Serment d'Hippocrate ou d'hypocrite ?

Hippocrate, (en grec Hippokratês), né dans l'île de Cos, vers - 460, mort à Larissa, Thessalie, -vers 380, fut le premier, en Occident, à donner à l'art médical un caractère scientifique indépendant de son traditionnel contexte religieux. Au cours de ses déplacements, il donnait des cours et ses nombreux disciples contribuèrent à diffuser son enseignement. Ses connaissances étaient encyclopédiques. La doctrine médicale d'Hippocrate repose sur l'existence d'un principe vital qu'il nomme nature et qui régit les fonctions de l'organisme, attirant ce qui convient à chacune, rejetant ce qui lui est nuisible. Ce pouvoir combat les forces morbides en cas de maladie et le résultat en est la guérison si la nature vainc, la mort dans le cas contraire. Le médecin a pour rôle de seconder la nature et de ne pas entraver son action : primum non nocere (avant tout, ne pas nuire). Selon lui, le corps était composé de quatre humeurs principales: le sang (qui vient du cœur), la bile (qui vient du foie), l'atrabile (qui vient de la rate) et la pituite ou phlegme (qui vient du cerveau). C'est l'équilibre entre ces quatre éléments qui détermine la santé, le déséquilibre provoquant la maladie.

Les écrits d'Hippocrate se composent d'une soixantaine d'ouvrages. L'authenticité d'un certain nombre d'entre eux est douteuse mais, étant l'œuvre de ses élèves ou ayant reçu son approbation, ils sont considérés comme fidèles aux préceptes du maître. On peut les diviser en quatre groupes : le premier concerne les devoirs professionnels du médecin. Il comprend le célèbre Serment, qui, à peine modifié, est encore prêté par les médecins le jour de la soutenance de leur thèse. Le deuxième contient les traités généraux et philosophiques (la Nature de l'homme). Le troisième, les traités d'hygiène (Des vents ; Des lieux ; Des eaux). Le quatrième, les traités de médecine (Des fractures ; Des luxations ; Des épidémies, etc.). Des traductions de ces ouvrages ont été faites dans toutes les langues, parmi lesquelles la plus remarquable est sans doute celle de Littré (Collection Hippocratique), qui porte le texte grec en regard.

Mais c'est au fameux serment d'Hippocrate que je m'intéresserai. En voici le texte :

"Je jure par Apollon médecin, par Esculape, par Hygie et Panacée, par tous les dieux et toutes les déesses, les prenant à témoin, que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et l'engagement suivants :

Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours, je partagerai avec lui mon avoir et, dans la nécessité, je pourvoirai à ses besoins ; je tiendrai ses enfants pour des frères, et s'ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement.

Je ferai part des préceptes à mes fils, à ceux de mon maître et aux disciples liés par un engagement et un serment médical, mais à nul autre.

Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes forces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice.

Je ne remettrai à personne du poison si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une telle suggestion ; semblablement, je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif.

Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté.

Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille, même sur ceux qui souffrent de la pierre, je la laisserai aux gens qui s'en occupent.

Dans quelle que maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.

Quoi que je voie ou que j'entende dans la société, pendant l'exercice ou même en dehors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui ne doit jamais être divulgué, le regardant comme un secret.

Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais parmi les hommes ; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir un sort contraire".

En voici la version abrégée telle qu'elle est utilisée lors de la remise du doctorat de médecine :

"En présence des Maîtres de cette École, de mes chers condisciples et devant l'effigie d'Hippocrate, je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité dans l'exercice de la Médecine.

Je donnerai mes soins gratuits à l'indigent et n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail.

Admis dans l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s'y passe ; ma langue taira les secrets qui me seront confiés, et mon état ne servira pas à corrompre les mœurs ni à favoriser le crime. Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçue de leurs pères.

Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses !

Que je sois couvert d'opprobre et méprisé de mes confrères si j'y manque".

Ainsi, ce serment n'est pas seulement l'engagement du secret professionnel – le fameux secret médical - ; il est la souscription d'un engagement déontologique, éthique qui est celui d'exercer la médecine dans les règles de l'art – en droit : obligation de moyen -, sans esprit lucratif – ou, du moins, sans exclusive de quelque malade que ce soit et, notamment, ceux qui, faute de revenus suffisants, ne peuvent pas s'acquitter d'honoraires médicaux – en droit, c'est le devoir d'assistance à personne en danger – et dans le seul intérêt des malades, c'est-à-dire avec le seul souci de préserver/rétablir le bien-être général des patients – des humains -. C'est donc l'engagement de servir la Vie contre la Mort[1].

Sans remonter aux médecins de la mort des camps de concentration nazis[2] et à l'illustrissime docteur MENGELE[3], force est de constater que nombreux sont les médecins qui, en désaccord avec le serment d'Hippocrate, sont, en fait, les serviteurs de la mort – ou, du moins, de la souffrance – et non de la vie. Ainsi, c'est avec la plus grande maîtrise des règles de leur Art, le plus grand professionnalisme et la meilleure conscience du monde que :

         sous anesthésie et contrôle radiologique, des médecins, de confession musulmane, procèdent à des amputations…judiciaires – main(s), pied(s), jambe(s), bras, œil(yeux), dents… - ;

         des médecins nord-américains, après s'être assurés du bon état de santé physique du patient et après l'avoir éventuellement  soigné et guéri, procèdent à des exécutions capitales par voie d'injection mortelle ;

         un peu partout dans le monde, des médecins accompagnent des prisonniers soumis à la torture pour s'assurer de leur survie, au moins, jusqu'à la réalisation du but ainsi poursuivi : l'aveu, la dénonciation… et, en tant que de besoin, procèdent à des remises en état des suppliciés afin de masquer les traces de sévices susceptibles d'être constatées sur… les cadavres ;

         comme les mécaniciens le font des tanks, des canons…, des médecins militaire – et, parfois, civils – réparent la chair à canon  malmenée sur les champs de bataille afin que d'autres puissent continuer de jouer à leurs jeux de massacres et ce, alors même que cette chair à canon est celle d'enfants, voire même de très jeunes enfants ;

         des médecins dit du travail, en fidèles et zélés serviteurs du capital, se font agents de maintenance et occultent les risques de maladies et d'accidents professionnels auxquels sont exposés les salariés, masquent/dénaturent les faits et arrangent les dossiers lorsque ces risques se sont avérés fondés, contestent, du haut de leur expertise scientifique le mal-être, la souffrance physique ou psychologique dont sont victimes certains salariés en raison de leurs conditions de travail, des pressions – et, notamment, du harcèlement moral - qu'ils subissent, s'empressent de remettre en état de fonctionner les machines humaines précocement usées en raison d'un usage qui, en fait, relève de l'abus… ;

         des médecins se font complice de la Police et/ou de la Justice pour masquer des bavures, justifier des sanctions, exonérer de poursuites certains justiciables (exemple : Pinochet), responsabiliser et criminaliser des comportements relevant d'un mal-être existentiel (toxicomanie)… ;

         des médecins se font complices de notaires et de familles avides de gains pour déclarer irresponsables, voire incapables des personnes ne vouant pas un culte particulier au veau d'or de la propriété ;

         des médecins dits de famille – et donc de confiance – ferment les yeux sur les diverses maltraitances conjugales et familiales dont ils sont les témoins, rajoutant à cette violence subie par les victimes cette forme particulièrement infamante d'injustice que sont l'oubli, le silence, l'anonymat…

Bref, partout dans le monde et en toute constance historique, des médecins, bafouant allègrement, joyeusement l'éthique dont ils se prévalent ainsi que les droits universels et inaliénables des humains, attestent que le serment qu'ils ont souscrit n'est pas d'Hippocrate mais d'hypocrite et que ce n'est pas au service de la Vie qu'ils se sont mis  mais… de la Mort dont ils vivent par les honoraires qu'ils en perçoivent.



[1] Ce qui explique que certains médecins, aveuglés par l'obscurantisme dans lequel est tombée leur raison du fait de leurs convictions religieuses, sont contre l'I.V.G. – même à but thérapeutique – au motif que la vie (humaine) apparaît à l'instant même de la rencontre, hasardeuses ou violente, voulue ou subie, d'un ovule et d'un spermatozoïde, que cette vie appartient à dieu – ce qui revient à considérer qu'elle… n'est pas humaine ! - et que les femmes sont au mieux des ventres de location et, au pire, des machines de reproduction, et même contre la contraception !

[2] Ce qui ne nous fait pas tellement remonter dans le temps somme toute.

[3] Dont il ne faudrait pas croire qu'il était l'unique représentant de la corporation médicale puisque de nombreux médecins, bureaucrates zélés de la mort, ont sévi dans tous les camps de concentration.

 


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