La préfecture : un exercice d’humiliation pour les étudiants étrangers

 

Depuis le mois de septembre 2003, les centres des étudiants étrangers de France ont particulièrement surpris par l’intransigeance de leurs procédures administratives.

Beaucoup d’étudiants restent par exemple «clandestins» alors qu’ils ont leur carte et leur certificat de scolarité. C’est qu’ils n’arrivent pas à réussir le parcours que leur impose la préfecture au moment même où ils réussissent leurs examens. Dans les cas les plus favorables, il faut prendre rendez-vous deux mois à l’avance, accumuler souvent jusqu’à quarante pièces pour le dossier (sans exagération aucune), pour se voir octroyer un titre désormais classique de…trois mois ! C’est ce que l’on appelle être bloqué dans tous ses projets car ce dernier ne permet même pas de sortir de l’Hexagone. Après cette période, bis ! Dans les cas difficiles, on passe son année universitaire entre les rejets, les attentes, les reports, les problèmes avec les autres administrations. Songe-t-on au temps qu’il faut pour venir à bout de ces travaux? Songe-t-on au fait que «les étudiants doivent étudier» ? Quelle quiétude procure-t-on à l’étudiant étranger pour s’occuper de ce pourquoi il est venu ? Pourquoi le perturber pour ensuite lui exiger les justificatifs de son assiduité ?

L’esprit qui a inspiré cette énorme machine bureaucratique dirigée contre la culture n’est en définitive pas très étranger à la pensée d’un Renan qui sépare Aryens et Sémites. En effet, un fait s’impose avec l’autorité de l’évidence et s’est passé de toute justification jusqu’à présent : c’est que de tous les étudiants du globe, seuls les ressortissants  du monde non occidental sont assujettis à l’acharnement administratif de la préfecture de police. Les autres, qu’on a pris le soin de ne pas «mélanger» aux sous-catégories du Tiers Monde, on a dû les bien servir ailleurs, avec les honneurs dus à leur pays.

Allons un peu plus loin dans l’analyse du processus. Sur la question du travail, on demande aux convoqués d’exercer à temps partiel, soit 17h30 par semaine, ce qui, jusque là est très normal, vu qu’il faut un temps pour amasser de la culture et un autre pour survivre. Mais l’étudiant n’est pas autorisé à exercer directement car il est astreint à demander une «autorisation de travail » préalable. Là, commencent les ennuis. Le plus dur, c’est qu’il y a jeu sur le temps : un mois s’écoule au minimum entre la demande, accompagnée d’un dossier impossible où l’on est tenu à fournir toutes sortes de documents sur ses comptes, sa domiciliation, ses ressources, ses impôts, etc., et le moment où l’on obtient la précieuse autorisation. Quel est donc cet employeur qui a le loisir et le temps d’attendre un mois pour voir son étudiant de candidat se pointer avec l’indispensable papier ?  N’a-t-il plutôt pas l’aisance de recruter à côté un citoyen administrativement bien titré ?

On le voit, une telle mesure a pour conséquence de barrer la voie aux étudiants étrangers vers l’emploi. Oui, ils ont l’inconvénient majeur de ne pas compter dans les statistiques qui font baisser le chômage et sont de ce fait non pertinents pour l’argumentation électorale; L’étranger doit venir, en bonne logique ultralibérale, dépenser, consommer, acheter mais en aucun cas avoir la facilité à travailler. Il doit venir avec un magot car la brillante idée séculaire d’exercer un job tout en suivant sa formation ne rentre plus dans les faveurs de la préfecture. Les pauvres d’entre eux matériellement sont, ni plus, ni moins, empêchés d’accéder à la culture.

Il y a, dans un de ces centres d’étudiants parisiens, celui de la rue Miollis (au 15ème), une ambiance d’accablement. Les étudiants convoqués y vont en prévenus, l’air abattu, dans le silence et la dispersion. Le personnel, souvent désolé à avoir à exécuter son écœurante tâche, dit «ne vouloir prendre aucun risque».

Depuis quand les demandeurs de culture sont-ils devenus un risque pour la France ?  Pourquoi les temps de Sarkozy sont-ils plus favorables à la police qu’à la culture ?

 Une seule chose reste certaine, on n’a jamais si bien éloigné les étudiants étrangers de leurs études.

 

 Paris, 08 janvier 2004

Collectif d’étudiants


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