Utopie…[1]

Hugo L.

 

Je ne savais pas comment j’étais arrivé là mais ce que je savais, c’est que j’y étais.

Je me trouvais en plein milieu d’une sorte de grande avenue bordée d'arbres. Le sol était fait d’une matière extrêmement lisse que je ne réussissais pas à identifier. De longs véhicules aux formes étranges, harmonieuses, planaient à environ un mètre du sol, se croisaient avec sûreté sur cette voie. De nombreuses personnes se déplaçaient également de part et d’autre, sur des chaussées au moins aussi larges que la voie principale. Ces gens utilisaient toutes sortes de moyens de transport : les piétons côtoyaient des cyclistes, qui croisaient des cavaliers, d’autres utilisaient des machines qui leur permettaient de planer à quelques centimètres. C’était un spectacle étonnant de voir tout ce monde s’entrecroiser sans jamais se heurter.

J’abordais l’un de ces passants pour lui demander où je me trouvais. L’homme, voyant mon étonnement et devinant mon ignorance, me pria de marcher avec lui. Il commença à m’expliquer le fonctionnement de cette ville.

En ce monde (il faut bien l’appeler ainsi parce que ce n’était pas le mien), personne n’était obligé de travailler pour vivre. Des machines remplissaient toutes les tâches embarrassantes. Les métiers qui ne pouvaient pas être exercés par des machines étaient occupés à tour de rôle par toute la population. Le système était tellement efficace qu’un individu n’avait pas à travailler plus d’un an au cours de sa vie et que personne ne refusait de rendre ce service, bien qu’il ne soit pas obligatoire.

L’argent n’existait pas dans cette société. Les industries tournaient à plein régime pour produire ce que tout le monde avait besoin et chacun se servait selon sa nécessité. Il n’y avait aucun abus, vol ou autre escroquerie car tout le monde avait accès au nécessaire autant qu’au superflu. Il n’y avait d’ailleurs pas de police ni de lois écrites mais une éducation suffisante qui inculquait aux enfants le respect de l’autre. Cette éducation était en grande partie assurée par les parents qui, n’ayant pas à travailler, pouvaient apprendre la vie à leurs enfants. L’école n’existait donc pas et l’éducation était individuelle et... agréable.

Tout en marchant, nous croisâmes un groupe d’enfants qui jouaient dans un jardin. Mon guide me fit remarquer, quand je lui demandais comment ces enfants s’étaient connus sans école, que les nombreux parcs, les nombreuses activités ludiques ou sportives de cette société, permettaient aussi facilement d’avoir des amis. Notre discussion se poursuivit, mon étonnement l’amusait et il semblait heureux de me présenter sa ville. Pour ma part, j’étais avide d’en savoir plus sur une société si parfaite. Nous en vînmes à parler de politique. Fonctionnaient-ils sous une démocratie ?

Les décisions importantes n’étaient pas prises à la majorité, contrairement à ce que je pensais. On ne prenait les décisions qu’à l’unanimité : on raisonnait, on discutait, on exposait, on argumentait jusqu’à ce que l’ensemble de la population soit convaincu. Toutes les décisions étaient ainsi prises. Ce système politique aurait pu être désastreux mais il n’en était rien car personne ne cultivait la mauvaise foi, n’ayant aucun intérêt au privilège qui n’existait pas, et chacun, par son éducation, était ouvert au débat et capable de reconnaître ses torts. Lorsque deux personnes débattaient d’une idée, elles n’essayaient pas de rassembler la majorité chacune derrière elle en usant d’hyperboles et en dénigrant les idées adverses mais elles cherchaient réellement à convaincre l’autre plutôt qu’à le battre.

L’homme continua à me parler ainsi pendant Plusieurs heures tant il y avait à dire sur cette ville. Il m’expliqua que la technologie automatisée permettait à chacun d’avoir des maisons confortables, des transports sûrs, rapides et qui ne polluaient pas, des loisirs aussi vastes que raffinés. C’est pourquoi cette société était si cultivée, si philosophe, si humaine. Il me montra comment la technique et la recherche, non pas du profit mais du bien public, avaient permis d’éradiquer quasiment toutes les maladies. Il me démontra comment les gens, grâce à leur énorme temps libre, ouvraient leur esprit en se consacrant aux sports et aux arts : il me fit découvrir les surprenantes beautés de sa ville.

Alors que nous discutions encore et encore, et que je l’écoutais en rêvant, faisant moi-même mille projets, la ville disparut brusquement.

Je me tournais vers mon nouvel ami, mais il n’était plus là, lui non plus.

Je me retrouvais en plein milieu d’une grande avenue bordée de poubelles. Cette fois, le sol n’était qu’en goudron sale et puant. Une voiture, sortant de nulle part, manqua de m’écraser : je m’écartais sous une cascade d’insultes.

Je n’eus pas besoin de demander à quiconque où j’étais. Cette fois, je le savais très bien !



[1] Diffusé par Le Défouloir des Précaires, février 2004, http://precaires.free.fr. Ce texte a été rédigé en classe par un élève de première S, âgé de 16 ans, en février 2004, dans le cadre d’un devoir d’écriture d’invention. Seules l’orthographe et quelques légères maladresses ou étourderies ont été corrigées.


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