Une loi racoleuse ?

 

Sur l'initiative du Reichsführer von Sarkowitz, le Reichstag français vient d'ajouter un nouveau délit pénal : le "racolage passif" passible de 2 mois de prison et de 3 750 euros d'amende. D'aucun(e)s voient dans cette disposition et, de façon générale, dans l'ukase auquel elle s'intègre, une mesure… racoleuse. Qu'en est-il exactement à ne s'en tenir qu'à cette disposition ?

A l'origine, le terme "racoler" signifiait "enrôler par force ou par ruse, en violation déguisée du principe de l'engagement volontaire et les "sergents recruteurs" d'alors étaient des… racoleurs. Au XVIIème siècle, "racoler" a pris une acception supplémentaire : "attirer par des moyens publicitaires ou autres". Ce n'est qu'au XIXème siècle que le terme de "racoler" a pris le sens prostitutionnel que nous luis connaissons de nos jours pour signifier "faire la retape", c'est-à-dire "chercher à attirer (un client), en parlant d'une personne qui se prostitue".

Dans son sens prostitutionnel, le "racolage sur la voie publique" est devenu un délit dés que des mesures prohibitionnistes ont été prises à l'encontre de la prostitution. En tant que tel, ce délit visait les prostituées et non les proxénètes. Bien que non qualifié d'"actif", ce racolage visait l'exercice de la prostitution et, notamment, la "retape" (action "de guetter et d'accoster le client", autrement dit "de faire le trottoir").

Ce n'est que beaucoup plus tardivement et il y a encore peu que le droit pénal français a introduit la notion de "racolage passif"en le distinguant du "racolage actif" [Elle en a été retirée, sauf erreur de ma part, en 1994].Alors qu'il définissait le "racolage actif" comme "le fait, par tout moyen, de procéder publiquement au racolage d'autrui en vue de l'inciter à des relations sexuelles", le code pénal n'a pas pour autant explicité le "racolage passif", le laissant ainsi à la seule appréciation de la Police et, en particulier, de la brigade dite "des mœurs". La "jurisprudence policière" l'a alors défini comme le fait "de regarder un passant de manière nullement équivoque quant à l'intention d'offrir une prestation sexuelle marchande" alors même qu'en 1997 la Cour de Cassation a considéré que "le seul fait de déambuler sur la chaussée et de s'adresser à des automobilistes ou à des piétons qui se sont arrêtés spontanément à sa hauteur sans y être invités ne peut constituer à lui seul l'infraction de racolage actif".

En fait, la nouvelle disposition ne rajoute pas le "racolage passif" au "racolage actif mais supprime toute distinction entre les deux. Mais l'essentiel ne se situe pas au niveau des "arguties juridiques" quant à la qualification du "mode opératoire" du racolage même si celles-ci ne sont pas sans incidences en terme de répression.

En effet, ce texte n'obéit à aucune logique abolitionniste (le contraire eût été étonnant !) et ne vise aucunement les client(e)s et encore moins les proxénètes. Il est strictement répressif et s'inscrit dans cette paranoïa sécuritaire qui consiste à criminaliser et "punir" les effets de la "misère" générée par le système économico-politique en place et aucunement à prévenir, voire supprimer les causes de cette "misère". Pour reprendre une image, au lieu de "traiter" les malades et de prévenir une épidémie à l'aide de la vaccination, de mesures de prophylaxie, d'hygiène… on… abat les malades avec toutefois cette nuance "subtile" : il ne s'agit pas ici de vaches folles et autres ovins tremblotants mais de… "pauvres", d'être humains : la "punition" infligée à la misère est bel et bien une répression qui s'abat sur des individus !

En outre, s'il fait référence à la "prostitution", les médias et les politicien(ne)s ne parlent que des… prostituéEs. Si certain(e)s en doutaient encore, ce discours révèle que le système en place est celui du patriarcat dans sa posture machiste la plus exacerbée et la plus… affligeante.

Par ailleurs, et dans la mesure où l'on admettra qu'un(e) prostitué(e) ne lancera jamais de "regard racoleur" à quelque flic que ce soit - sauf à faire dans le "masochisme" (!?!) -, la revendication/justification policière de pouvoir disposer de "moyens légaux" de qualification du "flagrant délit" ne tient pas la route. Sans parler des personnes ayant une vision défectueuse ou faisant tout simplement preuve de curiosité et qui pourront désormais être qualifiées de "racoleuses passives", il est évident que le "regard racoleur" est une notion purement subjective ouvrant grand la porte à des interprétations relevant de la représentation de la personne (supposée) "regardée", de ses préjugés, de ses fantasmes…

Plus grave encore : d'un point de vue strictement juridique, l'"intention", même dite "malhonnête" n'est pas un délit. Pas même une infraction ! Elle peut, tout au plus, être la "ciconstance agravante" d'un délit ou d'un crime. Et la Loi ne connaît que l'acte délictuel "consommé". Or, en admettant qu'il puisse être "racoleur" à des fins prostitutionnelles, un regard, par définition, est… silencieux et n'est pas une gestuelle,comme peut l'être, par exemple, l'arpentage du trottoir, l'"accostage" d'une voiture ou d'un(e) passant(e) ; il ne peut être qu'abusivement considéré et, surtout, juridiquement qualifié d'engagement d'un acte alors même que, selon le Droit (en vigueur (?!?) le "flagrant délit suspect justement un début d'acte délictuel.

Nul(le) n'étant à l'abri d'une qualification de "racolage passif" pour cause de regard… racoleur, le libre arbitre policier est désormais triomphant et la Justice d'autant plus aveugle qu'elle ne participe plus du "pouvoir judiciaire" mais du "pouvoir policier", ce qui est la caractéristique d'un régime… totalitaire et, pour reprendre l'expression des Montagnards, lesquels l'avaient piquée aux philosophes des Lumières, de la… tyrannie.

On peut donc s'interroger sur une éventuelle extrapolation du "racolage passif" à certaines pratiques "consacrées" comme, par exemple, les images racoleuses de la publicité incitant à se servir de son téléphone portable en voiture, à conduire sans ceinture de sécurité, à consommer de l'alcool avant de prendre le volant, à transformer les routes, voire les rues en pistes de Formule 1…qui sont des actes… délictuels. Ou encore à ses "œillades" racoleuses que, régulièrement, les politicien(ne)s en mal d'un permis de tondre le "mouton citoyen" viennent jeter aux quidams… Oui, on peut s'interroger ou… rêver car, bien entendu, les publicistes et les politicien(ne)s ne sont pas de la "France d'en-bas" et la Police n'est pas là pour les réprimer, les punir mais pour les… protéger !

Certain(e)s pensent (ou… pansent !) que cette mesure, comme toutes celles mises en œuvre au titre de la Loi sur la sécurité intérieure [Au fait, la "sécurité intérieure", cela ne sonne pas comme "securitat" et autre Guépéou ?], vise à "racoler" l'électorat de l'extrême droite : c'est oublier que cet électorat n'a plus besoin d'être racolé puisque, sous prétexte de "sauver la démocratie et la république", il a prêté serment d'allégeance – il s'est… inféodé – à la chiraquie et que les (pseudo) démocrates, radicaux, socialistes, communistes ou même… "anarchistes"[Que cela fait mal à dire !] qui le composent filent le parfait amour avec von Sarkowitz et, non content(e)s de lui cirer les pompes, le couvent de leur regard amoureusement… racoleur !

 


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