ASSOCIATION DES ECRIVAINS ET ARTISTES RÉVOLUTIONNAIRES

9, avenue Edouard Vaillant 93500 Pantin

 

Changeons nos révoltes en révolution ![1]

1er manifeste de l’AEAR

 

'L’insurrection est la garantie des peuples"

Saint-Just

En ce début de millénaire, voici venu le temps des nouvelles jacqueries ! Il y a le feu dans les banlieues. Les incendies qui éclatent ici ou là ne sont pas la manifestation irrationnelle d’une épidémie étrange de combustion spontanée. Il y a longtemps que s’est accumulée la poudre et les pouvoirs de droite et de gauche qui se sont accommodés de l’apartheid social récoltent aujourd’hui ce qu’ils ont semé. Ceux qui ne comptent pas ont montré combien cela peut coûter cher de les avoir passés en pertes et profits. La révolte de ces jeunes serait aveugle, entend-on parfois… Mais la société sage et raisonnable qui leur fait la morale leur a mis la tête dans un sac ; ils sont dans le noir et n’ont ni perspective ni espoir. Cette société capitaliste les a élevés en les berçant dans le rêve vain du consumérisme ; elle leur offre le spectacle de la vie facile, du pouvoir de la force brutale et du cynisme et ne leur laisse en pâture qu’un avenir sans futur, dans les ghettos de la misère et de la discrimination, du chômage et des boulots précaires, des petits trafics et de la vie étroite. Quand on n’existe pas, détruire est l’acte élémentaire par lequel s’affirme l’être. Privé de la parole, reste l’acte. En s’en prenant à l’école du quartier, au bus qui passe dans la rue ou à la voiture du voisin, sans doute se trompent-ils d’adversaire… Encore que l’école soit le symbole de l’échec, la voiture le signe extérieur d’une richesse et d’un statut auxquels ils n’ont pas accès, quant aux services publics, ce sont aussi à leurs yeux les agents d’un Etat répressif. Et même si le mouvement retombe ce n’est qu’un début.

Cette société qui idolâtre le fantasme de la jeunesse et lui rend, par les images publicitaires, un culte maladif est en fait en guerre contre la jeunesse réelle, particulièrement la jeunesse des quartiers populaires et des familles prolétaires, qu’elles soient d’origine française ou immigrée.

Mais les enfants de l’âge des médias savent au besoin retourner les armes de la société du spectacle contre cette société. A l’ère de la guerre généralisée contre le terrorisme, ils font leur apprentissage en guérilla et découvrent la joie de défier l’autorité. Ce qui vaut mieux que de la déifier. Or cela qui devrait réjouir inquiète.

Il est à ce propos singulier de noter que certains qui portent Rimbaud à la boutonnière, ne jurent que par le surréalisme et sont gagas de la révolte Dada quand elle est embaumée et muséïfiée, ne manifestent pas la moindre sympathie pour les tentatives d’insurrection de ces jeunes, tentatives peut-être brouillonnes mais évidemment justifiées et salubres auxquelles nous assistons en ce moment.

Les nouveaux chantres de la paix civile, les bonnes âmes qui condamnent la violence en soi feraient bien de se souvenir que c’est grâce à la violence des émeutiers de 89 et 93 que l’État républicain dont ils vantent aujourd’hui les mérites s’est imposé face aux privilégiés de l’Ancien régime. Pour renverser la caste dirigeante qui, enfermée dans son autisme, refuse d’écouter les jeunes, comme elle a refusé d’écouter les travailleurs en lutte ou les électeurs qui ont dit Non à sa constitution, il faudra évidemment bien plus que brûler des voitures…

La révolte n’est pas la révolution. Faute d’une direction et d’un élan collectif et unificateur, elle peut même être récupérée et servir au maintien de l’ordre en place.

En fait, ce dont la société française a besoin, c’est bien d’une nouvelle révolution. Une révolution démocratique par laquelle il serait mis fin au règne des nouveaux privilégiés de l’argent, du pouvoir et des médias. Une révolution par laquelle le peuple sortant de l’état larvaire dans lequel on veut le maintenir, manifesterait, comme à plusieurs reprises déjà dans son histoire, qu’il est conscient de lui-même et capable de changer le cours de l’histoire.

Ce sera une révolution politique, économique, sociale, culturelle et morale.

Cette révolution que nous appelons de nos vœux ne sera pas le fait des intellectuels, mais elle ne pourra pas se faire sans les intellectuels. Ceux-ci ont aussi des motifs de révolte.

Pour notre part, nous en avons plus qu’assez des discours sur le silence des intellectuels quand les intellectuels qui sortent du rang sont systématiquement bâillonnés, privés de tribunes, exclus des médias, voire chassés de leur travail. Nous en avons plus qu’assez de cette dictature du marché, qui fabrique de toutes pièces quelques succès internationaux, à grand renfort d’argent et de publicité, sans que cela ait grand chose à voir avec le talent, et jette dans les oubliettes la plupart des œuvres et leurs producteurs. Nous en avons plus qu’assez de la concurrence de tous contre tous, de la logique individualiste qui conduit chacun à s’enfermer dans son créneau ou sa niche, en ignorant les autres et qui se révèle catastrophique pour l’esprit de création intellectuelle, artistique et scientifique.

Nous n’attendons pas la reconnaissance de ceux d’en haut. Nous n’aspirons pas à manger dans leur main. Nous n’appartenons pas au petit nombre des chiens de garde et n’entendons pas non plus faire partie du nombre malheureusement beaucoup trop important des chiens couchants.

Nous sommes du côté des gueux, des classes dangereuses, de la racaille… En un mot du peuple. Et nous entendons contribuer au grand courant d’air frais qui doit balayer cette vieille société et ouvrir une fenêtre sur l’espoir. Dans ce moment historique où les partis et mouvements de gauche paraissent en panne non pas d’utopie mais de projet révolutionnaire les intellectuels ont la responsabilité de réfléchir aux voies de l’avenir.

Malgré tous les abandons, les compromissions et les démissions, nous ne renonçons pas au combat difficile pour fomenter de nouvelles rencontres inattendues et fécondes entre le peuple et la culture. Nous attachons le plus grand prix à l’action pour rendre la poésie, la littérature, l’art, le théâtre, le cinéma, la musique, l’architecture, l’histoire, la philosophie et la science… à la fois novateurs et populaires. Nous connaissons la joie du travail créateur, l’ardeur de l’imagination, la vertu de la pensée critique. Nous n’avons pas pour ambition d’être acceptés dans des salons pour entretenir le plaisir de quelques snobs faux esthètes. Nous entendons participer, avec les moyens qui sont les nôtres, à rendre la vie du plus grand nombre tout simplement plus belle.

C’est pourquoi nous avons décidé de reconstituer l’Association des Ecrivains et Artistes Révolutionnaires.

Avant-guerre, des écrivains, des artistes, des intellectuels comme Paul-Vaillant Couturier, Aragon, André Gide, Paul Nizan, Malraux, Erik Satie, René Crevel, Langevin et beaucoup d’autres participèrent à son action. Cette association joua un rôle essentiel au moment du Front populaire, dans le mouvement pour les maisons de la culture, de même que dans la mobilisation des intellectuels contre le fascisme en Espagne.

Les temps ont changé, mais les combats demeurent.

A nous d’imaginer et de faire vivre l’association des écrivains, des artistes et de tous les intellectuels qui entendent, par delà la diversité de leurs engagements politiques et esthétiques, et avec les moyens qui sont les leurs, contribuer à cette œuvre somme toute modeste, utile et raisonnable : la révolution dont la société a besoin.

 

Premiers signataires : Samir Amin, économiste, René Ballet, romancier, Simone Ballet, universitaire, André Bellon, écrivain, Régis Bergeron, Roger Bordier, écrivain, Maximianno Cobra, chef d'orchestre, Francis Combes, poête et éditeur, Charles Conte, directeur de publication, Françoise Coulmin, poète, Alexandra Cretté, poêtesse, Maurice Cury, écrivain, Jean-Luc Despax, poète, Bob Dixon, poète (Grande-Bretagne), David Dumortier, poète, François Eychart, enseignant, Agneta Falk, peintre et poète (Suède), Denis Fernandez-Recatala, écrivain, Jean Foucambert, Georges Gastaud, philosophe et directeur de la revue Etincelle, Jacques Gaucheron, poète, Alain Guérin, journaliste et poète, Georges Hassomeris, poête, Jack Hirschman, poète (USA), Monique Horwitz-Guérin, médecin, Stathis Kouvelakis, philosophe, Année Lacroix-Riz, historienne, Patricia Latour, journaliste et écrivain, Bernard G. Landry, romancier, Ivan Lavallée, informaticien, Jean-Michel Leterrier, Yves Letourneur, professeur de philosophie, Michel Naudy, journaliste et écrivain, Bernard Noël, écrivain, André Picciola, historien et écrivain, Pierre Roche, historien de l'éducation, Michel Ronchin, poête, Jo Ros, écrivain, Max Schoendorff, peintre et écrivain, Roger Somville, peintre, Jean Souyris, publiciste, Yves Vargas, philosophe, Marc Viellard, journaliste et écrivain,Claude Vinci, chanteur, Lucien Wasselin, poète….


 

[1] Source : http://www.aear.net/Blog%20AEAR.html


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