Sexualité
et religion
Toutes les religions, du moins
celle de type monothéistes, ont en commun la condamnation de la sexualité que,
au passage, elles se contentent de nommer… le sexe.
Sans avoir la prétention – faute des compétences nécessaires – de procéder à une analyse exhaustive de cette problématique des origines de cet interdit religieux et de ses conséquences, je livre ci-après les réflexions-coups de gueule que je me suis faite à ce sujet.
En fait, la condamnation religieuse porte sur une certaine sexualité, que l'on pourrait désigner sous le terme d'érotisme, c'est-à-dire sur la sexualité déconnectée de sa fonction de reproduction sexuée de l'espèce.
En effet, ces mêmes religions
ne manquent pas d'encourager le sexe dans sa fonction de reproduction de l'espèce
en interdisant les techniques et pratiques anti-conceptionnelles[1]
et encourageant la lapinisation de l'humain par la promotion d'une
politique nataliste.
A cette position, je trouve une
première explication, en l'occurrence un motif patrimonial qui est le souci de faire prospérer le
troupeau dont la religion vit, à travers son ordre, en le trayant, le
tondant et, ponctuellement, en le mangeant[2].
En cela, elle est conséquente
avec elle-même : le troupeau n'est pas un sujet mais un objet, un bien meuble[3]
qui n'est pas sa propre mesure mais celle de la richesse, de la prospérité de
son propriétaire. La vocation du troupeau n'est donc ni l'amusement, ni le
plaisir mais la cheptalisation, c'est-à-dire la reproduction aux fins de
conservation – c'est là la forme la plus primitive de l'accumulation
capitalistique - et de croissance[4].
Au-delà de ce motif
patrimonial, je vois dans la condamnation religieuse de l'érotisme – au sens
de sexualité non réduite à sa fonction de reproduction sexuée de l'espèce
– une double haine :
• la haine de l'humain : la religion est un projet foncièrement in-humain, anti-humain qui vise à l'anéantissement de l'humain, c'est-à-dire de l'humanité, cette ensemble de caractéristiques qui fait qu'un être vivant est un être humain – ou ne l'est pas – par différenciation, notamment, de l'animal et de l'animalité. Or, l'érotisme en tant que sexualité non réduite à la fonction de reproduction sexuée est l'une de caractéristiques de l'humanité[5] : il est donc légitime que, du point de vue de son projet, la religion le combatte
•
la haine des femmes : à la religion correspond une organisation
sociale bien déterminée, le patriarcat qui est la domination exercée par les
hommes sur les femmes. Dans la religion, cette domination s'assortit d'une haine
particulièrement aiguë comme si pour le religieux
la victimation des femmes était le miroir réfléchissant l'avilissement
de son renoncement à son humanité. Mais cette haine répond à un double
calcul cynique : en interdisant à la femme d'être, pour elle-même comme pour
l'homme, un sujet de plaisir, la religion assigne les femmes à la seule
fonction de reproduction sexuée ; en faisant peser sur elles le poids de la
culpabilité originelle – celle de la déchéance divine des hommes -,
la religion assigne aux femmes la fonction de reproduction, par le biais de l'éducation
en particulier, de l'aliénation qu'elle porte en elle
L'aliénation est une
notion philosophique et sociologique. Mais elle a aussi un sens médical,
psychologique : elle est un trouble mental, un égarement de l'esprit,
un dysfonctionnement des fonctions cognitives se caractérisant par le sentiment
d'être étranger à soi-même et à son environnement et induisant un
comportement névrotique ou psychotique qui, au plan sexuel, relève de la perversion.
La relation de la religion et, plus précisément, des religieux – bergers
et fidèles – à la sexualité participe de l'aliénation mentale en ce
qu'elle induit un comportement névrotique et, plus souvent d'ailleurs,
psychotique au sexuel de type sadomasochiste. Ancrée dans l'ambivalence du
dilemme de l'attrait et du rejet, elle pose l'interdit sexuel comme une théorisation
morale alors que, en fait, elle participe d'un assouvissement –réel ou
symbolique - dénaturé du
sexuel jusqu'à le détourner de sa fonction primitive – la reproduction sexuée
– pour le distraire de son principe – naturel – de plaisir et le soumettre
au principe de mort[6].
La religion est l'isolement de
l'Un dans son unicité et son enfermement dans cet isolement tragique. Elle
relie l'individu non pas à l'autre mais à dieu. Elle est dans la verticalité
et non dans l'horizontalité. Or, l'érotisme est, par excellence, le mode
relationnel à l'autre. Une relation particulièrement nouante
puisqu'elle se fonde sur la reconnaissance mutuelle et le partage – du désir,
du plaisir -. En revanche, la sexualité dans sa seule fonction de reproduction
sexuée n'est pas une relation réciproque mais une re-production de l'espèce
par les individus qui, à ce titre, sont parfaitement indifférenciés. La
reproduction sexuée est dans la verticalité ; la verticalité du temps de la
continuité de l'espèce. L'érotisme est dans l'horizontalité de l'instant de
la rencontre de deux individus. Pour asseoir son autorité, assouvir sa
volonté de puissance et concourir à la réalisation de son projet, la religion
se doit de réduire la sexualité à la seule fonction de reproduction sexuée
et d'interdire l'érotisme, la sensualité.
Comme l'ont démontré les
observations de la psychiatrie cliniques mais également de la l'ethnologie et de
la sociologie, plus que les thèses quasi religieuses de la psychanalyse[7],
l'interdit religieux de l'érotisme a une fonction bien particulière : le détournement
– la sublimation – d'un instinct naturel - et humain – à des fins
rituelles d'incantation magique, de dépossession de soi[8],
de messianisme, d'expiation salvatrice, d'émerveillement,
de désenchantement, de martyrologie, d'entraînement,
d'ensorcellement, de déréification… Autrement dit, d'une mise en scène
de cette mystification paradoxale qu'est le mysticisme. Et ce, aussi bien pour
assurer la continuité de la révélation divine – les oracles, les prophéties…
- et donc reproduire l'imposture primitive que pour rassembler les individus en
foule – le renouement liturgique avec la verticalité - et
les conduire là où on veut les conduire.
J'ai rappelé la morbidité
originelle de la religion. Le culte de la religion est celui de la mort, non de
la vie. Sa quête est celle de l'anéantissement, non de l'aboutissement. Son
principe est celui de Thanatos, non d'Éros. Il est donc logique que, dans la
religion, l'assouvissement sexuel
se fasse de façon perverse[9]
: la privation et non l'assouvissement, le renoncement et non l'acceptation, la
souffrance et non le plaisir, le mal infligé, subi et partagé dans une
relation sado-masochiste et non le bien donné, reçu et partagé dans la
jouissance, le supplice et non le délice, les pleurs et non le rire, la
peine et non la joie, la négation et non l'affirmation, la re-production et non
la création, la routine et non l'invention… le divin et non l'humain.
Jouant sur la symbolique à
laquelle permet de se livrer la similitude phonique des mots chairs selon qu'ils
désignent le corps ou l'aliment, la religion procède à une ré-appropriation
anthropophagique de la sexualité : le corps de la femme devient chair que l'espèce
– le troupeau - consomme pour se reproduire. C'est pourquoi, en définitive,
pour la religion, la femme n'est pas un corps mais un ventre - une matrice –
dont l'humain est dépossédé au profit de la vie et, in fine, de dieu
et, plus concrètement, de l'ordre religieux.
L'érotisme participe tout à la
fois du sensualisme – la découverte de soi et de l'autre par les sens[10]
- et de l'esthétisme – sensation du Beau -. Or, la religion, parce qu'elle
est négation de la vie et culte de la mort, est aussi la négation de cette
forme empirique de connaissance du réel – du vrai – qu'est le
sensualisme. Pour privilégier la contemplation de dieu et éviter que
les humains ne s'en distraient en se laissant aller à l'admiration du Beau, la
religion, nécessairement a introduit le culte de… la laideur. Ainsi, si
l'acte sexuel, dans sa seule dimension de reproduction sexuée n'est ni beau, ni
laid puisqu'il est seulement instinct et qu'il se situe donc en-dehors de
toutes ses caractéristiques constitutives de l'humanité, en revanche, l'érotisme
s'inscrit à la fois dans le sensualisme et l'esthétisme : dés lors, il est nécessairement
voué à l'interdit religieux.
….
J'ai pleinement conscience de ne
pas avoir épuisé le sujet. Mais telle n'était pas mon intention.
Les Anciens avaient l'appétence,
instinctive, naturelle… humaine de… la chair. Humains, ni trop, ni pas
assez, juste humains, ils étaient aussi amateurs de bonne chère. C'est
pourquoi, ils inventèrent le vomitorium : en se vidant le la mémoire de
leurs orgies alimentaires passées, ils affûtaient, aiguisaient, exacerbaient,
affinaient, libéraient… leur goût et leurs désirs pour les faire renaître
à eux-mêmes et en jouir pleinement.
Cette page aura été mon vomitorium
: en me permettant de me vider de ce dégoût profond que m'inspire la religion,
j'aurai pu retrouver, intact, plus fort que jamais, mon goût de la vie
et mon désir de vie. Afin d'en jouir. Simplement. Naturellement. Humainement.
Car comme le disait la sentence figurant au frontispice du temple d'Apollon à
Delphes : Rien de trop.
[1] Qui, au passage, sont vieilles comme… l'humanité !
[2] Cette dévoration peut-être seulement symbolique mais, en certaines occasions (sacrifices, offrandes, inquisition…), elle peut devenir tout à fait réelle. Rien d'étonnant en cela quand on sait que la religion repose sur un anthropophagisme primitif qui se nourrit de la chair aussi bien divine qu'humaine.
[3] Comme l'est… un esclave.
[4] Croissance de nature quantitative et qualitative.
[5] Elle n'est bien entendu pas la seule puisque chez certains animaux l'érotisme est également comme recherche/assouvissement du plaisir mais aussi comme processus de socialisation.
[6] Je rappellerai que l'une des caractéristiques essencielles de la religion est sa… morbidité.
[7] Cette religion profane qui ne veut pas dire son nom !
[8] Une sur-aliénation en quelque sorte
[9] Perversité au sens psychologique de perversion et non morale de dépravation.
[10] Sens physiques – vue, ouïe, odorat, toucher et goût – mais également ces sens spécifiquement humains que sont ceux de la raison – intellect – et du cœur – sentiment.