LOIS SUR LE BLASPHÈME AU PAKISTAN

Fautes relatives à la religion: code Pénal du Pakistan

 

295-B Profanation, etc., d'une copie du Saint Coran. Quiconque profanera, endommagera ou souillera une copie du Saint Coran ou d'un extrait ou l'utilise d'une façon dérogatoire ou dans un objectif illégal sera punissable d'un emprisonnement à perpétuité.

295-C Remarques dérogatoires, etc. par rapport au Saint Prophète. Quiconque par des mots, soit parlés soit écrits soit par une représentation visible, ou par une imputation ou allusion ou insinuation, directe ou indirecte, profane le nom sacré du Saint Prophète (Que La Paix Soit Sur Lui) sera condamné à mort, ou à la réclusion à perpétuité, et sera condamné à une amende.

298-A Remarques dérogatoires, etc. par rapport aux personnages saints. Quiconque par des mots, soit parlés soit écrits soit par une représentation visible, ou par une imputation ou allusion ou insinuation, directe ou indirecte, profane le nom sacré d'une femme (Ummul Mumineen), ou des membres de la famille (Ahle-bait), du Saint Prophète (QLPSSL), ou d'un des califes vertueux (Khulafa-e-Rashideen) ou compagnons (Sahaaba) du Saint Prophète sera condamné à la réclusion pour une durée qui pourra s'étendre à trois ans, ou sera redevable d'une amende, ou les deux.

298-B  Mauvais usage d'épithètes, de descriptions et de titres, etc. Réservé à certains personnages saints ou lieux.

  1. Quiconque du groupe des Qadiani ou du groupe des Lahori (qui se dénomment eux-mêmes Ahmadis ou d'un autre nom) qui par mots, parlés ou écrits ou par une représentation visible :
    1. réfère ou s'adresse à une personne autre qu'un calife ou un compagnon du Saint Prophète Mohammad (QLPSSL), comme "Ameerul Momneen", "Khalifat-ul-Momneen", "Khalifat-ul-Muslimeen", "Sahaabi" ou "Razi Allah Anho" ;
    2. réfère ou s'adresse à une personne autre qu'une femme du Saint Prophète Mohammad (QLPSSL), comme qu'Ummul-Mumineen ;
    3. réfère ou s'adresse à une personne autre qu'un membre de la famille (Ahle-Bait) du Saint Prophète Mohammad (QLPSSL), comme Ahle-Bait ;
    4. ou réfère à, ou dénomme, ou appelle, son lieu de culte comme Masjid ; sera condamné à la réclusion pour une durée qui pourra être étendue à trois ans, et sera aussi redevable d'une amende.
  2. Quiconque du groupe des Qadiani group ou du groupe des Lahore, (qui se désignent eux-mêmes Ahmadis ou d'un autre nom), qui par des propos, parlés ou écrits, ou par une représentation visible, refère au mode ou à la forme de l'appel à la prière suivi par sa foi comme "Azan", sera condamné à la réclusion pour une durée qui pourra s'étendre à trois ans et sera aussi redevable d'une amende.

298-C Les membres du groupe des Qadiani, etc. qui se désignent eux-mêmes comme Musulmans ou qui prèchent ou propagent leur foi. Quiconque du groupe des Qadiani ou du groupe des Lahori (qui se désignent eux-mêmes comme Ahmadis ou par un autre nom), qui directement ou indirectement, se présente lui-même comme Musulman ou appelle ou réfère à, sa foi comme l'islam, ou prêche ou propage sa foi, ou invite d'autres à accepter sa foi, par des propos, parlés ou écrits, ou par une représentation visible ou d'une autre façon outrage les sentiments religieux des Musulmans, sera condamné à la réclusion pour une durée qui pourra s'étendre à trois ans et sera aussi redevable d'une amende.

(Traduction Jocelyn BEZECOURT)

 

Le délit de blasphème au Pakistan

La liberté d'expression, si elle est garantie dans les textes de nombreuses démocraties, souffre souvent d'une importante restriction par la reconnaissance du délit de blasphème. La notion est d'autant plus inquiétante que sa définition, peu précise, recouvre une large gamme de situations: peut être considérée comme blasphématrice toute critique d'une croyance, qu'elle soit de nature théologique ou humaniste, humoristique ou acide et qu'elle s'exprime en privé ou publiquement. Le Danemark punit ainsi toute moquerie publique d'une religion, et la réclusion est aussi possible en Finlande. Ces exemples ne sont pas isolés en Europe.

La France est par contre un des rares pays où le blasphème n'a pas de valeur devant un tribunal, du moins en métropole hors Alsace Moselle, ce qui n'interdit pas les salves récurrentes de l'Église et de groupes catholiques traditionalistes contre les "atteintes à la sensibilité chrétienne".

Mais parmi les nombreuses théocraties de la planète il en est une qui, bien que retenant peu l'attention sur le ring médiatique, s'affirme de plus en plus répressive contre le blasphème. Le Pakistan est en effet un consciencieux persécuteur de la liberté d'expression, soucieux de réprimer la moindre déviance sur le plan religieux par l'application de la charia. Le pays est actuellement dirigé par le général Musharraf à la suite d'un coup d'état survenu en octobre 1999 qui a démis le Premier ministre Nawaz Sharif de ses fonctions.

La dernière accusation en date a mis derrière les barreaux l'universitaire Younus Shaikh. Celui-ci est accusé par des étudiants d'avoir blasphémé en prononçant qu'avant l'apparition de l'islam ni Mahomet ni ses parents n'étaient musulmans. Plutôt que de susciter un débat philosophique entre exégètes, la question sera donc plus facilement tranchée dans un tribunal. Le professeur Younus Shaikh fut arrêté le 4 octobre 2000 sans pouvoir bénéficier des conseils d'un avocat et son procès est actuellement en attente. L'universitaire courageux risque la peine de mort. Comme l'indique une loi de 1985 adoptée pendant la dictature du général Zia ul Haq, article 295-C du code pénal, la condamnation à mort est requise pour le blasphème. Cette loi avait aussi pour ambition de rallier au général les intégristes musulmans. Younus Shaikh est président d'une organisation de défense des droits de l'homme et sa situation a alors pu retenir l'attention de la communauté internationale, une campagne agit pour sa défense.

Le calvaire enduré par Younus Shaikh prend sa place dans la longue liste des accusations et condamnations pour blasphème au Pakistan. En avril 1998, un chrétien de 25 ans est condamné à mort pour s'être exprimé positivement à propos de Salman Rushdie en public, propos assimilés à des insultes contre Mahomet. Un écho international avait été donné à cette condamnation par le suicide d'un évêque quelques jours plus tard, en réaction à la loi contre le blasphème. Les chrétiens représentent 2% de la population pakistanaise et côtoient d'autres minorités telles que les hindous et les sikhs. L'accusation de blasphème est en fait habilement utilisée dans beaucoup de conflits qui peuvent n'avoir aucune connotation religieuse afin d'obtenir des compensations financières ou des terres. 200 chrétiens auraient été condamnés pour blasphème jusqu'en 1998.

Le délit de blasphème peut aussi frapper des groupes musulmans qui ne seraient pas conformes à l'islam comme les Ahmadis. 28 d'entre eux ont été accusés de blasphème en 1998. En septembre de la même année c'est un musulman qui fut condamné à mort pour s'être attribué le nom de Mahomet. Même sentence en août 2000 pour un commerçant s'affirmant prophète. La justice voit aussi ses tentatives de clémence réprimées par des groupes religieux: un juge a été assassiné en 1997 pour avoir décrété, en 1995, l'acquittement d'un condamné à mort dans une affaire de blasphème. Et la presse n'est pas épargnée avec la condamnation de deux journalistes à 17 ans de prison fin 2000, toujours pour blasphème.

La liberté de croire ou de ne pas croire et de débattre des convictions de l'autre, de celui qui est différent, assure à chacun l'égalité avec ses concitoyens en même qu'elle garantit la stabilité de leur coexistence. La laïcité reste le seul système politique respectant ces deux impératifs. La confusion du religieux et du politique ne peut qu'établir un rapport de domination d'un groupe sur les autres.

Février 2001

Tiré de :  http://perso.wanadoo.fr/jocelyn.bezecourt/pakistan.html


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