Science et religion

Deuxième partie : de Galilée à Gépétou

 

Le concile de trente, confirmé par Vatican I en 1870, a légiféré pour l'éternité : les dogmes, les rites, le culte, les croyances… sont fixés pour l'éternité car la Vérité révélée est éternelle et ce, alors que ce que l'on appelle la science moderne était apparue vers 1620.

Il n'empêche : en réaction aux église protestantes – la Contre-Réforme – l'Église catholique se fige dans l'immobilisme et s'en glorifie et suspecte d'hérésie tout changement, toute velléité de changement même lorsque celle-ci se manifeste en son sein pour la bonne cause – la survie de l'Église ! –

Dés lors, pour l'Église, dans l'Église aussi bien que dans le monde profane, à commencer par le livre de la nature, il n'y a de place que… pour l'accessoire et l'esprit doit s'effacer devant la lettre. Diderot n'a pas manqué de s'en moquer : "Demandez à un prêtre s'il y a plus de mal à pisser dans un calice qu'à calomnier une honnête femme. "Pisez dans un calice ! un sacrilège ! vous répondra-t-il. Et puis nul châtiment public contre la calomnie. Le feu contre le sacrilège"[1].

C'est dans ce contexte de rigidité dogmatique que l'Église se lance dans un vaste programme d'épuration du religieux et même du sacré : lutte ouverte contre les superstitions, resacralisation des fêtes traditionnelles, interdiction des langues profanes, séparation stricte des laïcs et des clercs… Renfermement sur elle-même, ce qui amènera certains religieux à considérer que la science est autonome parce qu'elle participe du profane et que le profane échappe au sacré !

Toutefois, pour les jésuites, qui ne faisaient que refléter le point de vue de la hiérarchie catholique, l'Église doit légiférer et régenter… toutes les activités humaines car, possédant la Vérité, elle seule peut décider du vrai et du faux, du bien et du mal, du bon et du mauvais…Une, sainte, apostolique, romaine et éternelle l'Église ne peut être que totalitaire au sens où elle a prééminence sur le profane et que les ordres temporels des hommes – les États notamment – doivent se plier à son autorité puisque Dieu lui a confier la mission de conduire les humains au salut !

A l'égard de la science, la position est claire: il n'y a de vraie et bonne science que soumise à l'Église, qu'au service de l'Église…

La révolution scientifique des années 1620 qui est celle de la science physique quantitative, est née d'une conjoncture particulière : une osmose étroite entre la science et la technique, la théorie et la pratique car, pour la première fois, la science disposait d'instruments d'observation, de mesure… lui permettant de vérifier ses hypothèses et, en même temps, d'échafauder de nouvelles hypothèses à partir  de l'observation et de l'expérimentation.

Or, cette science moderne, en raison, en particulier, de son caractère mécaniste, était incompatible avec les conceptions religieuses de la réforme catholique et la volonté hégémonique de l'Église.

De nombreux scientifiques, bien que croyants, et, parfois catholiques, considèrent que leur science n'est pas en contradiction avec leur foi mais l'est bien avec l'Église ! Plus l'Église se totalitarise, plus elle se renferme sur elle-même, plus elle se sépare du profane – pour mieux le dominer – et plus des esprits, se voulant libres – à commencer de croire – parce que doués de raison, vont se détacher de l'Église, s'en éloigner pour rejoindre d'autres Églises – protestantes – ou évoluer vers le panthéisme, le déisme ou… l'athéisme.

Aux scientifiques croyants qui prétendent donner à la science un objet propre – le comment – et à la religion le sens ultime du pourquoi, l'Église, dans sa rigidité totalitaire, répond par l'anathème, l'excommunication, la mise à l'Index et, parfois,… le bûcher.

En 1618, Vanini, médecin à Padoue et carme défroqué, est brûlé vif, après qu'on lui eût coupé la langue, pour impiété, négation des miracles et… athéisme. Le Saint-Office condamne le livre du médecin et chimiste Jan Baptist van Helmont qui traitait du magnétisme animal. Il condamne aussi – et interdit donc – la théorie de la circulation sanguine de Harvey au motif qu'elle contredit celle d'Aristote et de Galien, laquelle est… la Vérité. Si Descartes a été mis à l'Index dès 1663, son disciple, Malebranche l'y rejoint en 1689 avec son Traité de la nature et de la grâce puis, en 1707, avec son traité De la recherche de la vérité et ses Entretiens sur la métaphysique et la religion et, en 1712, avec son Traité de morale. Indexés aussi seize œuvres de Quesnel… Toutes mises à l'Index qui, comme l'Église, sont éternelles puisqu'elles seront reprises dans la dernière édition de l'Index en 1948 !

Dans de nombreux pays, et, en particulier, ceux sous influence catholique, il y a une collusion effective entre les Souverains et l'Église pour contrôler la science et, au besoin, la sanctionner, que la sanction porte sur les œuvres ou sur les auteurs. Ainsi, en France, Louis XIV  affirme qu'en astronomie il n'y a de véritable science qu'aristotélicienne et ptoléméenne et son Conseil, sur son intervention personnelle, interdit l'enseignement des principes de Descartes et impose la philosophie et la métaphysique d'Aristote comme seuls enseignements valables. Dans ces pays, la voie qui s'offre aux savants est simple : celle de l'exil ou celle du silence (d'où la parution de nombreux ouvrages posthumes). Dans tous les cas, le profane comme le sacré souffre d'une tragique hémorragie cérébrale et se priveront de grands esprits[2]

Un exemple d'apostasie scientifique : Jacques Ozanam qui, clerc tonsuré, abandonna l'état ecclésiastique pour pouvoir continuer à faire des mathématiques alors que sa hiérarchie le lui avait interdit.  Estimant que les mathématiques est une voie tout aussi efficace pour aller au ciel que la prêtrise, il écrivit : "Il appartient aux Docteurs de la Sorbonne de disputer, au pape de prononcer et au mathématicien d'aller en Paradis en ligne perpendiculaire"[3]. Dans toute son œuvre, à la rigueur de ses mathématiques, il ne manqua jamais d'ajouter une pointe d'anticléricalisme, parfois de bon aloi mais souvent virulent. A maintes reprises, il se moqua de l'Église. A titre d'exemple, voici l'un de ces problèmes d'arithmétiques : "Comment doivent s'y prendre 24 religieuses réparties en huit cellules de trois autour d'un carré pour recevoir la nuit 3 hommes sans que la supérieure, qui compte les présences par rangée, s'en aperçoive"[4]. Malgré son anticléricalisme il fut admis à l'Académie, section mécanique, en 1707.

Pour de nombreux savants le dilemme est vraiment… cornélien ! garder la foi et opter pour la science mais alors c'est plier sous le remords, le scrupule, la dissimulation, le danger et courir le risque de perdre sa foi… ou bien choisir la fidélité, la soumission à l'Église, accepter des conceptions scientifiques complètement dépassées et désormais parfaitement intenables du point de vue scientifique et, i,n fine, trahir la raison et… sa conscience. Quelques uns ne voulurent pas choir et, comme Pascal, ils connurent alors… la déchirure !

A charge de la Science, il faut noter que certains savants, par intérêt personnel et avidité – d'argent, de renommée, de pouvoir… - acceptèrent de trahir la Science et de jouer aux indics en dénonçant systématiquement tout contrevenant à la vraie science? Ainsi, l'abbé jean Gallois, reçu à l'Académie en 1668 –section géométrie), adversaire forcené de toute nouveauté scientifique, co-fonda le Journal des savants que le pouvoir temporel dût interdire au bout de trois mois seulement car il ne contenait aucune publication scientifique mais uniquement des… dénonciations de savants et d'ouvrages !

De nombreux docteurs de l'Église se travestirent en savants pour, usant d'un langage scientifique et se donnant les apparences de la rigueur d'un raisonnement scientifique,  s'efforcer de démontrer le fondement rationnel – et donc la vérification – de telle ou telle Vérité, de tel ou tel passage de l'Écriture, de tel ou tel principe, de tel ou tel rite… Ainsi, en 1769, le père Léon  établit une relation entre dieu et… le point mathématique ! "Puisque néanmoins, selon la maxime de Platon, tout principe est divin, le point doit porter cette haute qualité, vu que c'est par lui que commencent la ligne, le temps, les nombres, le centre et toutes choses qui en dépendent. [Il s'ensuit donc que] dieu est lui-même un centre et un point, enferme les plus grandes choses dans les petites[5]. Pour Léon, le globe, figure parfaite, était l'image de… dieu !

Autre exemple : Dans ses Éléments de géométrie, réédités en 1673, le jésuite Pardies démontre l'existence de dieu et de l'âme à partir  dans des courbes asymptotes : en effet, "… ces espaces infinis en longueur sont néanmoins égaux à un cercle ou à une autre figure déterminée : de sorte que l'Infini même, tout immense et tout innombrable qu'il est, se réduit néanmoins au calcul et à la mesure de la géométrie et que notre esprit, encore plus grand que lui, est capable de le comprendre". Il en résulte donc que… seul un dieu tout-puissant peut avoir réussi à joindre le fini et l'infini comme dans le cas des séries convergentes !

Ainsi encore Mersenne implore les libertins de prier avec ferveur afin de comprendre les théorèmes de la géométrie car hors de géométrie, point de salut mais sans foi, point de raison ![6] Et, la géométrie sous un bras, les mathématiques sous l'autre, il démontre que la géométrie des volumes peut expliquer comment la vallée de Josaphat est capable de contenir les ossements de tous les morts jusqu'au Jugement dernier ; que la géométrie dans l'espace explique l'interception des rayons de la grâce par les pécheurs ; que la vierge bénéficie d'une grâce qui progresse suivant une progression géométrique double ; que Noé a parfaitement pu construire un navire en mesure d'accueillir tous les animaux de la terre…[7]

Mais il ne faudrait pas se méprendre : l'Index, l'anathème, l'excommunication, le bûcher… ne sanctionnent pas seulement la Science et les savants. Ce que l'Église tend d'abord à réprimer – et, sur ce point, la collusion du pouvoir temporel se comprend mieux – c'est la… liberté de penser. En fait, l'ennemi principal est la libre pensée quel que soit le domaine dans lequel elle prétend s'exercer. C'est pourquoi, les sanctions pleuvent autant sur la philosophie, la métaphysique, la littérature, l'exégèse… que sur la Science.

L'Église, en se figeant dans le dogmatisme totalitaire, ne se coupe pas seulement du profane : elle se coupe du présent et renonce à  regarder l'avenir en rivant son regard sur ses seules origines. Elle renonce aussi à la modernité et accentue son décalage avec le modernisme des sciences, de la technique, des mœurs…

De 1680 à 1720, l'Église se lance dans une autre réaction : son refus acharné de la critique biblique.

Depuis les Pères[8], il était admis que plusieurs sens pouvaient être recherchés dans les Écritures à la condition définitive que cette multiplicité de sens soit effective, qu'il y ait simultanéité de cette co-existence et qu'il n'en résulte aucune exclusion mutuelle ! Ainsi, il pouvait y avoir, pour un même texte, un sens allégorique, un sens moral, un sens analogique et un sens historique[9]. Cette possibilité n'excluait pas pour autant, bien au contraire, la vérité du sens littéral. Ainsi, selon John Colet : "jamais on ne dit une chose pour en signifier une autre et la chose signifiée est celle-là même qui a été dite et le sens est absolument littéral".

Deux précisions s'imposent toutefois : cette recherche de sens était réservée aux seuls docteurs de l'Église et strictement interdite aux fidèles – au troupeau – d'une part et, d'autre part, en cas de doute et, a fortiori de conflit, c'est toujours le sens littéral strict qui devait l'emporter conformément au point de vue canonique régulièrement explicité par la hiérarchie catholique et, en dernier ressort, le pape,.

Pour les protestants, et, en particulier, Luther, il fallait s'en tenir à l'unicité de sens et donc au sens… littéral.

Mais, à s'en tenir strictement au sens littéral, invariablement, on finissait pas être confronté à un… problème : une contradiction entre tel ou tel passage des Écritures ou une contradiction entre un fait relaté par les Écritures et le livre de la nature ou… la chronologie historique.

En matière de chronologie historique, il était jusqu'alors admis que la Genèse fournissait le calendrier complet des évènements historiques depuis la création jusqu'à Jésus et que, bien entendu, ce calendrier était non seulement vrai mais le seul possible. Ainsi, en 1681, Bossuet, dans son Discours sur l'histoire universelle, pouvait, sans problème ni le moindre état d'âme, rappeler ce calendrier : création du monde en 4004 avant Jésus-Christ, déluge 1 656 ans plus tard, tour de Babel en 1757 après la Création, vocation d'Abraham en 2083 suivie par les Dix Commandements 430 ans après… certains auteur, se fondant sur une lecture littérale des textes pouvaient même être plus précis : c'est le 18 février 2304 avant Jésus-Christ[10] que Noé, à la barre de son Arche, envoie une colombe chercher une éventuelle terre émergée ; le 20 août 930 qu'Adam meurt et le 21 mars que Jésus maudit le figuier !

Mais cette chronologie pose de plus en plus problème : comment y faire entrer l'histoire égyptienne alors que celle-ci faisait état d'une liste dynastique interrompue depuis une période remontant bien au-delà du Déluge  et que certaines chroniques faisaient état de faits remontant à, au moins, 36 000 ans avant Jésus-Christ ? et les Chinois, quel problème ne posait-il pas eux, dont on connaissant la perspicacité de leurs sciences astronomique et mathématique, en faisant état de certaines traditions remontant à plus de…. dix-huit millions d'années !

En 1687, Paul Pezron réussit à gagner quelques malheureuses années en notant que, si au lieu du texte hébreu de l'Ancien testament on prenait la version grecque, dite des Septante, la création pouvait être fixée à 5 500 ans avant Jésus-Christ, ce qui pouvait, en les tassant un peu, il est vrai, faire entrer toutes les dynasties égyptiennes dans la Chronologie révélée !

Cette tentative fut cependant jugée impie car contraire à la Vulgate[11] !

D'autres voies contestataires se font entendre, toujours de religieux. Ainsi, le père Antonio Foresti dénombrait 70 datations de la création entre un minimum de 3 740  ans et un maximum de 6 984 ans avant Jésus-Christ.

Les interrogations relatives à la plausibilité – ou l'invraisemblance – de la Chronologie révélée suscitaient d'autres interrogations tout autant, voire même plus graves encore : et si Moïse n'avait été qu'un simple copieur de textes plus anciens que lui ou, au mieux, un imitateur de génie et non le véritable initiateur des civilisations antiques ? C'est la question que se posent, en 1685, John Spencer, du Corpus Christi College de Cambridge en se demandant comment un petit peuple aussi fruste que les Hébreux avait pu inventer la civilisation alors que l'on avait connaissance d'une civilisation brillante voisine, celle des Égyptiens, dont on avait par ailleurs de bonnes raisons de penser qu'elle était antérieur, et de loin, à la civilisation hébraïque ? John Spencer posait alors une autre question: et si, en définitive, les rites du Lévitique n'étaient que la copie ou l'imitation de rites plus anciens : les rites égyptiens ?

Immédiatement, les Docteurs de l'Église, même s'ils lui reconnaissent une certaine séduction, décrètent que cette thèse est… impie et mensongère.

De nombreux auteurs, athées, juifs ou même chrétiens, saisissent l'opportunité de ce questionnement tout à fait religieux pour enfoncer leur clou qui est celui d'une critique radicale de la Religion fondée sur la démonstration de la non-scientificité des fondements l'Écriture[12]. Ainsi, Hobbes, après avoir pointé les nombreuses contradictions entre le livre de la religion et celui de la nature ainsi qu'entre la Chronologie et l'Histoire, en conclut que la Bible n'est aucunement une révélation divine et qu'elle est, au plus, un témoignage sur la révélation, un témoignage, qui plus est, dénaturé et trahi par l'Église. Pour Spinoza, c'est une erreur complète que de vouloir découvrir de la science dans l'Écriture car ses auteurs, qui rapportent tout à Dieu, n'exposent jamais les causes secondes[13].

Dans les deux cas, la réaction de l'Église est la même : condamnation et mise à l'Index[14].

C'est dans ce contexte qu'intervient la révolution de Richard Simon. Né en 1638 à Dieppe, d'origine modeste, Richard Simon fait rapidement preuve d'une brillante intelligente. Repéré par le prêtre de la paroisse, il poursuit des études religieuses et entre dans l'ordre des oratoriens en 1662. On disait de lui que c'était un homme laid, à la voix criarde, doté d'un caractère exécrable mais d'une distinction universelle. Maîtrisant de nombreuses anciennes langues orientales, il dévore une multitude de livres, dont bon nombre sont jugés hérétiques. Philologue, grammairien, historien avant d'être théologien, il se montre rapidement insatisfait des traductions  officielles des textes saints dont il peut disposer. Considérant qu'un texte original déformé, mal traduit, mal compris ne peut fonder que des interprétations erronées, il déclare qu'il faut retourner aux sources originales et originelles et se lance donc dans un travail d'exégèse universelle

Il considère également que, pour comprendre un texte, il ne suffit pas d'en respecter scrupuleusement la structure, il faut aussi en faire l'histoire : établir qui l'a écrit, dans quelles circonstances, à quelle époque, dans quel but ; voir s'il a été modifié ou non par la suite, volontairement ou non…

Son travail minutieux l'amène à des constatations… révolutionnaires. Ainsi, il démontre que le Pentateuque, constitué de 5 livres, n'a pas pu être écrit par Moïse puisqu'on y trouve des citations, des proverbes, des tournures, un style… qui lui sont postérieurs – et de loin – et que, de plus, on y décrit… ses funérailles. Il démontre en outre qu'il y a eu plusieurs strates rédactionnelles du Pentateuqe et que, au fur et à mesure des ajouts qui ont été effectués, des erreurs, volontaires ou non, ont été commises. Sa démonstration est implacable du point de vue de la grammaire et de la sémantique.

Richard Simon n'en conclut pas pour autant que le Pentateuque est un ensemble incohérent sans aucune valeur. Il considère qu'il s'agit bien d'un texte inspiré mais que cette inspiration a touché plusieurs rédacteurs et plusieurs copistes et on un seul homme, Moïse. Pour lui, la seule conséquence logique et nécessaire est l'impossibilité de procéder à une interprétation littérale du texte[15] et que pour l'interpréter avec pertinence il faut d'abord le… comprendre. Paradoxalement, malgré l'innovation de son exégèse, Richard Simon, en définitive, se montre un farouche partisan de la tradition[16] et un adversaire acharné du protestantisme.

Son Histoire critique du Vieux Testament semblait être promu à un brillant avenir puisqu'elle reçut d'emblée l'accord des censeurs, le privilège royal[17], l'aval du supérieur de l'Oratoire, la promesse d'une dédicace royale (Louis XIV)… Mais la vue perçante de rapace de l'Aigle de Meaux, Bossuet, veillait au grain.

Le 28 mars 1678, Bossuet prend connaissance de la table des matières de l'ouvrage qui est alors sous presse. La seule lecture de cette table le convainc de ce que cet ouvrage n'est qu'un "amas d'impiété et un rempart de libertinage". Jouant de ses entrées en cour, il obtient immédiatement l'annulation de l'imprimatur royale et, le 21 mai, l'exclusion de son auteur de l'Oratoire. Deux exemplaires de l'ouvrage ont pu être sauvés des flammes et acheminés en Angleterre où ils serviront à l'édition hollandaise de 1679, ce qui suscitera sa mise à l'Index en 1682.

Entêté, Richard Simon poursuit son travail d'exégèse  et publie successivement une Histoire critique du Nouveau Testament en 1689 ; une Histoire critique des versions du Nouveau Testament en 1693, une Histoire critique des commentaires du Nouveau Testament en 1693, sa propre traduction du Nouveau testament en 1702. A chaque fois, l'œuvre est aussitôt mise à l'Index car Bossuet est toujours aussi vigilent.

Pour Bossuet le respect de la lettre doit l'emporter sur toutes les autres considérations car "autrement, on tombe dans [on ne sait] quel jargon, auquel on donne le nom de spiritualité".

La révolution de Simon et donc son impiété est d'avoir eu l'audace d'appliquer à des textes sacrés les mêmes méthodes critiques que pour un texte profane et d'avoir considéré que, pour se fonder en raison, la théologie, doit se soumettre aux lois de la grammaire et de la sémantique !

En revanche, pour Bossuet, qui ne connaît pas l'hébreu, il est inutile de se fonder sur la grammaire et la sémantique et de maîtriser les langues anciennes quand on a derrière soi l'Autorité des Pères de l'Église et la Tradition. Les textes sacrés doivent donc être acceptés intégralement, dans leur sens littéral, parce qu'ils sont l'expression de la parole divine. Pour lui, il n'y a aucun doute : le Pentateuque a bien été écrit par un seul homme, Moïse, sous la dictée directe de dieu. Or, que signifient la grammaire et la sémantique pour dieu ?… rien. On ne doit pas – parce qu'on ne peut pas – expliquer un texte signé de dieu lui-même ![18].

Bossuet, par sa vigilance traditionaliste, conforte l'Église dans sa fermeture à la modernité, son arrogante autorité, son dogmatisme totalitaire…, avec tant d'autres, creuse davantage le gouffre séparant la religion de la science, le sacré du profane  et continue de saigner l'Église et les pays catholiques de ses esprits les plus prometteurs[19].

Attardons-nous un peu sur Bossuet.

Quand, en terre protestante,  Isaac Newton publie, en 1687, ses Principes de philosophie naturelle, Bossuet met le point final à son Histoire des variations des églises protestantes. D'un côté, une révolution scientifique qui allait initier une accélération phénoménale du progrès scientifique et technique, de l'autre des considérations sur la décadence et les absurdités du monde protestant assortie d'une apologie de l'immobilisme comme le plus grand titre de gloire de "l'Église catholique immuablement attachée aux décrets une fois prononcés sans qu'on y puisse montrer la moindre variation depuis l'origine du christianisme" ! Alors que Copernic, Galilée, Copernic… figuraient à l'Index, au nom de principes éternels et immuables et que le monde protestant s'ouvrait chaleureusement à l'attraction universelle et finissait de se donner à la raison…, l'Église regardait son nombril en considérant que c'était bien à le centre de la pensée universelle et les pays catholiques se soumettaient servilement à la foi. D'un côté une pensée libre, de l'autre une pensée asservie. Raison et foi. Science et religion. Progrès et immobilise. Révolution et réaction. Recherche de vérités démontrables et provisoires et tradition d'une imposture éternelle…

Le schisme scientifique entre pays protestants et pays catholiques s'aggrave : si entre 1520 et 1540 il y a eu autant de savants catholiques que de scientifiques protestants, entre 1580 et 1600 les seconds sont six fois plus nombreux – et de plus grande valeur -que les premiers alors que la population des pays catholiques est bien plus importante que celle des pays protestants...

A l'opposé de Bossuet, en Angleterre, le chancelier Bacon récuse tout argument d'autorité de la part de l'Église et tout obstacle, toute limitation, toute prescription… théologique à la Science. Pour lui, pas plus Aristote que l'Église ne doivent arrêter le savant dans sa démarche. Le scientifique n'est pas guidé et orienté par des dogmes – et, a fortiori, une Vérité, voire La Vérité – mais par l'expérience, l'observation, le doute… la raison.

Newton publie donc ses Principes de philosophie naturelle en 1687. L'œuvre de Newton n'est pas sans ambiguïté  puisque 70% de ses écrits sont consacrés à… la théologie. En fait, en élaborant sa théorie de la gravitation Newton poursuivait un but bien particulier : lutter contre l'athéisme, le matérialisme, le scepticisme, le déisme, le panthéisme… Sa théorie avait donc pour objectif de resituer, sur des bases scientifiques, l'action de dieu dans l'univers, une action se présentant comme une base distincte, permanente et indispensable. Newton, en fait, se disait autant théologien que scientifique car, pour lui les lois de la nature n'étaient que l'expression mathématique de la volonté divine. Pour Newton, il était impensable d'attribuer à la matière une capacité autonome d'agir à distance ; l'attraction n'était donc qu'un phénomène spirituel : l'action de divine[20].

Richard Bentley, futur évêque de Worcester, s'empressa de se saisir de la théorie de Newton pour la mettre au service de la foi comme démonstration scientifique de l'existence de dieu[21]. Mais l'Église n'eut même pas cette intelligence cynique de saisir cette opportunité dans la mesure où la théorie de Newton contredisait Aristote  et lança ses fidèles soldats – les jésuites – contre cette nouvelle… imposture.

 Leibniz s'empressa de désacraliser,  de dédiviniser la théorie de la gravitation : "Monsieur Newton dit que l'espace est l'organe dont dieu se sert pour sentir les choses. Mais s'il a besoin de quelque organe pour les senti, elles ne dépendent donc pas entièrement de lui et ne sont point sa production". Il ajoutait : "Je tiens, quand dieu fait des miracles, que ce n'est pas pour soutenir les besoins de la nature, mais pour ceux de la Grâce. En juger autrement, ce serait avoir une idée fort basse de la Sagesse et de la Puissance de dieu".

Voltaire, qui ne voulait pas de la mort de dieu pour des raisons de cynisme politique et qui avait donc opté pour le déisme, ne pouvant tout de même plus accepter le dieu de Rome et, ipso facto, l'Église de Rome avec son cortège d'abus, d'interdits, d'intolérance…, se rallia aussitôt à Newton dont le dieu, en définitive, pouvait très bien être celui auquel il aspirait sous le nom de Grand Horloger. Pour Leibniz, cette nouvelle avancée de la science démontrait que, en définitive, dans le sillage de Laplace, l'hypothèse dieu était décidément… inutile.

Malgré tous ses efforts théologiques, sous la pression des réfutations et condamnations religieuses – catholiques en premier chef – et du dogmatisme de certains savants qui s'en tenaient à la métaphysique d'Aristote comme seul mode de lecture scientifique du livre de la nature, et avec le concours de tous les scientifiques qui s'empressèrent de lui emboîter le pas, Newton, en définitive, malgré lui, obtint l'effet inverse de son intention initiale : la gravitation finit par devenir une simple propriété de la matière, une matière qui, désormais, était de nature… atomique obéissant à des lois naturelles qui, fonctionnant d'elles-mêmes, n'avait nulle besoin d'un quelconque horloger pour être régulées.

La réfutation de Newton ne fut pas vraiment le grand cheval de bataille de l'Église car celle-ci, sous la houlette de Bossuet, Fénélon, Malebranche, Arnaud, Quesnel et des soldats de dieu, a des sujets de préoccupation bien plus importants : la Déclaration des quatre articles, la signature du Formulaire anti-janséniste, la révocation de l'Édit de Nantes, la querelle du quiétisme, la destruction de Port Royal et, pour parachever le tout, la bulle Unigentus.

C'est pourquoi, en définitive, le calcul infinitésimal de Leibniz, les orbites des comètes de Halley, la machine à vapeur de Newcomen…, tout comme la théorie de la gravitation ne méritèrent pas véritablement son attention.

En 1690, dans son Essai sur l'entendement humain, John Locke théorise la séparation entre la raison et la foi et, en même temps, les limites de cette dernière. Il appelle alors savants et théologiens à une modestie raisonnable : il faut définitivement renoncer à la prétention métaphysique, profane ou sacrée, d'une explication universelle et d'une Vérité absolue car l'esprit humain n'est capable d'entrevoir et de comprendre que de tout petits fragments de vérités en ce sens que, à partir de ses sensations, l'homme bâtit des raisonnements et des idées sans pour autant pouvoir connaître les causes véritables des phénomènes. "La connaissance n'est autre chose que la perception de la liaison et de la disconvenance qui se trouvent entre deux de nos idées".

Pour Locke, nous sommes enfermés dans notre entendement et la révélation ne peut être autre chose que la simple foi dans le Christ. Rites et dogmes ne sont pas divins mais des ajouts humains. Foi et raison sont deux voies d'accès à la vérité, une vérité forcément réduite. La raison sert à acquérir "la probabilité des proportions ou vérités que l'esprit vient à connaître par des déductions tirées d'idées, qu'il a acquises par l'usage de ses facultés naturelles, c'est-à-dire par sensation ou réflexion" et la foi est l'"assentiment qu'on donne à toute proposition qui n'est pas ainsi fondée sur les déductions de la raison mais sur le crédit de celui qui les propose comme venant de la part de dieu par quelque communication extraordinaire", sachant que "cette manière de découvrir des vérités aux hommes, c'est ce que nous appelons la révélation"[22].

Mais c'est en s'appuyant sur Locke, que l'on ne peut qualifier d'anti-religieux et, a fortiori d'athée, et sur les récentes découvertes scientifiques, dont celles de Newton, que John Toland, irlandais catholique converti au protestantisme et selon certains ivre de raison, publie, en 1696, son Christianity not Mysterious dans lequel il rejette tout à la fois le papisme et l'anglicanisme pour établir le panthéisme[23]  qui est une foi religieuse fondée sur l'adhésion à l'ordre universel soumis aux seules lois naturelles qui sont rationnelles par essence. Pour Toland, les rites et les dogmes sont à jeter ; les miracles ne sont que des impostures et tout peut et doit avoir une explication… naturelle. C'est pourquoi, la Raison doit être la maîtresse absolue de la science comme de la foi.

Pierre Bayle, autre transfuge du catholicisme vers le protestantisme, célébra à sa manière la révocation de l'Édit de Nantes en considérant que, désormais, "un honnête homme devrait regarder comme une injure d'être appelé catholique" et, avec son Dictionnaire historique et critique, dresse l'un des plus violents et accablants réquisitoires que l'ont ait jamais dressé contre l'imposture religieuse. Il nie le miracle et le surnaturel ; il dénonce le caractère mensonger et hypocrite de la Tradition ; traque dans l'histoire les illusions, les erreurs, les turpitudes, le cynisme, le machiavélisme, et les… crimes de la religion. Et s'il admet que la foi peut-être une voie d'accès à la raison il la subordonne, in fine, à la raison qui seule, véritablement, permet d'accéder à la vérité et de la comprendre vraiment. La lecture de la Bible ne saurait être que rationnelle et l'Écriture ne saurait s'opposer à l'évidence rationnelle : "Je sais bien qu'il y a des axiomes contre lesquels les paroles les plus expresses et les plus évidentes de l'Écriture ne gagneraient rien, comme que le tout est plus grand que sa partie ; que si de choses égales on ôte des choses égales, les résidus sont égaux ; qu'il est impossible que deux contradictions soient véritables ; ou que l'essence d'un sujet subsiste réellement après la destruction du sujet. Quand on montrerait cent fois dans l'Écriture le contraire de ces propositions ; quand on ferait mille et mille miracles, plus que Moïse et que les Apôtres, pour établir la doctrine opposée à ces maximes universelles du sens commun, l'homme fait comme il n'en croirait rien ; et il se persuaderait plutôt, ou que l'Écriture ne parlerait que par métaphores et par contre-vérités, ou que ces miracles viendraient du démon, que de croire que la lumière naturelle fut faussée dans ces maximes. Il faut nécessairement en venir là, que tout dogme particulier, soit qu'on l'avance comme contenu dans l'Écriture, soit qu'on le propose autrement, est faux lorsqu'il est réfuté par les notions claires et distinctes de la lumière naturelle, principalement à l'égard de la Morale[24]".

En 1704, dans sa Réponse aux questions d'un provincial, Bayle accentue la séparation entre raison et foi en les déclarant totalement et définitivement inconciliables : l'acte de foi, origine de la croyance, ne relève pas de l'usage de la raison et, de plus, pose des questions qui restent sans réponses rationnelles : le mal, l'injustice, la liberté…

A force de dénoncer autant de mensonges, d'hypocrisie, d'impostures… Bayle en arrive naturellement au… scepticisme puisque, en définitive, renouant ainsi avec le socratisme, la certitude que nous puissions avoir est que… nous ne savons rien[25]. Et range la foi dans l'irrationalité, la superstition, l'incompréhensible,… la préhistoire de la pensée.  L'influence de Bayle fut considérable  sur tout le XVIIIème  siècle.

En Angleterre, en 1713, Anthony Collins publie son Discours sur la liberté de penser, écrit à l'occasion d'une nouvelle secte d'esprits forts ou de gens qui pensent librement[26]et fonde ainsi… la Libre Pensée. Pour lui, l'homme doit rejeter tout préjugé et n'accepter que ce qui est rationnel et raisonnable. Le révérend Samuel Clarke, qui s'efforçait de rétablir la démarche théologique de Newton et de sa théorie de la gravitation, l'accusa d'être de peu de foi. Collins le remercia de ce… compliment et stigmatisa son… incurable orthodoxie !

De son côté, toujours au nom de la Raison, Matthew Tindal, dans son Christianity as Old as Creation, introduisit la notion d'Être Suprême[27] comme fondement du déisme en tant que culte de la Raison.

En 1686, Jean Chardin, dans son Journal du voyage du chevalier Chardin en Perse, établit que, pour progresser dans la connaissance il faut commencer par douter et, sans cesse… douter : "Le doute est le commencement de la science ; qui ne doute de rien n'examine rien ; qui n'examine rien ne découvre rien ; qui ne découvre rien est aveugle et demeure aveugle".

A cette époque, les mathématiques, longtemps utilisés par la science religieuse comme outil rationnel de démonstration de la Vérité révélée, se retourne contre la religion. Ainsi, certains mauvais esprits s'étaient plu à calculer le volume de chair nécessaire à la résurrection des morts pour en arriver à la conclusion que cette résurrection était impossible car elle représenterait une masse supérieure à celle de la Terre ! Et le géomètre Tyssot de Patot s'exclamait : "Il y a tant d'années que je me promène dans les chemins vastes et éclairés de la géométrie, que je souffre qu'avec peine les sentiers étroits et ténébreux de la religion… Je veux de l'évidence ou de la possibilité partout[28]".

De leur côté, les libertins, se fondant sur les théories de Gassendi,  procèdent à une critique de moins en moins discrète de la religion. Ainsi, François Bernier, en 1764, dans son Abrégé de philosophie de Monsieur Gassendi : "Il y a plus de trente ans que je philosophe, très persuadé de certaines choses et voilà cependant que je commence à en douter". D'ailleurs, plus il réfléchissait à dieu et plus il trouvait la question… obscure ! Jean Dehénaut, lui, affirmait sans ambages : "Tout meurt en nous quand nous mourons ; / La mort ne laisse rien et elle n'est rien elle-même" 

Ainsi, pour de nombreux scientifiques, philosophes, écrivains…, désormais, dieu sera rationnel ou… ne sera pas.

C'est à cette époque que, dans la plus totale discrétion, de 1718 à 1729, Jean Meslier, curé d'étrépigny, écrivit son fameux Mémoire qui reste l'in des plus implacables réquisitoires contre la religion.

Ainsi, de 1620 à 1630, lors de la naissance de la science moderne[29], l'Église se fige dans le dogmatisme et condamne toutes nouvelles connaissances, théories, hypothèses, idées… qui ne sont pas strictement conformes aux dogmes et de 1670 à 1680 elle s'oppose à toute analyse scientifique de l'Écriture alors qu'une telle exégèse lui aurait permis de dépoussiérer la révélation et la rendre plus compatible avec les progrès des connaissances scientifiques.

En même temps, de 1670 à 1780, l'Église se retire dans le désert théologique puisqu'elle consacre tous ses efforts à la lutte contre le jansénisme et le quiétisme s'interdisant par là-même toute réflexion théologique tant soit peu innovante ou, plus simplement, moderne.

Selon Voltaire, la mesquinerie de ses querelles religieuses fait que l'Église faillit à sa mission qui est un devoir de réponse aux attaques déistes, voire athées des auteurs anglo-saxons. Il en conclura qu'il n'y a d'autre solution que "d'étrangler le dernier jésuite avec les boyaux du dernier janséniste".

Ainsi, alors, nombreux sont les raisonneurs : les philosophes, les scientifiques, les jansénistes, les jésuites, les libertins, le pouvoir temporel – et, notamment, la monarchie absolu -… Partant tous de prémisses différentes ils aboutissent nécessairement à des conclusions différentes, antagonistes et, en définitive, le triomphe du XVIIIème siècle sera plus celui du… scepticisme que de la raison.

Le sceptique par excellence, bien entendu, est David Hume qui, dans son Traité de la nature humaine, paru de 1739 à 1740, fait reposer toutes nos connaissances sur la simple habitude que nous avons de constater des corrélations entre les phénomènes et qui considère que l'empirisme, comme seule voie d'accès à la connaissance, dont nous disposons, ne permet pas de prouver la preuve de l'existence de dieu et de fonder une théologie qui serait la démonstration de cette preuve. En 148, dans sa Recherche sur l'entendement humain, il précise sa pensée : "Quand nous examinons des bibliothèques, persuadé de ce principe, c'est à une véritable destruction que nous nous livrons. Si nous prenons en main un volume quelconque, de théologie ou de métaphysique scolastique par exemple,  demandons-nous : contient-il un raisonnement abstrait concernant une quantité ou un nombre ? Non. Contient-il un raisonnement fondé sur l'expérience concernant des faits pratiques ou l'existence ? Non. Livrez-le aux flammes, car il ne peut contenir que des sophismes et des illusions".

Condillac, en  1746, dans son Essai sur l'origine des connaissances humaines, fondait toutes les connaissances sur la sensation. En 1754, dans son Traité des sensations, il affirmait l'impossibilité de connaître les choses en elles-mêmes : "Ces idées ne nous font point connaître que les êtres sont eux-mêmes ; elles ne les peignent que par les rapports qu'ils ont à nous, et cela seul démontrer combien sont superflus les efforts des philosophes, qui prétendent pénétrer dans le nature des choses".

Ainsi, avec l'essor prodigieux des connaissances scientifiques naît une nouvelle science : l'épistémologie qui est une réflexion tout autant rationnelle – scientifique – que morale sur la connaissance en soi et le processus cognitif lui-même.

Cette nouvelle démarche trouve son aboutissement – provisoire – avec Kant et sa Critique de la raison pure parue en 1781. Pour Kant, empreint d'une profonde culture scientifique – newtonienne en particulier – et d'un piétisme religieux d'une grande rigueur, l'esprit humain, dont l'activité consiste à organiser à l'aide de catégories a priori  de la raison la perception des phénomènes, a des limites précises qu'il ne peut ne doit dépasser. Il en conclut au fondement de l'autonomie de la science par rapport à la foi et à l'impossibilité pour la science de prétendre à la connaissance de la réalité profonde.

Ainsi, pour Kant, le rationalisme aboutit à cette piètre conclusion : la science ne peut accéder qu'aux apparences tandis que la connaissance de dieu, échappant à la raison, ne peut être acquise que par… la révélation !

Dans ce mouvement de pensée profane relative au livre de la nature et, de plus en plus, à la connaissance et, au-delà, à l'homme, la pensée religieuse[30]emprunte trois voies parallèles : le piétisme, qui est le renoncement définitif à une foi rationnelle et la primauté du rapport direct, intime, subjectif et affectif à dieu fondé sur l'Écriture ;  le déisme qui s'efforce d'établir un concordat entre science et foi – plus que religion au sens d'Église – avec, toutefois, une primauté donnée à la raison par rapport à la foi, ce qui aboutit à la notion de Grand Horloger ou d'Être Suprême, c'est-à-dire à une religion abstraite, rationnelle et sans dogmes[31] ; enfin, l'orthodoxie, qui est la soumission inconditionnelle aux dogmes, aux rites et à la hiérarchie et qui, en cas de conflit entre la science et la religion considère que celle-ci a nécessairement raison puisqu'elle détient la Vérité. Le premier courant est protestant ; le second se situe en dehors de toutes Églises et le dernier, bien entendu, est catholique, apostolique et romain.

Le courant romain ne fait pas dans la nuance : Locke, Berkeley, Hume, Kant, Condillac, Bayle, Algarotti[32], Simon, Voltaire, Diderot, Rousseau, d'Holbach, Condorcet, Helvétius, Jean Dehénaut, Tyssot de Patot, Matthew Tindal, Anthony Collins, John Toland… sont tous mis à l'Index alors que nombreux sont les orthodoxes qui regrettent que cette indexation n'ait pas été assortie d'une mise au bûcher de tous ces impies.

La science catholique n'a pas pour autant disparu et contribue régulièrement à la production de nouvelles connaissances scientifiques. Ainsi, en 1732, l'abbé Pluche, dans son Spectacle de la nature ou Entretiens sur les particularités de l'histoire naturelle qui ont paru les plus propres à rendre les jeunes gens curieux et à former l'esprit[33], fait œuvre d'encyclopédiste pour démonter l'origine divine de tous les phénomènes naturels : les animaux carnivores ont été créés pour peupler les endroits déserts et punir les hommes méchants ; les animaux domestiques pour offrir leurs services aux hommes; les insectes du désert pour nourrir les anachorètes ; les tarets qui rongent les coques des navires et les piloris des ports pour donner du travail aux bûcherons suédois et aux ramasseurs de poix moscovites ; dieu a donné à la Terre un axe vertical pour que nous puissions avoir un printemps éternel mais, malheureusement, le péché d'Adam a eu pour effet d'incliner cet axe et de nous condamner au cycle des saisons ; dieu a créé les marées pour faciliter le retour au port des navires…!

Bernardin de Saint-Pierre va dans le même sens : la forme des melons a été fixée par dieu pour faciliter leur découpe en parts égales ; les puces ont une couleur foncée pour les rendre plus facilement repérables sur un pelage clair[34]… De même Clément de Boissy : dieu a disposé les minerais à des profondeurs variables en fonction de leur utilité ; la théorie de Newton ? la démonstration de ce que dieu a créé les mouvements célestes pour nous faire bénéficier de toutes les positions possibles du soleil et de la lune et, ainsi, pour améliorer le confort des hommes… Pour le pasteur F.C. Lesser[35] : dieu a créé les sauterelles pour assurer la survie de Jean-baptiste ; les animaux nuisibles l'ont été pour punir les hommes de leurs péchés et leur servir de châtiment ; les insectes les plus nocifs sont aussi les moins féconds, ce qui atteste de la magnanime bonté de dieu…[36]

Tous les religieux, y compris les déistes et les panthéistes, s'extasient devant ce perpétuel émerveillement qu'est le spectacle de la nature dont le moindre phénomène est la preuve de l'existence de dieu – ou, suivant, du Grand Horloger, du Grand Tout, du Grand Architecte, de l'Être Suprême[37].

Bien que baignant dans les superstitions de l'époque, certains auteurs font preuve de véritables visions au regard de l'état des sciences. Ainsi, selon Benoît de Maillet, la vie n'est pas née d'une création brutale mais d'une longue évolution et sa première forme a été marine, pour preuve… les sirènes et les hommes-poissons[38] tandis que pour Robinet tous les êtres se sont formés par une longue évolution qui n'a rien de divine puisqu'elle a été soumise aux seules contraintes de la nature, pour preuve : les cailloux fossiles à forme de végétaux ou d'animaux qui sont des ébauches de création à laquelle la nature a finalement renoncé[39] .

En 1786, dans son mémoire sur l'équation séculaire de la lune, Laplace, au vu de l'état d'avancement des connaissances scientifiques et de ses perspectives en arrive à la conclusion que l'hypothèse dieu n'est plus nécessaire.

Il faut dire que, à ce moment, un nouveau coup dur est porté à la Vérité révélée et à la science religieuse : Caspar Friedrich Wolff dans son Theoria generationis (1759) et son De formatione intestitorum (1768) anéantissait la théorie des germes préformés et emboîtés sur laquelle la science religieuse se fondait pour expliquer la transmission du péché originel depuis Adam. En effet, il démontre que les organes résultent d'un développement progressif : l'épigenèse. Sa théorie fut rapidement démontrée expérimentalement puisque, en 1763, Jacobi réalisa la première insémination artificielle – en l'occurrence de poissons – de l'Histoire  et que Spallazani procédait à des fécondations artificielles de grenouilles, puis de chiens.

Mais d'autres attaques se produisent tant de l'extérieur qu'à l'intérieur de l'Église :  Benoît de Maillet, en 1748, en niant la possibilité d'un déluge universel, suggérait que les jours de la Genèse devaient être en fait des ères géologiques ; en 1752, Guettard démontrait que les monts d'Auvergne étaient des volcans éteints, que la nature n'était donc pas ce quelle avait toujours été, que s'il y avait une évolution de la nature, notamment dans sa forme minérale, il devait donc y en avoir eu une pour les hommes et que, en définitive, l'idée de Création n'avait aucun fondement rationnelle ou que, à tout le moins, elle était trop contredite pour pouvoir être tenue pour vraie. Diderot, en 1754, dans son Interprétation de la nature, établissait l'impossibilité d'un chaos primitif puisque la gravitation était inhérente à la matière…

Face à ces attaques, l'Église s'en tient à la Vérité révélée : tout ce qui ne concorde pas avec l'Écriture n'est que mensonge puisque l'Écriture est la Vérité révélée de dieu ! L'Église multiplie donc la publication d'ouvrages apologétiques – 90 pour la seule année 1770 – qui sont autant de tentatives de réfutation des connaissances scientifiques. Ouvrages de défense qui montre bien que, désormais, l'Église est un camp assiégé qui a perdu l'initiative et qui, ne pouvant plus priver, se contente de contre-dire, de réfuter au nom d'une Écriture qu'elle interdit de remettre en question ou même seulement de… comprendre dans sa signification et son intention originelles !

Jusqu'en 1758, l'Église tolère l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonnée des sciences, des arts et des métiers qui, à l'origine, répondait au désir d'actualiser et d'étoffer la Cyclopoedia or Universal Dictionary of the Arts and Sciences de Ephraïm Chambers parue en 1728. Pourquoi cette tolérance[40]? Tout simplement, parce qu'au début l'Encyclopédie n'est qu'un simple almanach des connaissances scientifiques et des réalisations techniques. Elle n'est ni une réflexion sur la connaissance, profane ou religieuse, ni une critique des connaissances.

Mais tout change avec la publication de l'article De l'esprit d'Helvétius et le remplacement de Benoît XIV, esprit curieux ouvert aux sciences, par Clément XIII : l'Encyclopédie est alors mise à l'Index le 5 décembre 1758 tandis que les encyclopédistes commencent à subir les foudres de la persécution temporelle.

L'article d'Helvétius consacre bien un tournant de l'entreprise encyclopédique puisque, sans combattre ouvertement la foi, il fait complaisamment état de toutes les convictions différentes de l'orthodoxie religieuse et insiste même sur celles qui lui sont particulièrement opposées.

La condamnation de l'Église est universelle et ce sont les 35 volumes de l'Encyclopédie qui sont mis à l'Index, y compris ceux n'ayant aucun enjeu théologique ou même seulement philosophique comme les planches techniques[41].

En 1749, Buffon avait publié le second volume de son Histoire naturelle. Le 15 janvier 1751, la faculté de théologie de Paris condamne ses "principes et […] maximes qui ne sont pas conformes à ceux de la religion", à savoir : l'érosion du relief terrestre par les mers ; la possibilité que la terre et les planètes ne soient que des morceaux détachés du Soleil ; l'état de liquéfaction brûlante dans laquelle se trouvait la terre lors de son détachement du Soleil ; la possibilité pour le Soleil de s'éteindre faute de matière combustible ; la multiplicité des vérités et donc un principe général du relativisme, dans le temps comme dans l'espace ; la subordination de l'accès à la connaissance à l'évidence mathématique et à la certitude physique…

Considérant que "mieux vaut être plat que pendu", Buffon s'empresse de remercier les théologiens de la perspicacité et de la luminosité de leurs judicieuses remarques ainsi que du bienveillant intérêt dont ils ont ainsi fait preuve à son égard et s'engage à insérer le commentaire suivant lors de la prochaine édition de son ouvrage : "Je déclare […] que je n'ai aucune intention de contredire le texte de l'Écriture ; que le crois toujours fermement tout ce qui est rapporté sur la création, soit pour l'ordre des temps, soit pour les circonstances des faits ; et que j'abandonne ce qui, dans mon livre, regarde la formation de la Terre, en en général tout ce qui pourrait être contraire à la narration de Moïse, n'ayant présenté mon hypothèse sur la formation des planètes que comme une pure supposition philosophique". Il ajoutait : "Pour ce qui est de la question des vérités, vous avez tout à fait raison : il y a des vérités certaines et éternelles, surtout en métaphysique et en morale". Le 4 mai, la faculté lui fit part de son contentement devant sa juste contrition et l'autorisait à poursuivre son œuvre.

Outre qu'il ne s'était pas engagé à retirer les principes et maximes mensongers mais à les compléter d'un commentaire les désavouant (!?!), Buffon persiste et signe en publiant en 1776, ses Époques de la nature où, en étudiant les couches géologiques sédimentaire et la vitesse de sédimentation des fonds marins, il évalue l'âge de la terre a au moins 75 000 ans. Toutefois, devançant la réaction théologique à une datation contraire à la Chronologie officielle, Buffon ajoute un commentaire : "Avant d'aller plus loin, hâtons-nous de prévenir une objection grave qui pourrait même dégénérer en imputation. Comment accordez-vous, dira-t-on, cette haute ancienneté que vous donnez à la matière, avec les traditions sacrées, qui ne donnent au monde que 6 ou 8 000 ans ? Quelques sortes que soient vos preuves[42], quelque fondés que soient vos raisonnements, quelque évidents que soient vos faits, ceux qui sont rapportés[43] dans le livre sacré ne sont-ils pas encore plus certains[44] ? les contredire, n'est-ce pas manquer à dieu, qui a eu la bonté de nous les révéler ?". Bossuet se répond alors à lui-même : notre respect pour l'Écriture doit être éclairé et non superstitieux et l'interprétation, fondée sur le raisonnement et les faits, de l'Écriture n'est pas la contradiction de cette même Écriture. Ainsi, les jours de la Genèse, en fait, sont des ères du livre de la Nature. Sa théorie ne contredit pas l'Écriture : elle la traduit en langage rationnel.

Buffon jouit d'une double chance : son œuvre est beaucoup plus discrète que celle de l'abbé Pluche et en 1778 on n'est plus en 1633. Il n'encourt donc plus l'exécution, l'emprisonnement ou la résidence surveillée mais seulement la censure ! D'ailleurs, toujours fortement épris de la vie et fort attaché à sa vie, il acceptera de se soumettre une seconde fois à l'injonction théologique. Il fera d'ailleurs même un peu de surenchère dans la vraie science catholique en démontrant ainsi la réalité des 969 ans de Mathusalem : "C'est que la surface du globe était moins solide après la Création qu'elle ne l'est au XVIIIème siècle. Donc, ses productions devaient être plus souples, plus susceptibles d'extension et les os et les muscles n'arrivaient à leur développement qu'après 120 ou 130 ans ! La durée de la vie aurait diminué peu à peu, à mesure que la terre prenait de la solidité par l'action continuelle de sa pesanteur"[45].

Dans son Histoire naturelle, Buffon se laisse aller à réfléchir sur la théorie du transformisme intégral énoncée par Maupertuis en 1754 dans son Essai sur la transformation des corps organisés : "L'âne et le cheval sont-ils de la même famille, comme le veulent les nomenclateurs ? S'ils le sont vraiment, ne pourra-t-on pas également que l'homme et le singe ont eux aussi une origine commune ? Et, tenant compte de la conformité essentielle de la nature qui se maintient de l'homme jusqu'aux Mammifères, des Mammifères jusqu'aux Oiseaux, des Oiseaux jusqu'aux reptiles, des reptiles jusqu'aux Poissons, ne pourra-t-on regarder tous les animaux "comme ne faisant que la même famille", et supposer que tous y sont venus d'une même animal qui, dans la succession des temps, a produit, en se perfectionnant et en dégénérant, toutes les races des autres animaux… Il n'y aurait plus de bornes à la puissance de la nature, et l'on aurait tort de supposer que, d'un seul être, elle a su tirer, avec le temps, tous les autres êtres organisés"[46].

En 1757, Benoît XIV fait une concession à la science en autorisant l'interprétation symbolique des passages de la Bible relatifs aux mouvements du Soleil et, de ce fait, en admettant le mouvement de la terre et l'immobilité du Soleil. Il faut dire que trop de preuves se sont accumulées pour que l'Église puisse, en toute crédibilité, continuer de refuser l'héliocentrisme[47] et que, en définitive, l'héliocentrisme ne remet pas en cause un dogme beaucoup plus fondamental, celui de la Création et donc la Vérité de la Genèse.

Or, alors que la Chronologie officielle s'en tient toujours, au plus, à 6 000 ans, la géologie, avec la multiplication de découvertes,  est de plus en plus questionnante, dérangeante : comment faire entrer dans 6 000 ans création formation des terrains, dépôts des fossiles, stratifications, apparition de la vie, proto-histoire, pré-histoire et histoire ? Toute question relative à l'âge de la Terre est une remise en cause de la Création.

Buffon évoquait déjà une histoire géologique de 75 000 ans mais, en privé, parlait d'au moins un million d'années pour le seul refroidissement de la Terre depuis son détachement du Soleil ; Diderot avançait l'idée de millions d'années, Rousseau, celle de milliers de siècles[48], Helvétius d'une infinité de siècles, Hume de très longues périodes dans l'art de fabriquer des mondes…

D'Holbach décrit les perpétuelles transformations du cosmos représentant une période considérable : "Des soleils s'éteignent et s'encroûtent, des planètes périssent et se dispersent dans les plaines des airs ; d'autres soleils s'allument, de nouvelles planètes se forment pour faire leurs révolutions ou pour décrire de nouvelles routes, et l'homme, portion infiniment petite d'un globe, qui n'est lui-même qu'un point imperceptible dans l'immensité, croit que c'est pour lui que l'univers est fait".

Hutton, géologue anglais, en 1788, dans sa Théorie de la terre affirme que nulle part on ne trouve trace d'un… commencement et, en 1794, Erasmus Darwin[49], dans sa Zoonomia, évoquait l'idée d'une vie apparue sur Terre des milliers d'années avant l'apparition des premiers hommes.

Même si certains grands esprits continuent de se fourvoyer dans des superstitions et aberrations géologiques[50], les attaques sont rudes. La science religieuse est obligé de donner de l'artillerie et d'y aller de sa géologie orthodoxe : Johann Scheuchzer, dans ses Piscium querelae et vindiciae, fait parler les poissons fossiles qui se plaignent d'avoir été les victimes du Déluge ; en 1709, dans son Herbarium diluvianum, il démontre que l'examen des plantes fossiles du carbonifère situe le Déluge en… mai ; Whiston, en 1708, est obligé de contredire son éminent confrère : le Déluge est intervenu le 24 novembre 2349 avant Jésus-Christ lorsque la terre s'est retrouvée pendant deux heures dans la queue d'une comète ; John Woodward prouve que le Déluge a produit la dissolution de l'écorce terrestre…

Pour l'Église, en effet, il est difficile de réunir des preuves de la Création, admissibles du point de vue de la science ; en revanche, le Déluge peut être plus facilement prouvé et la preuve du Déluge emporte nécessairement celle de la Création comme vérification scientifique de la Genèse !

Mais les géologues continuent dans leur obstination contestataire : en 1720, Réaumur démontrer que l'amas de coquilles de Tourraine ne proviennent pas du Déluge mais de la mer qui s'est progressivement retirée de la région ; en 1721, c'est Valisnieri qui récidive avec les sédiments marins du Frioul et de Vicentin ; en 1748, Benoît de Maillet démontre l'impossibilité d'un déluge universel du fait de différences dans les stratifications des sédiments marins…

La minéralogie, pourtant inventée, dans on acception scientifique, par un ecclésiaste, l'abbé René-Just Haüy, confirme la géologie. En 1722, étudiant les volcans du Vicarais, Giraud-Soulavie démontre que les coulées de lave avaient été entaillées par des cours d'eau qui avaient transporté les débris dans la Vallée du Rhône, ce qui lui permit d'établir une chronologie de la région puis, dans son Histoire naturelle de la France méridionale, une méthode scientifique de datation qui lui permit de faire remonter l'histoire de la Terre à plusieurs centaines de millions d'années, chiffre le plus énorme jamais avancé à cette époque. Dans ce même ouvrage, il divise l'histoire des terrains sédimentaires en cinq périodes et esquisse une théorie transformiste de la flore et de la faune qui se diversifient, se transforment se complexifient sous l'influence du milieu.

L'Église ne put admettre ce sacrilège et le somma de renoncer à ses erreurs. Il se soumit, en 1784, comme tant d'autres, et c'est la Révolution qui lui permit de reprendre ses travaux pour évaluer, en 1793, à six millions d'années le temps nécessaire à l'usure d'une coulée de lave[51].

L'Église ne doit plus seulement réfuter – par la condamnation, l'interdit, la menace, le chantage… - la critique géologique de la Chronologie ; désormais, elle doit en faire de même, et de plus en plus, avec le transformisme comme préfiguration de l'évolutionnisme.  Sur ce point, elle s'en tient farouchement au dogme : la vie, sous toutes ses formes, a été créée par dieu en l'état physique qui est alors le sien. Il n'y a donc eu ni transformation, ni évolution? A proprement parler, il n'y a d'ailleurs pas eu… d'Histoire. Sur ce point, l'Église ne manque pas de soutiens en dehors de ses rangs, y compris chez de brillants esprits comme Voltaire et Linné[52].

Le transformisme gagne du terrain : Maupertuis, en 1754, dans son Essai sur la transformation des corps organisés, se déclare partisan d'un transformisme intégral ; Jean-Baptiste Robinet envisage tous les êtres vivant au XVIIIème siècle comme l'aboutissement d'une chaîne continue à partir d'un prototype unique…

Le transformisme, c'est une autre attaque menée contre la Création, puisqu'elle est la négation du monogénisme – Adam et Ève ancêtres de tous les humains et que cette négation entraîne celle du péché originel et de sa transmission interrompue. Au fur et à mesure de leur publication, les transformistes sont mis à l'Index et y resteront jusqu'en 1948 !

 Au transformisme, conséquente avec son immobilisme dogmatique, l'Église oppose le… fixisme ! Ainsi, dans le prolongement de Linné et de la dynastie des Jussieu, ce sont Antoine-Laurent Jussieu et Adanson qui s'illustrèrent le mieux en la matière en parachevant une classification naturelle fixiste des végétaux qui, au fur et à mesure qu'elle se construisait se lézardait des progrès de la botanique !

Illumination soudaine de la science religieuse ! la Genèse fait état de la destruction par le Déluge de l'humanité à l'exception de la famille Noé ; mais elle mentionne aussi des géants antédiluviens. Aussitôt, les troupes – notamment les jésuites – sont lancées à la recherche de traces de ces géants et, aussitôt, on en trouve : en 1726, Scheuchzer, décrit le squelette d'uns énorme salamandre[53] comme celui de l'Homo diluvii testis et atteste que les restes d'ossement trouvés en 1577 près de Lucerne sont ceux d'un autre géant antédiluvien de plus de 5 mètres ! En 1714, le docteur Cotton Maher remit solennellement à la Royal Society de Londres les os d'un géant antédiluvien découverts à Albany et qui s'avèreront être ceux d'un… mammouth ! A la même époque, et pendant longtemps encore, un fémur d'éléphant était vénéré comme le bras d'un patriarche de taille gigantesque !

En même temps, l'Église engage un autre combat, celui de l'obscurantisme : la formation des bergers du troupeau – les curés – est expurgée de toute référence scientifique qui n'est pas celle de la science catholique ; l'interprétation des textes sacrés est interdite ; la Vulgate doit être lue et apprise sans aucune réflexion ; la Vulgate doit être entre les seules mains des prêtres et les fidèles n'ont aucunement besoin de la posséder ; les seules explications admissibles de la Vulgate sont celles données par les Docteurs de l'Église[54] ; les missionnaires doivent inviter les indigènes à brûler leurs livres tandis qu'en terres catholiques anciennes, pour éviter de trop remuer les cendres des bûchers de l'Inquisition, les prêtres se contenteront de dissuader les fidèles de posséder quelque bibliothèque que ce soit à l'exception de pieux almanachs et d'une pieuse iconographie…[55]

Dans certains pays, farouchement attachés à la Tradition catholique, l'Église peut se montrer moins tolérante : au Portugal, le 13 octobre 1738, Antonio Jose da Silva est étranglé et brûlé pour impiété, libertinage et athéisme ; en Espagne, en 1778, Francisco Manoel do Nascimiento est emprisonné pour ne pas croire au Déluge et au péché originel et échappe au pire en s'évadant.

L'Église s'efforce de mobiliser d'autres combattants de la (vraie) foi : les médecins. Pierre Yvelin, médecin d'Anne d'Autriche, envoyé à Louvins en 1643, trouve une explication rationnelle à la possession : elle est due à des désordres corporels et psychiques qui font que l'humeur mélancolique s'accumule dans l'utérus ou dans la rate pour y pourrir et finir par remonter jusqu'au cerveau sous la forme de vapeurs putrides en provoquant alors des troubles de la sensation. Toutefois, le remède n'est pas de nature médicale mais religieuse : la prière, la confession, la repentance… Marc Dunan explique de la même manière la faculté divinatoire et les aptitudes linguistiques des possédées : le choc d'esprits animaux entraîne chez ces personnes une hyperactivité psychique. Dans son Traité de l'épilepsie, en 1602, il indique que : "Un paysan bien fourni de mélancolie torréfiée pourrait deviser des sciences plutôt qu'un flegmatique qui aurait demeuré trente ans aux écoles"[56].

Pour la médecine religieuse[57], la maladie a, la plupart du temps, une origine spirituelle et n'est jamais que le châtiment, individuel ou collectif, infligée par dieu en punition de tel ou tel péché. Elle ne doit d'ailleurs pas être évitée puisqu'elle a une vertu rédemptrice car, humilié, le malade n'en retrouve que mieux le chemin le conduisant à dieu et à son salut[58]. La contrition et les rites pieux sont les plus efficaces des remèdes et la meilleure des préventions est la piété, c'est-à-dire la soumission inconditionnelle à l'Église. C'est pourquoi, les règlements et les pratiques des établissements hospitaliers tenus par des religieux donnent systématiquement la primauté à la cure des âmes et non au traitement des corps car "ne vaut-il pas mieux mourir avec une âme sans tâche que de vivre misérablement dans le péché ?". Ainsi, par exemple, le règlement de 1660 des sœurs hospitalières de Tréguier indique que leur premier devoir n'est pas de guérir les malades mais de les aider à… bien mourir !

Mais, il serait mensonger de dire que les règlements des établissements hospitaliers tenus par les religieux n'ont pas une dimension médicale : à la réception d'un malade, il faut s'assurer qu'il n'a ni la peste, ni les écrouelles, ni le mal de saint Méen, ni ma lèpre, ni aucune maladie contagieuse ou frénétique[59] ; après lui avoir fait laver les pieds, il faut le mettre au lit en le revêtant d'une chemise et d'un bonnet de nuit et en lui donnant des pantoufles, une robe de chambre, un manteau de draps, des draps blancs ainsi que des couvertures d'une bonne étoffe et d'une couleur agréable ; ne jamais en coucher deux ensemble sauf… nécessité ; … les affaires personnelles des malades doivent être restituées à leur sortie ; s'il meurt, elles seront employées aux besoin de la maison ; des concours peuvent être cherchées auprès de personnes laïques dés lors qu'elles sont dévotes et de mérite et qu'elles portent… un tablier blanc…

Pour les épidémies, il n'y a d'autres remèdes que les processions[60], les dévotions, les vœux, la célébration de messes, la récitation d'oraisons pro vitenda mortalitate  et aut tempore pestilentiae, l'érection de calvaires, la construction de chapelles et autres oratoires, la fondation de confréries… S'agissant de punitions divines, les épidémies ne doivent pas être prévenues mais acceptées ; c'est pourquoi, aussitôt qu'il fut inventé, le vaccin anti-variolique fut interdit !

Il faut noter que, la superstition étant encore dominante dans les campagnes mais aussi dans de nombreuses villes, les fidèles catholiques préfèrent recourir au prêtre[61] plutôt qu'au médecin. Lorsqu'il ne peut venir à bout de la maladie, le prêtre fait appel au médecin qui, la plupart du temps, ne peut constater que le décès du malade ; le prêtre alors ne manque pas de dénoncer… l'incapacité de la médecine !

En matière médicale, l'Église s'attache à bien choisir les sages-femmes dont la formation porte essentiellement sur les points suivants : comment administrer le baptême dés l'apparition de la tête du bébé ; comment ouvrir le ventre de la mère décédée pour tâcher de récupérer l'enfant, si possible vivant, et le baptiser aussitôt ; comment utiliser la seringue du médecin Jean Astruc qui permet d'administrer le baptême au… fœtus…

Le temps passe. Les choses bougent et, fidèle à elle même, drapée dans la (in)dignité de sa tradition, l'Église reste… immobile. Le 9 novembre 1846, le pape Pie IX prononce son encyclique Qui pluribus : "dans ce siècle déplorable, une guerre furieuse et redoutable est déclarée au catholicisme[62]. Unis entre eux par un pacte criminel, les ennemis de notre religion repoussent les saines doctrines… Nous sommes saisis d'horreur et pénétrés de la plus vive douleur quand nous réfléchissons à tant de monstrueuses erreurs, à tant de moyens de nuire, tant d'artifices et de coupables manœuvres".  Le ton est donné : l'Église déclare la guerre à la science et ne se contentera plus d'être sur la défensive. Pie IX date précisément l'émergence du Mal : 1789[63] et le nomme : l'athéisme. La guerre ne sera pas seulement théologique, elle sera aussi politique  et se nommera : la Réaction.

Mais, en fait, ce n'est que la proclamation officielle d'une guerre engagée dés 1790 avec la Constitution civile du clergé qui avait amené le pape Pie Vi, dans son Quod aliquantum du 10 mars 1791, de qualifier la liberté de penser et décrire de droit monstrueux et l'idée d'égalité d'insensée.

C'est pourquoi, dès cette époque, revient sur un mouvement qu'elle avait initiée de son propre chef – la lutte contre la superstition – pour… encourager, entretenir et développer la superstition et, plus généralement, l'irrationnel. Ainsi Joseph de Maistre va jusqu'à proclamer : "Je crois que la superstition est un ouvrage avancé de la religion qu'il ne faut pas détruire"[64]. La superstition sera une arme à la fois défensive et offensive : faire obstacle à la diffusion des connaissances et substituer l'obscurantisme à la lumière de la raison pour mieux soumettre le troupeau à une obéissance absolue et isoler la science  en évitant sa pénétration dans les esprits des fidèles de telle sorte que la foi reste hors du rationnel.

Ainsi que, en 1798, lors du défilé le personnel du Museum d'histoire naturel, du Collège de France, de l'École Polytechnique… une banderole rappelé la devise de Sénèque : "Vivre ignorant, c'est vivre mort", Chateaubriand s'exclamait : "L'innocence…, qui n'est qu'une sainte ignorance, n'est-elle pas le plus ineffable des mystères ? L'enfance n'est si heureuse que parce qu'elle ne sait rien, la vieillesse si misérable parce quelle sait tout".

Bonaparte s'était comporté en odieux conquérant en Italie et, Rome il avait voulu introduire la démocratie[65] dans les états pontificaux. A peine revenu d'exil, le gouvernement pontifical s'empressa d'abolir toutes les innovations introduites par les Français : les lois, les règlements mais aussi l'éclairage des rues et la vaccination. Le décret du 13 mai 1814 s'empressa re remettre en vigueur l'ancienne théocratie et le Saint-Office mit les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu : il recensa 700 cas d'hérésie en quelques mois et l'Index s'enrichit d'une liste considérable d'ouvrages. Le vatican était désormais entre les mains de ceux qui s'appelaient eux-mêmes les zelanti et que Metternich lui-même, qui ne serait pourtant être soupçonné de la moindre trace de libéralisme, qualifiait de… diaboliques !

Les zelanti se déchaînent : interdiction universelle de la vaccine (vaccin anti-variolique), arrestations massives de libéraux (508 dans la seule ville de Ravenne), exécutions, emprisonnement de tous ceux qui ne font pas leurs Pâques, même s'ils sont étrangers, fermeture des cabarets, nettoyage des bibliothèques privées… Dans son encyclique du 3 mai 1824, Léon XII s'attaque à l'esprit de tolérantisme, d'indifférentisme, au déluge de livres pernicieux et contraires à la foi, aux sociétés bibliques qui traduisent la Bible en langues vulgaires pour le mettre à la portée de tous et, enfin à tous ceux qui croient que "dieu a donné à tout homme une entière liberté"

Après le bref intermède de Pie VII et au terme de cent scrutins et de cinquante jours de délibérations, le 2 février 1831, les cardinaux élisent Bartolomeo Cappellari qui prend le titre de Grégoire XVI. Aussitôt, celui-ci rappelle que la providence a voulu que le pape soit aussi un souverain temporel afin de garantir l'indépendance de ses actions par rapport aux autres États  et que cet état pontifical soit doté d'un gouvernement d'une autorité absolu, aussi bien dans le spirituel que le temporel, dans la mesure où le représentant de dieu ne saurait partager son pouvoir avec le peuple. En 1832, dans son encyclique Mirari vos, il réaffirme que les idées libérales sont une "erreur pernicieuse qui mène à la ruine des États les plus florissants", que la liberté de conscience est une "doctrine absurde, trompeuse et, pour mieux dire, folie" et que le désir de réformes "est si dommageable qu'on ne peut que l'exécrer".

Dans son encyclique Inter praecipuas du 8 mai 1844, il précise sa pensée : la Bible, seule source autorisée de Vérité, doit être réservée "à ceux qu'on juge devoir y puiser l'accroissement de la piété et de ma foi" et il est fait interdiction à qui que ce soit , de quelque condition qu'il soit, dés lors qu'il sait lire, d'"interpréter les Écritures sans aucun guide".[66]

Les zelanti se montrèrent zélés et efficaces : à peine quelques années plus tard on relevait 75% d'analphabètes dans les États pontificaux !

Renan fera le constat de la bonne exécution de ces consignes pontificales au grand séminaire de Saint-Sulpice : "On se défend de penser, de peur de penser mal" ; quant au corps professoral : "Un mot les caractérise : la médiocrité ; mais c'est une médiocrité voulue, systématique. Ils font exprès d'être médiocres"[67]

Parce qu'au nom de sa foi il veut s'en tenir à la lettre des Évangiles, Lamennais estime que le véritable esprit chrétien est d'être à côté des pauvres et des opprimés, défendre la liberté et la fraternité., séparer l'Église de l'État…Deux encycliques, Mirari vos de 1832 et Singulari nos de 1834 condamnent sans appel de telles thèses. Grégoire XVI y qualifie les idées de Lamennais d'extrême impudence, d'opinion perverse, d'artifices méchants, de source infecte de l'indifférentisme, de maximes absurdes et erronées, de délire, de pernicieuse erreur… Il fait appel aux grands Pères de l'Église et, notamment à Paul : "résister au pouvoir, c'est résister à l'ordre de dieu et ceux qui résistent s'attirent sur eux-mêmes la condamnation". Lamennais fut brisé, rejeté de l'Église par l'Église et finira à la fosse commune au côté des indigents et des réprouvés, des oubliés !

Renan, face à un tel totalitarisme, en tira la conclusion nécessaire et… retira de l'Église. Avec lui, l'Église perdit un grand esprit et la cause humaniste gagna un athée de premier plan !

La voix de son maître, c'est alors Denis Frayssinous, évêque in partibus d'Hermopolis, ministre des Affaires ecclésiastiques pour lequel il y a trois causes d'erreur : la confiance en la raison, l'esprit de curiosité et l'excès de science. Denis Frayssinous se charge de rappeler partout la bonne et vraie parole : il y a six mille ans, dieu a créé le monde tel qu'il existe alors, avec Adam et Ève et des animaux à l'âge adulte. Il fait tout de même appel à certains scientifiques (Saussure et Dolomieu) pour confirmer que, nulle part, on a trouvé trace d'un relief terrestre de plus de cinq milles ans et que nulle part aussi on a pu trouver la moindre trace d'un monument antédiluvien, soit de plus de quatre mille ans. Pour lui, de la Création au XIXème siècle, il y a assez de place pour faire tenir toute l'Histoire de la terre et des hommes. Il réfute d'une chiquenaude l'une des soit-disantes contradictions de la Genèse – qui est celle de la création de la lumière avant… le Soleil – en rappelant que, la nuit, en l'absence du soleil, on peut créer de la lumière avec une simple torche et, de façon plus sérieuse, en indiquant qu'il y a de la lumière partout mais qu'elle ne brille pas forcément toujours (ainsi, même l'homme préhistorique savait qu'il pouvait la faille jaillir – briller – en frottant deux silex !). Bien entendu, pour lui, il n'y a pas eu la moindre évolution humaine – et, plus généralement, de la Terre – depuis la Création et l'idée d'évolution n'est qu'une abjecte philosophie. Mais, après réflexion, il admet toutefois que depuis la création il y a eu une évolution, mais une seule ; celle de la déchéance du paradis d'Adam et Ève pour cause de péché originel. Et il ajoute que le péché originel a été de couloir connaître et non de croire et que dieu a donc puni la science et non la religion !!![68].

Joseph de Maistre, bien entendu, participe de cet assaut général de la raison : pour lui, les peuples sauvages qui vivent sur d'autres continents sont des sauvages parce qu'ils sont punis par dieu pour avoir commis des fautes que nous ignorons. Leur misère, leur déchéance – leur caractère de sauvage – est la preuve flagrante de ce châtiment divin. Leur cerveau primitif et leur aspect physique repoussant en sont d'autres. "On ne saurait fixer un instant ses regards sur le sauvage sans lire l'anathème écrit, je ne dis pas seulement dans son âme, mais jusque sur la forme extérieure de son corps". Pour les sauvages, il n'y a donc point d'autre salut que la conversion au catholicisme. Joseph de Maistre est l'inventeur de deux nouvelles sciences religieuses : l'anthropologie religieuse et l'ethnologie religieuse !

Faisant dans le plus servile courtisanisme, Joseph de Maistre en rajoute : la direction des affaires doit revenir "aux prélats, aux nobles, aux grands officiers de l'État" car, d'une part, eux-seuls peuvent vraiment accéder à la Vérité divine et, d'autre part, la démocratie est le règne de l'ignorance[69]. Mieux encore : la science est une affaire trop sérieuse pour être laissée entre les mains des savants ; sa vocation naturelle est d'être entre les mains de l'Église comme la vocation naturelle des savants  est d'être les subalternes des théologiens !

Joseph de Maistre[70] ne s'arrête pas là et fait aussi dans le droit : "Quand à celui qui parle ou écrit pour ôter un dogme naturel[71] au peuple, il doit être pendu comme voleur domestique".

Un peu moins virulent fut Barruel pour lequel la Révolution fut l'œuvre d'un complot maçonnique et athée et qui estimait que l'alphabétisation et l'enseignement populaire étaient des œuvres diaboliques dés lors que l'état naturel des hommes est celui de l'ignorance, que c'est la prétention d'Adam à vouloir accéder à la connaissance qui l'a déchu du paradis et a condamné l'humanité au poids éternel du péché originel et que, enfin et par conséquent, c'est en retournant volontairement à l'état naturel d'ignorance que l'homme pourra se rapprocher de dieu et être élu et sauvé par lui.

Alors que l'Église se déchaînait dans sa lutte contre la science et prônait l'ignorance comme un état naturel et une vertu salvatrice à regagner : Volta fabrique la première pile électrique ( 1799) ; Monge fonde la géométrie infinitésimale (1807), Gauss la loi de la probabilité des erreurs (1826), Lobatchevski les géométries non euclidiennes (1830), Riemann et Boole les mathématiques modernes (1851)… ; Fraunhofer réalise la spectrographie de la lumière du soleil et des étoiles (1814), Laplace publie le dernier volume de sa Mécanique céleste (1825), Herschel révèle me mouvement relatif orbital des étoiles doubles (1840-1860), Rosse découvre les nébuleuses spirales avec son télescope géant (1845)… Marx publie le Manifeste du part communiste en 1848, Pasteur étudie la dissymétrie moléculaire (1851), Claude Bernard donne ses Leçons de physiologie expérimentale (1855), le crâne de l'homme de Neandertal est découvert en 1856, l'Europe se couvre de voies de chemin de fer, des bateaux à vapeur sillonnent les mers, des usines poussent un peu partout… Bref les sciences, les techniques et les humains sont au XIXème quand, contemplant toujours son nombril, l'Église en est toujours à l'obscurité du début de l'épopée humaine !

Dans la vague de superstition savamment entretenue par l'Église et à contre-courant des progrès de la Science et de la Technique, l'irrationalisme religieux se déchaîne : en 1830 la vierge apparaît à Catherine Labouré, rue du Bac, à Paris et fait naître un fructueux commerce de médailles miraculeuses ; en 1846, la vierge apparaît une nouvelle fois mais, cette fois-ci à la Salette en  1854, le pape pond le dogme de l'Immaculée Conception ; en 1858, nouvelle apparition de la vierge, mais avec Lourdes avec le lancement d'une affaire, fort prospère, qui marche toujours[72] ; 1871, encore la vierge, à Pontmain[73]

Lagrange et Laplace élaborent déjà les premières synthèses des connaissances scientifiques et en concluent naturellement que l'hypothèse dieu n'est vraiment plus utile à la compréhension du réel, que la théologie n'a plus de place et que, comme le disait déjà Renan : "Il n'y a pas lieu de croire à une chose dont le monde n'offre aucune trace expérimentale. Nous ne croyons pas au miracle comme nous ne croyons pas aux revenants, au diable, à la sorcellerie, à l'astrologie"[74]. Et donc à dieu et à son église, aux dieux et à leurs églises.

Lucides, de nombreux croyants considèrent que le combat contre la Science est perdu d'avance et qu'à vouloir le mener jusqu'au bout la religion court au suicide. Deux tendances essayent alors de ré-émerger : celle du concordatisme – la réunion de la Science et de la religion avec, de part et d'autre, d'inévitables concessions dogmatiques ou principielles -, celle de la théorie des deux Vérités et de la séparation stricte de la Raison et de la foi, de la Science et de la religion.

Certains savants pensent également que cet affrontement ne peut qu'être préjudiciable pour l'humanité et qu'il faut donc qu'ils cessent ; pour eux aussi, les deux mêmes voies peuvent s'ouvrir[75].

De part et d'autre, les tentatives se soldent par le même échec. La réponse de l'Église est toujours la même, lancinante : le doigt menaçant, vengeur, punitif de l'Index[76].

Dans la seconde moitié du XIXème siècle le conflit entre la médecine et la religion s'accentue et, même, s'aggrave : Ainsi, l'Instruction sur le manuel à l'usage des prêtres visitant des malades indique que : "Pour exciter une personne à la patience, on peut pour motif lui faire voir : 1- la nécessité qu'il y a de souffrir pour vivre en homme, et pour vivre en chrétien 2- le profit qui en revient et la gloire et l'avantage que dieu en prétend 3- le plaisir même qu'on en reçoit[77] 4- la gloire qui en revient à dieu, à notre seigneur et à nous-mêmes 5- les biens de l'autre vie comparés à la brièveté de nos maux[78] 6 les maux de l'autre vie[79] et l'éternité des uns et des autres  7- que c'est une marque de prédestination 8- l'exemple de notre seigneur et des saints 9- l'amour de notre seigneur"[80].

Cette attitude a une conséquence terrible : en 1832, l'épidémie de choléra, du point de vue de l'Église, est un nouveau châtiment infligé par dieu. Il ne faut donc pas s'y opposer mais, au contraire, s'y soumettre car c'est se soumettre à dieu. Non seulement le clergé fait obstacle à toute mesure de santé publique mais, encore, par la multiplication des processions, concourt à la propagation de l'épidémie et à l'accroissement du nombre de victimes ! De même, le clergé s'oppose systématiquement à l'usage de la vaccine car on n'est pas fondé à se prémunir d'un éventuel châtiment de dieu et quand les pouvoirs publics sollicitent le concours de la hiérarchie catholique, la quasi-totalité, en pure hypocrisie, s'y refusent au motif que le profane et donc la science et la médecine ne sont pas de leurs compétences !

Comme on l'a vu, l'Église dispose de sa propre médecine – religieuse naturellement – et de nombreux médecins que sont ces prêtres et religieuses qui se livrent à l'exercice illégale de la médecine. Mais la médecine religieuse se heurte à une sérieuse limite : elle ne connaît pas le sexe. Pour elle, les maladies vénériennes sont honteuses, l'hygiène intime n'est que du libertinage[81]; les femmes doivent se servir d'une poupée pour désigner les endroits où elles ont mal…[82].

Depuis ses origines, l'Église a toujours interdit les pratiques contraceptives. Elle doit donc ouvrir un nouveau champ de bataille contre ces médecins qui, en particulier, au sein des populations ouvrières, s'efforcent d'encourager la contraception ou, du moins, un véritable contrôle des naissances. En 1840, l'Église est donc obligée d'intervenir pour rappeler que la contraception non seulement est contre nature mais, surtout, contredit aux ordres de dieu. Il n'y a donc d'autre contraception religieuse que l'abstinence et la chasteté[83]. Cette condamnation de la contraception est solennellement rappelée par le Saint-Office le 21 mai 1851, puis le 6 avril 1863.

Sur le terrain, les curés se livrent à un combat acharné contre les médecins dont l'enjeu est le nouveau-né. Ayant l'obligation divine de baptiser tous les nouveaux-nés, de nombreux curés se livrent à de véritables boucheries : hystérectomie (section du muscle utérin) pour dégager le crâne de l'enfant et pouvoir lui verser dessus les précieuses gouttes d'eau bénite ; césarienne ; recours aux forceps… Saisis par les pouvoirs publics, les évêques refusent d'interdire et de condamner ces pratiques au motif  que, s'il s'exécutaient, ils se rendraient responsable de la perte d'un enfant mort sans secours". L'évêque du Mans, encore lui, dans son Solis presbyteris et diaconibus recommande, en cas d'accouchement difficile, d'ouvrir la mère, morte ou vive, en se servant de préférence d'un rasoir mais… de le faire dans le secret. En 1847, au Grand-Oisseau, le prêtre charge deux religieuses de pratiquer la césarienne qu'a refusé de faire la sage-femme : les deux religieuses furent poursuivies pour exercice illégale de la médecine et condamnées à une amende : d'un seul corps, toute la hiérarchie catholique protesta énergiquement auprès du Gouvernement. Toutefois, pour réduire les risques de ces pratiques, deux médecins belges inventent une seringue permettant de réaliser des baptêmes intra-utérins ! En 1857 et 1860, Pie IX réaffirme l'impérieuse nécessité de baptiser l'embryon.

Comme on l'a vu, la géologie a porté de sérieux coups à l'Écriture et, en particulier, à la Chronologie religieuse. Ainsi, en 1830, Sir Charles Lyell entame ses Principes de géologie dans lesquels, utilisant les études de paléontologie stratigraphique et de minéralogie il estime que 240 millions d'années se sont écoulées depuis la fin du primaire. Pour lui, il est évident que la Chronologie religieuse n'est plus une position tenable et qu'elle doit être abandonnée. Au passage, il anéantit le fixisme incarné par Cuvier.

L'Église se refuse à prendre en compte les faits géologiques[84] et s'en tient toujours à sa Chronologie officielle, révélée.

Or, entre-temps, un nouveau mauvais coup est porté à la Bible, la Genèse, la vraie Vérité et, plus généralement à l'Église et à la religion : la théorie de l'évolution… Elle ne s'en est toujours pas relevée !

Faute de pouvoir apporter des réponses cohérentes aux questions que lui pose et au défi que lui lance la Science, parce quelle s'est réfugiée dans l'immobilisme et l'obscurantisme, l'Église n'a d'autre possibilité que d'ouvrir un nouveau champ de bataille : le politique.

Pie IX procède à l'amalgame entre libéralisme, impiété, athéisme, révolution, démocratie, rationalisme, science, revendications nationales, socialisme, anarchisme, humanisme, égalité, liberté… et condamne le tout, en vrac. En 1846, dans son encyclique Qui pluribus, il procède à une condamnation sans appel du libéralisme[85]. Le 3 juillet 1848, il décrète que : "Sont soumis à la censure préalable les œuvres, écrits et articles qui traitent de la Sainte Écriture, de la théologie sacrée[86], de l'histoire ecclésiastique, du droit canonique, de la théologie naturelle[87], de l'éthique et, en général, de tout ce qui a rapport spécial à la religion et à la morale". Ce décret prévoit des amendes et des peines de prison de six mois à un an pour les contrevenants.

Le 17 mars 1856, l'encyclique Singulari quidem aborde l'ambiguïté des rapports entre la foi et la raison : en aucun cas la foi et la raison ne sauraient être opposées car il ne peut y avoir de contradiction entre elles dés lors que la raison est utilisée avec… sagesse et qu'elle se soumet à la foi ou, plus précisément, à la seule Autorité compétente en la matière : l'Église ! Pour Pie IX, s'il n'y a bien entendu qu'une seule vraie foi et qu'une seule vraie Église, en revanche, il y a deux sciences : la bonne, la vraie qui se soumet à la  vérité révélée et à l'Autorité du représentant de dieu et, à l'opposé, la mauvaise, la mensongère, celle qui désobéit à dieu !

 Pie IX est donc très attaché à l'Autorité au point de proclamer : "L'Église ne cesse de [leur] répéter que le fondement de la foi n'est pas la raison mais l'autorité".

N'est-ce pas tragi-comique qu'assiégée de toutes parts comme elle l'est des coups de butoir des avancées scientifiques, techniques et politiques, l'Église, dans une forme jamais égalée de nombrilisme, figée – fixée – dans son immobilisme et son obscurantisme intellectuels, s'imaginent qu'elle est toujours le centre du monde et qu'elle peut donc… commander au monde !  Comme si, le pape, comme un dieu, pouvait dire au monde : "Arrête-toi !" et que, celui-ci, aussitôt s'arrêtât !

En 1858 donc, Darwin, après maintes hésitations, … lâche sa bombe : On the Origin of Species by Means of Natural Selection. Toutefois, par prudence, et anticipant la vivacité de certaines réactions, il fait alors semblant de conserver un rôle au Créateur. Sa ruse ne trompa personne et les passions se déchaînent aussitôt, aussi bien chez les catholiques que chez les protestants d'ailleurs. En 1871, Darwin récidive et va même plus loin en appliquant sa théorie de l'évolution à l'homme lui-même dans The descent of Man, and Selection ein relation to Sex.

En 1869, à Cagliari, le docteur Francesco Barrago déclare que l'homme ressemble au singe avant de ressembler à dieu : il est immédiatement anathémisé. A l'inverse, en 1887, le père Leroy, dominicain, dans son Évolution des espèces organiques, tente de montrer que me transformisme – il n'ose pas employer le terme d'évolutionnisme – ne conduit pas nécessairement à l'athéisme[88] et qu'en abandonnant une lecture littérale de la Genèse on peut concilier transformisme et théologie.

L'œuvre de Darwin eut, en quelque sorte, un effet salutaire sinon pour l'Église, du moins pour de nombreux croyants : il n'était désormais plus possible de tourner en rond, de se voiler la face et de rester sourd et aveugle aux connaissances scientifiques et techniques. Il n'était plus possible de se contenter d'interdire, de condamner, de chercher des échappatoires, d'esquiver, de jouer sur les mots (en disant par exemple que, en définitive, les jours de la Genèse étaient bien des ères géologiques)… Il fallait aller au fond des choses : si Darwin a raison, alors la Genèse est un mythe dont on ne peut faire aucune lecture littérale, sachant que la remise en cause de l'Écriture n'est pas pour autant celle de la foi qui, elle, échappe à la science car relevant d'un autre… domaine.

Sans le vouloir, Darwin a ainsi fait que la Bible va se retrouver au cœur de la controverse et que le débat essentiel va tourner, à la fin du XIXème et au début du XXème, autour de l'exégèse et non plus de l'opposition Science/religion ou la problématique raison/foi.

Mais avant d'accepter d'en arriver là, l'Église, pendant un temps, encore va continuer d'attaquer la Science de front sans se remettre elle-même en question.

Le 8 décembre 1864, dans son encyclique Quanta cura, Pie IX condamne toutes les erreurs modernes, en particulier celle qui consiste à affirmer que "la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque homme, qui doit être proclamé et assuré dans tout État bien constitué et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester hautement et publiquement leurs opinions, quelles qu'elles soient, par la parole, par l'impression ou autrement, sans que l'autorité ecclésiastique ou civile puisse la limiter". Pie IX multiplie les anathèmes contre le libéralisme en le qualifiant de peste cruelle, d'impie et absurde principe, de criminelle imprudence, de perversité d'opinions dépravées,  de maux immenses, de monstrueuses erreurs, d'opinions fausses et perverses, de funestes maximes… Afin d'éviter toute ambiguïté, Pie IX ajoute à son encyclique un Syllabus qui, en 80 articles, dresse "la liste des principales erreurs de notre temps". On ne peut pas être plus clair, plus catégorique…

Chez les catholiques progressistes c'est véritablement l'atterrement. Cet ukase d'un autre temps est pris l'année même où Lyell publie en France The Geological Evidence of the Antiquity of Man où il faisait la synthèse des travaux de la paléontologie, de l'anthropologie, de la géologie…en démontrant ainsi que l'origine des premiers hominidés remontait à une date bien antérieure à celle de la Création. La-dessus, les découvertes de restes humains se multiplient et, à chaque fois, l'origine humaine remonte davantage dans le temps ( de 200 000 ans en 1856 avec l'Homme de Neandertal elle passe à un million en 1891 avec le pithécanthrope. Non, décidément, Adam n'était pas le premier homme…

De son côté, la Science n'est pas en reste et avec le scientisme et le positivisme elle affiche sa prétention à se substituer à… la religion ! Ainsi, Renan en 1848 dans son Avenir de la science : "Le monde véritable que la science nous révèle est de beaucoup supérieur au monde fanatique créé par l'imagination", puis, plus explicite : "l'œuvre moderne ne sera accomplie que quand la croyance au surnaturel, sous quelque forme que ce soit, sera détruite… organiser scientifiquement l'humanité, tel est donc le dernier mot de la science moderne, telle est son audacieuse mais légitime prétention. Je vois plus loin encore… La raison, après avoir organisé l'humanité, organisera dieu". Littré, commentant la doctrine d'Auguste Comte, affirmait : "l'état positif est celui où l'esprit conçoit que les phénomènes soient régis par des lois immanentes auxquelles il n'y a rien à demander par la prière ou par l'adoration, mais auxquelles il y a à demander par l'intelligence et par les sciences ; de sorte qu'en connaissant de mieux en mieux les phénomènes et en s'y soumettant de plus en plus, l'homme acquiert sur la nature et sur lui-même un empire croissant, ce qui est le tout de la civilisation". J.W Draper, professeur à l'université de New York accusait la religion de bloquer le progrès et de détourner la recherche : "Une révélation divine exclut nécessairement la contradiction. Elle exclut le progrès des idées et tout ce qui émane de la spontanéité humaine… La science divinement révélée ne saurait admettre le changement ni le progrès. Elle détourne de toute recherche, de toute découverte nouvelle, parce qu'elle les considère d'avance comme présomptueuses, inutiles et regarde les investigations humaines comme l'effet d'une coupable curiosité à l'endroit des secrets qu'il n'a pas plu à dieu de nous découvrir[89].

J.W Draper disait encore : "la science et le christianisme romain se reconnaissent mutuellement pour incompatibles ; [qu']ils ne peuvent coexister ; [que] l'un doit céder la place à l'autre et [que] l'humanité doit faire son choix".

L'Église elle, devant son impossibilité de répondre, sinon rationnellement, du moins logiquement aux attaques et questions de la science mais, également, aux questions, voire aux doutes des fidèles, saisit la balle au bond que lance la science en admettant les limites de ses connaissances, le caractère provisoire de ses vérités et les zones d'ombre de son savoir, pour expliquer l'inexplicable ou, pour le moins et à un moment donné, l'inexpliqué de la science par… le miracle. Le miracle comme preuve de sa Vérité et ce, alors même qu'à chaque nouvelle avancée de la science, elle devra faire reculer le champ du miracle. Alors, l'Église  va entamer d'une seule voie une  litanie qu'elle ne cesse de ressasser : "Le miracle est le signe très certain de la révélation" (vatican 1) ; le miracle est "la preuve décisive du surnaturel dans la société humaine, ma seule preuve convaincante, publique, entièrement irrécusable, d'une religion divinement instituée,… car le miracle, c'est le surnaturel pris sur le fait[90]" ; "Un miracle est un fait extraordinaire qui ne peut être accompli que par la puissance de dieu… Jésus-Christ a prouvé qu'il est dieu en accomplissant les prophéties et en faisant de nombreux miracles…, le plus grand miracle de Jésus-Christ a été de se ressusciter lui-même. C'est la plus grande preuve qu'il est dieu[91]"…

Pourtant bien que croyant, Teilhard de Chardin, dira du miracle qu'il est si peu une preuve qu'il ne persuade que ceux qui sont convaincus d'avance : "Si je crois, ce n'est pas à cause des miracles, mais en dépit des miracles". Maurice Blondel, en 1896, dans sa Lettre sur l'apologétique disait déjà la même chose : "Les preuves de fait ne valent que pour ceux qui sont intimement prêts à les accueillir et à les comprendre ; voilà pourquoi les miracles qui éclairent les uns aveuglent les autres… Les miracles ne sont donc vraiment miraculeux qu'au regard de ceux qui sont déjà mûrs pour reconnaître l'action divine dans les évènements les plus habituels".

En 1860, des scientifiques religieux continuent d'essayer de retourner la science profane – et donc fausse - contre elle-même. Ainsi, l'abbé Moigno dans Les splendeurs de la foi. Accord parfait de la révélation et de la science, de la foi et de la raison : "L'athéisme est la négation de l'évidence mathématique"[92]. En 1863, dans son Impossibilité du nombre infini et de ses conséquences. Démonstration mathématique du dogme[93]de la récente apparition du monde, il procède à la démonstration infaillible de ce que le déluge a eu lieu il y a 4 205 ans et que l'homme a été créé il y a 6 000 ans, conformément à la Chronologie révélée. Comment s'y prend-t-il ? En 1863, la population mondiale est estimée à 1 300 000 000 habitants ; sa croissance annuelle est de 1/200. En appliquant la théorie des progression, il suffit de résoudre une équation enfantine, dans laquelle x représente le nombre d'années écoulées depuis l'apparition de l'homme, soit : 2(1+1/200)x = 1 300 000 000 = 4 068 ans. Toutefois, des corrections sont à faire puisque le déluge a interrompu la croissance de la population et qu'à son issue il n'y avait plus que 8 personnes sur terre : Noé, sa femme et ses trois fils et ses trois brus. Ces corrections faites, on arrive au chiffre de 4 205 ans écoulés depuis le Déluge. Avec la même rigueur mathématique, Moigno calcule qu'il y a bien eu 6 000 depuis la création d'Adam ! Il en conclut : "L'impiété a donc menti quand elle a opposé les sciences humaines aux sciences divines".

En 1870, toujours fidèle au poste, Pie IX veut marquée l'apogée de son pontificat, son apothéose[94] personnelle : il convoque le concile de vatican (1). Et il commence fort le bougre puisque, le 18 juillet 1870, comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, il fait voter l'infaillibilité papale par 533 voix sur 535[95] ; c'est la constitution Pstor aeternus qui précise que "Le Pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu'une doctrine en matière de foi ou de morale doit être admise par toute l'Église, jouit, par l'assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église, lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi ou la morale. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables de par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l'Église"[96].

Même si l'infaillibilité papale n'intervient que lorsque le pape parle ex cathedra et que, à ce titre, il n'a été infaillible qu'une seule fois, en 1950, pour proclamer le dogme de l'Assomption, l'Église sait jouer de l'ambiguïté, du cynisme, du machiavélisme car, faute de savoir quand le pape parle réellement ex cathedra, pour la grande majorité d'abord, puis, plus tard un grand nombre de fidèles le pape est toujours infaillible, son infaillibilité lui descendant dessus, un peu comme le saint-esprit, à l'instinct même de son élection ou, plus précisément, de sa désignation.

Ce même concile produit une seconde constitution, Dei filius, qui règle, une bonne fois pour toutes, les rapports de la foi et de la raison : La foi et la raison ne sont jamais en désaccord et il ne peut y avoir de contradiction entre elles ; s'il semble parfois y avoir des contradictions, c'est soit que le dogme n'a pas été posé correctement, soit qu'il s'agit d'un faux raisonnement[97] ; toute conclusion scientifique qui contredit la doctrine de la foi est fausse et l'Église doit la proscrire[98] ; les sciences sont libres[99] d'utiliser leurs méthodes propres dans leurs domaines, mais l'Église doit veiller à ce qu'elles n'admettent pas des erreurs opposées à la foi ; la foi et la raison s'entraident et se complètent : la raison démontre la vérité de la foi et la foi libère la raison des erreurs[100] ; la foi est supérieure à la raison[101] ; l'Église n'est pas opposée aux sciences et aux techniques[102] ; la doctrine de la foi a été révélé une fois pour toutes, dans son état immuable et définitif[103]. Le progrès, l'évolution dogmatique sont donc exclus. L'Église a pour mission de déclarer, c'est-à-dire d'enseigner et d'expliquer le dogme et non de le faire progresser. Elle remplit seule cette mission par ses décisions infaillibles.

Bien entendu, ce même texte précise que "De plus, l'Église qui a reçu en même temps que la charge apostolique d'enseigner, le commandement de garder le dépôt de la foi, a, de par dieu, le droit et le devoir de proscrire la fausse science"[104].

Pour un apothéose, ce fut vraiment un apothéose : celui de l'intolérance, de l'obscurantisme, de l'irrationalité, de la suffisance, de du totalitarisme, de la tyrannie théocratique, de l'imposture, du cynisme,… bref, de l'ineptie, de la stupidité, de l'ignorance,  de la… NULLITE (Ceci est un commentaire personnel que je me permets de faire au nom de celles et ceux qui ont eu à souffrir du fait de l'Église, au nom de celles et ceux qui continuent de souffrir du fait de cette même bête immonde). Tant soit peu conséquente avec un semblant d'intelligence, l'Église aurait dû aussitôt mettre un tel texte à l'Index mais, elle n'a pas osé le faire car, au sens propre comme au seins figuré, c'eût été pour elle de se mettre le doigt de dieu dans… le cul et ça, c'est vilain, c'est pas propre, c'est… mécréant !

Infailliblement, Pie IX meurt le 7 février 1878[105]. Il est remplacé par Léon XIII qui s'inscrit dans la continuité[106] : condamnation du rationalisme, de la franc-maçonnerie, du kantisme, de l'hégélianisme, du libéralisme laïciste, d la laïcité, de la confiscation des États pontificaux… ; retour à la scolastique pure et dur, emprunts répétés au Sylabus, développement du culte marial… L'Index ne cesse de s'enrichir.

Le 4 août 1879, dans son encyclique Aeterni patris, il impose le thomisme comme cadre des études et de la pensée théologique…

En 1898, Baunard, évêque, recteur de l'université catholique, dans sa lettre aux évêques Utilité de l'instruction scientifique dans le clergé, considérant que la science profane, décidément, n'est pas conforme à la Vérité et ne veut pas se soumettre à la seule autorité légitime, celle de l'Église, alors que c'est là la seule voie pour son salut et sa liberté (!?!), appelle tous ses confrères à la constitution d'une science catholique.

Le père Monsabré, prononce une série de conférences en 1875 : il y réfute le transformisme – l'Église se refuse toujours à parler d'évolutionnisme – ainsi que tous les acquis de la géologie, de la paléontologie…, bref de tout ce qui contredit la Genèse. A la fausse science, il lance solennellement un double défi : "Le monde vient de dieu et je défie la science de trouver en lui un seul caractère qui puisse nous faire douter de son origine divine. Le monde vient de dieu. Il en vient comme l'Écriture a dit qu'il en venait et je défie la science de trouver entre les faits qu'elle a observés et la parole de dieu une seule contradiction réelle et irréformable". Quant aux transformistes, il les qualifie de bestialistes : "L'origine bestiale de l'homme est une absurdité : le singe marche en regardant vers le bas car c'est là qu'il trouve sa satisfaction ; quoi de commun avec l'homme, debout, qui a les yeux fixés vers le ciel ?".

Le 5 octobre 1884, d'Hulst, ci-devant évêque, lance un nouvel appel à la constitution d'une science non plus seulement catholique mais apostolique, universelle et donc chrétienne[107] : "Il ne sert à rien de le nier : le doute nous envahit…, d'où vient-il, ce doute douloureux[108] et funeste[109] ? Il vient de la science[110]… Le conflit est donc flagrant. Et il ne reste plus qu'une question[111] à se poser. Est-ce vraiment de la science ou de l'abus de science qui donne ainsi congé aux principes fondamentaux de la religion et de la morale ?… Il n'y a là qu'un malentendu[112]Acquérons ce que nous n'avons pas[113] ou ce que nous n'avons guère[114], ou ce que nous avons par exception, ou ce que nous n'avons pas en propre : la science positive… L'heure est venue pour le christianisme[115] du XIXème siècle d'avoir sa science à lui, comme l'a eue celui du XIIIème[116]".

Pour le père J.A. Zahm, professeur à l'université Notre-Dame[117], Indiana : "Il est nécessaire que les gardiens de la foi[118], les prêtres de l'Église de dieu soient des hommes de science, d'une science profonde et variée, et doivent exceller spécialement dans les sciences que le monde apprécie tant de nos jours[119]" ; "Quand on a affaire à un géologue, un biologiste, un archéologue, un astronome, il s'agit de le combattre sur son propre terrain et de tourner contre lui ses propres armes[120]" ; "Il est nécessaire de combattre ceux qui abusent des sciences physiques, fouillent partout dans les Saints Livres[121] en vue d'y trouver des preuves de l'ignorance des auteurs en ces matières et de vilipender leurs écrits"[122].

C'est donc en réponse à ces divers appels que, avec la complaisance de certains savants, d'abord croyants avant d'être scientifiques et, en fait plus croyants que scientifiques, que l'Église, ouvrant même ses portes aux autres religions – protestantisme, judaïsme… -, de 1894 à 1900,  organise 5 congrès scientifiques qui devaient permettre la constitution d'une véritable et vraie science chrétienne[123]. Le cinquième congrès se tint à Munich en 1900 : 3 367 participants, 237 communications. A la sortie, on s'embrassa beaucoup, on pleura beaucoup de joie devant cette glorieuse perspective d'accouchement collectif d'une vraie science et on se promit de se retrouver, à Rome[124] : il n'y eut jamais de sixième congrès. En fait, cette tentative fut un coïtus[125]interrompus et l'accouchement fut celui d'une science mort-née : pouvait-il en être autrement ? Évidemment… NON !

Avec le temps, l'Église bénéficie d'un coup de main[126] providentiel : les scientifiques, par scrupule intellectuel, rigueur méthodologique, réflexion épistémologique et honnêteté… scientifique, en reviennent à cette humilité qui est la caractéristique de la Science et qui à la Vérité définitivement établie préfère substituer le doute raisonnable. De plus, nombreux, de plus en plus nombreux sont les scientifiques qui, au vu notamment des impacts de la technique et de certains risques – la manipulation génétique en premier chef -  interrogent la Science du point de vue de l'éthique relativement à ses conséquences pour  les humains. Le scientisme, en définitive, n'est pas la vocation de la Science. Car si la Science peut bien avoir pour vocation de lutter contre l'obscurantisme – dont l'une des formes les plus achevées est… l'obscurantisme religieux – et de se mettre au service d'un progrès réellement humaniste, il n'est pas de sa vocation à se constituer en… religion, fût-elle de la Raison.

Aussi, les scientifiques finissent-ils par considérer que leur place n'est pas sur le champ de la bataille (anti)religieuse[127] mais dans les laboratoires, sur le terrain de la Nature – désormais étendues à l'Univers, voire aux univers – et que la recherche scientifique n'a pas à perdre son temps dans les joutes oratoires et dans la polémique contre/avec ceux qui ne la reconnaissent pas pour ce qu'elle est : la Science et seulement la Science.

Dans son millénaire combat contre la Science, L'Église trouve donc un répit inopiné du fait du retrait volontaire de bon nombre de ses adversaires. Elle peut alors procéder à un recentrage théologique pour consacrer ses forces à lutter contre celles et ceux qui, bien souvent croyants, affirment leur droit à comprendre le sens véritable de l'Écriture et, pour ce faire, si besoin est, à l'interpréter.

En 1838, l'abbé Marchal rappelle que : "La Bible offre des dangers d'erreur[128], à qui la lit sans les dispositions requises[129] ; c'est à connaître ces dispositions que tendent les réserves dont les curés font usage, à l'égard de quelques-uns de leurs paroissiens[130], ou trop jeunes, ou ignorants[131], ou prévenus[132], en leur interdisant[133] momentanément[134] a lecture de la Bible, jusqu'à ce qu'ils les aient préparé à faire cette lecture sans danger[135] pour leur foi et pour leurs mœurs[136].

Invariablement, toutes les tentatives de traduction et d'interprétation de la Bible finissent invariablement à l'Index et pour certains auteurs, membres de l'Église, l'anathème va jusqu'à l'exclusion de l'Église !

Ainsi, au terme de quinze ans d'un labeur acharné  de traduction des Évangiles en langue vulgaire[137], les Saint Évangiles d'Henri Lasserre reçurent d'abord un accueil enthousiaste de l'Église et même de Léon XIII mais la vigilance théologique et la pureté doctrinale de l'évêque Fève[138] était heureusement là pour relever, au bout de quelques pages seulement : 300 contresens, 17 erreurs théologiques et 3 hérésies…  Le Saint-Office confirma sa lucidité en trouvant même 820 autres erreurs. Les Saints Évangiles d'Henri Lasserre rejoignirent honteusement la longue, la très longue, l'interminable liste de l'Index[139]le 19 décembre 1887.

De nombreuses voix s'élèvent contre ce décret : le Saint-Office reprend ses travaux et, au terme d'une analyse cette fois-ci exhaustive, dénonce 5 548 erreurs, dont 91 dans la seule préface ainsi que 5 000 omissions de… majuscules, guillemets et points de suspension ! Le saint-Office considère en outre qu'Henri Lasserre s'est livré à d'inutiles et pernicieuses modernisations de la sainte Écriture et donc de la sainte Parole. Ainsi, pourquoi dire alitée au lieu de couchée ; "Au désert, leur dit-il, qu'êtes vous allé voir ?" au lieu de "Qu'êtes-vous allé voir au désert"…

Non décidément, la seule lecture vraie de la Bible est une lecture littérale. En 1875, l'abbé Moigno est donc autorisé à dire que : "La situation de Jonas peut être comparée à celle d'un enfant qui vit dans le sein de sa mère, sans aucun exercice de la respiration, par le seul acte de la circulation qui peut même avoir été suspendue chez Jonas, dans certains états de léthargie ou de syncope[140], avec persistance des mouvements du cœur. La situation de Jonas peut être comparée aussi, avec de grands avantages, à celle des crapauds restés enfermés au sein de pierres très dures et qu'on a vu sortir après des centaines et des milliers d'années[141]… Donc scientifiquement[142], le fait de Jonas vivant et priant dans le sein de la baleine n'a rien d'impossible".

Meignan, évêque, puis cardinal  de son état, va dans le même sens : "Sachez-le mon bon ami[143], la critique n'a jamais existé dans l'Église. Qu'est ce que les Pères ont compris à la Bible ? Rien du tout[144]. Et pendant le Moyen-Âge ? Et depuis ? Richard Simon fut un homme intelligent, un grand critique. Mais remarquez-le bien, il n'a pas réussi. Bossuet l'a écrasé. Tout le clergé catholique est dans une profonde ignorance sur ce sujet. A l'en couloir tirer, on court de gros risques, car nos théologiens sont féroces ; ils nous mettraient à l'Index pour rien? Croyez-moi, mon petit Loisy, il faut être prudent. J'ai contribué à vous engager dans la voie de la science ; c'est pourquoi j'ai le droit de vous dire : prenez garde ! c'est un conseil de père. Si vous vous exposez au danger, ceux qui pensent comme vous ne viendront pas à votre secours[145]. Les pères Jésuites nous donnent la mesure de ce qu'on peut écrire sur les questions bibliques : ils les étudient à leur manière. Ils ont beaucoup de crédit, les pères Jésuites ! On ne devient pas cardinal sans leur permission ; il faut être bien avec eux… Soyons donc les avocats de la tradition, des avocats sincères, toujours sincères…"[146].

Mais Loisy, par honnêteté intellectuelle, n'écoute pas les bons conseils de son bon père : "La présence d'erreurs dans le Livre saint est évidente"; "Le pentateuque, en l'état où il nous est parvenu, ne peut pas être l'œuvre de Moïse"[147]. Loisy, professeur d'université,  finit aumônier d'un pensionnat catholique de jeunes filles de bonne famille.

Aurait-il pu en être autrement quand Renan avait déjà démontré que l'Église ne peut pas avouer qu'elle s'est trompée parce qu'elle est prisonnière du mythe de son infaillibilité,  qu'admettre ne serait-ce qu'une seule erreur, ce serait de sa part  ruiner l'édifice entier et que, invariablement, elle ne peut donner tort qu'à ceux qui la quittent ou qui la mettent en doute mais jamais à elle-même !

Le paradoxe, car il y en a un – un de plus – c'est que l'ouvrage de Loisy ne sortit jamais de l'Index alors que, plus tard, l'Église fit officiellement sienne ses thèses !

A partir de 1886, trois jésuites, Cornely, Knabenbauer et von Hummelauer entame la publication de leur Cursus scipturae sacrae. S'en tenant à une lecture littérale de la Bible, ils y démontrent que saint Pierre a été un chimiste d'avant-garde puisqu'il avait anticipé que l'hydrogène était à la base de la composition de tous les corps[148].

Des croyants ne manquent pas de pointer le danger qu'encourt l'Église à s'évertuer de continuer d'imposer des dogmes et une interprétation littérale de la Bible qui ne peuvent plus cadrer avec les connaissances scientifiques. C'est ce que, a posteriori, Albert Houtin, croyant lui-même, reprochera à l'Église  : "le gamin de Paris qui récitait son catéchisme était de dire que le monde a été créé quatre milles ans avant J-C. Il savait par ce qu'il apprenait à l'école primaire que ce n'était pas vrai. Ainsi, dans le même temps où l'on essayait de poser en son intelligence les fondements de la foi, on lui fournissait des données capables de lui faire remarquer qu'elles étaient en conflit avec la science[149]".

Pour trancher, le 18 novembre 1893, Léon XII est contraint de publier son encyclique Providentissima[150]: "Nos adversaires principaux sont les rationalistes". Ces rationalistes chrétiens "invoquent les décisions d'une science libre" ; ils enseignent dans "de nombreuses écoles attachées à l'Église" ; ils répandent "un poison funeste" ; ils ont l'audace d'appliquer à la Bible des méthodes critiques non chrétiennes ; ils utilisent des méthodes et des sciences hétérodoxes… "Il n'est donc permis à personne d'expliquer l'Écriture d'une façon contraire à cette signification[151] ou encore au consentement unanime des Pères. Par cette loi pleine de sagesse, l'Église n'arrête et ne contrarie en rien les recherches de la science biblique, mais elle la maintient à l'abri de toute erreur et contribue puissamment à ses véritables progrès… Il résulte évidemment de là qu'on doit rejeter comme insensée et fausse toute explication qui mettrait les auteurs sacrés en contradiction entre eux ou qui serait opposée à l'enseignement de l'Église[152]". "La théologie… ne tire pas ses principes des autres sciences, mais immédiatement de dieu par la révélation? Et aussi, elle ne reçoit rien de ces sciences, comme lui étant supérieur, mais elle les emploie comme étant ses inférieures et ses servantes[153]".

En 1897, avec la constitution Officiorum ac munerum, Léon XIII rappelle que ;"Toutes les versions en langue indigène[154], même celles qui sont publiées par des catholiques, sont absolument prohibées, si elles n'ont pas été approuvées par le Siège apostolique, ou éditées sous la surveillance des évêques avec les annotations tirées des Pères de l'Église et des écrivains doctes et catholiques".

En 1897, l'Église vit un nouveau drame : depuis la Vulgate, la première Épître de saint jean, chapitre 5, versets 6 à 8, était rédigé de la manière suivante : "C'est qu'ils sont trois à rendre témoignage dans le ciel : le père, le verbe et l'Esprit Saint, et ces trois sont uns ; et ils sont trois à rendre témoignage sur la terre". Or, des exégètes font remarquer que la partie en italique ne figure dans pratiquement aucune des versions antérieures à la Vulgate. Pour couper court au débat, le Saint-Office décrète que la version de la Vulgate est authentique et qu'il est interdit d'en douter.

L'abbé Paulin Martin démontre pourtant qu'il s'agit en fait d'un commentaire personnel écrit dans la marge par un disciple de Priscillien, que ce commentaire a été fait par un panthéiste manichéen pour donner une interprétation allégorique des trois personnes et que ce n'est que vers 380, en Espagne, où il se trouve intégré dans le corps même du texte à l'occasion de l'édition d'une version grecque de la Bible.

Léon XIII est particulièrement fâché des travaux de l'abbé Martin car ils ruinent une bonne partie de providentissimus. Et ces travaux se fondent sur une recherche historique qui, en toute objectivité, ne présente pas la moindre faille. Pour étouffer l'affaire dans l'œuf, des pressions discrètes sont exercées sur l'abbé Martin qui se soumet à la discipline de l'Église et accepte de se taire !

Pie X[155] succède à Léon XII en 1903. Aussitôt, il condamne sans appel le nouveau courant qui a émergé, à la base de l'Église : le catholicisme social et, plus généralement, toute velléité de modernisme. Dans la foulée, il se lance à une véritable chasse aux sorcières et multiplie les anathèmes, les exclusions, les bannissements, les excommunications, les mises à l'Index, les sanctions diverses et variées… et institue l'intégrisme au rang de doctrine officielle[156].

Le 27 juin 1906, la Sacrée Congrégation des études, fermant les yeux sur toutes les preuves contraires accumulées au sein même de l'Église, clôture le débat de l'exégèse biblique : le Pentateuque est l'œuvre personnelle de Moïse à l'exception de quelques modestes ajouts, eux aussi inspirés, intervenus postérieurement.

Le 3 juillet 1907, le décret Lamentabili sane exitu[157], précise et développe le Syllabus : "Les Evangiles se sont enrichis d'additions et de corrections continuelles jusqu'à la fixation et à la constitution du Canon[158]" ; "Le Christ n'a pas toujours eu conscience de sa dignité messianique" ; "L'Église se montre hostile aux progrès des sciences naturelles et théologiques" ; "Le progrès des sciences exige que l'on réforme les concepts de la doctrine chrétienne sur dieu, sur la Création, sur la Révélation, sur la Personne du Verbe incarné[159], sur la rédemption" ; "Le catholicisme d'aujourd'hui ne peut se concilier avec la vraie science[160] à moins de se transformer en un certain christianisme non dogmatique, c'est-à-dire en un protestantisme marge et libéral"…[161]

Le 8 septembre 1907, c'est le chef d'œuvre de la pensée de Pie X, l'encyclique Pascendi Dominici gregis qui est la condamnation globale du modernisme et de toute tendance de conciliation entre l'Église et la Science. Le progrès religieux ne s'arrête pas ! Mais comment pourrait-on l'arrêter puisqu'il est… l'immobilisme ?

Les sectateurs de la fausse science sont au sein même de l'Église[162] ; imprégnés jusqu'aux moelles d'un venin d'erreur, armés d'un art perfide, d'une témérité sacrilège, d'un langage pervers, d'un dessin néfaste… ils sont les ennemis de l'Église.

"La science est toute aux phénomènes, la foi n'a rien à y voir ; la foi est toute au divin, cela est au-dessus de la science. D'où on conclut enfin qu'entre la science et la foi il n'y a point de conflit possible ; qu'elles restent chacune chez elles et elles ne pourront jamais se rencontrer ni, partant, se contredire"[163].

Cet encyclique se termine par une série d'interdictions et d'obligations : "défense absolue aux clercs et aux prêtres d'aller suivre les cours dans les universités civile, car on y colporte de mauvaises idées ; obligation d'avoir suivi tout le cours de philosophie scolastique pour recevoir le doctorat en théologie[164] ; que les évêques veillent à éliminer tous les écrits, journaux, revues, livres suspects de modernisme, et cela sans égards aux criailleries des méchants, suavement, sans doute, mais fortement… Qu'à chaque journal et revue il soit assigné, autant que faire se pourra, un censeur…; interdiction de tenir des congrès sacerdotaux, à moins d'obtenir une autorisation écrite de l'évêque garantissant… ; que l'on n'y [dans ces congrès] profèrera aucune parole qui sente le modernisme ou le presbytérianisme ou le laïcisme…"

Pie X, en se félicitant du travail accompli, indique aux membres de la Curie, que "nos ennemis vont encore utiliser ce texte pour montrer que l'Église s'oppose à la science et au progrès ; cela est faux, l'Église est pour la science, à condition que celle-ci soit catholique". Quel aveu !

Le 18 novembre 1907, un Motu proprio indiquait que les catholiques qui ne se soumettraient pas au décret précité seraient purement et simplement… excommuniés.

L'encyclique est aussitôt suivie d'une campagne de dénonciations, de destitutions, de mises à l'Index, d'anathèmes, d'excommunications, de sanctions diverses…Ainsi Georges Tyrell, dénoncé par le cardinal Mercier comme représentant du modernisme, est excommunié en 1906 ; Loisy l'est en 1908 ; les œuvres du père Laberthonnière sont mises à l'Index en 1906, celles de Bergson en 1914 et celles d'Albert Houtin au fur et à mesure de leur parution. Le 29 juin 1910, le pape impose un serment de soumission aux décrets pontificaux à tous les candidats au doctorat de théologie et le 1er septembre de la même année un serment anti-moderniste à tout candidat au sacerdoce[165].

Bien entendu, en ce qui les concerne les fidèles, la consigne est de les encourager à rester dans le plus universel état possible d'ignorance. C'est dans ce sens que le père Monsabré, dominicain affirme : "J'ai plus de penchant à croire ce que disent les peuples qu'à croire ce que disent les savants qui n'ont jamais vu la plus belle des guenons accoucher du plus laid des sauvages" ou bien encore : "On dit d'un homme : "c'est un puits de science". A quoi bon un puits, s'il n'y a que de l'eau trouble et corrompue ? Mieux vaut un tout petit vase rempli d'une eau claire et saine, tombée directement du ciel. Et voilà l'âme des humbles chrétiens qui n'ont d'autre science que la foi[166]".

Désormais, l'intégrisme est théorisé ; il est une doctrine officielle de l'Église et a même son organe officiel, La vigie : "Nous sommes des catholiques romains intégraux, c'est-à-dire que nous mettons au-dessus de tous non pas seulement l'enseignement traditionnel de l'Église dans l'ordre des vérités absolues mais aussi des directions du pape dans l'ordre des contingences pratiques. L'Église et le pape, c'est tout un[167]".

L'intégrisme, c'est aussi le développement exacerbé d'une manie – au sens psychiatrique du terme – celle du règlement. Tout doit désormais être codifié, réglementé : ayant recours à des calculs savants, la durée du jeûne précédant la communion est fixé avec une rare minutie ; en Belgique, l'heure réelle étant en avance de 17 minutes sur l'heure officielle (catholique),  un règlement pastoral invita les fidèles à se caler sur l'heure du service public des postes et non sur celle donnée par les horloges des bâtiments publics ; pour ne pas le rompre, il est interdit de sucer le sang d'une blessure pendant le jeûne eucharistique ; en revanche le fait d'avaler le sang coulant de la partie rouge des lèvres, de la langue, des gencives ou des fosses nasales de même que la salive coulant de la moustache ou de la barbe n'est pas une rupture du jeûne car le liquide ainsi avalé ne vient pas vraiment ab extrinseco dans la bouche[168] ; plusieurs décrets du saint-Siège  spécifient les types de beurre, de graisse, de saindoux et de jus de viande autorisés pour faire la cuisine ; un autre décret – de 1909 ! – interdit de réciter les prières sur des chapelets dont les grains du pater noster auraient été remplacés par des médailles, même pieuses, même bénites ; un autre décret autorise la récitation des dizaines de la couronne des sept joies de la mère de dieu[169] séparément mais à la condition formelle de les réciter toutes en l'espace d'un jour naturel ; si une jeune fille pieuse a une sœur qui est la concubine d'un juif, il faut qu'elle cesse de la fréquenter si elle veut continuer de recevoir l'absolution ; si l'on est surpris au lit quand l'Angélus sonne et qu'il est trop tard pour se lever, on peut faire sa prière au lit ; devant le saint sacrement, on peut chanter avant le tantum ergo mais il faut le faire debout[170] ; si on consacre un autel isolé de tous les côtés et donc la table est portée par quatre colonnes, mais dont le milieu est vide, il faut que l'onction avec le saint chrême soit faite sur le devant, dans l'épaisseur de la table[171] ; pour gagner les indulgences des six Pater, Ave et Gloria du scapulaire bleu[172], il faut être dans une chapelle…

Mais l'Église est bien obligée d'admettre qu'il y a des progrès techniques. Elle ne peut se fermer les yeux. Il est donc impératif que ces progrès puissent entrer dans son cadre de référence théologique, doctrinal, dogmatique… qui est celui de… la nuit des temps. Tiens, en fait de nuit, l'Église a été confrontée à un gros problème : l'électricité, la fée électricité. Là aussi, il a fallu… décréter (De luce elctrica du 22 novembre 1907) : sur les autels ou devant l'eucharistie, il est interdit de remplacer les cierges par la lumière électrique car un décret de la sacrée congrégation de 1864 a clairement stipulé que la lampe du sanctuaire doit fonctionner à l'huile d'olive au motif que, selon l'Écriture, l'olivier est l'image de l'Église ; bien entendu, les cierges doivent être exclusivement en cire… d'abeilles ; l'éclairage au gaz des autels est également interdit ; en 1910, il est également interdit de poser un bec électrique sur le tabernacle pour éclairer le missel puisqu'un décret de 1821 a interdit de poser quoi que ce soit sur le tabernacle[173]

L'âme du mouvement intégriste, à ses débuts, a été le cardinal Benigni, prélat au Secrétariat d'État, animateur de la solidarité saint Pie V qu'au sein même de l'Église on désignait sous le nom de code de la sapinière. Pie X avait des relations régulières avec Benigni puisque celui-ci lui remettait un rapport régulier des activités de la sapinière qui, en fait, était la police secrète de l'Église et, plus précisément, du gouvernement de l'Église, c'est-à-dire du pape.

La répression intégriste culmine dans les années 1912-1913. devant la perspective de la mort de Pie X, qui interviendra le 20 août 1914, et face à la levée de boucliers d'une partie nullement négligeable de la hiérarchie catholique, Benigni charge l'avocat Joncks, représentant de la sapinière en Belgique, de faire une véritable enquête de renseignements généraux auprès des cardinaux afin de pouvoir repérer ceux sur lesquels il est possible de compter pour l'élection d'un pape intégriste,  ceux qui pourraient être acquis, par des voies diverses, à la cause intégriste et ceux qui, étant ses adversaires irréductibles, doivent, d'une manière ou d'une autre, écartés.

La médecine catholique connaît un réel essor, encouragée qu'elle est, même si l'encouragement reste discret et rarement écrit et, en tous les cas, public, par les évêques. Outre que, notamment dans les campagnes, il entraîne une régression du nombre de médecins officiels et légaux[174], ce développement fait obstacle à la vaccination, à l'hygiène tant publique que privée, à la contraception, à l'éradication de nombreuses maladies… Par ailleurs, ces pratiques, si elles continuent de relever d'une véritable boucherie pour les femmes, assurent l'essor d'un commerce très florissant : messes, médailles, reliques…

Les médecins catholiques ne chroment pas : en 1885, le curé Granier, dans les Deux-Sèvres voit jusqu'à deux-cents malades par jour ! Ce prêtre ne faisait pas dans la dentelle lors de ses sermons. Ainsi, après l'enterrement d'un protestant, il s'exclame en chaire : "On a mis de la pourriture dans le cimetière ; il a été profané : il faudra le désinfecter" !

En 1865, le constat du docteur Paulus est sévère : "On est amené à l'inexorable conclusion que toutes ces religieuses, au lieu de constituer un bien pour la société, sont au contraire pour elle, un danger réel et permanent". Celles-ci, en effet, outre le rasoir et les ciseaux – à la place, au moins d'un véritable scalpel – manient allègrement le bioxyde de mercure, l'acétate de plomb, la pâte arsenicale…

Étrangement, la médecine catholique, sans le moindre état d'âme, s'écarte du précepte de charité chrétienne et se fait régulièrement sélective. En 1872, à l'Hôtel-dieu de Nantes[175], des religieuses refusent d'accueillir une pauvre femme sur le point d'accoucher au motif que c'est une débaucheuse de jeunes filles.

Si la médecine catholique est la bonne médecine pour le troupeau, les prélats, pour eux-mêmes et leur entourage, font appel à la médecine officielle et légale. C'est donc un vrai médecin, le docteur Guérin,  qui, par exemple, en 1863, est appelé par Pie IX pour traiter ses ulcères variqueux[176]. Fort content des services rendus, Pie IX se confie : "Docteur, vous faîtes des miracles[177]. Vous êtes le plus grand médecin de la chrétienté". Maniant aussi bien l'humour que l'art d'Hippocrate, Guérin lui répondit : "je dois vous croire, Sa sainteté n'est-elle pas infaillible ? [mais] je me garderai bien de dire à mes compatriotes que ma tête s'est appuyée sur votre poitrine ; je connais mes Bretons, ils me couperaient les oreilles pour s'en faire une relique !".

Dans les années 1920, les efforts intégristes n'ayant pas abouti, on assiste à un assouplissement de la position à l'égard de la Science. Améliorant un peu plus l'art de l'hypocrisie casuistique, grâce à la science jésuitique, l'Église est traversée d'une sublime et subite illumination : le combat contre la Science étant perdu, il faut, une nouvelle fois, changer de terrain de bataille et en ouvrir un autre : celui de la finalité et de l'utilisation de la Science qu'il convient d'interroger d'un point de vue non religieux ou théologique mais… moral ! Eurêka !

Ainsi, feignant de ne plus mettre en doute les connaissances scientifiques, l'Église, désormais va poser la question de leurs conséquences pour l'Homme dont, au nom de la conception qu'elle s'en fait, elle se présente comme le défenseur attitré et, d'ailleurs, mandaté à ce titre par dieu lui-même.

Certes, elle n'admet toujours pas l'évolutionnisme, le polygénisme et quelques autres bricoles et considère toujours que la Genèse – y compris sa Chronologie – incarne la seule Vérité, mais enfin, comme il faut bien faire avec son temps, il faut savoir se taire sur certaines choses quand on n'a rien à dire ou que l'on ne peut dire que des… sottises !

Ce glissement de champ de bataille s'accompagne d'un travestissement[178] d'apparence : le 4 novembre 1915, Benoît XV crée une Congrégation chargée des séminaires et des universités[179] et, en 1917, supprime la Congrégation de l'Index pour, en catimini, en transférer les compétences au Saint-Office.

Le 22 janvier 1922, c'est Achille Zavatta, pardon, Ratti, archevêque de Milan, qui est désigné au pontificat – et donc à l'infaillibilité – sous le nom de Pie XI.

En 1928, dans son encyclique Mortalium animos, il rappelle qu'il n'y a qu'une seule vraie Église – la sienne – et que toutes les autres,, sans aucune exception, ne sont que des dissidences religieuses[180]. En 1930, dans Casti connubii, il rappelle la doctrine catholique du mariage – point de sexualité en dehors du mariage, point de contraception… -. En 1936, avec Vigilanti cura, pour moraliser le cinéma et promouvoir un véritable cinéma – catholique, bien sûr -, il crée l'Office catholique international du cinéma. Avec Rerum omnium de 1923, il soutient les syndicats… chrétiens, la jeunesse Ouvrière Chrétienne, l'Action catholique des laïcs, la presse catholique…, bref tout ce qui est en odeur de sainteté auprès de ses narines infaillibles. En 1929, avec Divini illius magistri, il institue et promeut une éducation… chrétienne qu'il s'empresse de qualifier de libre pour la distinguer de celle qui, dans le cadre de la laïcité, s'est odieusement soumise à la raison et s'est séparée de toute influence religieuse.

En 1926, la Suprême Congrégation du Saint-Office rappelle l'interdiction de la crémation des cadavres, sans doute parce que le bûcher est toujours soumis à son usage exclusif ! pourquoi un tel interdit ? "La crémation a pour effet de détourner de ma méditation de la mort, d'enlever l'espoir de la résurrection des corps et de préparer les voies au matérialisme[181]" ; "les incinérations sont des actes impies, scandaleux et de ce chef gravement illicites".

Pour parachever cette assemblage d'institutions catholiques, il ne reste plus, de façon totalement institutionnelle, canonique, pontificale, infaillible…., qu'à instituer une… science catholique. Que cela ne tienne… Par le décret Motu proprio du 28 octobre 1936, il réorganise l'Académie pontificale des sciences[182] en la constituant de 70 membres éminents nommés – par lui, le pape – [183] qui a pour charge d'encourager la science – catholique- mais, aussi et bien entendu, pour… l'orienter. Ce même décret, au passage, réaffirme l'immunité de la Bible vis-à-vis des erreurs.

Ami de la Science, Pie XI est aussi un grand écrivain ; c'est pourquoi, il rajoute personnellement de nombreuses pages à l'Index même s'il est juste de dire qu'il a tout de même été secondé dans sa rédaction par le Saint6office et… l'Académie pontificale des Sciences.

Le 2 mars 1939, ayant laissé son trône vacant pour cause d'infaillible décès, Pie XI est remplacé par Pie XII.

D'emblée, Pie XII se dira un ami personnel des  sciences ; c'est pourquoi il sera aussi l'ami personne d'Hitler, de Mussolini et de Franco puisque ceux-ci, comme on le sait, dont on sait  ont été de grands propagandistes de la science et même, dans certains domaines comme celui de l'extermination, de grands savants!

Ami de la science, Pie XII, dans son encyclique Divino afflante spiritu de 1943, autorise une exégèse raisonnable – et sous très haute surveillance – de la Bible. En 1948, il autorise même un peu plus de souplesse dans l'interprétation des premiers chapitres de la Genèse qui, il faut bien l'admettre, et pour reprendre le grand mot d'esprit d'un certain homme d'État, comptaient parmi les plus abracadabrantesques  de cette volumineuse ineptie qu'est la Bible.

Comme Pie XI, Pie XII,[184] et ses fidèles séides, se commet un peu dans la littérature et rajoute quelques belles pages à l'Index.

En 1941, devant ses académiciens, Pie XII s'exclame : " Vraiment, là, vous vous élevez d'une façon gigantesque. Grâce à la vision étendue de vos télescopes, vous comptez les astres, vous en analyser les spectres[185], vous poursuivez les tourbillons et les lueurs des nébuleuses[186] et leur donnez un nom[187] ; mais vous devez vous incliner devant la science de dieu qui, mieux que vous, compte le nombre es étoiles et les appelle toute par leur nom (ps 145,4). Les cieux de cristal[188] ont disparu. Les génies de Kepler et de Newton[189] ont retrouvé dans les cieux la mécanique céleste".

Comme lui aussi tient à son apothéose, il y va, en 1950, de son encyclique Humani Generis. Sans le moindre ambages, il réaffirme qu'il n'y a d'autre Vérité que celle de la Création telle que la rapport la Genèse. C'est donc une nouvelle condamnation de l'évolutionnisme, du polygénisme… "L'esprit n'émerge pas de la matière au terme d'un processus évolutif" : l'esprit a donc été directement insufflé par dieu à la matière aussi bien vivante qu'inerte[190]. Ce texte admet toutefois que les onze premiers chapitres de la genèse "ne répondent pas de façon rigoureuse au concept de l'histoire qui fut celui des grands historiens grecs et latins[191] ou qui est celui des maîtres de notre temps". Toutefois, "On ne voit aucune façon d'accorder pareille doctrine[192] avec ce qu'enseignent les sources de ma vérité révélée et ce que proposent les actes du Magistère ecclésiastique sur le péché originel[193]". Pie XII rappelle alors l'obligation faite à tous les chrétiens de croire en l'existence d'un ancêtre unique de l'humanité, Adam et signifie aux scientifiques catholiques l'interdiction qui leur est faite de continuer des recherches qui s'appuieraient sur l'hypothèse du polygénisme.

En réaction à ce documents qui ne fait qu'aggraver le décalage entre l'Église et le réel, de nombreuses voix de croyants vont s'élever. En vain.

Des auteurs athées considèreront qu'avec de tels textes, l'Église fournit les meilleurs arguments qu'on puisse lui opposer et, même, se suicide. Ainsi, Anthony Flew : "L'hypothèse de dieu est assassinée centimètre par centimètre, mille restrictions la mettent à mort"[194] .

En 1955, toujours devant sa chère Académie, Pie XII rappelait que "La vérité scientifique devient un leurre à partir de l'instant où elle croit suffire à tout expliquer, sans sa rattacher aux autres vérités[195], et surtout à la vérité subsistante, qui est un Être vivant et librement Créateur".

En 1958, Pie XII renouvelle la condamnation de la contraception et de la stérilisation et prononce celle de l'insémination artificielle.

Le 11 octobre 1962 Jean XXIII ouvre vatican 2 qui durera jusqu'au  8 décembre 1965.

C'est le temps où l'Église s'initie à de bien timides mea culpa. Ainsi, dans la constitution Gaudium et spes du 7 décembre 1965, Jean XIII, dans une note et non dans le corps même du texte, précise : "… qu'on nous permette de déplorer certaines attitudes qui ont existé parmi les chrétiens eux-mêmes, insuffisamment avertis de la légitime autonomie de ma science. Sources de tensions et de conflits, elles ont conduit beaucoup d'esprit jusqu'à penser que science et foi s'opposaient".

Plusieurs remarques s'imposent : le mea culpa est fait au nom de tous les chrétiens et non en celui de l'Église,  or, c'est bien celle-ci qui a organisé et dirigé la répression l'oppression et, maintes et maintes fois l'assassinat de savants ; la seule référence, quasi allusive, est celle de Galilée mais Galilée n'a pas été tué quand d'autres, comme Giordano Bruno l'ont bel et bien été ; l'Église n'a pas commis une erreur mais des fautes et des crimes ; les crimes que l'Église a commis contre des savants et contre la Science ne peuvent se réduire à une simple erreur, à une seule personne ; un repentir sincère est fondé sur une demande de pardon, la présentation d'excuses, l'offre d'une réparation et d'un dédommagement et non sur reconnaissance d'une erreur…

Le modernisme de vatican 2 a de sérieuses limites. Ainsi Dei verbum n'admet la simple lecture de la Bible par des laïcs qu'avec une réserve extrême ; l'interprétation de la Bible demeure du ressort exclusif de l'Église et de ses docteurs ; les traductions de la Bible en langues vulgaires doivent comporter les annotations que les évêques auront jugé bon de faire…

L'Église a estimé que Jean XXII a bien mérité d'elle : elle embaumera donc son corps en désobéissant ainsi à dieu qui veut que, né de la poussière, tout un chacun, à sa mort, retourne à la poussière.

Paul VI est élu le 21 juin 1963. aussitôt, il réaffirme la condamnation de la contraception, de la stérilisation ainsi que de l'insémination et la procréation artificielle ou même seulement médicalement assistée.

Le 23 avril 1966, devant l'Académie pontificale, il rappelle que la Science pose des questions mais n'apporte pas de réponses alors que l'Église elle détient ces réponses : "Votre vie de savants se passe, peut-on dire, à lire dans le grand livre de la nature. Nous avons, nous, un autre livre, celui qui nous communique[196] les pensées de dieu sur le monde : le livre inspiré[197], le livre saint. Ce livre-là donne les réponses décisives que la science ne peut donner[198]".

Le 31 octobre 1969, au Congrès de la Société italienne de pathologie, il récidive : "Il est donc naturel que le savant s'adresse avec humilité et confiance à la sphère supérieure des valeurs religieuses pour y trouver lumière, réconfort, espérance[199]".

Le 3 décembre 1965, dans l'encyclique Mysterium fidei, il rappelle que le dogme de l'eucharistie a été fixé une fois pour toute par le Concile de Trente – au Moye-Âge donc – et que "cette règle est souvent devenue me mot de ralliement et l'étendard de la foi orthodoxe. Elle doit être religieusement respectée. Que personne ne s'arroge le droit de la changer à son gré ou sous prétexte de nouveauté scientifique". D'ailleurs, ajoute-t-il, quoi de plus adapté à la civilisation actuelle que "ce l'Église catholique dénomme en toute justesse et propriété du terme transsubstantiation"[200].

En matière d'exégèse, même constance. Paul VI conseille de préférer l'ignorance fidèle à la science téméraire.

Pour le reste, il ne peut que confirmer les condamnations précédentes : évolutionnisme, polygénisme, contraception stérilisation, incinération, euthanasie, contraception….

Ayant fait son petit tout, Paul VI s'en va et, après un très bref intermède, Gépétou… apparaît.

Normalement, je devrais donc poursuivre la relation de cette longue histoire d'amour enflammée et enflammante – incendiaire même – que la religion n'a cessé et ne cesse de porter à la Science et aux savants. Je ne le ferai pourtant pas car, avec Gépétou, ce n'est plus l'Église qui est sur le devant de la scène mais… dieu lui-même ou, plus exactement, le prétendant à la divinité.

En effet, fort de l'expérience de ces prédécesseurs (et notamment Pie IX, cf. note 105), à attendre patiemment sa mort pour se présenter à la porte du Paradis on risque trop de se la voir claquer au visage. Mais, quand on a la prétention de devenir dieu – parce qu'on croit déjà l'être – comment faire pour devenir Calife à la place du Calife si l'on ne peut entrer dans le Palais du Calife ? Même si facile est l'anagramme de Calife, vues sous cet angle, les choses ne sont pas si faciles que cela… sauf si, de son vivant, on s'arrange pour soit tuer l'autre, soit pour le faire oublier car, alors, toujours de son vivant, on pourra prendre la place ainsi vacante.

Or, à l'évidence – et cette évidence je la déduis de la rigueur d'une observation faite dans les règles de l'art de la science religieuse et, singulièrement  catholique[201]- Gépétou, de son tremblotant vivant, est en train d'œuvrer à sa divinisation.

Il faut donc savoir faire preuve de patience et attendre encore un peu pour écrire la fin – ou plus, exactement, le début d'une éternité - de l'histoire d'un nouvel amour : celui de dieu – Gépétou donc mais, alors, bien entendu, nous cesserons de l'appeler ainsi pour le nommer plus simplement, plus familièrement… dieu – à la science, qui cessera d'être religieuse pour devenir divine et accéder enfin à l'infaillibilité – divine et plus seulement papale –, cette infaillibilité à laquelle les scientifiques ont eu la stupidité de renoncer quand ils l'attendaient de la raison et qu'ils ont constaté que, raisonnablement, celle-ci n'étant pas infaillible, ne pouvait satisfaire leur demande alors qu'il leur suffisait de la demander à… dieu lui-même !

J'ajoute toutefois qu'un petit additif, une sorte… d'index en quelque sorte sera sous peu apporté à cette seconde partie qui, comme vous l'aurez compris n'est qu'une fin provisoire puisqu'attente d'un nouveau commencement !



[1] Commentaire de la lettre sur l'homme.

[2] Mais il est vrai qu'ils n'étaient pas… saints ! Ni simples non plus !

[3] Dans son éloge funèbre, on dit de lui : "Il ne se permettait point d'en savoir plus que le peuple en matière de religion" mais aussi "Il eut jusqu'à douze enfants, dont la plupart moururent et il les regrettait comme s'il en eût été riche".

[4] J'ai bien l'énoncé mais je n'ai pas trouvé la réponse… Dommage !

[5] On notera que 1)) ce théorème repose sur aucune démonstration mais sur un postulat nullement vérifié, en l'occurrence le point de vue de Platon 2°) la causalité il s'ensuit que n'est pas non plus démontrée et 3°) en mathématiques, un point se définit comme l'intersection de deux lignes : comment définir une ligne à partir d'un point alors qu'il faut deux lignes pour définir un point ?

[6] Avec les libertins et les sceptiques Pascal avait, au moins, préféré faire appel à la raison du calcul économique en les invitant à faire/commettre le… pari, même si d'aucuns, comme moi, trouvent ce pari complètement… stupide !

[7] Au vu de ces élucubrations, Voltaire qualifiera Mersenne de père très…  minime !

[8] Avez-vous remarqué que dans la secte vaticanesque il y a beaucoup de Pères qui se rajoutent au Père éternel mais pas de Mères ou, du moins, une seule : Marie ? Au fait, le partage d'une seule femme par plusieurs hommes, cela ne s'appelle-t-il pas la… polyandrie ?

[9] A y regarder de plus près, on constate que ce qui était admis c'était qu'une même chose puisse avoir des significations différentes à raison de leur application à des champs différents, ce qui est loin de pouvoir s'assimiler à une véritable multiplicité de sens.

[10] Oui, mais à quelle heure ? et quel jour était-ce ?

[11] Version officielle de la Bible, un peu comme l'annuaire de France Télécom ! Elle est l'œuvre du concile de Trente. De cette Vulgate, le père jésuite février disait qu'elle était plus authentique que les textes hébreux et grecs !

[12] Pour être plus clair : de l'imposture religieuse.

[13] La charge de Spinoza est moins brutale : il n'est dit pas que la Bible est le contraire de la Vérité – et donc un tissu de mensonges – mais qu'elle ne peut pas être le fondement d'une vérité scientifique. Bien que plus subtile, cette critique n'en est pas moins radicale puisque l'Église considère que la Bible est la Vérité révélée et que c'est au nom de cette Vérité qu'elle a légitimité à juger la Science et à séparer la vraie science de la fausse science !

[14] 1649 pour Hobbes et 1679 pour Spinoza. Pour Spinoza, un facteur aggravant est intervenu : il était… juif , ce qui était encore plus grave qu'être… athée puisque les juifs sont déicides alors que les athées se proposent seulement de tuer dieu !

[15] Or, c'est bien sur cette interprétation littérale que se fondait le corpus de dogmes de l'Église !

[16] Comme retour aux sources mais aux… vraies.

[17] L'imprimatur temporelle.

[18] Commentaire personnel : de nombreux chrétiens se moquent des musulmans qui apprennent le Coran par cœur sans même comprendre ce qu'ils apprennent. Mais n'est-ce pas la recommandation que fait Bossuet pour la Bible ? Bossuet n'est-il pas considéré comme une lumière de l'Église et de la civilisation ?

C'est peut-être de ces commentaires de Bossuet que vient l'expression : "Tout cela, c'est de l'Hébreu" !?!

[19] Dans le fond, en tant qu'athée, ne peut-on pas dire : "Merci, Bossuet" ?

[20] Rappelons que Newton a consacré une partie considérable de ses travaux à la recherche du véritable plan du temple Salomon car, selon lui, ce plan était le guide exact de la topographie céleste, qu'il croyait que la première sphère céleste avait été dessinée en 939 avant notre ère par le centaure Chiron pour les argonautes et qu'il avait commis cette sentence toute papale : "Si une question quelconque à 'importe quel moment surgit concernant ses interprétations [i.e. celles de Jésus-Christ], nous devons nous méfier de la philosophie, des vaines tromperies et des oppositions de ce que nous appelons faussement la science et nous référer à l'Ancien testament".

[21] Cf. ses Boyle Lectures de 1692 qui sont des conférences données sur la thème de la réfutation de l'athéisme.

[22] Essai sur l'entendement humain.

[23] Le terme est de son invention.

[24] Commentaire philosophique, première partie.

[25] Cet aphorisme socratique est une contradiction : ne rien pouvoir savoir interdit rationnellement que l'on puisse savoir que l'on ne sait rien !

[26] Édité en France en 1714.

[27] Cet ouvrage inspira grandement Robespierre.

[28] Lettres choisies.

[29] D'aucuns parlent de science tout court.

[30] J'emploie cette expression pour faire simple car pensée et religion constituent une opposition irréductible !

[31] Il faudrait rajouter une variante du déisme : le panthéisme.

[32] Vulgarisateur du newtonisme.

[33] Qui fut un véritable best-seller dépassant largement le tirage et la renommée des œuvres de Buffon !

[34] Questions : mais, d'abord, pourquoi avoir créé les puces ? et quid des pelages sombres ? il y aurait des puces claires pour être repérées sur de tels pelages ?

[35] Les protestants n'échappent donc pas toujours à la niaiserie, à la stupidité… !

[36] Rappelons qu'il y a peu un certain cardinal affirmait que le SIDA avait été envoyé par dieu pour punir les hommes du péché originel !

[37] Avez-vous remarqué que ces démiurges sont toujours grands : il ne saurait donc y avoir de déité naine ?

[38] In Telliamed, entretiens d'un philosophe indien avec un missionnaire français, sur la diminution de la mer, formation de la terre, l'origine des hommes.

[39] Considérations philosophiques de la gradation naturelle des formes de l'être, 1768.

[40] De nombreux membres de la hiérarchie de l'Église ont été souscripteurs de l'Encyclopédie – dont Barnabé Chiaramonti, futur pape Pie VII -, ce que ne pouvait pas se permettre les simples curés de campagne du fait de son coût.

[41] C'est ce même universalisme qui prévaudra lors de la condamnation, au XIXème siècle de quatre autres Encyclopédies et de quatre Dictionnaires, dont celui de Pierre Larousse en 1873.  Toutes ces interdictions seront maintenues jusqu'en… 1948 !

[42] Notons la saillie d'esprit de Buffon : pour sa théorie, il fait état de preuves et pour la Chronologie officielle de… traditions sacrées !

[43] Même remarque : des raisonnements fondés, des faits… contre des propos rapportés, c'est-à-dire des propos de énième main et non démontrés !

[44] Autre nuance : la certitude et non la vérité ou, seulement, la connaissance.

[45] On ne sait comment qualifier la démonstration de Buffon car comment expliquer que, au vu de l'argumentation rationnelle ainsi développée; seul Mathusalem ait pu accéder à cet âge canonique de 969 ans et non pas tous ses contemporains ?

[46] Buffon n'est pas le premier à anticiper la théorie de l'évolution. Mais il se contentera de poser la question sans aller plus avant dans la réflexion, la recherche et la démonstration si ce n'est un timide transformisme : "Sous l'influence du climat, de la nourriture et de la domestication, les espèces animales peuvent connaître certaines modifications à l'intérieur de chaque famille".

[47] Cette tolérance pontificale n'emporte pas pour autant le retrait de l'Index de tous les héliocentristes, à commencer par Copernic !

[48] In Discours sur l'inégalité.

[49] Le grand-père de Charles Darwin qui connut les honneurs de l'Index.

[50] Ainsi Voltaire qui était persuadé que les coquillages fossiles que l'on trouvait sur les montagne étaient tout simplement des coquillage déposés par des pèlerins revenant de Syrie ou de Saint-Jacques !

[51] Une précision : dans sa tactique habituelle qui consiste à accuser au lieu de se défendre, en droit, en raison et en morale, l'Église a coutume d'accuser la Révolution d'avoir assassiner la Science en procédant à l'exécution de nombreux savants. En fait, un seul savant fut exécuté : Lavoisier. Et il ne l'a pas été à raison de ses travaux scientifiques ou de son statut de scientifique mais pour des motifs politiques !

[52] Linné qui, en 1736, dans ses Fundamentale botanica, écrivait qu'il y avait autant d'espèces à son époque qu'à la Création et que, de plus, ces espèces étaient dans le même état physique.

[53] En fait… un reptile préhistorique  comme le démontra Camper en 1787.

[54] En fait, curés et fidèles n'ont pas un accès direct à la Bible. Ils n'ont le droit d'accéder qu'aux seuls commentaires des Docteurs de l'Église.

[55] Par ce biais, l'Église, en fait, joue contre elle-même ; en effet, les prêtres qu'elle enverra au créneau contre les scientifiques et, plus tard, en France, les instituteurs, seront démunis de tout bagage scientifique et dans l'incapacité la plus totale  d'engager et de tenir une polémique intellectuelle. En fait, pour ces troupes, ce sera le massacre, celle de la charge d'une brigade légère contre l'artillerie lourde de la raison ! A l'évolutionnisme, à la géologie, à la paléontologie, à l'astrophysique, à la génétique, à la biologie, à l'histoire, à la géographie, aux mathématiques, à l'anthropologie… la piétaille religieuse ne pourra opposer que sa seule fo, assortie, il est vrai, pour certains, d'une réelle et sincère piété !

[56] Autrement dit, le secret de la connaissance c'est… l'ignorance !

[57] La médecine religieuse est en elle-même une dénonciation de l'imposture religieuse : comment l'Église peut, en même temps, faire admettre que ce qu'elle enseigne – la grâce surnaturelle, la transsubstantiation, les rites… - a un fondement rationnel et ne relève pas de la superstition alors que dans ses pratiques médicales – la prière, l'aspersion d'eau bénite, l'incantation, l'exorcisme, l'attouchement des mains, l'apposition d'une image sainte ou d'une relique… - elle a recours à des pratiques rituelles quasi-magiques qui sont la contradiction même de son propos rationaliste ?

[58] Et accessoirement… à la tombe !

[59] Pour ces malades : "Circulez, il n'y a rien à voir ici ! assumez votre péché et vous mourrez heureux" !

[60] Jusqu'au XIXème siècle, les médecins profanes durent se battre contre de telles pratiques qui ne manquaient jamais de contribuer à… la propagation des épidémies !

[61] D'où une pratique illégale de la médecine par les prêtres qui, en France,  durera jusqu'au début du XXème siècle.

[62] Quel déni de mémoire : comme si ce n'était pas l'Église qui, depuis son origine, avait attaquée la raison et la liberté de pensée !

[63] Mais il est vrai que l'Église a toujours excellé en matière de datation et de chronologie !

[64] Les soirées de Saint-Pétersbourg ou entretiens sur le gouvernement temporel de la providence.

[65] Ou du moins sa démocratie !

[66] Grégoire XVI accusait les sociétés bibliques d'un crime particulièrement abominable : celui de mettre la Bible entre les mains de peuplades primitives et, pour certaines, infidèles !

[67] Souvenirs d'enfance et de jeunesse.

[68] On reste pantois devant une telle démonstration : je pose dieu comme seule et unique vérité ; il s'ensuit que la non-croyance ou simplement l'ignorance de dieu est un péché autant qu'une erreur d'une part et que, d'autre part, il est légitime et nécessaire d'être puni de ce péché et de cette erreur puisque dieu est… la vérité ! Ne disait-on pas "Dieu est mon droit" avant de tuer son ennemi ou son adversaire comme d'autres disaient : "Tuez-les tous, dieu reconnaîtra les siens". Décidément, la religion a ponctué l'histoire humaine de… sacrées perles. Mais on hésite entre le rire et les larmes quand on sait le prix en vies humaines de ces perles

[69] On croit rêver, lui qui, justement, dans la suite pontificale, fonde la stabilité de l'ordre, temporel et religieux, sur… l'ignorance voulue du peuple !

[70] Selon le professeur Norman Hampson, de l'université de New-Castle, in Le siècle des Lumières : "On ne peut s'empêcher de soupçonner que c'était [Joseph de Maistre] un malade mental. Il semble que l'importance qu'il accorde à la punition et au sacrifice soit un prétexte inconscient pour donner libre cours à son obsession du châtiment, surtout sanguinaire, qu'il décrit aussi fréquemment que possible et avec un plaisir manifeste. Dans ce domaine, il est plus près du marquis de Sade que des autres écrivains de la contre-révolution et sa religion ressemblait plus à celle des Aztèques qu'au christianisme. Il serait à la fois écœurant et ennuyeux de citer toutes les variations de de Maistre sur le thème "Le sang est l'engrais d'une plante qui s'appelle le génie" ".

Commentaire personnel : encore heureux que l'on ait pas interné Joseph de Maistre : l'Église n'aurait pas manqué d'en faire un martyre !

N.B. Pour cette période, la plupart des citations non annotées sont tirées de l'ouvrage de Hampson.

[71] Question : comment un dogme peut-il être… naturel ?

[72] Et qui repose, notamment, sur un problème d'eau, mais cette fois-ci bénite, comme si, faute de pouvoir trouver de solution définitive son problème de plomberie originelle, l'Église avait décidé de ne plus (se) le poser et d'en faire… une affaire commerciale ! Au passage, peut-il y avoir meilleur théologien qu'un…. plombier ?

[73] La multiplication de ces apparitions, outre qu'elle doit faire rager le fils qui, lui, n'apparaît plus (!?!), est la démonstration scientifique d'une propriété essencielle de la substance vierge : l'ubiquité qui la situe hors de toute contingence accidentelle ! Il est curieux que chaque nouvelle avancée scientifique ou technique est ponctuée d'une apparition de la vierge ! Mais de quelle autre avancée l'Église aurait-elle pu ponctuer l'Histoire de l'épopée humaine ?

[74] L'avenir de la science.

[75] Pour la voie concordataire, on peut distinguer deux courants : l'un religieux ou, du moins porté par des croyants ; l'autre, laïque, dont l'objectif n'est pas tant la sacralisation que la moralisation de la science et de la Technique.

[76] Deux choses au sujet de l'Index : 1°) on y entrait plus facilement qu'on en sortait comme si l'Église était incapable de reconnaître qu'elle avait pu, qu'elle pouvait commettre des erreurs au motif que, détentrice de la vraie Vérité, elle était, par nature, incapable de commettre des erreurs. Du fait de cette accumulation d'entrées, le Who's Who, le Livre des Records et, même, l'Encyclopedia Universalis, à côté c'est… peanuts 2°) d'un point de vue strictement juridique – et il convient de rappeler que l'Index disait le droit, du moins le droit romain -, il n'y a pas eu abrogation de l'Index mais interruption – définitive ? – de sa publication. Autrement dit, les ouvrages et les auteurs qui y figuraient encore en 1948 sont toujours frappés d'anathèmes ou d'excommunications. A fortiori, il n'y a eu ni repentance – pour reprendre le mot fétiche de notre Gépétou – à l'égard des erreurs et, surtout, des victimes de ces erreurs, ni réhabilitation des auteurs et des thèses, ni réparation des erreurs commises, ni dédommagement des victimes.

[77] Quand je dis que la religion est sado-masochiste !

[78] Il faut espérer que Mathusalem ne souffrait d'aucun mal car 969 ans c'est long quand on souffre, par exemplen de rhumatismes articulaires !

[79] Ah bon, dans l'autre vie on souffre aussi § A quoi bon y aller alors ?

[80] Comprenne qui pourra !

[81] Cela devait sentir bon sous les soutanes !

[82] C'est pour ménager cette susceptibilité religieuse que Laennec invente me stéthoscope !

[83] l'évêque du Mans, dans sa Dissertation sur le sixième précepte du décalogue explique que le commandement "Tu ne commettras pas l'adultère"  signifie aussi l'interdiction du coïtus interrompus.

[84] Les faits dont on sait pourtant, depuis Marx, qu'ils sont… têtus !

[85] Tandis qu'en sous-mais, il lance ses troupes dans un patient travail de lobbying auprès des Gouvernements afin de les pousser à une réaction sans complaisance contre tout ce qui, en s'attaquant à l'autorité de l'Église, en définitive, s'attaque aussi à leur propre autorité, à leur propre légitimité.

[86] Ah bon, il y aurait une théologie… profane ? Et oui… cf. le stalinisme, le maoïsme…mais elle restait alors à venir.

[87] Autrement dit… de la Science !

[88] Accusation qui, bien entendu, a été lancée contre Darwin.

[89] Les conflits de la science et de la religion.

[90] A. mercier dans la revue thomiste, 1907.

[91] Catéchisme à l'usage des diocèses de France, 1947.

[92] Oui, mais encore !

[93] La démonstration, qui plus est, mathématique… d'un dogme !!!

[94] Qui, comme on le sait, chez les romains, était la divinisation des empereurs après leur mort.

[95] Une soixantaine d'opposants avaient quitté, assez bruyamment, la salle avant le vote.

[96] N'y a-t-il pas une tautologie quelque part : le pape est infaillible parce qu'il est le chef d'une Église infaillible ?

[97] En d'autres termes : une éventuelle contradiction est la démonstration, a contrario, d'une erreur qui est nécessairement celle de la science ! mais, après tout, quoi de plus naturel au règne de l'infaillibilité.

[98] Exit la liberté de penser librement !

[99] Tiens, une  miette de liberté dans l'univers du totalitarisme obscurantiste !

[100] Nous sommes en pleine folie furieuse et si l'infaillibilité était le terme religieux pour désigner ce que la médecine appelle la paranoïa ?

[101] Répétition superfétatoire compte tenu des vérités précédemment assenées.

[102] Ah bon, parce que, après tout ça, il reste encore des sciences et des techniques ?

[103] Circulez, il n'y a plus rien à voir. Inutile de revenir, cela permettra à l'Église de faire l'économie de la dépense d'un autre concile. Et puis, tous ces vieux machins, quasi-débris que sont les cardinaux, les archevêques, les évêques, sans parler du pape, c'est tellement difficile à déplacer et à faire tenir debout ou même seulement assis pendant d'aussi longues heures !

[104] Et voilà, on se fait procureur, juge et bourreau. Puisqu'elle est la gardienne le la foi que dieu lui a mis en dépôt, peut-on appeler l'Église ma tante ou bien serait-ce blasphématoire, mécréant ?

[105] Certaines mauvaises langues, assurément mécréantes, affirment que dieu lui aurait fermé au nez la porte du paradis au motif qu'il en aurait fait un peu trop avec son concile et son infaillibilité et que, à avoir voulu être la Calife à la place du Calife, il ne lui restait plus qu'à descendre chez… Lucifer ! a voir ! A vérifier !

[106] Mais il faut dire que pour l'Église il n'est pas difficile de garder le cap quand, constamment, on a le doigt de dieu(l'Index)  qui est pointé !

[107] N'ayant pas eu beaucoup d'écho dans l'obscurantisme catholique, il faut bien que l'Église ce mette à chercher du côté du protestantisme, sans doute plus éclairé car généralement moins fermé à la science, sauf sur certains points comme… l'évolutionnisme ! L'ouverture de cet appel est tout de même un cinglant désaveu de la prétention catholique a détenir la vraie Vérité !

[108] Et oui, l'orgueil démesuré, la suffisance béate, le nombrilisme… ont toujours mal de recevoir des gifles, voire des coups de pied au cul  de la part des… faits.

[109] Il ne croit pas si bien dire : funeste… qui provoque, annonce la… mort !

[110] Oh la vilaine : mais pourquoi diable est-elle venu foutre le bordel dans la tranquille béatitude de l'ignorance religieuse ?

[111] Malheureusement, il ne pose pas LA bonne question qui aurait-dû être : "Quand allons nous nous décider à prendre nos cliques et nos claques et à sortir discrètement, par la petite porte de derrière, de l'Histoire ?".

[112] Le mot est lâché : malentendu. La science a persécuté la liberté de pensée ?… malentendu. Elle a brûlé des livres et des auteurs ?… malentendu. Elle a prescrit l'ignorance et proscrit l'intelligence ?… malentendu. Elle s'est opposée à la science ?… malentendu… Les faits, avec un entêtement constant, ne cesse de dénoncer ses erreurs et, pire encore, ses fautes et ses crime ?… malentendu. Décidément, l'Église n'a pas de chance de vivre dans un monde de sourds qui n'entendent pas ce qu'elle veut vraiment dire et qui n'est jamais ce qu'elle dit vraiment ! Face à l'université d'une telle surdité, ne doit-elle pas considérer que, depuis le début, elle… prêche dans le désert ?

[113] Mais que n'a-t-elle pas, elle qui détient la vraie Vérité ? Cette vraie Vérité ne serait-elle pas, en définitive, si vraie que cela ?

[114] A commencer, tout simplement, par le simple… bon sens !

[115] re-belote : par générosité apostolique, œcuménique, Rome met toutes les Églises dans l'eau sale de son bain !

[116] Ah bon, au XIIIème siècle, il y a eu une science chrétienne : je ne suis pas seulement malentendant, je suis aussi aveugle : j'ai beau cherché, je ne la trouve dans aucun livre d'histoire, dans aucun ouvrage scientifique !

[117] Avec un nom pareil, on voit tout de suite de quelle sorte d'université il s'agit vraiment et quelle est la science qui y est enseignée !

[118] Curieux ce terme de gardiens de la foi : on le retrouvera, sous sa forme laïque, avec les gardes rouges du maoïsme et, sous sa forme religieuse, avec toutes les variétés de fous de dieu que produira l'intégrisme islamique.

[119] En fait, il faut se donner une certaine parure pour complaire non à la raison mais à… une mode. Autrement dit, "Faisons le gros dos pendant un moment en attendant que les beaux jours reviennent !".

[120] L'aveu est clair : il ne s'agit pas de lever un malentendu et de faire en sorte que, ayant un langage commun, Science et Église puissent se parler et s'entendre mais bien de combattre la Science en sachant user de sa parole.

[121] Non, mais de quel droit ces impies viennent fouiller dans les saints livres et, pire encore, dans les poubelles de l'Histoire comme l'Index, les procès-verbaux des procès de l'Inquisition… Mais, au fait, de par sa révélation même, la Vérité – la parole de dieu, avec ou sans… doigt - n'est pas ouverte au monde ? Il faut croire que non : elle est réservée à une certaine élite : l'Église.

[122] Décidément, ce professeur est un bien petit esprit : ne se rend-il pas compte qu'il vient de reconnaître que l'Église commet des fautes que l'on peut prouver et que les saints livres ayant été écrits directement par dieu ou dictés par lui, in fine, ces erreurs que l'on peut prouver sont celles de… dieu lui-même ?

[123] Ce qui, a contrario, laisse supposer qu'elle admettait la possibilité d'une science juive, d'une science musulmane, d'une science bouddhiste

[124] A Rome, bien sûr, puisque tous les chemins mènent à Rome, à commencer par celui de… la connerie !

[125] On sait que dans le Kama Sutra, le coït est appelé… congrès !

[126] Et non de… doigt !

[127] Champ de bataille qui a été ouvert par l'Église et non par la Science !

[128] En somme, la Bible est la bombe atomique de l'Église !

[129] Il est évident que savoir lire n'est pas la disposition nécessaire et suffisante pour… pouvoir lire la Bible !

[130] Mais qui sont donc ces quelques uns : les libres penseurs , les libertins ? les impies ? les mauvais esprits mal intentionnés ?… Des exemples, on veut des exemples !

N.B. On notera au passage que, décidément, l'Église a eu ignorance impériale des femmes elle qui n'utilise qu'un seul genre : le masculin !

[131] Mais l'Église n'a-t-elle pas régulièrement prôné que l'ignorance était la vertu chrétienne par excellence ?

[132] De quoi ? par qui ?

[133] Ah, cette bonne vieille interdiction !

[134] Et une promesse de plus ! Un jour, si tu es sage, bien sage, vraiment sage, tu auras le doit… de lire la Bible ! Que ne serait-on pas disposé à faire pour une telle promesse ?

[135] Ah bon, il peut-être dangereux de lire la Bible : quel est ce danger ? celui de le jeter à la poubelle une fois que l'on s'est rendu compte qu'il n'est qu'un tissu de mensonges, d'inepties… une immense imposture qui n'a aucune valeur, pas même littéraire ? Mais, en définitive, puisque ce livre est dangereux, qui l'a réellement écrit : dieu ou le diable ?

[136] La doctrine des catholiques sur la Bible.

[137] Remarquez cette autre constance de l'Église : l'utilisation de termes de mépris pour tout ce qui en dehors de son sein !

[138] Fève est considéré comme le fondateur et le théoricien de… l'intégrisme catholique !

[139] On relèvera au passage que le Saint-Office a sanctionné le pape lui-même en désavouant son jugement favorable. Nous avons affaire à un précédent de droit canonique : l'infaillibilité pontificale est… faillible !

[140] On ne manquera pas d'admirer l'art d'utiliser un vocabulaire scientifique, en l'occurrence médicale, pour décrire une situation surnaturelle : la survie de Jonas dans le ventre d'une baleine !

[141] Mais quel âge avait donc Moigno pour avoir été le témoin de l'enfermement de ces crapauds dans des pierres dures et de… leur réapparition des milliers d'années plus tard ? 6 000 ans au plus, puisque c'est l'âge de la Terre.

[142] On reste pantois d'admiration et d'humilité devant cette démonstration… scientifique !

[143] Il s'agit de Loisy qui, en 1827, lui suggérait de prendre parti pour une exégèse scientifique – au sens véritablement scientifique du terme ! – de la Bible.

[144] Mais comment aurait-il pu comprendre quelque chose puisque leur vertu chrétienne essencielle était… l'ignorance ?

[145] Quel grand amour règne au sein de l'Église !

[146] Décidément, il s'y connaît le père Meignan en servilité, avilissement, hypocrisie, courtisanerie, flagornerie… lui qui a su devenir cardinal en plaisant aux jésuites ! cette lettre est un véritable traité de machiavélisme religieux !

[147] L'enseignement biblique.

[148] Voici l'énoncé du principe chimique de Moïse sur lequel se fondent les jésuites : "Il existait, il y a très longtemps, des cieux et une terre tirant origine de l'eau et gardant cohésion par l'eau grâce à la Parole de dieu". Décidément, Moïse fit un grand chimiste. Le plus grand chimiste de tous les temps. Pour toute l'éternité. Mais, après dieu, bien sûr !

[149] La question biblique.

[150] Qui fut rédigé par Cornely, jésuite, favorable à un véritable intégrisme théologique.

[151] Celle fixée par le… Concile de trente !

[152] La science biblique, comme la science religieuse n'a d'autre vocation que de répéter inlassablement ce que les bons Pères ont dit une bonne fois pour toute. La science religieuse n'est autre que l'art du perroquet !

[153] La vertu cardinale du christianisme est l'ignorance et la servitude !

[154] L'indigénat s'étend au monde entier puisque la seule langue universelle est… le latin !

[155] L'évêque Duchesne a dit de lui : "le Saint Père dirige la barque de saint Pierre à la gaffe" ! Au passage, on ne manquera pas de noter que dans l'orthodoxie vaticanesque on met une minuscule au mot saint quand il désigne un heureux élu, suite à sa canonisation, mais une majuscule quand il s'agit de désigner le patron de l'Église : le pape !

[156] Pour récompenser son zèle, l'Église le canonisera en 1954 !

[157] Ou l'art d'ériger le lamentable en sublime infaillibilité !

[158] La Vulgate.

[159] Surtout pas de lapsus : c'est le Verbe qui est incarné, pas l'ongle et surtout pas celui de l'Index !

[160] On ne comprend plus : la vraie religion ne serait plus détentrice de la vraie Vérité et il y aurait une vraie science qui n'est pas la science religieuse et, plus précisément, catholique. Décidément, que l'obscurantisme est obscur ! Que les voies de la déraison religieuse sont impénétrables à la raison et au bon sens !

[161] De nombreuses propositions condamnées par ce décret sont aujourd'hui admises par l'Église. Mais il s'agit d'une admission à forme de simple tolérance puisque verbale et que le décret n'a pas été abrogé dans les formes du droit canonique. Il ne faut jamais fermer la porte de l'obscurantisme : sinon, comment pourrait-on y retourner quand, par inadvertance, on en est quelque peu sorti en se tenant sur le perron !

[162] Il faut donc les en extirper !

[163] le royaume de l'Église est décidément celui de l'ignorance.

[164] Comme d'autres reçoivent le doctorat de… sociologie !

[165] Ce second serment fut supprimé par Vatican II ; le premier ne l'a jamais été officiellement.

[166] Gouttes de vérité. De l'eau, toujours de l'eau… Du déluge au compte-gouttes !

[167] Depuis la naissance officielle de l'intégrisme en tant que doctrine, l'Église s'efforce de faire de croire qu'il s'agit d'un courant qui ne saurait représenter l'Église dans sa totalité et son unicité.  Il en est ainsi tout particulièrement de Gépétou. L'Église peut ainsi, quand il y a le feu, critiquer, voire dénoncer certains excès d'intégristes plus zélés que d'autres. Or, tout démontre que, depuis son établissement officiel, l'intégrisme est étroitement contrôlé, surveillé et dirigé par le pape – tous les papes qui se son succédés – et son entourage le plus proche.

[168] Mais quid de la… morve !

[169] Kézako cette bondieuserie ?

[170] Aprsè, on peut le faire… assis !

[171] Oubli dramatique du décret : il ne dit pas quoi et comment faire quand l'un des pieds est… bancale !

[172] Et s'il est d'une autre couleur le truc-muche ?

[173] Pas même l'esprit saint donc mais, alors, où peut-il se poser ?

[174] Par exemple, dans le Morbihan, de 1841 à 1881, le nombre de médecins officiels passe de 106 à 67.

[175] Un nom pareil pour un hôpital, c'est tout un programme !

[176] Alors qu'en bon chrétien il aurait dû les supporter avec joie et béatitude en les recevant comme… un don de dieu !

[177] Mais n'est-ce pas dieu seul qui peut faire des miracles ?

[178] C'est sa manière à elle, l'Église, d'admettre le… transformisme !

[179] La preuve que l'Église n'est pas contre la Science et les Universités où la Science s'enseigne c'est qu'elle développe ses propres universités… Et le tour est joué !

[180] Un peu diplomate, il met de l'eau dans son vin – de messe, bien sûr - et n'ose les appeler de leur vraie nom, de son point de vue… des hérésies.

[181] En revanche, ce n'est pas être matérialiste que de réduire en cendres  le corps de Giordano Bruno alors que celui-ci est pourtant bien vivant !

[182] Dont la mission essentielle est de… pontifier !

[183] Pie XI : "A côté de mon sénat cardinalice, il me faut un sénat scientifique". Question cardinalice , est-ce que c'est une lice, une arène où s'affrontent des gladiateurs d'un genre spécial : les cardinaux ?

[184] Cela fait un peu  pipi, cette succession de Pie !

[185] Il ne fallait absolument pas retourner ces télescopes vers l'intérieur de telles salles car les spectres qui auraient été vus auraient été ceux de ces sénilissimes académiciens et cardinaux !

[186] J'ajoute un petit passage que Pie XII a oublié de lire, par inadvertance : "Mais, heureusement, ni vous transpercez, ni vous éclairez notre docte et sérénissime obscurantisme duquel découle ce bonheur immense qui est le nôtre pour toute éternité :notre très sainte ignorance !".

[187] Nommer… n'est-ce pas l'acte divin de création  car n'est-ce pas de la seule parole divine que toutes choses sont nées ?

[188] Ici, la langue de Pie XII a failli fourcher : s'il ne s'était pas ressaisi à temps, il parlait de "la nuit de cristal", tant l'image de son cher Adolf était dans son cœur !

[189] Bouche cousue en ce qui concerne Galilée, Copernic, Giordano Bruno…

[190] Il y a donc un esprit de… l'inertie. Comme on le sait, c'est celui de… la religion !

[191] On notera l'absence de référence aux historiens et scientifiques – de la nature et de l'homme – modernes et on se souviendra que les historiens grecs et latins ne sont pas toujours une référence sérieuse en matière d'historicité. Loin s'en faut !

[192] Une exégèse moderne sur des bases scientifiques.

[193] Renoncer au péché originel, c'est renoncer à la principale affaire de la boutique romaine. Bon commerçant, le pape ne saurait couper la branche sur laquelle, assise, bien assise, l'Église prospère depuis si longtemps !

[194] Theology and falsification.

[195] Il y a donc une pluralité de vérités mais, alors, quid de la vraie Vérité ?

[196] Ah bon, le présent : dieu est donc toujours en ligne ! Quelle sacrée note de téléphone cela doit faire !

[197] Si d'in côté on inspire, de l'autre on… aspire ?

[198] Hugh ! Et comme d'habitude : "Circulez, il n'y a rien a voir !".

[199] Le pauvre Paul VI, il ne s'est pas rendu compte qu'il était à un congrès de pathologie et qu'il avait été invité pour illustrer un exemple particulier de pathologie : l'aliénation religieuse !

[200] Et oui après tout : n'importe quel chrétien, grâce à la lumière de la science chrétienne, comprend les notions de substance, de forme, d'accident, de mode accidentel

[201] Et oui, je le confesse, bien que mécréant j'ai eu l'audace de m'initier à une telle science et, je dois dire en toute modestie, àque j'ai réussi à  la maîtriser raisonnablement et suffisamment bien pour observer, analyser, expérimenter, comprendre, déduire… en parfaite scientificité religiosité, même si je n'ose pas dire, je sais rester humble, en toute infaillibilité.


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