Poèmes de Jean Richepin
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
De trop jeûner nous sommes las.
Prenons nos faulx pour coutelas.
Tocsin, tocsin, sonne le glas !
Voici
les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Les feux que nous avons boutés
Au pied des donjons redoutés
Crépitent dans l'ombre. Écoutez !
Voici les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Partout l'incendie en passant
Met comme un coq resplendissant
Sous sa crête couleur de sang
Voici
les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Flambez, castels et châtelains,
Femmes grosses et moines pleins !
Feux de Saint-Jean pour les vilains !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Nous qui semions tant pour autrui
Hardi paysans ! L'heure a lui
De semer pour nous aujourd'hui.
Voici
les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Dans la nuit aux sombres sillons,
Semeurs de flammes, éparpillons
Ces coquelicots vermillons !
Voici
les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Dans ce champ de coquelicots
Le coq de feu sur ses ergots
Claironne de cocoricos.
Voici les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
Les Jacques ! Les Jacques !
Voici les rouges Pâques !
Nous prendrons, quand nous serons la,
Leurs cadavres pour matelas.
Tocsin, tocsin, sonne le glas !
Voici
les rouges Pâques !
Ding !
ding ! dong !… ding ! don !
- C'est donc toi qui te dis athée et qui t'en vantes ?
- C'est moi. J'ai blasphémé tous les noms de ton Dieu.
J'ai regardé l'envers des faces décevantes.
J'ai dit à la statue en bois : tu es un pieu.
- Je trouerai d'un fer chaud cette langue insensée.
- Ce qu'elle a dit est dit. Fais donc ce qu'il te plaît.
Ton Dieu ne rira pas de ma langue percée,
Car de ce trou saignant je peux faire un sifflet.
- Si je gonflais d'eau ton estomac, comme une outre ?
- Mais, quand tu m'emplirais encore comme un muid,
Une fois plein, ton eau ne pourrait passer outre,
Et si ton Dieu versait, je vomirais sur lui.
- Tu n'es qu'un chien. Je vais te ployer comme viorne.
- La viorne se redresse, et vous serez déçus.
Puis, si je suis un chien, ton Dieu n'est qu'une borne ;
Je lèverai la patte et pisserai dessus.
- Des entrailles qu'on voit dévider sont charmantes.
- Oui, c'est un de vos jeux, je sais. Quand tu voudras.
Commence. Je prendrai mes entrailles fumantes
Et vous en cinglerai la gueule à tour de bras.
- Il faudra te tuer afin que tu sois sage.
- Soit ! Je mourrai ! Mais quoi ! Réfléchis, pauvre oison.
Parce qu'un homme meurt, Dieu vit-il davantage ?
Tu ne prouveras pas que je n'ai pas raison.
Donc, Aryas, vous croyez
À la patrie, aux foyers,
Au sol que vous fossoyez.
Nous autres, nous ne croyons
Pas même aux joyeux rayons
Du soleil que nous voyons.
La terre et le ciel qui luit,
Tout s'écoule et tout s'enfuit
Comme de l'eau dans la nuit.
Dès lors, à quoi bon, le temps
Que vous passez, haletants,
À fixer des riens flottants ?
Pourquoi vous meurtrir la main
À labourer le chemin
Qu'il faut quitter demain ?
Pourquoi l'amour décevant
De ces foyers que le vent
Va souffler en sauvant ?
Que deviennent vos travaux
Et vos champs, quand nos chevaux
Ont brouté les blés nouveaux ?
Et vos murs et vos pavés
Croyez-vous qu'ils soient sauvés
Quand nous serons arrivés ?
Votre patrie, elle est là
Dans ces maisons que voilà.
Nous les brûlons. Cherchez-la !
La nôtre, à nous les guerriers,
Prenez-la ! Vous ne pourriez.
Elle est dans nos étriers.
Devoirs et lois, disent-ils !
Ce sont des mots creux.
Que les Aryas subtils
Les gardent pour eux.
Le monde n'est qu'un champ clos
Où l'on va courant.
Le butin et les gros lots
Sont là à qui les prend.
Et c'est tant mieux. Quel ennui,
Vivre sans danger !
Moi, j'aime à manger
Celui qui peut me manger.
Pour charmer les chemins longs
Nous avons les chants d'amour,
Les guzlas, les violons,
Les hautbois et les tambours.
Contre les Aryas blancs
Nous avons les chants guerriers,
Contre ces lapins tremblants
Qui vivent dans des terriers.
Nous, les buveurs de grand air,
Nous vivons comme des loups,
Et le vent sur notre chair
Tord la pointe de ses clous.
Aussi nous les méprisons
Ces faiseurs de bons repas
Dont les toits sont des prisons
Où le soleil n'entre pas.
Qu'ils crèvent dans leurs clapiers !
Nous, allons droit devant nous.
Le sol tremble sous nos pieds
Et jamais sous nos genoux.
En marche ! en guerre ! Là-bas
Sont leurs fleurs, leurs fruits, leurs blés
Leurs femmes dans des cabas
Pour nous les ont rassemblées.
Sur les charbons, dans les fours,
Avec un art tout divin
Elles font de grands plats lourds
Qu'on digère à coups de vin.
En marche ! en guerre ! en avant !
Tous ces enfants d'un ciel bleu
Ont le cœur rempli de vent,
Ont des lois, des arts, un Dieu.
Nous n'avons, nous, gens sans arts,
Nous, le peuple mécréant,
D'autres lois que les hasards,
D'autre Dieu que le Néant.
Mais pour vaincre et nous venger
Nous avons ce qu'ils n'ont point :
L'âpre mépris du danger
Et le sabre au bout du poing.
Devant nous, les chevaucheurs,
Ils fuient quand nous les piquons,
Comme des pigeons nicheurs
Devant un vol de faucons.
Tous les biens qu'ils vont semant,
Quand nous auront combattu
Nous les mangerons gaîment
À bedaine que veux-tu.
Nous autres, les gens d'ailleurs,
Tue ! à mort ! à feu ! à sang !
Où donc sont-ils à présent,
Ces Aryas ?
Eux, leurs arts et leur progrès,
Qu'en restera-t-il après
Les Parias ?
Plus de lois, de droits, plus rien !
Plus de vrai, de beau, de bien,
Ces Aryas !
Par le fer et par le feu
Place au Néant, place au Dieu
Des Parias !