Trois
univers stables
XERXES
Il fait beau. Toutes les radios annoncent qu'il
fera beau plus tard encore, jusqu'au soir, qui continuera d'être beau, lui
aussi, à sa façon, en ne cachant pas les étoiles. Mais pour l'instant, tout
va bien. Xerxès a acheté ses billets pour entrer dans le fameux parc
d'amusement *land où "le bonheur et l'étonnement sont assurés". Il
se souvient de la publicité qu'il avait vu dans le métro et c'est bien cela
que ça disait: "bonheur et étonnement".
La carte du parc est simple pour qu'elle soit
facile à consulter et à comprendre. Y sont dessinés et décris les différents
mondes où Xerxès pourra être heureux. Il suit du doigt le chemin proposé par
la direction du parc pour les visiteurs qui ne comptent rester qu'une seule
journée. Il suit du doigt, puis du regard et ensuite du pied, se rend jusqu'à
l'entrée du "monde de la philosophie", "où le bonheur réfléchi
se répand en vos cerveaux" se dit Xerxès, qui aurait bien aimé être
publiciste.
Il entre. Beaucoup de choses l'entourent. Un
employé est déguisé en Nietzsche et renverse des poubelles tandis qu'un
Socrate bois la ciguë pour ensuite mourir. Un spectacle appelé "la révolution
prolétarienne" fait entendre ses détonations et l'authentique voix de
Marx "enfin, c'est ce qu'ils disent: personne ne l'a jamais entendue, la
voix de Marx" se dit Xerxès, critique.
Après avoir accroché quatre enfants et deux
grands-mères ("est-ce qu'on sait si ce sont vraiment des grands-mères?"
se dit-il), Xerxès trouve un bâtiment assez petit sur lequel est inscrit:
"savourez le nihilisme". C'est plutôt intéressant, selon Xerxès,
qui peigne ses cheveux noirs luisants à l'aide de son minuscule peigne en
plastique. Il entre. On l'accueille. "Bienvenue au nihilisme!
-Mais il n'y a rien ici.
-C'est ça le nihilisme, monsieur, rien!
-Rien?
-Veuillez vous asseoir ici. Oui, c'est rien, le
nihilisme.
-Mais c'est quelque chose, puisque c'est rien.
-Ha ha ha. Tout le monde me la fait, celle-là.
Veuillez rester calme.
Xerxès fait la gueule et laisse l'employée
qui l'a accueillie lui attacher des courroies autour du corps. "C'est serré,
je sens plus rien!" se plaint Xerxès. "Celle-là aussi, on me la fait
tous les jours. Prenez une grande respiration, vous allez maintenant expérimenter
le nihilisme." Xerxès prend une grande respiration. "Maintenant,
expirez le plus longtemps que vous le pouvez". Xerxès s'exécute. Il dégage
ses tuyaux de leur air puis comprime ses poumons et enfin pousse les dernières
retailles d'oxygène hors de sa bouche. Les courroies lui serrent les poumons.
...
"Monsieur, c'est terminé. Vous vous êtes
évanoui. Avez-vous aimé votre expérience? -Et bien, je ne m'attendais pas à
cela, à vrai dire". Un client un peu plus loin conseille "le truc,
pour ne pas être déçu, est de ne s'attendre à rien! Ha! Ha! Ha!".
L'employée regarde sa montre et crie un long "Restez en ligne, s'il vous
plaît" que Xerxès entend à peine tant il est déjà loin de
l'attraction.
Ce coup-ci, il ira dans une attraction qui en
vaux la peine. "Paranoïa palace", ça a l'air pas mal, se dit-il. Il
y a un monstre qui crache de l'acide sur l'affiche. Aïe, ce sera pas mal.
Xerxès s'approche et se prépare à attendre
en ligne durant une heure et demie. Il attend une heure vingt et se fait placer
dans un petit wagon par l'employé.
Ce sera génial. Il suit le petit rail, installé
dans son petit moyen de transport. Roule roule. Il passe à côté d'un panneau
qui soudain ne s'ouvre pas. Juste à ce moment, rien ne tombe sur sa tête. Tout
à coup, à sa gauche, rien ne lui est lancé. Paf! Tout est silencieux. Xerxès
sort de son train un peu déçu et s'en retourne chez lui.
ZYIU
Zyiu entend son réveil matin sonner à 6
heures du matin, il se lève, se brosse les cheveux et s'achemine jusqu'à la
table de la cuisine sur laquelle il avait disposé, la veille, la nourriture
qu'il mangerait le matin. Il consomme les produits. Il se réveille peu à peu
et va se brosser ses dents devant le miroir de la salle de bains. Il a une
mauvaise mine ce matin. DRING! Ouf, ce n'était qu'un rêve!
ZEUS
Ce personnage -Zeus- se promenait dans la rue
sans savoir où il destinait ses pas et sa démarche. Il rencontra un ange qui
lui demanda l'adresse du grille-pain le plus proche. Et c'est pour cela qu'il
lui expliqua comment aller au stade. "Tout cela est bien bizarre" se
dit Zeus "mais puisque tout cela m'est bien arrivé, ce doit être
possible, non?". Puisque l'univers est infini, tout ce qui peut exister
existe. Ne confondons pas improbabilité et impossibilité. Zeus, un peu plus
tard dans la journée, trouva sur le sol, près du coq, un test d'intelligence
qu'il essaya de compléter, ne connaissant pas la valeur de son cerveau. Il n'y
avait qu'une question: "Complétez la suite de nombres suivante: 1, 2, 3,
4, 5, 6, 7, 8." Zeus, qui ne croyait pas vraiment à son intelligence, se répondit,
en lui-même: "Hmmm, voyons voyons, peut-être, eh bien, peut-être que la
réponse est, je ne sais pas, peut-être 9". Mais, malheureusement, c'est
en vérifiant à l'endos du test que Zeus se rendit compte que la réponse était
47. "La réponse est telle" expliquait-on "parce que les huit
premiers nombres proviennent de l'addition de 1 au nombre précédent, et que le
neuvième nombre provient de l'addition de 39 au nombre précédent. C'est la règle.
Ne confondez pas banalité et rationalité. Tout existe et c'est pour cela qu'il
faut se méfier: la rationalité tient son utilité lorsqu'elle tente de remplir
les trous de notre connaissance. On observe un phénomène en question et on
essaie d'en soutirer des règles qui pourront être appliquées ailleurs dans
les dits trous. Ainsi, la rationalité n'est qu'une anticipation d'un événement,
si celui-ci se trouve à être banal. La science est une prudence dans
l'arpentage de l'irréalité. Bref, ne vous fiez pas à votre raison, bien des
choses réelles peuvent vous surprendre encore. On ne pourra jamais prétendre
connaître le monde au complet car les choses inconnues ont cette particularité
d'être inconnues(!) Vous serez toujours celui qui vie au 14ème siècle
et qui croit dur comme fer que la Terre est plate." Zeus fit la moue. Voilà
un papier bien bavard. Il le garda tout de même car il avait cette impression
qu'il représentait une sorte de guide pour évoluer dans son univers. Tout à
coup, le ciel échangea de place avec la Terre et une multitude de diables
s'abattirent sur le monde, choqués par cet événement. Zeus se sentait un peu
comme un bouchon de liège sur les vagues et qui essaie de patauger avec les
nageoires qu'il n'a pas. "C'est pas étonnant qu'aucune religion n'a réussi
à s'implanter très longtemps. Aucune de leurs simplifications du monde n'est
venue à bout du réel!"