Quand l'ordre religieux régnait au Tibet

 

Le texte qui suit est extrait d'un message que j'ai reçu de Nico HIRTT, de l'Appel Pour une Ecole Démocratique (A.P.E.D.)

D'abord, quelques réflexions au sujet de la Chine :

"... Le problème, vois-tu, c'est que dans la pratique on se trouve inéluctablement confronté à des contradictions. Peut-on garantir le droit à la santé et à l'instruction et en même temps la liberté de circulation des personnes ? Eh bien non ! La Chine a formé des armées de médecins et d'instituteurs, qu'elle a envoyé travailler pour un salaire extrêmement modeste dans les campagnes les plus reculées (y-compris au Tibet). C'est cette politique qui a permis à la Chine d'abaisser la mortalité infantile à un niveau exceptionnel pour un pays du tiers monde et à assurer une croissance de l'accès à l'enseignement qui est plus du double de celle de pays comparables. Nombre de ces médecins, enseignants (mais aussi ingénieurs, architectes, agronomes...) savent qu'ils trouveraient sans doute une vie plus facile en quittant la Chine, c'est-à-dire en allant conquérir le marché de la médecine privée et de l'école marchande, en Inde par exemple (où 45% des scolarisés le sont dans des écoles privées). Faut-il les laisser s'en aller ? Ici deux droits de l'homme s'affrontent: la liberté de circulation pour 10% d'intellectuels ou le droit à la santé et à l'instruction pour 80% de paysans pauvres. Je ne conteste pas que le choix soit douloureux. Mais je me refuse à condamner les dirigeants chinois qui ont, eux, pris leurs responsabilités dans ce choix, pendant que d'autres camouflent leur mépris des droits élémentaires pour les plus pauvres derrière quelques droits démocratiques érigés en valeurs suprêmes pour une minorité de nantis. On retrouve des contradictions similaires dans les débats sur l'enfant unique et bien d'autres questions".

Ensuite, au sujet du Tibet :

"Concernant le Tibet, il faut remettre les pendules à l'heure. Primo, il est faux et dangereux de parler de "génocide". Faux parce qu'il n'y a pas de génocide; personne ne peut sérieusement soutenir cette thèse. Il y a répression d'un mouvement indépendantiste, religieux, culturel. On peut diverger d'avis sur cette répression. Mais on ne peut certainement pas parler de génocide (je me refuserais pareillement de parler de génocide des Palestiniens par Israël, même si je soutiens évidemment pleinement la lutte du peuple Palestinien). Il est dangereux de galvauder des termes comme celui-là, car on finit par amoindrir l'importance historique des véritables génocides.

Il faut aussi rappeler l'histoire. C'est au moment où la Chine s'est libérée de la domination féodale Mandchoue, en 1911, que la caste dirigeante autocratique des moines et des seigneurs féodaux tibétains a unilatéralement proclamé l'indépendance du Tibet. Cette indépendance n'a jamais été reconnue, ni par la Chine bourgeoise de Tchang Kaï Chek, ni par la Chine communiste, ni par aucun état au monde. Du moins officiellement. Car la sécession fut réalisée avec l'aide et à l'instigation des Britanniques qui avaient déjà par trois fois tenté d'envahir le Tibet à partir de l'Inde et qui voyaient (à juste titre) dans la révolution démocratique bourgeoise de 1911 une menace contre leurs intérêts économiques en Chine. Ces territoires sont donc restés à l'état féodal jusqu'à leur libération par les troupes communistes en 1951. Signalons que, durant la deuxième guerre mondiale, les autorités locales tibétaines, bien qu'officiellement neutres, ont objectivement soutenu l'axe Berlin-Tokyo en empêchant l'approvisionnement des armées chinoises par la route, à partir de l'Inde.

Le Tibet d'avant 1951 n'avait rien du paradis démocratique que nous dépeignent les adeptes des sectes bouddhistes et ceux qui, par bêtise ou par anticommunisme, reprennent leurs mensonges. C'était un pays féodal, pratiquant le servage et même l'esclavage à grande échelle. Une minorité de propriétaires de serfs - nobles, autorités locales et chefs de monastères - possédait toute la terre et les forêts ainsi que la majeure partie du bétail. Quelques 200 à 300 familles dominaient le Tibet. Au sommet, le Dalaï Lama, plus grand propriétaire de serfs, chef religieux et chef politique autoproclamé.

Les serfs étaient accablés de taxes et obligés de labourer gratuitement et avec leurs propres bêtes de trait les 70% de terres que se réservait le seigneur. Ils étaient en outre tenus d'effectuer diverses corvée : la " corvée de conscription " (service militaire avec ses propres vêtements et sa propre nourriture) ; la " corvée de pied " (transport de denrées au profit du seigneur) ; la " corvée de main " (tonte de l'herbe et approvisionnement des officiels du gouvernement local en bois de chauffage, en beurre et autres biens). Le " Ula " était la forme de corvée la plus courante. Elle obligeait les pauvres à servir chaque seigneur de passage dans leur village, en lui apportant tout ce qu'il demandait : matelas, cheval, paille, tente, table, viande, beurre, thé et jeunes filles. Il n'était pas rare, sur les routes de l'ancien Tibet, de voir un serf courir derrière un noble à cheval, dans l'espoir de récupérer son unique monture à l'arrivée...

On parle de droits de l'homme ? Alors parlons de la justice telle qu'elle était pratiquée dans le Tibet féodal. L'exécution publique des serfs était courante. Parfois, ils étaient d'abord éventrés, puis traînés dans la ville avant leur exécution. Le code pénal (écrit), qui fut rédigé par le gouvernement local tibétain d'avant 1951, divisait la société en trois classes. La classe supérieure comportait les " Bouddhas vivant ", les nobles et les hauts fonctionnaires d'État. La classe inférieure comportait les serfs et les esclaves. Si un membre de la classe inférieure offensait un membre des classes supérieures, l'une des peines suivantes était appliquée : yeux arrachés, jambes hachées, mains ou langue coupés ou encore être jeté du haut d'une falaise. Une simple accusation suffisait ; l'accusé, s'il était membre de la classe inférieure, n'était pas entendu. Si un membre de la classe inférieure assistait incidemment au viol de sa fille ou de sa femme par un seigneur, il devait avoir les yeux arrachés.

Les monastères tibétains, " hauts lieux du recueillement et de la spiritualité " (dixit la propagande), étaient eux-mêmes propriétaires de serfs dont ils exigeaient l'impôts et la corvée. Au sein du monastère, le pouvoir était entre les mains de quelques " Grands lamas " issus des familles nobles et qui ne travaillaient pas. Les lamas inférieurs, issus des classes pauvres, constituaient la majorité des moines. La plupart d'entre eux étaient devenus lamas par obligation : lorsqu'une famille avait trois garçons, l'un d'entre eux était contraint de devenir lama. D'autres entraient au monastère pour échapper à leurs dettes ou simplement pour survivre. Ces lamas pauvres, souvent enrôlés de force dès le plus jeune âge, étaient contraints aux tâches les plus dures. Les archives du monastère de Zheibung, dans la banlieue ouest de Lahsa, font état d'une moyenne de 300 moines en fuite chaque année, au péril de leur vie : le lama en fuite risquait la peine de mort s'il était repris.

Quand le Dalaï chantait les " Sutras de la damnation ", des têtes humaines, du sang, des cœurs et des chairs humaines fraîchement dépecées servaient d'offrandes. Un tel rite eut encore lieu en automne 1948, quand le Dalaï décida de chanter des " Sutras " sur la Place de Lhassa, dans l'espoir de contrer la révolution communiste. A cette occasion, 36 jeunes furent arrêtés ; 21 d'entre eux furent mis à mort pour servir d'offrandes.

En 1959, les trois principaux monastères possédaient 321 manoirs, 147.000 ha de terres, 26 pâturages, 110.000 têtes de bétail et 40.000 serfs. La famille du précédent Dalaï Lama possédait personnellement 27 manoirs, 36 pâturages, 6.170 serfs paysans et 102 esclaves domestiques. Leur propriété mobilière s'élevait à 160.328 talents d'or, 95.000 talents d'argent, 20.331 pièces de bijouterie et 14.676 articles vestimentaires".

(...)

Nico Hirtt

"P.S. Je ne suis pas pour autant un admirateur béat de tout ce qui se passe en Chine. J'ai pas mal de critiques, sur les zones franches où on exploite des enfants, sur la corruption, sur la bureaucratie, etc. Mais ne nous trompons pas sur l'essentiel. C'est le socialisme en Chine qu'il faut améliorer et la domination capitaliste mondiale qu'il faut abattre. Et pas le contraire".

 

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