contraire, pose que j'ai a priori conscience de ce que je
pourrai satisfaire tel besoin que chose grâce à telle chose qui, justement, a
été faite pour satisfaire mon besoins.
Le recours au double principe universel de causalité
et de finalité est une autre manière de répondre à des questions de sens.
Je vais rester dans la trivialité : je suis né de
la rencontre chromosomique – hasard ? nécessité ?, peu me chaut – de A et
de B ; mais cela aurait pu être de A et de C, de B et de D, voire de C et de D.
Certes, dans chacune des autres hypothèses je ne serai pas là en train de vous
livrer mes confidences et les réflexions puisque chacune de ces hypothèses
aurait produit un autre être humain.
Mais, il importe de considérer que je suis ce que je
suis non pas parce que A et B se sont rencontrés d'un point de vue
chromosomique, mais parce que je suis devenu ce que j'ai voulu devenir, étant
admis, naturellement, que la liberté de choix que j'ai exercée et que je
continue d'exercer n'a été et n'est aucunement absolue – toute liberté, de
quelque nature que ce soit est forcément limitée par des contraintes
mais aussi par… d'autres libertés -.
Si
je n'ai pu naître à la vie – être vivant - que parce que A et B se sont
rencontrés, je suis né à moi-même en devenant ainsi, pleinement et véritablement,
un être humain que parce que j'ai exercé et assumé ma liberté, que parce que
j'ai refusé de renoncer à mon humanité.
La
rencontre, nécessaire ou hasardeuse, de A et de B n'a pas donné de sens –
signification et orientation - à ma vie.
Le
sens – signification – de ma vie est celui que je me suis donné en tant qu'être
humain ayant fait le choix d'être un être humain. J'ai fait ce choix au vu
d'une certaine conception de la Vie, de certains principes, de certaines
valeurs… que je ne peux désigner autrement que par le terme d'humanisme, un
humanisme humain, athée et libertaire.
J'ai souvent fait des choix par défaut, faute de
pouvoir faire mieux ou, plus naturellement, au nom du principe du moindre
effort. J'ai aussi fait des choix positifs. Enfin, j'ai fait des choix négatifs
– refus de faire telle ou telle chose en particulier -.
Tous ces choix, je les ai fait en pleine liberté et
responsabilité. A aucun moment ils n'ont été faits par A et/ou B. certains mêmes
ont été faits contre A et/ou B.
Si ni A, ni B, qui sont pourtant ceux qui ont donné
la vie à cet être vivant qui est devenu l'être humain que je suis, n'ont déterminé
mes choix, ne m'ont prédéterminé dans mon aptitude à choisir et dans mon panel
de choix possibles ou potentiels, pourquoi diable (!?!), un autre,
quand bien même il s'appellerait, aurait pu le faire à la place, l'aurait
fait… à ma place.
A chaque fois que j'ai fait un choix, j'ai bifurqué.
Parfois, j'ai pu revenir sur mes pas pour reprendre une bifurcation que je
n'avais pas choisie précédemment. Mais, parfois et même souvent, je me suis
trouver contraint de continuer d'avancer dans la voie ainsi choisie, étant
précisé que, dans ce cas, j'avais toujours la possibilité de faire un autre
choix : celui de m'arrêter. Éventuellement, définitivement. La somme des
choix ainsi fait représente un trajet. Un trajet de vie. Le sens de ma vie,
sens qui est aussi bien signification qu'orientation.
Actuellement, je continue de trouver du sens –
signification - dans la Vie – et singulièrement, dans la vie humaine -. Le même
sens d'ailleurs que celui que je lui ai trouvé il y a bien des années en arrière.
C'est pourquoi
En revanche, je ne trouve plus de sens –
signification encore – à ma propre vie. Je ne lui trouve plus de sens parce
que je ne la sens plus utile. Je m'explique.
L'utilité n'est pas seulement économique.
Elle n'est pas seulement le profit[12]
que l'on retire des choses et des autres et, réciproquement, que les autres
retirent de soi.
Il est une autre utilité, et qui n'est pas spécifiquement
humaine puisqu'on la retrouve aussi chez les animaux qui, comme les humains,
participent d'un processus de socialisation, une utilité… gratuite :
celle du don, du partage. Une utilité de l'ordre émotionnel, affectif,
psychologique… Cette utilité, bien que partagée par de nombreux animaux, je
la qualifierai volontiers d'utilité… humaine. Une utilité
librement donnée et reçue, partagée… Une utilité libertaire, en quelque
sorte.
A l'évidence, pour bon nombre de personnes, je représente
toujours une évidente utilité économique puisque, sans considération
de mes contraintes, de mes ennuis, de mon état de santé, de mes difficultés,
de mes problèmes, de mes capacités et aptitudes effectives…, on ne
cesse de me demander des choses, c'est-à-dire qu'on ne cesse de me
demander de fournir de l'utilité économique.
L'autre utilité, l'utilité humaine, j'en déborde
et, pourtant, personne ne semble en vouloir puisque je me retrouve seul et que cette
solitude est une blessure faite à ma vie, une blessure dont je souffre
profondément, même si cette souffrance est silencieuse.
Or, sans une telle utilité humaine, une vie
perd son sens du fait même qu'elle est solitaire alors que l'humain est un
animal social par excellence.
Ma situation est donc paradoxale : alors même que je
trouve toujours autant de sens dans la Vie et que ce sens me pousse à vivre, je
ne trouve plus de sens à ma vie et cette absence de sens m'incite à ne plus
vouloir vivre, puisque vivre de ce fardeau qu'est la solitude, ce n'est plus
vraiment vivre mais, à peine, survivre…
Parmi les utilités économiques que
j'apporte, il y en a qui relèvent de l'obligation, mais d'une obligation
librement consentie – d'un choix fait librement -. Un humain n'est vraiment
humain que pour autant qu'il assume pleinement les devoirs que lui confère son
droit à la liberté. Au regard de ces devoirs, il y a, naturellement, ma fille
mais il y a aussi quelques autres personnes qui n'en ont d'ailleurs pas forcément
conscience…
Parce que ma vie ne m'est que douleur et souffrance,
je voudrais pouvoir user de ma liberté de choisir de ne plus vivre et, ainsi,
de mettre un terme à mon passage. Parce que j'ai conscience que je ne suis
humain que pour autant que j'assume mes devoirs, que ma liberté s'arrête où
commence celle des autres, que je ne saurais avoir de droits non assortis de
devoirs, que ma liberté est aussi, sinon celle d'autres humains, du moins un
des éléments constitutifs du panel de choix d'autres libertés
humaines, que mon légitime égoïsme ne va pas jusqu'à l'égocentrisme…,
bref, parce que je suis humain, ni trop, ni pas assez, juste humain, naturellement
humain, je ne puis faire le choix de mourir – du moins pour le moment – et
je souffre, je souffre non pas de ne pouvoir faire ce choix, que de continuer
– pour le moment – de vivre une vie dans laquelle je ne trouve plus de sens.
Dans mon problème de vie, il n'y a nulle
place pour dieu. Parce que, tout simplement, au regard de mon unicité, il est
le problème d'une seule personne : moi.
Et quand bien même je voudrais me soulager de
ma souffrance, dieu ne me serait d'aucun secours : ma souffrance est en moi.
Elle a un nom : ma solitude. Or, dieu, sans considération de cette aliénation
absolue qu'il est pour l'humanité et donc pour chaque humain, ne saurait être
un compagnon de vie puisqu'il est le renoncement à la vie.
Dieu ne pourrait en aucune manière être le
soulagement de cette souffrance particulière qu'est celle de la solitude
puisque, faute de pouvoir être un compagnon de vie, il ne pourrait être que le
miroir réfléchissant ma solitude et donc l'écho de ma souffrance. Dieu
n'est donc même pas un opium !
Dans le mal-être qui est le mien une hypothèse
dieu, par le renoncement à moi-même qu'il impliquerait, serait, au mieux, une
idée de la mort alors même que je ne puis – encore – mourir et que je dois
donc continuer de souffrir.
En fait, quand on est attaché à son humanité comme
je le suis, on ne peut être en désaccord avec soi-même – sauf à renoncer
à être soi-même, ce que je ne puis, ni ne veux -, alors je me dis que s'il
vaut mieux mourir debout qu'à plat ventre. Je me dis que, sans aucun doute,
humaniste, athée et libertaire, il vaut mieux, aussi, souffrir debout plutôt
que de s'avachir et échanger sa souffrance contre un mal bien plus grand : le
renoncement à soi, la déchéance de son humanité. Il vaut mieux vivre en
souffrant que vivre mort.
Je vis, donc dieu n'est pas. Donc dieu ne peut pas être.
Et c'est tant mieux quand, comme moi, on aime tellement la vie…
[1] Le recours au possessif est, bien entendu, une concession stylistique que je dois faire car, naturellement, je ne me reconnais aucun droit de possessions sur qui et même sur quoi que ce soit. Je n'ai qu'une seule revendication possessive mais elle est de taille puisqu'elle est absolue : je revendique le droit exclusif de me posséder moi-même. Le seul droit de propriété que je me reconnais porte donc sur ma dignité humaine, sur mon humanité. Mais ce droit m'est aussi un devoir : y renoncer, c'est mourir à moi-même !
[2] Au fait, j'ai fait un nouveau choix : celui de ne plus utiliser de majuscules, sauf en début de phrase puisque c'est l'usage stylistique, aux mots dieu, religion, écriture, bible, saint-office…. Plus de majuscules donc pour ces mots qui, somme toute, ne sont que des mots communs… vulgaires. Des majuscules seulement pour les noms propres (exemple saint Pierre, Gépétou) parce que c'est là un autre usage stylistique. Mais comme je ne suis pas un ritualiste de l'usage, surtout de celui qui se prétend bon, il n'est pas sûr que ces exceptions majusculaires soient… éternelles !
[3] Et que l'on ne me dise pas que choisir l'athéisme c'est perdre cette liberté de choix. On peut toujours sortir de l'athéisme. Librement et… vivant. Or, il est bien des sectes religieuses dont on ne peut sortir que… mort ! On peut sortir de l'athéisme sans souffrance. Nombreux sont les exemples qui attestent que sortir de la religion, même si, à terme, c'est un grand bonheur, celui de la liberté recouvrée, de sa dignité humaine retrouvée, de sa réconciliation avec soi-même, est toujours un acte de grande souffrance qui peut durer plus ou moins longtemps. Une souffrance psychologique et morale et souvent, aussi, physique. N'en est-il pas ainsi Athéo, mon ami et frère en mécréance, en humanité ?
[4]
Les servants de l'ordre religieux qui, au passage, ne manquent pas de se
servir eux-mêmes même si, en définitive, le gain qu'ils tirent
des avantages ainsi retirés au/du troupeau, n'est qu'un gain illusoire
puisque, eux aussi, ont renoncé à leur humanité et sont morts à eux-mêmes.
[5] Je n'aime pas vraiment ce mot qui à le grand tort de trop sonner… nazi même si, naturellement, la liberté humaine emporte le droit à la liberté de mettre un terme à sa vie. Cf. plus loin.
[6] Mais il est vrai aussi que ce qu'elle peut expliquer, actuellement, est sans commune mesure avec ce qu'elle pouvait expliquer il y a à peine un siècle. Et si on remonte à plusieurs siècles, alors, force est d'admettre que le différentiel de connaissance a progressé de façon exponentielle et que les trous de la connaissance scientifique sont de moins en moins nombreux et de plus en plus réduits.
[7] Je dis "ses effets" car, s'agissant de la pierre qui tombe, la causalité dont il s'agit peut avoir un autre effet : celui de me faire mal au pied qui reçoit ladite pierre !
[8] Dans le pire des cas, elle est utile à au moins une personne : celle qui la possède et qui, ainsi, a pu satisfaire la curiosité qui l'avait poussé à la chercher. Au pire, elle est donc la satisfaction d'un désir qui, parce qu'il est satisfait, n'est plus, dans une certaine mesure, un déplaisir, une douleur relativement à un manque.
[9] La paresse – ou farniente – est cet art subtil – cette science - qui consiste à systématiser l'application de cette loi pour faire en sorte de réduire au minimum la somme d'efforts que l'on dépense et, a contrario, de maximiser les gains – les effets de ces efforts - obtenus en contrepartie. En cela, et dans le prolongement de la revendication de Paul Lafargue, il faut considérer que le droit à la paresse est un droit naturel – car pas seulement humain – dont l'universalité et l'inaliénabilité doit être reconnu pas son inscription dans le Déclaration Universelle des droits Humains.
[10] Au fait, il faut se souvenir que l'être humain est seulement un être … de passage. Un passage qui va de la naissance à la mort et qui est soumis à une double unicité : celle de temps – le temps que dure ce passage et qui est donc celui d'un présent constant condamné à;; s'arrêter - ; celle du lieu : son lieu de vie. A quoi bon s'encombrer de choses inutiles quand, outre qu'on les laissera forcément derrière soi lorsque l'on sera arrivé au terme de son passage ? Et aussi, à quoi bon se consacrer à autre chose qu'à… passer ?
[11] De même, je peux très bien passer devant lui alors que ce n'est pas encore la saison des pommes ou que cette saison est finie : dans ce cas, point de pommes pour moi et, alors, quelle est, toujours relativement, à moi, la finalité de ce pommier ? Je peux encore passer devant lui, en pleine saison, alors que ses pommes sont toutes immangeables pour une raison ou pour une autre : une fois de plus, relativement à moi, quelle est la finalité de ce pommier ? Dans toues les cas, la réponse est la même : AUCUNE.
[12] Et il y a des profits qui ne sont pas nécessairement excessifs au sens où ils n'impliquent pas forcément exploitation domination, accaparement, usurpation… Il y a des profits qui peuvent être à la fois économiques et éthiques, c'est-à-dire réciproquement utiles. Des profits… équitables.