EN SOUVENIR DE

JEAN MESLIER L’ENRAGE

Prêtre athée et révolutionnaire sous Lois XIV

  

     L’histoire de l’humanité est autant l’histoire du renforcement des différentes structures de domination que celle des contestations et des rebellions, diré-je pour commencer en paraphrasant les situationnistes. (I.S.n°7)

    S’il est vrai que nous nous considérons comme les derniers révoltés des temps modernes, il est également vrai que nos désirs de liberté, notre passion d’un autre monde, se nourrissent de plusieurs siècles de combats : fous, millénaristes, pirates, bandits, rêveurs et autres réfractaires nous ont précédé.

 

     Jean Meslier (qui n’a rien à voir avec Jean Marie Messier), fait partie de ses nombreux oubliés qui hantent la mémoire expurgée de ce monde putride. Nous ne recherchons pas des ancêtres à tout prix, et nous luttons avant tout pour nous même, Jean Meslier n’est ni le précurseur du génial Fourier, ni celui du vieux barbu, de Bakounine-le-furieux, de Bordiga le passionné du communisme ou de ce cher Nestor Makhno. Les critiques de ce monde n’échappent pas aux limites de leur temps, sans exception.

     Jean Meslier, paisible curé d’un village paumé de la "France profonde", meurt en 1729. Ce brave homme aurait très vite été oublié s’il n’avait pas, malicieusement, laissé à la postérité quelques souvenirs….très subversifs. En effet, le bougre, après 40 ans de métier à endoctriner les gueux, à se priver sexuellement et à chanter la gloire du Tout-Puissant, avait préparé sa revanche, qui sera explosive…

     Quel ne fut l’étonnement de la caste ecclésiastique locale quand ils découvrirent que Meslier avait laissé un Mémoire de 300 pages de pattes de mouches écrites à la plume, entièrement remplies de blasphèmes et d’insultes envers Dieu, d’appels au meurtre de tous les rois et de tous les prêtres.

     Pour éviter le scandale, ces confrères horrifiés vont tout mettre en œuvre pour étouffer l’affaire, mais c’était sans compter sur Meslier. Avant de mourir, celui-ci avait recopié à la hâte son texte en plusieurs exemplaires (en tout 2000 pages manuscrites), et, précurseur des plus grands adeptes du scandale de notre époque (Debord, Sanguinetti,…), s’était ingénieusement arrangé pour qu’ils parviennent, après des années d’oubli, en des mains plus intéressées, dont celles de Voltaire et plus tard celles du babouviste Sylvain Marechal, lui assurant ainsi une notoriété posthume.

     Dans ce Mémoire, Jean Meslier, ,qui n’était guère doué pour l’écriture, on lui pardonne, s’acharne, attaque, démonte l’imposture du christianisme, décortiquant le Nouveau Testament, réfutant les "preuves" et autres "miracles", et dénonçant bien avant Marx le rôle social de la religion, celui d’"opium du peuple". Meslier y prône ouvertement le régicide et le cul-bénicide, l’athéisme, l’abolition de la propriété privée et de la famille, ainsi qu’une sorte de "libération animale", se prononçant en faveur d’un communisme local de type paroissien, mais n’étant pas (dommage !) un pur anarkopithèque puisque défendant un minimum d’autorité (les sages de la communauté). Meslier déploie les dernières forces de son corps à cette vengeance post-mortem, c’était une sorte de "Hacker informatique" avant l’heure…

     Meslier n’est pas d’un intérêt énorme aujourd’hui, d’autres n’ont pas attendu la mort pour se révolter, d’autres nous ont peut-être laissé un "héritage" plus utile, mais il ne faudrait pas oublier qu’avant ceux qu’on se plait habituellement à citer, un curé, sous Louis XIV, avait fulminé une rage souterraine semblable à la notre aujourd’hui et que nous aussi nous pourrions gueuler : "Il faut dire à la honte de notre siècle que l’on ne voit plus maintenant dans le monde que des lâches et misérables esclaves de la grandeur et de la puissance exorbitante des tyrans".

 

La lutte continue !

Anne Archie

Un soir d’août 2002,

après la lecture du livre de Marc Bredel sur Jean Meslier….


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