Pensée du Jour = P du J = Péduji ... OK tout l'monde?

 

Alain Gigot

 

Salut les Gens,

Vous ne trouvâtes point dans la précédente Péduji la quasi traditionnelle allusion à l'illustre inventeur de l'expression "de sur croix" dont l'orthographe fut massacrée au ilyalongtemptième siècle par un moine copiste complètement déglingué du ciboulot et atteint d'accent- circonflexophilie. On en gratta des manuscrits les transformant en autant de palimpsestes (c'est pour ceux qui aiment le dictionnaire) mais le "de surcroît" échappa au grattage et au tirage et encore aujourd'hui il ralentit la fluidité rédactionnelle de ceux qui veulent utiliser l'expression puis se disent "Merde! Comment c'que ça s'écrit encore?".

Si j'en suis arrivé à cette omission c'est probablement à cause du choc provoqué par une expérience que j'ai cru mystique jusqu'à ce que ... mais laissez-moi plutôt vous raconter.

Nous étions un groupe de bons copains en train d'effectuer une balade dans nos belles forêts, quand je fus victime d'un violent spasme du côlon. Mes amis savent que je suis atteint de cette maladie chronique et ne furent pas étonner, d'autant plus que nous avions déjà fumé quelques calumets, de m'entendre dire:

-Bon ben les potes, désolé mais y m'faut un olivier, et pas "quand-quand", tout d'suite! Je sais! Guère ne pousse l'Olivier en haute Ardenne. Mais c'est une expression toute faite qui provient d'une mésaventure dont je vous raconterai la genèse une autre fois, promis.

-OK, répondirent-ils en choeur, tu nous rattraperas...

Je cherchais donc un endroit propice, bien qu'en l'occurrence cette expression ne convînt que partiellement.

Ayant trouvé le lieu j'adoptai la position idoine et je me soulageai sans pouvoir retenir de temps à autre un petit gémissement de douleur; ceux qui sont atteints du syndrome du "colon-spastique" ne souriront qu'avec commisération car ils me comprendront.

C'est à ce moment que j'entendis dans mon dos

-Putain de merde de chierie de branches d'épicéa de mes couilles! Puis,

-Oups! Pardon je ne vous avais pas vu. Ca a pas l'air d'aller?

Comme la voix venait de derrière moi et que je ne pouvais me retourner sans risquer des ennuis je m'exclamai,

-Non ça va pas! Mais ça irait peut-être un peu mieux si vous me laissiez chier en paix!

-Vous fâchez pas. Je me suis retourné. Je suis vraiment désolé mais je suis moi-même dans une position délicate, je suis tout emberlificoté. Aller, je vous laisse tranquille puis après vous m'aidez, OK?

Le gars parlait d'une voix calme, sans agressivité ... et puis qu'aurais-je donc bien pu faire? Mon obole humique déposée, l'anus rafraîchi par les douces fougères et luzules, je me rajustai puis je me retournai pour découvrir une espèce de grand escogriffe genre hippie attardé vêtu d'une sorte de djellaba, coiffé d'un chapeau tressé mais pas fini et chaussé de sandales qui semblaient le ramener tout droit de Mai 68 ou de Woodstock. Il s'était effectivement arrangé pour se prendre dans de jeunes épicéas et des ronces comme un poilu de 14-18 dans des fils de fer barbelés.

-Ah! C'est toi! me fit-il,

-On s'connaît?

-Pas vraiment. Attends, aide-moi à me dépatouiller puis tu comprendras.

Je le dégageai tant et si bien que, l'ouvrage fini, j'avais presque créé une petite clairière.

-Merci me dit-il en se débarrassant des dernières brindilles qui lui collaient aux vêtements.

-Dis donc, lui dis-je, fais gaffe! T'as encore des ronces plein les cheveux.

-Oh! Ca! C'est rien, on s'habitue.

Juste derrière lui, dans les taillis, on distinguait une espèce de traîneau à bois.

-Tu ramasses du bois? C'est interdit ici tu sais?

-Non, non, je ramasse rien. Je traîne cette connerie. Donne-moi un coup de main.

Je m'approchai pour découvrir ... une superbe croix avec un montant d'au moins trois mètres cinquante et une traverse de plus de deux mètres.

-Ca a l'air de rien le coeur de palmier mais bien séché c'est du sacré bois, hein?

-Mais qu'est-ce tu fous avec ça?

Il se redressa et se tint bien droit devant moi.

-Dis donc, t'es pas un peu lent toi aujourd'hui?

-Nom de ...

-Comme tu dis.

-Hou là là! Je suis pas bien du tout moi.

-Mais si, mais si. T'inquiètes ça passera. Je suis juste en perm' et j'ai encore fait une connerie avec l'espace-temps. Les maths et la physique ça m'a toujours fait chier alors je suis nul dans tous ces calculs. Pfff! C'est qui f'rait chaud hein? T'as pas une bière?

-Non. Mais tu, vous, tu n'es tout d'même pas?...

-Ben dis-moi, pour un mécréant t'es vite impressionné. Mais nom je ne suis pas le christ. Enfin si mais uniquement pour ceux qui y tiennent et qui ne veulent pas me croire quand je leur dis que c'est une virée qu'a mal tourné, rien d'autre. Ecoute celle-là, toi tu vas apprécier : ceux qui ne me croient pas croient en moi ... C'est pas beau ça? Vous les terriens vous êtes pas croyables, si j'ose dire. Le bouquin en deux épisodes là. Moi j'y suis pour rien. Enfin si, c'est quand même un peu de ma faute. Si tu veux, c'était la première fois que le père me laissait...

-Le père, tu veux dire ...

-Ben mon père quoi, le vieux, le ... Ah non! Mais non! Pas dieu. C'est pas vrai, mais t'es lourd toi. Pour une fois que je rencontre un athée, laïque, mécréant, païen et tout y faut que tu te laisses impressionner comme un môme. Ecoute, mettons bien les choses au point, t'as tout bon. Nous on est à peu près deux milliards d'année en avance sur vous, sauf votre respect. On maîtrise tous les trucs qui vous font rêver, enfin on maîtrise ... Mais y'a une chose qu'on sait pas faire comme vous, c'est se fendre la gueule. Ca doit être une question d'air, ou d'ère, va savoir. On a essayé mais chez nous ça marche pas. Les vieux s'en foutent un peu mais nous les jeunes on aime ça. Alors de temps à autre on fait une virée chez vous et si tout est bien calculé vous vous rendez même compte de rien. C'est comme ça que tout a commencé. On était une bande de treize copains. Bon! Moi je m'en foutais, je suis pas superstitieux vu qu'ça porte malchance mais y'avait Qronigue ...

-Chronique,

-Qro-ni-gue, celui que vous avez appelé Judas. Bon tu m'laisses continuer? Y trouillait comme un malade. Faut dire qu'on gueulait comme des soudards parce qu'y y'avait plus rien à boire. Y voulait qu'on rentre. Alors on s'est un peu bagarré et on a cassé ... comment c'que vous appelleriez ça? Disons la zapette; le machin qui nous sert pour changer de programme quoi. Alors la le bordel, j'te raconte pas. Vu de votre côté : miracles et tout l'toutim, vu du nôtre : la cata. Enfin moi ça allait. J'étais pété comme un psilocybe en vadrouille. Et que j'te change de l'eau en vin, et que j'te marche sur l'eau. Les autres, à part ce con de Qronigue, bon public! Alors moi j'en remettais une couche : et un paralytique aux jeux olympiques et un aveugle qui découvre l'atome à l'oeil nu. On avait un succès fou, y'avait de plus en plus de gens qui applaudissaient. Jusqu'à ce mec, Jean-Baptiste. Y m'a fait marrer çui-là. Y voulait absolument me laver les cheveux dans l'eau d'une petite rivière dégueulasse. Mais bon, premier principe "Ne jamais contrarier l'autochtone sauf en cas de danger". Bref! Que ça a pris des proportions qui nous ont un peu dépassé. Mais on avait toujours soif. L'arroseur arrosé nous a montré le chemin de la ville la plus proche...

-Jérusalem?

-Ben tu vois que tu suis au cours! On voit un gros bâtiment, on s'dit c'est le Colruyt du coin...

-Le temple de Salomon!

-Oui ben ça va hein, j't'ai dit qu'on était pompette. Toujours est-il qu'un marchand me dit avec un air mauvais : "ti r'gardes si ti veux mais ti touches à rien qu'tes tellement saoûl qu'ti va tout m'déranger l'italage". Je sais pas pourquoi, je suis pas raciste et d'habitude j'ai pas l'alcool mauvais mais là mon sang n'a fait qu'un tour. Je me te les ai virés tous, vite fait!

-Les marchands du temple.

-Mais c'est qu'tes une vraie encyclopédie toi! Bon ben tu connais le reste, alors. Là où ça a vraiment merdé c'est que ce salaud de Qronigue, pour m'emmerder, a averti mon père. Il aurait contacté maman, elle nous faisait parvenir une autre zapette vite fait et hop, on rentrait à la maison et on restait dans vos mémoires pas plus gênants que Merlin l'enchanteur, Dracula ou Mickey. Mais non, ce con n'a jamais supporté que je sois le chef de la bande, question de charisme tu vois. Alors, averti, le daron s'est mis dans une colère noire et au lieu de laisser aller il a monté tout l'scénario que tu connais et deux mille ans plus tard c'est toujours le bordel. Ca c'est tout papa! Y faut toujours qu'il en fasse trop. Après y s'en lave les mains et y dit qu'c'est d'ma faute. Nico qui m'dit -mon vrai nom c'est Nicholidédiès mais tout l'monde m'appelle Nico- y va falloir monter tout un truc pour réparer tes conneries. Il a tout organisé depuis le début : ma naissance, Joseph, Marie ... c'est de lui tout ça. Un vrai péplum à la Cecil Blount DE MILLE! On lui a dit plusieurs fois : "tu compliques pas un peu, là?". Rien à faire. Puis y voulait qu'j'en bave, le salaud. Parce que maintenant, le Golgotha, c'est équipé d'un escalator. Mais à l'époque fallait se l'faire à pinces et t'as apprécié le poids cette fichue croix, tu vois ce que je veux dire.

-Mais la couronne d'épines, les clous, le fouet, la lance, mon pauvre J..., pardon, Nico, t'as dû en baver.

Là-dessus il enlève sa couronne et me la lance. J'essaie d'éviter le coup mais comme elle m'arrive en plein visage, je tends les mains et ...

-Mais! C'est du caoutchouc!

-Sort of. Et, faut pas déconner tout d'même. Y'a qu'la croix de vrai, tout le reste c'est des effets spéciaux. Bon c'est pas tout ça, j'me plais bien avec toi mais faut qu'je rentre sinon je suis encore bon pour une engueulade ...

-Oh! Avant qu'tu t'en ailles; t'étais v'nu faire quoi?

-Te voir.

-Me voir?

-Ben oui, t'es l'seul qu'arrive à m'faire rigoler de cette putain de croix alors j'voulais t'en serrer cinq.

-C'est gentil mais ça valait pas la peine de t'embarrasser de la croix.

-Ah! Ca c'est une des dernières rancunes du père. Je peux rev'nir de temps en temps mais faut toujours que j'porte ma croix. Tu sais c'qu'on dit hein : c'est chacun la sienne. Et de me faire un clin d'oeil avant de partir d'un rire énorme en me broyant la main droite.

Puis il a poussé sur son avant bras en me disant,

-Tu vois, c'est ça la zapette... Et alors là son avant-bras s'est transformé en une espèce d'ordinateur fuselé avec un grésillement et une odeur de graillon. Je m'suis senti partir dans les vapes.

-Hé mec! Ho, remets-toi!

-Excuse Nico mais c'est un peu beaucoup pour moi.

-Ho! Mec, t'es pas une lopette quand même. C'est pas Nico, quel Nico? C'est Gabriel. Je me suis pris quelques baffes puis je me suis retrouvé en face de mon vieux pote Gabriel.

-Gab'? Qu'est ce que tu fous là? Où est Nico?

-Mais de quel Nico tu parles? Je sais qu'on a peut-être poussé le bouchon un peu loin mais je te croyais plus costaud que ça.

-Le bouchon? Quel bouchon?

-Ecoute, tu nous casses tellement les pieds avec tes discours récurrents sur la foi, la religion, les curés. On s'est dit qu'on allait te faire une blague. Pendant un an on a collecté tout ce qu'on trouvait comme plante non toxique dont le nom avait une connotation religieuse : saintpaulia, rose de noël, bourse-à-pasteur, chapeau de curé, monnaie du pape etc. Puis on a fait comme quand on prépare du shit. C'est pour ça que Vincent a tenu à bourrer ta pipe ce matin; il a fait comme Paul-Emile (pour les très fins connaisseurs de F'murr), il a mis plein de Hasch ...

Comme quoi, si vous tenez à garder la santé et vos amis éviter les mélanges.

Quant à la Péduji , comme j'ai beaucoup trop écrit je passe la trompette à un génie du jazz qui, s'il n'était mort il y a 13 ans, aurait exactement 78 ans aujourd'hui :

"Pourquoi jouer tant de notes alors qu'il suffit de jouer les meilleures ?"

Miles DAVIS

 


 

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