Sophistes, rhétoricien(ne)s et avocat(e)s

 

Le questionnement :

 

Salut,

 

Voici un extrait de ce que j'ai lu lors de mes recherches sur les sophistes. La conclusion est ce sur quoi je voudrais attirer votre attention et vous faire réagir :

 

"II / Le sophiste et sa pratique. 

 

Les sophistes sont surtout au début, des ambassadeurs : Prodicos vient de Kéos à Athènes pour défendre sa patrie, sa cité. Gorgias se rendra célèbre par un magnifique discours. Ils ont le statut de métèques et n'ont pas le droit de vote.

Les Sophistes deviennent ensuite professeurs, rétribués pour un savoir transmis à l'autre; ils vendent leur sagesse, au lieu de méditer sur l'Être comme les Éléates. Ils font commerce de leur sagesse, de leur culture, de leurs compétences. Certains deviennent très riches et sont attaqués sur leur richesse mais aussi sur leur relation au langage, qui n'est pas sensé dire vrai car ne disant pas l'être, récusé au profit du non-être.

Ils donnent donc des cours à des groupes, des leçons particulières mais aussi s'affrontent lors de concours, font des exhibitions : c'est à qui tiendra le plus beau discours. Ils répondent aussi à toutes les questions qu'on veut leur poser, en inventant éventuellement la réponse lorsque leur savoir encyclopédique ne suffit pas ( ce qui ne leur pose pas de problème théorique ou de conscience. voir plus loin pourquoi). Ils se lancent des défis : défendre une cause indéfendable : l'Éloge d'Hélène ou la Défense de Palamède, général qui déserta la bataille. Les avocats de la défense et de la partie civile sont les héritiers des sophistes."

 

Qu'en pensez-vous ?

 

Je pense pour ma part que l'analogie est plus que justifiée. Ils sont capables un jour de défendre une cause et le lendemain de se `parjurer' en défendant le contraire selon les besoins de leurs clients. Néanmoins, ils différent de leurs ancêtres sur un point essentiel (comme nous le verrons plus loin) : ils ont prêté allégeance au Code.

Le mot `sophiste' est connoté péjorativement dans l'esprit commun. Cependant, Hegel leur rendra hommage en rappelant qu'ils argumentaient là où Homère ne faisait qu'user de mythologies. Nietzsche également verra en eux un exemple de dépassement du bien et du mal.

Pour les sophistes, il n'y a pas de justice ni de vérité. Car si elles sont, elles sont incommunicables. "c'est par la parole que nous désignons des objets, mais la parole n'est ni les substances, ni les êtres. Donc ce ne sont pas les êtres que nous communiquons à notre interlocuteur, mais un discours qui diffère des substances." Ainsi le discours grâce auquel l'étant devait être exprimé n'est pas l'étant mais seulement le discours. L'être n'est qu'un effet de langage, un effet de dire.

Les sophistes refusaient une philosophie de l'être, qui pose que l'être est "intellectualisable", dicible. Ce qui importe ici n'est pas l'Etre mais ce par quoi il y a des choses : l'homme et ce par quoi les choses sont présentes et interviennent pour l'homme : le langage. La rhétorique tient lieu d'ontologie en ce sens que le langage est un moyen pour communiquer la pensée qui s'est désolidarisée de l'être.

Il ne s'agira plus de passer de l'opinion à la vérité, de l'ignorance à la sagesse ou de passer de l'erreur à la vérité selon le principe de non contradiction et sa bivalence. " C'est d'une disposition à la disposition qui vaut mieux que doit se faire le passage, mais le médecin produit ce passage par des drogues, le sophiste par des discours". Protagoras. Il s'agit de passer d'un état moins bon à un état meilleur. Ainsi l'on peut passer, grâce aux discours à un accord entre les différences : ils s'agit d'accorder les différences : cela produira un état meilleur de l'individu, et entre les individus. La politique ne sera pas affaire de dévoilement de l'essence de la justice, essence qui existerait indépendamment des hommes mais d'homonoia : accord, consensus, et concorde.

Le sophiste calcule le meilleur, le plus utile : ainsi, "la frontière entre le bien et le mal s'efface: c'est là le sophiste" Nietzsche, Fragments posthumes.

En somme, le sophiste cherchait l'accord entre les hommes en usant habilement du langage comme un médecin userait de posologie médicale. Peu importe si le langage contredit une parole précédente, comme le médecin passant d'un remède à un autre, fut-il contradictoire avec le précédent. Peu importe si le langage se contredit puisque le langage n'atteindra jamais l'essence des choses. Je peux donc dire tout et son contraire, ce qui compte c'est son résultat : l'harmonie. D'où la proposition célèbre de Protagoras : l'homme est la mesure de toute chose ; à contrario de l'essence.

Nous avons connu dernièrement avec les nouveaux inscrits des arguments de sophistes dans le sens le plus commun du terme : excusez mon langage acerbe mais il est le reflet de ma liberté absolue contre laquelle vos plaintes n'ont aucune emprise. Ce sophisme-là est mis, non pas au service de l'harmonie mais, au service d'un moi qui s'impose au mépris des autres. Le sophiste de la Grèce antique, peut-être celui de Nietzsche, aurait usé de sa force de persuasion, quitte à se contredire, pour parvenir à un accord et se faire accepter dans le cénacle qui l'attire. Saisissez-vous la différence ? Le sophiste nietzchéen est amoral. Il ne rechigne pas devant la contradiction, ce qui compte : c'est l'harmonie, l'entente. L'essence on s'en fout, du moment qu'on parvient à vivre ensemble.

De même pour les avocats, ils usent du langage, non pour trouver l'harmonie, la réconciliation entre les êtres. L'avocat use de sophisme pour réconcilier l'individu avec la loi. Peu importe l'essence de l'être qu'on défend, pourvu qu'il soit réconcilié, raccordé avec la loi.

Le problème, ce n'est pas le sophisme des avocats qui est mis, à juste titre, au service de la défense. Mais leur référant : le Code. Les nouveaux inscrits mettaient leurs sophisme au service de leur moi. Alors que les sophistes récusaient tout référent, toute valeur absolue.

Je prétends qu'ils se sentiraient très bien parmi nous. Étant donné que notre seule référence est la liberté individuelle, l'homme dans toute sa subjectivité. Et l'harmonie entre toutes ces libertés individuelles. La seule différence c'est qu'il utiliserait l'objectivité d'une manière contradictoire, ce que nous ne faisons pas, pour concilier les subjectivités entre elles. Il soutiendrait l'avis de JC, montrerait que Véro a raison de le contredire, que MC a tout autant raison ; que l'important c'est nous et l'entente entre nous. Un gars cool dans toute sa splendeur qui passe pour un intellectuel contradictoire mais qui s'entend avec tout le monde.

Pas la peine de l'imaginer en train de concilier Le Penn, Sarkozy et tous les autres, ils les verraient comme des êtres faibles dont le discours est non partagé, isolé, marginal, local, s'opposant de front aux autres discours, contenant en germe la violence. Pour le sophiste, le tyran s'excepte toujours, des lois en particulier et des autres hommes. Il est le seul de son avis et fait parler la poudre pour s'imposer : son discours et lui sont faibles puisqu'ils ne suffisent pas comme tels à s'imposer. Le tyran est du côté de la démesure dans un univers (la cité) où l'harmonie est souhaitable. Le discours fort (# vrai) est le discours qui fait l'unanimité, qui rassemble au lieu d'exclure, le discours partagé. Au fondement de la démocratie : il rend possible l'instauration d'un monde commun, de lois choisis par une majorité...à défaut d'unanimité.

Je redis, le sophiste est un gars cool qui cherche à rassembler les différences. Par là, il fait parler sa force du fait qu'il s'est affranchi de toute notion du bien ou du mal. Notre ami sophiste pense simplement que l'être est méconnaissable, il utilise donc le langage de manière ambivalente du moment qu'il atteint son but : l'harmonie.

Les avocats, eux, sont des sophistes au service du Code qu'ils cherchent à concilier avec l'être. Ils ne cherchent pas à concilier l'être avec lui-même ou avec les autres. S'ils cherchaient (pour autant que la justice des hommes poursuive ce but) à concilier l'être avec lui-même, leur art de la sophistique prendrait des tournures nietzschéennes. Et pour tout dire, retrouverait l'essence de la liberté individuelle. Car comme Protagoras, nous disons : l'homme est la mesure de toutes choses.

Fraternité et Liberté

Steve

 

L'essai de réponse :

 

Il est important, lorsque l'on discute mais également lorsque l'on communique par l'écriture, de définir les mots et, a fortiori, els concepts que l'on utilise. Dans ce cas d'espèce, je me réfèrerai, comme souvent, aux définitions du Petit Robert.

 

sophisme [sCfism] n. m. fin XIIe; soffime 1175; lat. sophisma, mot gr.[1]

Argument, raisonnement faux (Þ paralogisme) malgré une apparence de vérité et généralement fait avec mauvaise foi. "Un champ clos de disputes, retentissant de sophismes et de questions subtiles" (Renan). — Log. Raisonnement conforme aux règles de la logique mais aboutissant à une conclusion manifestement fausse. Þ  paradoxe. Le sophisme de la flèche de Zénon[2]. "Qu'est-ce que c'est que le sophisme de l'éphémère ? — C'est celui d'un être passager qui croit à l'immortalité des choses" (Diderot).

 

Dans son acception moderne, le "sophisme" désigne donc un raisonnement logique donc le postulat est faux. Raisonnement logique en ce qu'il est déductif, qu'il se déroule selon le principe de la causalité, selon une rigueur toute mathématique, toute… logique (a=b et b=c, donc a=v ou encore : "Tous les chats sont mortels ; Socrate est mortel ; donc Socrate est un chat").

 

Dans le langage courant, le sophisme peut se traduire par "langue de bois" si, son objet n'est pas tant de… démontrer que de… discourir comme le font avec un évident brio les politicien(ne)s mais également les chien(ne)s de garde, les technocrates, bref les boni…menteurs -euses.

 

Ce sens moderne est conforter par le sens du mot "sophiste" :

 

sophiste [sCfist] n. m. • 1370; soffistre 1236; lat. sophistes, mot gr.  

1 Anciennt Chez les Grecs, Maître de rhétorique et de philosophie qui allait de ville en ville pour enseigner l'art de parler en public, les moyens de l'emporter sur son adversaire dans une discussion, de défendre, par des raisonnements subtils ou captieux, n'importe quelle thèse. " La Grèce est la mère des ergoteurs, des rhéteurs et des sophistes" (Taine).

2 Personne qui use d'arguments, de raisonnements spécieux. "De tous les sophistes, notre propre raison est presque toujours celui qui nous abuse le moins" (Rousseau).

Þ Qui est porté au sophisme, qui use volontiers de sophismes. Esprit sophistique.

2 N. f. Philos. Art des sophistes grecs; le mouvement, la tendance philosophique qu'ils représentaient (Þ aussi dialectique).

Littér. Péj. La sophistique du barreau : les subtilités de la chicane.

 

Ainsi, le sophiste est celui qui maîtrise un art particulier : celui de donner une apparence de logique à ce qui est paradoxal parce que, logiquement déduit, d'un postulat… faux.

 

On notera qu'il existe deux types de sophiste :

 

 

Le sophisme et les sophistes, dans leur acception courante et non dans leur sens originel (grec) ont donner, par le biais du bas latin, le verbe :

 

sophistiquer [sCfistike] v. tr. <conjug. : 1> • 1370 ; bas lat. sophisticari

1 Vieilli Altérer frauduleusement (une substance). Þ dénaturer,  frelater. Sophistiquer du vin.

Þ (mil. XXe) Faire preuve de recherche dans (qqch.). Sophistiquer sa toilette.  

2 V. pron. réfl. (v. 1965) Devenir de plus en plus perfectionné. Þ sophistiqué (2o). Les techniques se sophistiquent de plus en plus.

 

puis la :

 

sophistication [sCfistikasjT] n. f. • 1370, rare av. XIXe; de sophistiquer

1 Vieilli Action de sophistiquer, de frelater (une substance). "Ce qu'il a trouvé, ce siècle, c'est la falsification des denrées, la sophistication des produits" (Huysmans). Þ altération.

2 Anglic. Caractère sophistiqué, affecté, artificiel. Un raffinement poussé jusqu'à la sophistication.

Techn. Évolution (des techniques) dans le sens de la complexité. Une chaîne hi-fi d'une extrême sophistication.

 

et, enfin, l'adjectif :

 

sophistiqué, ée [sCfistike] adj. • 1484; de sophistiquer

1 Vieilli Frelaté. Vin sophistiqué.

 Fig. et mod. Alambiqué, affecté. Þ recherché. Style sophistiqué. Phrasé sophistiqué d'un musicien.

2 Spécialt (1936; angl. amér. sophisticated) Se dit d'un genre artificiel de beauté, d'élégance. Une femme très sophistiquée.

 Fig. et techn. Recherché, complexe, évolué, où interviennent des techniques de pointe. Technologie sophistiquée. Þ high-tech. "un système de sécurité particulièrement sophistiqué" (San-Antonio).

CONTR. Naturel, simple.

 

Ainsi, avec le temps, le sophisme est devenu une intention de tromperie par l'usage d'un procédé fallacieux (le raisonnement logique construit à partir d'un postulat faux) ou d'un "artifice" (au sens large du terme, ce qui incluse, par exemple, aussi bien le maquillage, que le travestissement, la peinture en trompe-l'œil, divers procédés de rhétorique…).

 

Par ailleurs, il existe la :

 

rhétorique [YetCYik] n. f. et adj. • v. 1130; lat. rhetorica, du gr. rhêtorikê (tekhnê), de rhêtôr  "orateur" 

I  N. f.

1 Art de bien parler; technique de la mise en œuvre des moyens d'expression (par la composition, les figures). Poétique* et rhétorique. "La rhétorique est à l'éloquence ce que la théorie est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie" (Diderot). Figures, fleurs de rhétorique. — Traité de rhétorique, ou rhétorique. La rhétorique d'Aristote. — La rhétorique de la publicité. Þ stylistique.  

 Anciennt Classe de rhétorique, et n. f. (1591) la rhétorique : classe de première dans les lycées français. "J'étais en rhétorique en 1887 (la rhétorique, depuis lors, est devenue première)" (Valéry). — En Belgique, Classe terminale du "secondaire supérieur" (succédant à la classe dite syntaxe* puis poésie*).  

2 Littér. Moyens d'expression et de persuasion propres à qqn. Employer toute sa rhétorique à convaincre qqn. "la rhétorique de Lucrèce" (Camus).  

3 Péj. Éloquence ou style déclamatoire de rhéteur (2o). Þ déclamation, emphase.  "La rhétorique sociale n'a jamais pris sur moi. Ni aucune rhétorique. Je n'aime pas les phrases. Je n'aime que les faits" (Léautaud).

II Adj. (1877) Qui appartient à la rhétorique, en a le caractère. Procédés rhétoriques. — Recherches rhétoriques.

 

et le-la :

 

rhétoricien, ienne [YetCYisjR, jDn] n. • 1370; de rhétorique

Littér. Personne savante en matière de rhétorique.  

Péj. Þ argumentateur, rhéteur. — Adj. Une faconde rhétoricienne.[3]

 

On peut considérer que la rhétorique est l'art du discours au sens d'art de la récitation, de la déclamation, de l'élocution…[4]. Il est l'art… oratoire.

 

La rhétorique se distingue du sophisme sur plusieurs points et, notamment :

 

 

Le sophisme qui se veut rhétorique participe de la théâtralisation du discours et donc, aussi, de la mise en scène, de la représentation de l'orateur-trice.

 

Le sophisme dont la finalité est la persuasion par des procédés fallacieux, même s'ils ont un habillage… logique, n'a rien à voir avec l'art oratoire. Il peut donc être complètement "défaillant" dans son "esthétisme", que le discours soit dit ou écrit. Ainsi, les sophistes du MEDEF ne sont pas toujours, loin s'en faut, des rhétoricien(ne)s, tant ils-elles savent que d'autres (politicien(ne)s, chien(ne)s de garde), au besoin, sauront jouer de… sophistication pour embellir leurs discours.

 

C'est ainsi, que, pendant longtemps, dans la sphère politique, des oareurs-trices… pouvaient être chiant(e)s parce qu'ils-elles ne maîtrisaient pas la rhétorique, qu'ils-elles avaient un défaut de prononciation, voire d'élocution[6], qu'ils-elles connaissaient mal la langue dans laquelle ils-elles s'exprimaient…[7] Certain(e)s pouvaient même être inintelligibles parce qu'… inaudibles si l'essentiel du discours – de leur discours – était dans la théâtralisation qui l'entourait, le mettait en scène[8].

 

Mais, de nos jours; du fait notamment de la télévision, le sophisme doit, de plus en plus, se faire aussi rhétorique, ce qui, au passage, s'inscrit tout à fait dans la logique capitaliste de la marchandisation de toutes choses, le Beau compris.

 

Ainsi, subrepticement, le sophisme ne se propose plus de convaincre, de persuader par la seule force de sa logique mais tout autant, voire, parfois, essentiellement, par la force des artifices extra-oratoires qu'il utilise (images ; son ; musique ; habillement ; mise en scène au sens large du terme…) comme si l'essentiel n'était plus de démontrer mais de charmer, d'envoûter, de subjuguer, d'endormir, de mettre en transe…

 

Cette lente, mais sûre combinaison du sophisme et de la rhétorique en une sorte de "sophistico-rhétorique", n'est, à bien réfléchir, pas si récente que cela puisque qu'elle d'un (ab)usage fort ancien dans une profession qui, depuis sa naissance, (ab)use de l'art de la parole (la rhétorique) au service du sophisme, celle des avocat(e)s :

 

1. avocat, ate [avCka, at] n. advocat 1160; lat. advocatus (avoué); fém. XIVe au fig., 1750 au pr.

1 Personne qui, régulièrement inscrite à un barreau, conseille en matière juridique ou contentieuse, assiste et représente ses clients en justice. (REM. Si le féminin avocate est désormais courant, on dit aussi avocat en parlant d'une femme.) Maître X, avocat. Consulter un avocat, un avocat-conseil. Prendre un avocat. Avocat plaidant, avocat à la Cour. Þ 1. défense, défenseur; défendre, plaider. "J'étais devenu un avocat d'affaires surmené et salué déjà comme un jeune maître dans ce barreau" ( F. Mauriac). Commettre un avocat d'office. Þ assistance (judiciaire), office. Avocat commis d'office. Un avocat sans cause. La profession d'avocat. Þ barreau; 1. palais; et aussi C. A. P. A. Le costume de l'avocat. Þ robe, toge; épitoge, toque. L'ordre des avocats. Þ barreau, bâtonnier, conseil (de l'ordre). Le cabinet de l'avocat. — L'avocat de qqn, son avocat. Þ arg. bavard. Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat.  

Avocat général : magistrat du ministère public qui assiste et supplée le procureur général.

Avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation : officier ministériel jouissant du monopole de représenter les parties et de plaider devant le Conseil d'État, la Cour de cassation...

2 Fig. Avocat, avocate de : personne qui défend (une cause, une personne). Þ défenseur; apôtre, champion, intercesseur, serviteur. Se faire l'avocat d'une bonne, d'une mauvaise cause. Elle s'est faite l'avocate de sa sœur. "Devenir aussi l'avocat de la science, son apôtre, son prophète" (Duhamel).

Relig. AVOCAT DU DIABLE : celui qui est chargé, dans la chancellerie romaine, de contester les mérites d'une personne dont la canonisation est proposée. — (1800) Fig. et cour. Personne qui se fait l'avocat d'une cause généralement considérée comme mauvaise pour mieux expliquer les arguments de la partie adverse; personne qui prend le contre-pied d'une accusation, d'une critique habituelle. Se faire l'avocat du diable.

 

Qui n'a pas en tête, par le biais de films, les rugissements, les effets de manches, les déclamations, les incantations, les procédés hypnotiques…, de ces… ténors du barreau ? Depuis longtemps, dans les prétoires, qu'il s'agisse de l'avocat de la défense ou de l'avocat(e) général(e) (c'est-à-dire de… l'accusateur, du procureur), les avocat(e)s ne se contentent pas de persuader les jurés, les juges, le public, les médias… de l'innocence [ou de la culpabilité, s'il s'agit de l'avocat général(e)] de leur(s) client(e)s en usant de sophismes, autrement dit par un raisonnement d'une logique implacable mais déduit d'un postulat… erroné ou, du moins, fallacieux, mais usent et abusent de leur talent éloquence[9] non véritablement pour convaincre (cela est le propre de leur sophisme) mais pour charmer, pour mettre en condition afin de s'assurer de la réceptivité de leur sophisme[10].

 

Si le talent (juridique) de l'avocat(e) consiste en principe non tant à prouver l'innocence de son-sa client(e) que le caractère infondé ou illégitime, voire illégale de l'accusation pesant sur lui-elle et si, pour ce faire, il-elle use du sophisme pour "démontrer logiquement" comme de la rhétorique pour rendre le public plus réceptif à cette démonstration, et si, ce faisant, son propos est de trouver l'argument de droit servant la cause de son-sa client(e) et de "démonter" l'autre argument de droit invoqué contre lui-elle par l'accusation, la profession a toutefois enregistré une évolution qui est tout au bénéfice de la grande criminalité[11] : elle n'argumente plus dans le fond mais dans la forme.

 

En effet, désormais, le sophisme judiciaire consiste à instrumentaliser le Droit pour l'extraire du champ de la Loi (et, singulièrement, de l'"esprit", de l'éthique de la Loi ) et le réduire à une simple affaire de… procédure. Ainsi, la logique ne tend plus à démontrer l'innocence, à démonter les arguments de l'accusation mais à contester, à néantiser les "moyens" de l'accusation et, principalement, les "pièces" du procès (procès-verbaux ; documents divers…) et/ou les procédés de la mise en cause (accusation), voire de l'interpellation, de l'arrestation, de l'instruction, de la mise en détention provisoire…

 

Dans ce contexte, le sophisme, en tant que discours logique mais fallacieux, ne consiste plus, en usant au besoin de la rhétorique, à prouver quoi que ce soit (à commencer par… l'innocence) à partir d'un postulat, sinon faux, du moins, tendancieux, mais à dénoncer, au cas par cas, l'irrecevabilité, procédurale, de tel ou tel moyen. Et c'est pourquoi, plus que jamais, la défense est assurée, sous la houlette d'un "ténor", par une cohorte d'avocat(e)s, chacun(e) spécialisé(e) dans un domaine (informatique ; douane ; fiscalité ; comptabilité…).

 

Cette dénonciation tous azimuts peut, de surcroît, se faire en dehors de toute… logique ; encore une fois, il ne s'agit plus de démontrer, par la logique et le Droit, mais de… récuser à l'image du procédé magique qui consiste à "nommer" ce sur quoi (ou qui) on veut agir. Dès lors, la rhétorique l'emporte sur le sophisme et on peut parler d'une rhétorique autant sophistiquée que… sophistiquante, voire… sophisticatrice[12] ! Et de sophistes-réthoricien(ne)s, les avocat(e)s sont devenu(e)s des… rétiaires[13] et des bretteurs-euses[14] !



[1] Doù la :

sophistique [sCfistik] adj. et n. f. • v. 1265; lat. sophisticus, gr. sophistikos

1 Didact. Qui est de la nature du sophisme, qui constitue un sophisme. Argument, raisonnement sophistique. "Que cette interprétation de la loi parût sophistique" (Romains). Þ captieux, 1. faux.

[2] "Zénon d'Élée prétendait impossible le mouvement de A en B, car il faudrait un nombre infini de points" dit B dans le même cours. Zénon, en bon philosophe, ajouterait qu'il y a lieu de s'inquiéter de l'existence de A et de B sous quelque forme que ce soit. Ce paradoxe peut être repris sous la forme du suicidé qui se jette par une fenêtre et qui ne mourra pas car il ne s'écrasera jamais au sol. Puisque l'on peut considérer une infinité de moitiés de "chemin" parcourus et de "chemins" restant à parcourir.

[3] Et, également le :

rhétoriqueur [YetCYikZY] n. m. • 1480; de rhétorique

 Hist. littér. GRANDS RHÉTORIQUEURS, noms que se donnèrent un certain nombre de poètes de la fin du XVe et du début du XVIe s., très attachés aux raffinements de style et aux subtilités de versification.

[4] Dans ma jeunesse, il existait des cours de… rhétorique dans le cursus classique.

[5] Qu'il s'agisse d'un discours au sens strict, d'un poème, d'une "récitation", d'un texte…

[6] Bégaiement par exemple.

[7] Nous connaissons un exemple contemporain d'orateur, nul à chier : Bush !

[8] Ce fut le cas d'Hitler en particulier.

[9] De grands avocats bègues ont su jouer, comme d'autres, boiteux, bossus, atteints d'une quelconque malformation, ont su jouer de leur infirmité (a priori handicapante dans un prétoire) pour… apitoyer leur "public".

[10] A l'image de la télévision qui rend les cerveaux disponibles à… la publicité !

[11] Qu'elle soit celle des trafiquant(e)s de drogue, d'armes, d'humains… ou des pillards de biens collectifs (publics ou privés : escroquerie, abus de biens sociaux, détournements…) ou, encore, des criminel(le)s de guerre, des génocidaires… et, encore, des politicien(ne)s au service de leur "portefeuille" ou du capital.

[12] Par référence à "mystificatrice".

[13] rétiaire [YetjDY; YesjDY] n. m. • 1611; lat. retiarius, de rete rets 

Antiq. rom. Gladiateur armé d'un filet destiné à envelopper l'adversaire, d'un trident et d'un poignard. Combat de rétiaires. Rétiaires et mirmillons.

[14] bretteur, euse [bYetZY, Vz] n. • 1653; de brette

Anciennt Personne qui aime se battre à l'épée. Þ 1. ferrailleur. — Personne qui sait se battre à l'épée. Þ escrimeur.


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