Cinq
poèmes de Don Quichotte[1]
Desiderata...
J'ai laissé la brosse aux brosseurs
Et le juge à ses assesseurs
Dame Censure à ses journaux
Et l'épouvantail aux moineaux
J'ai laissé ma carte de "Presse"
Et ma Révolte et ma détresse
Et ceux qui m'ont persécuté
Au nom de
J'ai laissé au mât le drapeau
Et la mise à prix de ma peau
Qui ne valait, si bien vendue,
Qu'une bonne balle perdue
J'ai laissé les faiseurs de lois
Dresser les bûchers et les bois,
Et du sang noir sur les pavés
Et le meurtre et ses dérivés
J'ai laissé un peu de mon rêve
Là bas, ailleurs, sur cette grève
Où
Et où le destin est joué
J'ai laissé les mots défendus
A tous les journaux suspendus
Qui n'ont pas su chanter l'éloge
Aux galons d'or et à la toge...
Censure
Vient saluer le catafalque
Les balles tuent à chaque borne
Et tout s'écrit sur papier calque
Glissez l'article entre les pages
Et signez les procès-verbaux
Pleurez, pleurez sur nos tombeaux !
Cachez-nous ces cartes de "Presse"
Que nos tyrans ne sauraient voir !
Nos voeux que la plume caresse
Sont prohibés par le Pouvoir
Ne feront jamais bon ménage!
Avant d'aller chez l'imprimeur
Signez "Censure" en bas de page !
Langue de bois, poigne de fer :
Il n'y a que le choix extrême !
Puisque rêver est un blasphème !
Poigne de fer, langue de bois :
Je ne dis pas ce que je vois
Si
Apprenez-moi le mot magique
Qui aide à tutoyer la Mort,
Et ces paroles sans musique
Qui bercent le Rêve qui dort !
Se croire libre est un blasphème
Décrire un rêve est provocant
Je dois cacher tout ce que j'aime
Dans le dernier tombeau vacant...
C'est blasphémer quand on la nomme !
O rois de l'imbécillité
Qu'avez-vous fait du fils de l'Homme ?
Criez, Plumes, Pinceaux, Burins !
Distillons l'encre dans les larmes
Et que rien n'entrave nos mains
01 février 2004
Dédié à Aung San Suu kyi
(leader Birmane emprisonnée)
Et tous les détenus d'opinion de par le monde.
Mon cœur ressent le poids du temps
Et le poids des maux d’ici-bas
Et c’est à peine si j’entends
Le son du pavé sous mes pas
J’ai laissé dans d’autres contrées
La famine plein les gamelles
Et dans les villes torturées
Ce qui restait de mes semelles
J’ai bien traîné mes pas partout
Fuyard, convict par contumace,
Et on m’a appris le dégoût
Et les mots qu’on crache à la face
Là-bas, la faim a les yeux mornes
Qui regardent le catafalque
Les balles tuent entre les bornes
Et tout se dit sur papier calque
Quel temps perdu pour les Artistes
Qui viennent chanter quand tout dort !
Ne nous cherchez pas sur les listes
Que vient de parapher
Nous sommes toujours là, vivants
A blanc, peut-être, mais quand même
Vivants jusqu’aux procès suivants :
Salut, Maître Chrysanthème !
Laissez le « lu et approuvé »
Au bas de vos procès-verbaux
Mon cadavre sur le pavé
Aura du plomb dans les boyaux !
Mesdames et messieurs,
Un jugement par contumace
Le condamné oublie son jour
Mais la balle a trouvé sa trace…
Et mi la do fa sol si ré,
Laissez passer les corbillards !
Ne cherchez pas qui a tiré
Pleurez sur vous mêmes, trouillards !
Janvier 2004
En attendant le printemps.
Que ne suis-je un oiseau ? Volant, virevoltant,
Loin au-delà des mers, au gré de tous les vents,
Découvrant une terre, aux nuances infinies,
Planète merveilleuse, aux confins de la nuit.
Des plaines d’Arkansas, aux plateaux du Tibet,
Des forêts du grand Nord, aux déserts d’Érythrée,
Des mers calmes et paisibles, aux océans furieux,
Ébloui de merveilles, aussi haut dans les cieux.
Je narguerais les hommes, volatile insolent,
Ces bipèdes rampants, ces lourdauds arrogants,
Occupés à tuer et à tout polluer,
Espèce dominante, mais si bêtes et si laids.
Que ne suis-je un oiseau ? Volant, virevoltant,
Bien au-delà des pleurs, des hommes et de leur rage,
M’abreuvant de la vie, m’enivrant dans les vents,
N’ayant pour tout désir, que ces beaux paysages.
Puisque tu sembles apprécier la poésie, bien cher mécréant,
en voici un autre, je persiste et je signe, je m'appelle Julot.
Bien à toi , frérot, je je salue bien bas.
Julot la fronde.