Réflexions au fil de l'eau sur l'Anarchie et la Franc-Maçonnerie

 

"Prolétaires de tous les pays, descendez dans vos profondeurs et cherchez-y la vérité, vous ne la trouverez nulle part ailleurs"

Piotr ARCHINOV.1887-1937.

 

Cette  phrase, prononcée  par un anarchiste, n’est-elle pas une invitation à la Franc-maçonnerie ? S’agit-il du vitriol des anarchistes ? Où est-ce l’énigmatique V.I.T.R.I.O.L. du cabinet de réflexion ? Pourquoi suis-je anarchiste et franc-maçon ? Quelles expériences ai je donc vécu pour me méfier à ce point de tout pouvoir et pour vouloir m’améliorer ?

Anarchie & franc-maçonnerie sont-elles d’irréductibles ennemies ? Comment expliquer, alors que de nombreux individus furent, sont ou seront anarchistes et franc-maçons ?

Ces deux voies de connaissance de soi sont-elles plus proches qu’il n’y paraît ? La maçonnerie est-elle révolutionnaire à ce point que toutes les dictatures et tous les dogmatismes la rejettent ?

L’anarchisme s’est-il embourgeoisé au point de rejeter les frères 3 points ?

Méconnaissance réciproque plutôt ! Ne sont-elles pas plutôt sœurs ? Mais sœurs qui refusent de se reconnaître mutuellement.

Quels ressorts cachés nous poussent à cela ? Les pères fondateurs ont écrit des livres sur cette question. J’y trouve des réponses, mais s’agit-il de Bibles ou d’ouvrages incitant à un sain libre examen ?

Certes, tous n’ont pas vécu physiquement leurs textes, mais au moins, ils les ont écrits. A chacun de s’en emparer, de les méditer ! Que j’y trouve du sens et conforme ma vie à cela. Le but est de former et non de formater, d’uniformiser.

Chaque phrase est une invitation à la méditation. Que tous puissent chercher en eux et trouver ce qu’il est vraiment. Les autres sont là pour guider, aider dans sa réflexion. Mais non pour juger du respect d'une norme imbécile.

Les visionnaires, les théoriciens sont des architectes. Ce ne sont sûrement pas des icônes à révérer. Le risque, dans les deux démarches, est que certains s’instaurent prêtres, gardiens de l’orthodoxie. Ils vénèrent les anciens textes et en pratiquent l’exégèse juste. Ils sont détenteurs de la bonne parole. Ils décident de qui et quoi et hors ou dans le temple. Ils en oublient le sens profond et premier. Constamment s’y replonger, douter et chercher à en tirer la substantifique moelle.

Le temple est-il un lieu de méditation ouvert aux vents de la vie féconde ou n’est-il qu’un lieu de certitudes rigidifiées ?

Les temples sont-ils construits pour que tout un chacun vienne s’y ressourcer ou sont-ils dressés pour nous fermer l’horizon ?

Les temples sont-ils des lieux sacrés (du latin, coupé du monde ordinaire) ou sont-ils des endroits où l’on se retrouve entre gens de bonne compagnie. Tout lieu destiné à la méditation à l’étude est un temple, chacun peut avoir le sien propre. Les bouddhistes et les taoïstes ne disent-ils pas que le monde est un immense espace sacré. L’Homme est un réceptacle du sacré ! Il est possible de méditer, de s’éveiller en n’importe quel lieu, à n’importe quel moment. Donc n’importe quel lieu peut être sacré. Même le plus incongru !

Anarchie et F.°.M.°. sont deux philosophies de la vie. Que chacun y puise, boive et médite longuement. Ce qui importe, c’est le changement qui se produit dans l’individu et qui petit à petit va ressortir.

Il ne s’agit pas de suivre un catéchisme. Chaque parole, chaque acte doit être pesé, mesuré à l’aune de la raison. Le drapeau noir, l’équerre et le compas sont-ils des symboles, des lumières à suivre ou de simples clochers ?

Ni l’une, ni l’autre ne sont des doctrines. Ce sont des outils mis au service d’individus pour qu’ils puissent y trouver le meilleur d’eux-mêmes. Ne pas chercher à convaincre, proposer des solutions afin que toute personne raisonnable puisse à un moment donné s’y retrouver et faire sien ce qui y est proposé.

L’une et l’autre sont en sommeil en chaque être. Un jour la lumière est donnée ! Un texte, une rencontre peuvent donner le chemin à suivre. Chemin personnel à suivre et défricher à son rythme.

Dans les deux cas : révolution interne, trouver en soi ce qui y existe déjà ! La révolution se devrait d’être joyeuse, permanente. Dès qu’elle se fige, elle crée de nouveaux conformismes.

2 chemins qui se croisent, se rejoignent et parfois se séparent.

2 manières d’aborder la vie. Et le même but ultime : "améliorer l’homme pour améliorer la société".

Les anarchistes sont-ils d’horribles destructeurs et les maçons d’aimables bâtisseurs ?

Ou bien comme l’a si bien dit un frère anar du XIX° siècle :

 

"Nous pouvons tout détruire car nous saurons tout reconstruire".

 

Ces deux démarches sont-elles séparées par un abîme ou ont-elles des liens, solides parfois, lâches à d’autres époques. Quels ponts relient ces 2 méthodes ? Toutes deux visent à libérer l’individu du joug du pouvoir et des chaînes de l’ignorance. Dois-je rougir d’avoir écouté et suivi des maîtres ? Chaque pas de mon éducation ne m’éclaire t-il pas un peu plus ? L’histoire de l’humanité me montre le lent travail accompli par nos ancêtres pour se dégager de la gangue des superstitions. Chaque nouvelle génération apprend de ses prédécesseurs et parfois renverse les idoles que ses pères ont vénérées. Il m’importe de ne pas en dresser de nouvelles. Et si cela arrive, ce seront mes idoles et nul autre que moi n’aura le droit de les révérer ! Quitte à ce que mon propre fils se moque de mes croyances naïves. Pourra-t-il alors me réveiller de nouveau ? Et me remettre au travail.

Le travail d’un maître (sens large et général) n’est-il pas de former, d’instruire ?

Athée, dois-je renier les 15 premières années de ma vie ou je fus croyant ? C’est mon histoire et ne peux l’effacer. J’y ai appris le doute. Tout être commet des erreurs de jugement, soyons là pour aider à rectifier et non pour juger du haut de nos certitudes.

Anarchie et/ou maçonnerie les moyens mis en œuvre sont différents mais le but reste identique. L’une est initiatique mais les 2 proposent une lente démarche où je suis seul face à moi-même. Elles prônent une révolution de l’ordre de l’intime. Ce sont des sociétés de pensée où chacun progresse à son rythme. Je suis mon propre architecte. Le passé me sert de bases, de fondations. Mais grâce à ces deux méthodes je me construis dans le présent et pour le futur. Le chemin que j’ai suivi est déjà balisé par celles et ceux qui y sont passés. Mais, ce ne sont que des balises : le chemin est différent à chaque fois.

La première, et la plus importante révolution est celle qui se construit en soi. Pour soi d’abord. Ensuite vient le temps de la formation. Dégrossir sa pierre, la proposer au groupe que tous voient le travail accompli. Ce n’est pas un modèle, juste le fruit de mes efforts. S’en inspirer non l’imiter. Et que chacun reprenne le travail à son rythme. Tous uniques, mais pétris dans la même chair. La révolution, se serait que tous soient en paix avec tous ! Non pas renoncement à la lutte, mais au contraire, lutte acharnée pour ne plus subir et ne pas opprimer. N’est ce pas le sens premier du travail maçonnique ?

Anarchisme et/ou maçonnerie ne proposent-ils pas de s’associer pour élaborer une société de liberté, d’égalité, de fraternité ? Association libre d’êtres libres.

Dans les 2 cas, quelles seront mes limites ? Limites intimes et limites sociales. Jusqu’où puis-je aller, faire sans que cela ne blesse ou lèse un frère ?

Les deux démarches me proposent une discipline librement consentie.

 

Discipline

 

"Pour moi la discipline n’est pas autre chose que le respect de la responsabilité personnelle et de celle d’autrui. Je suis pour cette discipline et jamais ne serais pour celle de la caserne. La première fait des hommes libres et responsables. La seconde n’engendre que l’automatisme, c’est à dire l’abrutissement".

Buenaventura DURRUTI /CNT/Madrid 1936

 

La franc-maçonnerie et l’anarchisme sont donc bien des disciplines ! Le rituel est formateur et non con-formateur. Il crée du lien, qu’il soit "sacré" ou profane. Dans les 2 cas, qu’il ait un sens. La discipline porte l’individu, c’est l’unique qui la fait vivre. Elle ne doit pas être un lieu d’enfermement mais un outil de libération. C’est un cadre dans lequel la vie sociale est possible. Cadre souple, large mais solide, étayant. Il va permettre à "l’un" de se construire de façon harmonieuse. La plus grande liberté est à ce prix.

Toutes deux sont fondées sur un travail d’apprentissage, une discipline de soi. Elles permettent, si bien comprises, de se libérer de ses métaux. Une nécessaire mise à distance du moi primitif pour accéder à un soi profond et authentique.2 démarches spirituelles visant au progrès, à l’évolution personnelle. Elles ont pour moyens et pour fins la libération de chaque individu dans le respect de l’autre. L’autre étant compris comme image de moi-même. Lui même ayant les mêmes prétentions à la liberté, l’égalité et la fraternité. Dans l’antiquité grecque et pour les premiers taoïstes, était sage, philosophe celui qui traduisait en actes ses paroles. Il ne suffit pas de tenir un discours profond pour "être".La vie quotidienne doit traduire cette recherche.

Se proclamer F.°. ou anar ne font ni l’un ni l’autre. C’est par la reconnaissance de ses pairs que l’on peut devenir l’un et/ou l’autre. C’est un combat, une lutte avec et contre soi. Il s’agit de terrasser le dragon qui vit en nous. On ne peut le tuer, il est notre part animale. Descendre au fond de soi, repérer ses forces et ses faiblesses.  Jouer avec l’une et l’autre car l’harmonie naît de l’équilibre dynamique de ces deux forces antagonistes. Lutte sans fin. L’alliance du blanc et du noir qui sont à égalité et jamais ne veulent se recouvrir.

Une société anarchiste serait une société en équilibre dynamique. Le subtil mélange de la nature et de la culture enfin réconciliées. Se dominer, certes, mais ne pas vouloir dominer les autres. Une sorte de bienveillante indifférence. Être dans l’élan, dans la vie. Yin & yang sont alliés et non ennemis.

Dans une société anarchiste et/ou maçonnique à quoi puis-je renoncer sans me perdre ? Que vais-je y gagner ? Le risque serait de produire de la "norme" à outrance. Un texte, une idée peuvent se cristalliser : ils meurent ainsi !

Il n’est jamais bon qu’anarchisme et maçonnerie s’assoient sur leurs certitudes. La faim et la soif de connaître et comprendre sont des aiguillons qui stimulent, réveillent. Du choc des idéaux, de leur saine confrontation peut naître un respect mutuel et une fraternelle reconnaissance.

Ces 2 voies sont nées dans des époques troubles. Ordo ab chaos : de l’informe naît l’ordre. Il ne s’agit plus de remplacer les vieux maîtres mais de s’en passer, devenir son maître. Que cela semble bien convenir à l’anarchisme & à la franc-maçonnerie. Recherche inachevée de nouvelles manières du vivre ensemble. Réponses humaines à des désirs humains. Sans cesse d’actualité, l’une comme l’autre.

La meilleure des sociétés peut se rigidifier, se codifier à l’extrême. Quant est-il de ces 2 formes de pensée libre que sont anarchisme et maçonnerie ?

Il ne s’agit plus alors d’éclairer mais d’aveugler, de mener en laisse :

Écoutes mais n’entends plus ! Regardes mais ne vois plus ! Répètes et ne parles plus !

Triste sort que cela. Tout le contraire de ce que pourquoi maçonnerie et anarchisme existent.

De tout temps et en tous lieux, l’Homme, ce singe historique et social expérimente de nouvelles façons de vivre ensemble. Sa tendance à économiser, à prévoir une prochaine récolte sont-ils les germes du capitalisme ? Ou s’agit-il de prévoyance ?

Agit-il pour un éventuel échange, pour donner à celui à qui vit dans le manque.

Animal, suis-je condamné à me repaître du cadavre froid de mes frères, à jouir brutalement de mes sœurs ? Je peux cependant m’élever et élaborer une société nouvelle. D’autres, anarchistes et francs-maçons se sont réunis et ont tenté l’expérience avant moi. Leur histoire résonne dans ma tête et dans les livres. Il s’agit bien là de continuer tel un bâtisseur de cathédrale : je ne verrai pas l’issue du chantier mais j’y apporte ma pierre.

Toute révolution serait donc vouée à l’échec et ne resterait que la soumission au quotidien ? A quoi sert-il d’aller encore dans des lieux intemporels, rencontrer qui d’abord ?

Les combattants de la liberté sont-ils morts en vain ? A quoi bon s’en souvenir si toute révolte contre est vouée à l’échec.

Le libéralisme économique serait-il l’horizon indépassable de notre humaine condition Culture de la soumission qui lui convient malheureusement trop bien.

"Tu errais dans les ténèbres et tu cherchais la lumière". Lorsque ces paroles ont été dites, me suis-je senti avili ou plutôt n-ai je pas eu envi de me redresser ? Nous avons tous parfois besoin d’un électrochoc puissant pour avancer ! Dire à quelqu’un sa condition est ce le rabaisser ou bien est-ce l’aider à prendre pleinement conscience de ce qu’il est vraiment ? De ce qu’il porte en lui.

Spartacus, l’esclave, a su donner le goût de la liberté à ses frères. Après, plus rien ne fut comme avant. Les générations suivantes se sont souvenues de son exemple. La liberté, l’égalité, la fraternité ont un goût incomparable.

Les paroles de Léo ont-elles pour but d’avilir ou de réveiller et de faire prendre conscience de son état ? De la nécessité de se secouer et parfois il est bon de se faire frotter l’ego. Pour sortir de la fange il est important de savoir que l’on y est.

Anarchie & franc-maçonnerie sont des méthodes, des outils analytiques qui visent à éveiller, à mettre au jour. Filles de Socrate & de Freud. La lecture, l’assimilation de leurs symboles et histoires respectives permet à qui s’y frotte de renaître à la vie. Avec ces 2 méthodes nous sommes tous des prolétaires !

 

Prolétaire : qui n’a que la force de ses bras pour vivre.

Insulte pour certains, pour moi ce sont mes origines et j’en suis fier. Et je rajoute : prolétaire et paysan par mes deux familles !

La faucille et le marteau sont mon blason et ils valent mieux que toutes les particules.

Anarchie et/ou maçonnerie outils pour réveiller ce que nous sommes vraiment : on a vu 2 princes russes (Bakounine & Kropotkine) devenir anarchistes et franc-maçons et être ainsi nobles.

Anarchistes &franc-maçons se doivent d’être exemplaires : que dire de tous ceux qui à un moment ou à un autre ont virés de bord ?

Certains furent colonialistes, collabos, antisémites. Doit-on jeter la pierre et rejeter en bloc ces deux admirables écoles de vie ?

Se souvenir du passé et essayer de ne plus retomber dans les mêmes ornières. Ils sont fruits de leur temps et, parfois, il est difficile d’éviter les travers de son époque.

Oui, anarchisme & franc-maçonnerie sont sœurs. Tellement semblables et si différentes cependant. Elles ont tout à gagner à poursuivre le chemin déjà parcouru ensemble.

Que ces deux filles des lumières continuent à se nourrir mutuellement. L’Homme, pauvre créature ballotté entre le ciel et la terre ne pourra que grandir s’il s’abreuve à ces deux sources de vie.

Agir, moyens & buts

 

"L’état consiste en un rapport de domination de l’homme sur l’homme fondé sur le moyen de la violence légitime. L’état ne peut donc exister qu’à la condition que les hommes dominés se soumettent à l’autorité revendiquée chaque fois par les dominateurs".

Max WEBER (Le savant et le politique) 1919.

 

Harmonie : accord bien réglé entre les parties d’un tout.

 

L’harmonie est-elle synonyme d’absence de discussions ? ou  ne serait-ce pas plutôt que chacune des parties en présence puissent s’exprimer de façon calme et intelligible. De permettre à ce que chacun puisse y trouver du grain à moudre. Peser ses mots, mais cependant exprimer la totalité de sa pensée en choquant parfois mais sans vouloir blesser quiconque. Ne pas vouloir convaincre, mais exposer clairement sa pensée, ses convictions. C’est être à l’écoute, cela signifie accepter la contradiction. Cela permet, je pense de prendre de la hauteur, du recul et de faire le tri. Être en harmonie, est-ce bien être tout d’abord en accord avec soi-même et puis rechercher un accord avec d’autres ?

L’harmonie c’est quand j’ai conscience de n’être qu’un grain de sable et que je me relie à tous mes frères humains. Un élément parmi la totalité! Que l’un des grains manque, et l’ensemble est changé.

Quand je dis équilibre dynamique, je pense à l’homme debout. Cela nécessite l’activation de multiples muscles, nerfs et m’évite de chuter ou de m’avachir. Il en est de même pour mon esprit : un état d’éveil, de concentration optimale. Je suis prêt à écouter ! Cet équilibre dynamique se retrouve au cœur de tout débat maçonnique qui se respecte. Chacune des forces en présence interagit avec une ou d’autres forces sans que l’une ou l’autre puisse prétendre détruire l’autre. J’espère toujours agir ainsi. C’est un effort constant, difficile mais néanmoins vivifiant. Chaque élément est en relation avec l’ensemble, il n’y a pas de volonté de dominations. La structure ainsi construite est et reste en vie.

Je suis un animal, fruit d’une longue histoire biologique, sociale, familiale. Mon esprit est perpétuellement pris entre ses pulsions et sa raison ! Être en équilibre : le subtil contrôle de mes pulsions par ma raison. L’usage quotidien de mon mince vernis humain.

Anarchie & maçonnerie ont cela en commun : essayer de bâtir un édifice vivant, complexe sans pour autant que l’une des parties domine ou écrase l’autre. Travail incessant, révolution permanente. Si je veux briller de milles feux, je dois être capable de boire à toutes les sources de vie qui se présentent à moi.

 

"Une société organisée et régie sur le modèle de la non-violence totale serait l’anarchie la plus pure"

Gandhi

 

Une question se pose, et elle est centrale: puis-je exercer un pouvoir sur qui que ce soit ? quels moyens puis-je mettre en œuvre en vue d’agir. La violence et son usage sont-elles légitimes ? Une société qui se construit sur l’usage de la violence, même encadrée par la loi, est-elle une société humaniste ? Je peux certes utiliser la force pour me défendre. Cela n’a rien de glorieux. C’est la résultante d’une situation telle que je n’ai plus aucune autre solution à apporter pour résoudre le problème auquel je dois faire face.

Nombreux ont été les prophètes : Moïse, Jésus, Mahomet, Marx, Smith et j’en oublie sûrement des meilleurs. Tous ont voulu changer et l’homme, et la société : l’histoire montre que le carnage continue au nom de ces hommes et de leurs livres ! Dois-je en déduire que le ver était déjà dans le fruit ? Leurs ouvrages contenaient-ils en germe les abus commis en leurs noms et au nom de la sainte vérité révélée ?

En tant qu’Homme, je conchie tous les drapeaux (même le noir) car tous sont sources de haine et de violence. On a tué, pillé, violé, enfermé, torturé, au nom de tous les idéaux : nation, république, socialisme, dieu… et je ne sais plus quoi encore. Demain, s’il le faut on le fera au nom de l’Europe.

Et les fils prendront les armes pour venger leurs pères. Cycle infernal. Mes frères en humanité y sont-ils condamnés pour l’éternité ?

 

"Il faudrait enfin proposer la paix, transformer le ministère de la guerre en ministère de la paix pour commencer courageusement le temps du désarmement ! Après le temps des cavernes, il faut sortir de l’âge des casernes".

Théodore Monod / 1992.

 

Quand est ce que ,l’homme enfin devenu adulte, jetterons-nous toutes ces vieilles reliques ?

Au nom de n’importe quoi, il se bâtit des murs sur l’ensemble de la surface de la terre.

Les totalitarismes (fascisme, stalinisme) font un usage brutal et arbitraire de la violence. Les démocraties usent d’une violence plus subtile : acceptation docile, punir et récompenser. Mais toutes deux s’en servent pour asseoir leur domination. Le pas de côté est réprimé dans un cas comme dans l’autre. Les moyens sont certes différents mais le résultat est le même : respect de la loi et de l’ordre.

Dans le premier cas : tais-toi! dans l’autre : cause toujours !

Il y a t-il recherche des causes premières de la violence ? Est-elle inscrite au plus profond de tout être humain ? Que puis-je mettre en œuvre pour sublimer, dépasser cette violence. La société est-elle vouée à toujours reproduire les mêmes schémas de fonctionnement ?

Anarchisme & franc-maçonnerie cherchent à dépasser cela par un questionnement constant des pratiques.

Que l’anarchisme ait pu à une époque utiliser la violence comme mode d’action c’est vrai ! Inutile de le nier. Mais ce fut l’œuvre d’une minorité. Il suffit de relire les débats qui agitaient les milieux anarchistes pour voir que ce n’était pas aussi simple qu’il y paraît. L’époque était cruelle : bagnes, travail des enfants, colonialisme, répression féroce de la Commune... La propagande par le fait  fit quelques dizaines de malheureuses victimes innocentes.

Avant que de condamner, il me semble primordial d’essayer de trouver où se situe l’origine du mal. Quels éléments de l’histoire d’un homme font qu’à un moment, il ne trouve plus d’autre solution que de s’exprimer par la violence la plus crue ? Qu’a-t-il vécu ? comment perçoit-il le monde réel ? La différence entre ses valeurs et ce qu’il perçoit du monde est telle que l’équilibre dynamique de son esprit est rompue. Oui, on peut éventuellement parler de déséquilibré. Mais chacun de nous peut, un jour, être ce déséquilibré !

L’assassin, le tyran, le bourreau sommeillent en chacun d’entre nous, même les meilleurs ! En toi comme en moi, mon frère. Le miroir de l’initiation ne nous le rappelle-t-il pas ?

Qui peut me dire où se situe la frontière entre le soldat qui tue par obéissance à l’ordre donné et le monstre qui tue pour assouvir son instinct le plus bas ! J’ai la même compassion pour l’un et l’autre, car ce sont tous deux des êtres de chair et de sang.

Le libéralisme a-t-il réduit, supprimé l’antagonisme maître/valet ? Les inégalités sont sources de souffrance. Celle-ci s’exprime souvent dans la violence, tournée vers soi ou contre les autres.

Cela suscita de nombreuses discussions. Le résultat escompté ne fut pas d’amener des citoyens à l’anarchisme, mais créa un sentiment de dégoût et de répulsion envers l’anarchisme. Elle le paye encore aujourd’hui. Puis il fut décider d’utiliser des moyens plus conformes au but visé: mise en place d’une société libertaire faite de liberté, d’égalité et de fraternité.

Les anarchistes se dirent qu’il était primordial de mettre les moyens en adéquation avec le but visé.

Et l’on vit fleurir toute une série de groupes, communautés autogérés. Ce furent des lieux d’expérimentation ouverts à tous. L’essai de pratiques, des lieux de réflexions fécondes. Beaucoup se sont écroulés car les femmes et les hommes qui y venaient y apportaient leurs métaux et ne purent dépasser ce qu’ils avaient appris durant leur vie précédente. Les divers témoignages qui nous restent montrent que ce furent des laboratoires d’idées. L’anarchisme tenta de dépasser ses propres contradictions: comment établir une société plus humaine sans se servir de la violence. Le débat à toujours lieu aujourd’hui et les pratiques s’en ressentent. Cela va de l’objection de conscience à la désobéissance civile en passant par la simplicité volontaire. Les anarchistes ont relu Thoreau, les philosophes de l’Antiquité. Certains mènent des réflexions autour du taoïsme, de Gandhi, de Tolstoï. C’est une doctrine politique, certes, mais qui par certains aspects se rapproche d’un art de vivre. C’est dans la pratique quotidienne que se vivent anarchisme & franc-maçonnerie !

Inutile d’attendre un hypothétique grand soir si je ne sais vivre maintenant en conformité avec ce que je ressens comme juste !

J’agis ainsi en Homme, en anarchiste & franc-maçon.

Quand au cousinage entre l’anarchisme et le socialiste libéral : j’ai, j’espère, l’esprit suffisamment ouvert et si peu l’esprit de clan que ce n’est pas mon principal souci ! En temps qu’Homme, j’attends d’un autre qu’il m’apporte sa petite part de nourriture spirituelle et si je peux, je lui en rends en retour.

De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins !

Comment puis-je condamner certaines violences individuelles alors que j’accepte sans broncher la violence d’un système ? L’état est-il le seul détenteur légal de l’utilisation de la violence ? Ou faut-il que je recherche en moi les moyens de dépasser cette violence. Comment la canaliser pour ne pas me détruire et/ou blesser les autres ? Comment puis-je justifier à mon fils la vente d’armes qui tuent ou mutilent d’autres enfants et les laissent parfois orphelins ?

Quelle morale me dit ou se situe le bien et le mal ?

Est-ce bien car les marchands d’armes procurent du travail et ainsi contribuent à la richesse des nations ? Méritent-ils notre haute et respectueuse estime ? Et si nous ne le faisons pas, d’autres le feront à notre place.

Ou est-ce humainement condamnable ? Totalement condamnable. Cependant, j’éprouve la même compassion pour le pauvre qui souffre de sa misère et pour le riche qui souffre de son orgueil, de sa fatuité !

Comment promouvoir une société plus humaine si je me comporte en petit chef, en propriétaire ? Je ne suis vraiment propriétaire que de ma propre personne. Je me dois de l’entretenir du mieux que je peux, le plus longtemps possible. Tant au physique qu’au psychique.

Le reste, ce ne sont que des avoirs auxquels je tiens. Mais ils m’enchaînent plus qu’ils ne me libèrent. Ils améliorent mon quotidien, c’est sûr. Je profite aujourd’hui d’une maison et de divers biens. Méritent-ils que je tremble, me fasse du souci, que je tue, que je me batte pour eux ? S’il en est ainsi je suis esclave de mes objets et non digne maître de ma vie. Et demain, si je deviens sénile ? Il ne me restera plus rien ! Mes maigres possessions finiront dans un grenier poussiéreux ou sur la table d’une brocante. Aura-t-il seulement envie de lire mes livres ou de garder mes breloques ?

Quel héritage vais-je laisser à mon fils ? Le souvenir d’un homme honnête, quelques valeurs éthiques et des outils pour affronter la vie. Ou un tas d’or pour la perpétuation des inégalités ?

 

*PV*

(juin 2008)

 


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