La mort du signe

  

Il y a  belle lurette ; les archéologues affirment que c’était il y a 7 millions d’années ; un petit hirsute, à la pilosité avancée, apparut quelque part du côté du Tchad en Afrique. Il s’appelait Tumaï et ne connaissait ni la cuisine chinoise ni l’emploi de la carte à puce dans le sas de la banque.

Mais Tumaï et sa femme se distinguaient des autres mammifères du Tchad. Il avait un signe bien particulier qui faisait rire les quatre-pattes, les mille-pattes, les sans-pattes et les octopattes : il était bi-pattes. On dit qu’une longue évolution et des besoins particuliers en outillage moderne en avait fait un bipède. Encore heureux qu’il n’ait pas eu un visage poilu derrière la tête car on aurait obtenu un biface.

Très vite, madame Tumaï, qui était d’une jalouseté assassinante, se demanda comment son coureur de mari pourrait se distinguer des autres mâles dominant du territoire, ceci afin d’empêcher les devoirs extra-conjugaux exigés par les autres madames du clan. Pendant une nuit sans lune, ce qui est excessivement rarissime en Tchadie, elle se leva, se saisit d’une lame de silex usinée de frais et s’en alla sur les bords du Chiott-el-berber, coupa des roseaux, les tissa et enfourna la zigounette de Tumaï dans ce fourreau de paille . Un véritable jésus dans une nouvelle crèche. Le lendemain, le sieur Tumaï se pavanait avec sa nouvelle queue au milieu des siens. L’étui pénien avait été inventé . Il ne fallut qu’un instant pour que la mode nouvelle se répandisse. Elle n’était pas pratique car on pouvait facilement faire pipi dans le fourreau avant de dégainer. L’étui pénien  est encore en usage dans les tribus arriérées ou dites telles. Chez les civilisés d’aujourd’hui, l’on circonvolute délicatement un par-dessus en cayoutchouc avant de jouer avec madame- la- sienne ou mes- dames- les- autres.

Dans la famille Tumaï, il était plaisant de voir défiler les papas avec un chapeau paillu d’une longueur directement proportionnelle au rang tribal. On affirme avoir trouvé des étuis d’un mètre. Je doute car la marche en file indienne devait être pleine de dangers.

Ce qui est important de connaître, c’est que l’homme a toujours eu besoin de signes de reconnaissance ostensibles et le fait de poser un long étui de joaillerie sur ses bijoux de famille en est une preuve  que toutes les thèses d’anthropo-sociologie citent.

Les femmes d’antan, ne pouvant fourguer leur marchandise dans un panneton, inventèrent les parures. D’os, de coquillages, de diamants, les colliers apparurent de dents et dehors. Christian Dior et la De Beer avaient de l’avenir. On reconnaissait les cheffesses à la longueur des bracelets, jambières, serre-tête,, oreillettes et accroche-cœur. Finis les temps barbares où l’on appelait les madames et mademoiselles par les doux descriptifs de "gros-nibes", "fesses de suif" et "nichons piriformes".

Un artiste local entreprit de dessiner les constellations sur son ventre avec des cendres de fusain. Puis il dessina sur les bras, ventres, et croupions des concitoyens. Il dessina diverses choses telles des gueules de lion, des mâchoires de croco, des alphabets originaux, des graffitis obscènes antisarkozistes et des trucs cunéiformes.

Malheureusement, ces œuvres ont disparu et Sothebys le déplore.

Les dessins se firent alors en profondeur sous la peau. Les tatouages apparurent. Aujourd’hui, cette industrie est florissante surtout dans les milieux maritimes et dans certains camps punks. L’on cite volontiers l’histoire des 2 légionnaires qui en petite condition arboraient chacun sur leur attribut viril, un SE tatoué. L’un déclara qu’en pleine expansion, en pleine forme, en période de rut et de déploiement des forces, l’on pouvait lire "SimonE", et l’autre narquois affirma SE sur la mienne, veut dire "Souvenirs de mes expéditions glorieuses en Afrique Equatoriale FrançaisE".

Les Maoris ont de magnifiques tatouages qui nous rappellent leur origine et leurs talents au rugby.

On ne sait pas exactement à quelle époque, les Sémites commencèrent à se distinguer du commun en coupant le p’tit bout de piau au bout de la zigounette. Cette tradition démontre que ces gens sont très férus d’hygiène, mais pour les fascistes ce signe d’appartenance a permis un tri sélectif absolument horrible.

Les musulmans excisent les filles, ils font enlever le clitoris. Fini le plaisir dans l’amour  pour l’amour du prophète Mahomet et d’Allah, le dieu bienfaiteur.

Tu baiseras et enfanteras dans la douleur.

Dans les pays de civilisation intensive en Europe, à la fin du Moyen-âge, chacun pouvait ramener sa fraise. Ce qui est mal vu en 2004, sauf pour les dindons et dindes du gouvernement. La fraise était une espèce de collerette faite de tuyaux de dentelle qui partaient du cou pour exploser en une vaste corolle blanche, autour de la tête. Une tête ressemblait à une cerise surmontant une tarte de crème chantilly. Henri IV aimait les fraises. Ravaillac était allergique aux fraises.

Sur le têtiau, ils portaient une perruque poudrée, grouillante de poux et lentes. Pouah ! Les dégueulasses !

De tous temps, il a fallu distinguer les membres de la communauté humaine. On a ensoutané les curés et les nonettes. Vous vous souvenez certainement des sœurs de la charité, interdites de sortie par grands vents. Les évêques et cardinaux, déguisés comme des clowns de robes richement brodées, les doigts embagousés comme des macs, continuent de parader lors des fêtes. Luther et Calvin n’ont pas réussi leur simplification.

Dans les tribunaux, vous voyez toujours ces espèces de choucas, au poitrail rabaté de blanc, qui se battent pour l’accusation ou la défense du bougre.

La soldatesque porte des uniformes différents. C’est rigolo. Ce qui est uniforme ne peut être distinctif ou différent. Pourtant, ya le bleu, le kaki. Le rouge c’est le pompon.  Dans chaque corps, ya les galons, les étoiles, les barettes. Moi qui n’ai jamais réussi à faire la distinction entre un capo et un colon. Allez, Maï, au gnouf !

Et puis, au travail, il y a les encravatés. Presque tous. D’où vient cette putain de coutume de se tordre le gosier dans une foufe(foulard) de couleur, savamment nouée en poire ou en triangle. Ce n’est plus l’usage de porter le nœud papillon, sauf chez les Rotschild ou chez la duchesse de mes Deux.

Essayez de vous faire embaucher dans une société burlinguiste si vous n’arborez pas votre dernièr achat de chez Chanel.

Et puis tous les signes distinctifs démontrant votre mérite( ?), croix de ceci, croix de cela, médaille militaire, médaille de donneur de sang, médaille des vieilles mémères méritantes qui ont élevé leurs 5 gosses sans ostentation. Aux orties la médaille du mérite agricole récompensant un cochon qui a élevé des truies. A la poubelle, la légion d’honneur gagnée sur demande. Au feu, les palmes académiques obtenues après vingt ans de pratique d’esclavage.

Et tous les signes distinctifs de richesse. Les godasses à 10000balles, les statues, les achats boursiers.

Et tous les signes de pouvoir. Le sifflet, la matraque, le flash-ball, le pétard et le M16., les porte-avions et les frégates.

Et toutes les lois anti-démocratiques, inhumaines et anti-sociales.

 Que l’on arrête de me faire chier, à longueur de semaines, pour des histoires de voile, de crucifix, de croissant, de coran, d’évangile, de torah..

             Arrêtons de jouer du théâtre d’hypocrites.

        Pas de voile.

        Pas d’uniforme.

        Pas de soutane.

        Pas de cravate.

        A la flotte, les médailles, les sardines et les amiraux.

        Balancées les bagouzes, les perlouzes, et l’oseille.

Mais des hommes et des femmes, qui n’ont pas besoin de Signes, à qui l’on n’impose que la liberté et la solidarité

 

Maï

Septidi, 17 nivôse, an 212


Pour revenir à la rubrique "Divers" :

Pour revenir au Plan du site :

Pour revenir à la page d'accueil :